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  • L'autre monde

    Il semble parfois qu'un autre monde existe, juste à coté de nous, radicalement étranger, radicalement absurde, et qu'une partie de notre monde à nous, celui qui feint d'être normal, en fait partie et parle en son nom. Comment expliquer autrement ces silences, ces mensonges effrayants, ces assentiments silencieux au plus révoltant, au plus absurde, au plus évidemment nocif? 

    Bien évidemment, vieillissant témoin d'un changement d'époque, je suis progressivement mis hors course et hors du monde tout court moi même, et cette illusion est bien sur celle des ténèbres qui s'approchent et qui pour moins me terrifier me certifient sans cesse que cela ne vaut pas la peine de rester. Un grand classique, un quasi mécanisme physiologique, une loi de la nature compatissante. 

    Cependant les exemples s'accumulent, et alors qu'on pourrait croire désirable des réactions, ne serait ce que des réactions d'humeur, rien ne se passe, sinon une longue suite d'acquiescements silencieux, et par suite, la généralisation du sentiment que tout cela est normal. L'effrayante normalité de l'absurde. La cantatrice chauve, à force d'être jouée, a fini par obtenir ce qu'elle voulait et prévoyait, ce qu'elle enviait de la Roumanie des années quarante. Ionesco a vaincu, mort. 

    J'ai déjà joué ici de ces sentiments, et en me relisant me semble devoir et pouvoir ajouter quelque chose d'autre, à savoir de tenter de décrire et peut être d'expliquer ce qui se passe et qui pourrait justifier ce qui me semble si étonnant et si incompréhensible. 

    Il s'agirait de mettre en lumière les mécanismes, des tropes d'imagination, qui répandus autrefois chez les élites, et descendu goutte à goutte depuis chez tout le monde, font qu'un vocabulaire, qu'une ambiance dont les fondamentaux, les raisons et le contexte ont disparu depuis longtemps restent présents. Une civilisation en quelque sorte, au sens traditionnel du terme: la sédimentation d'imaginaires de long terme. 

    Cette théorie toute médiatique du sentiment commun, à l'opposé de toutes les théories de la domination et du complot en général (on va en reparler) me semble avoir un pouvoir explicatif. Je me situerais ainsi parmi les écologistes des idées, croyant en la permanence des complexes idéels, ceux qui se maintiennent présent à l'esprit des gens, et qui finissent par être acceptés et oubliés de tous, sans conditions particulières. On ne voit pas l'air du temps, pourtant public: on le respire. 

    Pas d'inconscient ici: ce qui n'est pas perçu n'est pas souterrain, ou hors du langage: il est simplement forclos, et délibérément rejeté du conscient capable de le manipuler. Mieux: c'est parce qu'on le connait et qu'on le reconnait qu'on le rejette mieux et le plus vite. Il est l'évidence, le déjà là, celui dont qu'on ne discute pas et dont on ne parle pas. 

    Le renouvellement des générations est pour beaucoup dans cette sédimentation, en permanence consolidée par un mécanisme (là encore, on est dans la contre réaction matérielle des objets qui se frottent les uns contre les autres) fondamental qui est le renforcement aujourd'hui de ce qu'on a pas refusé dans le passé. Le refus d'avoir tort rétrospectivement est une force considérable qui n'est brisée qu'accidentellement et de manière toujours étrange. 

    Les 3 exemples du nazisme et des deux communismes sont frappants.

    Jusqu'au bout capables de la violence la plus extrême les allemands de 1945 se transformèrent en moutons instantanément, comme par magie. Leurs femmes, qui avaient encouragé avec vigueur et sans nuances les plus extrêmes virilités se firent alors violer en silence sans rien dire. Comment expliquer la vigueur de leurs combats cinq minutes avant la mort de Hitler ? Ce mystère historique n'a pour explication que le refus collectif de décider de changer après qu'on l'ait déjà refusé. Cela durait depuis des années, et la folie de la chose, évidente, ne pouvait pas être arrêtée alors qu'on savait... Comment se donner tort? 

    Le communisme russe s'effondra de la même manière, lui aussi sans violences, après coup. Il avait duré au delà du possible, le mécanisme conservateur ayant été distendu jusqu'à la rupture simple et silencieuse du dernier fil qui tenait la barque attachée... Un soulagement final, dont l'absurde évidence avait pour équivalent le soin que l'on avait eu à faire semblant si longtemps. La figure de Gorbatchev est de ce point de vue frappante: ses pitoyables tentative de rationaliser son action après coup n'attirent que des sourires peinés. Un guignol, littéralement. 

    Le communisme chinois est toujours actif, et pour cette raison là. Bien sur encore nécessaire pour maintenir la richesse et la puissance de la plus grande aristocratie du monde, la horde mongole qui écrasa tout en 1949, la tyrannie se maintient malgré toutes les évidences, toutes les réalités et toutes les contradictions. Le mensonge est toujours là, toujours révéré, toujours à rebours de la réalité (qui n'a pas plus de rapport avec la révolution idéale sous sa forme collectiviste que sous sa forme capitaliste débridée (oups pardon)). En voyage avec leur argent, les sujets de l'empereur de la dynastie la plus meurtrière de l'histoire de l'humanité se marient en blanc devant Notre Dame, sans jamais songer à l'effrayant et vomitoire mépris qu'on voue à leur être, à leur passé et à leur présent. C'est dit. 

    Dans les trois, cas on a eu la continuation des effets catastrophiques d'évènements bien plus anciens, dont les aspects médiatiques ont disparu dans d'autres sortes de forclusions, celles qui se produisent (tout aussi mécaniquement) quand les porteurs humains de ces sentiments là meurent, sachant qu'on peut mourir de diverses manières, les morts violentes empêchant toute espèce de transmission et le rôle des révolutions est de nettoyer les terrains à bâtir, en particulier les vider les esprits, on ne dira jamais assez. Car c'est bien le but des propagandes que d'occuper les cerveaux. Après, on s'habitue: ce qui hante les crânes du peuple n'est bien souvent que le souvenir d'un vieux discours sur un vieux souvenir. Qu'est ce qui pourrait bien faire penser aux jeunes chinois que certains de leurs lointains cousins, il y a cinquante ans, se dévoraient entre eux pour survivre?

    Les trois grandes catastrophes du XXème siècle auraient elles détruit le monde? Avant de s'en prendre aux russes ou aux chinois, considérons les européens. Il furent les inventeurs de tout, et les acteurs de tout et aujourd'hui sombrent dans un délire naïf qui nous ridiculise au delà de tout. Qu'on me comprenne bien: l'Europe a déjà connu cela dans l'autre sens, quand sa folie sur-puissante l'amena directement à la pire des catastrophes il y a cent ans. Un absurde et ruineux conflit, bien sur causé par la forfanterie Allemande et son propre sentiment de supériorité. Simplement, et ce fut là le drame, elle alla bien trop loin dans l'entretien irrépressible de son sentiment irréel de solitude. Cent ans (tout le XIXème siècle) à avoir eu raison sur tout et à avoir sorti du néant de l'histoire la première puissance du monde que des vaincus et des commerçants voulaient contester ! Il fallut deux guerres mondiales pour terminer cette habitude là.

    Si ma théorie est vraie, le sentiment que je veux décrire est très puissant: la conviction des peuples est une chose très forte, et qui ne se manipule pas comme cela, sinon dans son sens...

    On pourrait parler de la France, voire de la Grande Bretagne et c'est un peu la même histoire, celle de l'Europe justement. Un temps dressée contre la Russie, pour cela il fallut tout le coca cola et tous les bas nylons américain pour nous convaincre de ne pas verser, nous avons changé d'emprise sur le monde et avons cessé de vouloir quoique ce soit. Pire: nous avons réfléchi et passé les soixante dix dernières années à ressasser notre fin, et à donner raison à nos pire ennemis, à les envier et à les révérer. La question du marxisme des années soixante et d'après est évidemment centrale ici. On fête demain Mai 68... 

    Comment un tel oubli, après un tel abaissement fut-il possible? En une génération, toutes les hontes étaient bues, et on repartait dans les même errements, les mêmes stupidités, à se désoler de se reproduire, d'ailleurs cela pourrait cesser, les allemands et les italiens, par honte sans doute, ont largement commencé, et la France suit derrière. Le regard brulant de Badiou le montre bien: on veut, on attend la révolution... Elle aura lieu 13 ans plus tard:

     


                                             

     

    L'entretien entre le jeune Alain Badiou et le vieux (il mourra en 1968, mais en Octobre) Jean Hyppolite est bien sur passionnant: la science est  inférieure à la philosophie, la nature de l'être rend possible l'opposition entre les philosophies, il faut s'interroger sur les sources de la pensée. On se finit par un éloge de Platon, mais l'essentiel est donné au jeune salopard qui continue avec une faconde magnifique certes, de nous casser les couilles avec son pol pot cinquante ans après. Mon amour haine envers Badiou est extrême, il est pour moi à la fois De Gaulle et Mao et un être infiniment plus riche et plus intelligent que moi, en tout cas, lui aussi un acteur extraordinaire, mais passionné de déconnade, il ne fit que cela, et il y a encore des gens pour prendre au sérieux le Cyril Hanouna de la philosophie. 

    Au passage, on se prend à penser que la jeunesse du vieux maitre, toute entière tournée vers un être dont on a vu ce qu'il faisait, reste marquée par la fin des religions et par la volonté de lui substituer une science négatrice dialectiquement du principe de contradiction. Badiou vibrant en est le réceptacle, les 3 instants de l'histoire dont je parle sont un beau moment de philosophie.

    Il faut demander à Badiou au sujet d'Hyppolite: 


                                           

     

    On peut donc voir là dedans à la fois toute la superficialité et toute l'humanité déconnante de ces gens là. Eternellement jeune, le vieux badiou (il a 81 ans) continue à faire l'andouille.

    Et Hyppolite fut ainsi donc un traducteur de Hegel dont le texte Français était supérieur au texte Allemand ! (Cette légende, à proprement parler ahurissante, fait penser que les thuriféraires devaient être partie prenante du maoïsme, suivez mon regard, on ne déconne vraiment bien que dans la cour de la rue d'Ulm.

    Et puis il y avait Althusser, bref, toute la folie communiste du monde, en pleine guerre froide. On a construit sous le Gaullisme qu'on chercha (et réussit) à abattre, l'élection de Mitterand, puis la situation actuelle. Qu'en reste-t-il ? 

    Et bien le soutien aux migrants. Nous y sommes et je ne peux m'empêcher d'asséner la chose: c'est le point commun de toutes les trajectoires issues de ces années là. Comme si ne restait de 68 qu'un petit retour de flamme pour les enfants de ceux qui 28 ans plus tôt fuyaient Paris avec leur matelas avant de se donner à Pétain. 

    Une "marche de la solidarité" entre vintimille et calais est organisée par des associations: quoi de plus ignoble que l'invasion symbolisée par des complices des trafiquants d'esclaves. Combien d'occasions manquées aurons nous de buter ces misérables ? 

    Bien sur le même réflexe se manifeste en Allemagne: quinze millions d'Allemands furent transplantés à travers l'Europe, mais en 45. Les italiens n'ont pas d'excuses: à ce sujet j'ignore complètement les raisons de leur folie. Ah si! Le vatican et ce qui reste de christianisme dans ce pays dont la partie sud, gérée par la Mafia, doit avoir quelque chose à expier sans doute. De vieux souvenirs enfouis, mais surtout, le refus de ce qui a suivi et de ce qui avait précédé, et qui avait consacré leur honte: la parole nationale, la défense de soi, raisonnable ou hystérique, mais confondue. Le nationalisme c'est la guerre, a dit Macron. 

    Car il y a un autre mécanisme. On peut avoir fait semblant d'oublier les vieux souvenirs. Ils reviennent au galop et avec une frénésie qu'une génération de silence de mort n'avait pas atténué. Tous les souvenirs. On commence par 45 et les réfugiés, mais le cran d'après (je veux dire "d'avant") est déjà là: la peur de disparaitre, et la haine de la faiblesse et de la démagogie des politiques. S'installe durablement donc toute la gamme de toutes les déplorations y compris la mienne, toute rageuse de l'absence définitive de toute parole de bon sens dans un monde livré à l'absurde. Il ne restera plus que la solution finale à tout cela. 

    Un mot au sujet de celle qui consiste à fronder contre l'ignoble cruauté du gouvernement actuel, qui en gros ne fait strictement rien sinon bouger au hasard quelques curseurs administratifs: elle fait bien sur partie de l'absurde et le consacre davantage. Déplorable mais élément de la confusion qui emporte la conviction de quelques mauvaises consciences: le juste milieu serait en place, et cela stabilise. 

    Une partie de l'Europe s'enfonce dans un délire chrétien soutenu par le Vatican, s'excuse de tous les racismes, y compris au Royaume Uni dont la gauche (maintenant la plus chtarbée du monde occidental) atteint des sommets de folie bien pensante avec Sadiq Khan, maire de Londres en pointe. Des fractures irrémédiables et terminales se creusent et les juifs commencent à partir, comme de partout où les musulmans ont droit de cité exagérément. Quand ils ne l'ont pas, ils se pressent contre les grillages et il n'y a qu'à la frontière de Gaza qu'on peut se défouler. 

    Tout peut être dit de la sorte de désespoir qui s'empare peu à peu de l'occident: délaissé par le libéralisme, revenu du communisme, il ne nous reste plus qu'à disparaitre, ça tombe bien on en a envie et cela vient de toutes parts, la nature a horreur du vide. 

    Privés des points de vue puissants et cyniques qui finalement on réussi à vaincre le nazisme et faire bonne figure contre bien pire, nous sommes maintenant livrés aux vagues. Aucun point de vue explicatif ou même volontaire  ne nous aidera, nous avons pensé leur disparition, et élevé et nourri des jeunes turcs persuadé de la nécessaire destruction de tout, seul discours public à tenir si on veut péchaud à notre époque. Note époque? Vous voulez dire mai 68?

    Pourquoi 68? Parce qu'il fut un irréel, un absurde, lui même. Sous prétexte de crever le plafond parce qu'on s'ennuie, on réussit dans la fête à ruiner le rationnel. Ca tombe bien nos bon maitres avaient tenté, croyant juguler le pire, de penser un moyen terme. Hegel, Marx, que du beau monde, mais on pensait en fait à Platon, toujours d'actualité soit disant. Il pensait la fin de la cité grecque.

    Il ne croyait pas si bien penser, et c'est sans doute ce que rêvassaient des hommes vieillissants échappés des années trente opposés, c'est le mécanisme que j'évoque, à tout ce qui pourrait contredire ce à quoi ils avaient, et oui, cru et participé: la disparition de l'occident deux fois, devant les nazis et devant les communistes en fait les deux. Hantés par la fin du monde qu'ils avaient d'abord fantasmé, puis vécu, ils ne leur restait après la restauration qu'un sentiment vaguement déçu, et la déception d'être encore vivant. Et puis, cette haine des juifs, responsables de tout, et qu'on doit taire, pour l'instant. 

    Quand arrive la seconde vague, les africains décomplexés, pleins d'une naïve et spontanée dénonciation de tout ce qu'on rêve secrètement de combattre depuis toujours: le capitalisme, l'amérique et bien sur les juifs, et bien on se croit regénéré ! Mettez sur ça l'universalisme chrétien qui c'est sur va s'emparer des âmes de ceux qu'on sauve et qui trouveront bien un moyen de nous remercier, en nous épargnant sans doute, nous y sommes. La naïveté de bon aloi est professée par tout le monde: l'occident est assez riche pour accueillir quelques milliers de gens courageux qui se noient.  Mieux, une ex ministre de la république nous fait honte de ne pas être tout à fait unanimes à proclamer la nécessité des migrations bénéfiques ! 

    A ce propos la fureur qui s'empare de moi à la vision de la grosse guyanaise sentencieuse amatrice de radeaux pneumatiques rempli par les esclavagistes, les vrais,  n'a pas de bornes. Un autre monde, un océan nous sépare: une haine se construit, et se traduira dans les faits, il me faudrait (un peu) de sang pour me calmer. 

    Et d'ailleurs au sujet des juifs, imaginez la haine légitime qu'on peut et doit leur vouer: ils tirent à balles réelles sur des envahisseurs qui veulent violer leur frontières et en tuent dix par jour: inventeur du concept de nation, les derniers représentants du monde occidental font ce que nous devrions faire. Le sang des provocateurs surnuméraires fanatisés envoyés par leur mères justifier des allocations supplémentaires de la part des organismes internationaux suscite pourtant un mépris légitime, accentué par le fait que je ne vois dans leur hystérie haineuse que celle de notre ex ministre: la même haine totale à laquelle ne convient que la violence. Il lui en faut: qu'on l'extirpe de sa retraite et qu'on lui fasse bouffer un gilet de sauvetage. 

    Comment parler et argumenter dans un monde où s'installent de tels clivages ? 

    D'abord il faut revenir aux fondamentaux: les contempteurs du capitalisme de Mai 68 étaient DEJA dans un autre monde, que la déconnade juvénile gentille dont il nous distrayaient, une fois découvert qu'il n'étaient que de cyniques arrivistes bourgeois nous rendait indulgent. Une fois accepté le fait que le discours public intellectuel de toute l'époque est non pas mensonger mais déconnant et niais ( on célèbre par exemple Blanchot, littérateur de la fracture du ciel après avoir vaguement cassé du juif à la grande époque, mais ce n'était pas grave), on se prépare à l'organisation de la destruction finale: augmentons les impôts pour nourrir ceux qu'on va chercher en Afrique ! 

    Mécaniquement, une réaction devra avoir lieu, et l'autre monde se divisera à nouveau en deux: comment imaginer que des contemporains férus d'histoire se trouvent ramenés à imaginer à nouveau des moyens d'extermination de masse, et à passer à tabac des vieilles guyanaises pour l'exemple ? Et bien on l'imagine: un autre monde est encore possible. 

  • Les atomes

    Un très grand physicien, prof de philo en 1902, Einstein et Proust officiaient, créatifs en diable à l'époque, est Ludwig Boltzmann. Il introduisit le loup dans la bergerie, euh les probabilités dans la physique. 

    Il expliqua surtout l'irréversibilité et donc d'une certaine manière, la vraie nature du temps. Rien que ça... 

    Bon en gros, Bach avait sa Hauptsatz, Boltzmann eut sa  Stoßzahlansatz ou hypothèse sur le nombre de collisions, qui permet de supposer que après une collision, les deux particules ne sont pas plus corrélées qu'avant et que DONC, on peut faire le calcul qui...

    Les polémiques

    Cette supposition fut à l'origine d'une polémique qui marqua l'époque, puisque c'est précisément cette chose là qui rend les équations symétriques de la mécanique déraisonnables, car c'est là qu'est le paradoxe de la réversibilité, ou paradoxe de Loschmidt: comment exprimer une irréversibilité à partir de lois réversibles ? 

    Boltzmann, qui explique par là même l'irréversibilité macroscopique par un raisonnement mécaniste microscopique et c'est là son génie et sa contribution, formule l'hypothèse comme une hypothèse statistique, c'est à dire à proprement parler dans le monde de son modèle mathématique. Et bien il fut démontré plus tard, seulement plus tard, que cette hypothèse est valide: le libre parcours moyen est très supérieur aux écarts entre molécules et oui, après un choc, la corrélation s'évanouit: DONC, l'irréversible se produit bien. Cela fut démontré rigoureusement en 1973, par Lanford. 

    La nature des polémiques, qui avaient vocation à refuser le paradoxe, utilisèrent (1) le fameux principe de récurrence, marque de l'éternel retour (comme on se retrouve...) démontré par le très Nietzschéen Poincaré et mis en avant par le très vicelard Zermelo. Hélas, dans l'éternel retour toutes les infinités du temps ressemblent à un concept exclusivement destinés aux surhommes, voire aux dieux, et Boltzmann réussit à réfuter la chose en calculant cette infinité, et à la prouver assez grande pour être négligeable. Une variante de cette récurrence est obtenue avec deux chiens et leurs puces sautant au hasard pouvant un jour se situer toute sur le même chien (l'autre n'ayant qu'à partir très loin à toute vitesse). Là encore, l'irréversible domine par sa fréquence... 

    Il n'y eut pas que cela: l'époque refusait les atomes, qu'on ne voyait pas, et qui donc ne pouvaient rien expliquer. Du super réalisme naïf en quelque sorte. Boltzmann lui même ne croyait pas vraiment aux atomes: il développa une philosophie d'un "comme si" mathématique à qui il attribua le pouvoir d'expliquer. Il est un atomiste intellectuel et son anticipation de la "discrétisation" du monde, prémonitoire (il meurt une seconde avant sa victoire) allait jusqu'à, ses étudiants le disaient, utiliser des Sigma jusqu'au bout de ses démonstrations, l'intégrale n'étant que terminale. 

    De fait la définition même de la science et de ses facultés fut mise en question à cette époque. En gros Mach et consort voulaient "décrire" tandis que Boltzmann voulait "expliquer". Hertz, Helmholtz étaient du coté de Boltzmann.

    Les énergétistes avaient une conception de la science comme exclusivement descriptive: pas d'hypothèses disaient ils, et il n'y avait qu'une "hypothèse" atomiste. Au tournant du siècle, tout cela explose.

    Il s'agissait donc pour Boltzmann de déterminer une "image" du monde, cohérente, conforme aux lois de la pensée qui favorisent les explications mécanistes. Alors qu'il semble bien que cet atomisme explicatif soit bien philosophique, et non pas réaliste, mais par contre, il n'est pas "a priori"(à la Kant), mais construit, extrait du monde observé. 

    De ce point de vue, Boltzmann est un évolutionniste: les méthodes de pensées (le mécanisme par exemple) peuvent évoluer. Il anticipa ainsi Popper... 

    Boltzmann se suicida en 1906, alors que Jean Perrin démontra en 1908 le mouvement brownien, donc les atomes... Einstein en avait fait la théorie en 1905.

    Sur la tombe de Boltzmann, il y a "log" (au lieu de "ln").

    K est la constante de Boltzmann, une constante de la nature. 1.4 10^-23 (J K-1).  

    Physique

    Perrin mesura par la même occasion le nombre d'Avogadro, qui est il faut le dire: 6 10^23  nombre d'atomes de carbone dans 12 grammes de Carbone 12. Comme une mole c'est précisément 12 grammes de Carbone 12, nous y sommes: un nombre d'atomes par mole. L'omniprésence du nombre 12 est significatif, non je rigole.

    On se moquera jusqu'au bout de Mach qui restera jusqu'au bout un adversaire de la relativité et plus généralement de l'atomisme.

    On abordera alors le fond de ma fascination pour tout cela, sachant que je ne me lasse pas de contempler l'aller retour jouissif entre modèle et réel, sachant que c'est ici PARCEQUE le réel est comme ça (oublieux du choc) qu'il est comme ça (irréversible). Le tout étant contenu dans le mathématique, l'oubli du choc étant précisément ce qui conduit mathématiquement à l'irréversible macroscopique. 

    Continuons avec la décohérence, on la modélise de manière microscopique, exactement de la même manière finalement: des chocs successifs font changer la fonction d'onde, et on démontre qu'elle se diagonalise progressivement, arrivant assez vite à la décomposition dite réduite sur les vecteurs de l'observable... La fameuse réduction du paquet d'onde ne fait donc absolument pas intervenir ni l'observateur ni Dieu ni l'un en l'absence de l'autre: c'est un phénomène naturel et permanent. 

    Mais je continue toutefois à me poser la question de l'"observable" : pourquoi celle là et pas une autre ? (hein?...)

     Continuons avec Boltzmann: sa démonstration (il prouve que la fameuse entropie est issue d'un logarithme du nombre de combinaisons possibles d'un système) sera utilisée par Planck pour aboutir à E = H nu, avec nu la fréquence. 

    Au passage, kT avec T la température (tout ça est à température constante) est une énergie, et traduit les fluctuations moyennes autour de l'équilibre. 

     Bref, l'interprétation microscopique, qui décrit si bien la réalité a toujours de la pertinence: le hasard a une granularité. En plus, le granule à la taille de Planck et en plus le temps n'existe pas. Il n'est que ce qu'en avait trouvé Boltzmann: un oubli. 

     

    (1) http://www.cnrs.fr/publications/imagesdelaphysique/couv-PDF/IdP2007/03_Barberousse.pdf

    (2) https://www.college-de-france.fr/media/jacques-bouveresse/UPL54490_bouveresse9900.pdf

    (3) http://www.cnrs.fr/publications/imagesdelaphysique/couv-PDF/IdP2006/13_Constante_de_Boltmann.pdf

  • La République des deux Nations

    Mal connue, la première république d'Europe, et ancêtre d'après certains, de l'Union Européenne, fut établie par le traité de Lublin en 1569, et Henri III en fut le roi-président 4 mois (Rex regnat et non gubernat ) en 1574.

    D'abord un peu de géographie: 

    Au nord l'Estonie (est-nord, je m'en rappelle comme ça), (capitale actuelle Tallin). Des finno ougriens, barbares et en permanence dans leur sauna. Ils sont en pointe en Informatique et leur système X Road de gestion des identités font que l'intelligence artificielle leur font payer leurs impôts sans qu'ils s'en rendent compte. 

    Au sud la Lithuanie (qui a maintenant perdu son "h"). Son grand duché s'allia avec la Pologne pour faire ce dont on parle. 

    Au milieu la Courlande et la Livonie plus ce qui constitue l'Estonie actuelle, capitale Riga sur le golfe du même nom. L'Estonie aurait perdu un quart de sa population sous nos yeux entre 80 et 2010... 

    Elle fut le lieu de la guerre des Frei Korps allemands en 1919 contre les bolcheviques, mais aussi une forme de tentative de colonisation germanique pirate: la ruée vers l'Est. Finalement vaincus, ils firent de bon nazis... 

    Le Lac Peipus est un lac immense à l'est du golfe, qui gelé, supporta la défaite des chevaliers teutoniques (les batisseurs de Königsberg, catholique) contre Alexandre Nevski, orthodoxe (et ses alliés mongols) en 1242. 

    Les chevaliers Teutoniques dominèrent la région longtemps, et fondèrent Marienbourg (rien à voir avec Marienbad) en Poméranie (la Pomérélie avec Dantzig est encore plus à l'ouest). On ne se lasse pas des noms de ces chevaliers, (Ordo Domus Sanctæ Mariæ Teutonicorum, Deutscher Ritterorden), tous allemands. 

    L'alliance polonaise dominait vers 1640 la Biélorussie et l'Ukraine et disparut complètement en 1795, la Russie s'étant construite contre elle...

    Elle fut en pointe dans la lutte contre l'Ottoman et Jean Sobieski Roi de Pologne et Grand Duc de Lithuanie charge avec ses hussards à la bataille de Kahlenberg en 1683, date qui marque l'éviction d'Europe des turcs. 

     

    Qu'y a-t-il de plus dramatique que l'histoire nationale de cette partie de l'Europe ? Là est le centre des pires violences de toute l'histoire. 

    P.S.  Il y a mieux: tout cela c'est la Pologne, la nation malheureuse par excellence, celle qui accueillit le mieux les juifs du temps de sa splendeur, celle qui se fit dépecer dix fois et toujours par les mêmes: autriche, allemagne, russie, tous se liguèrent ou non pour dévorer et morceler, décaler vers l'ouest ou imposer des corridors, et tout cela au nom d'autres nations, jugées plus importantes. L'anti nation, Zemmour la dit "soeur malheureuse de la France" et c'est sans doute bien vu. 

    Le dépeçage de 1772 fut d'abord celui entre Frédéric II, Marie Thérèse et Catherine et tout se termina ensuite en pleine révolution française, en 1793 et 1795 par la disparition complète de ce qui à défaut d'avoir deux nations n'en eu plus aucune. Les nouvelles allant vite, inutile de dire que ce malheur national là stimula le nôtre et au combien. L'impitoyable appétit des puissances centrales nous fit peur et nous le combattime vingt ans, avec quelques succès il faut le dire. 

    Fréderic mourut en 86, Marie Thérèse en 80 et Catherine en 96.

  • Le mâle alpha

    ... un clébard efféminé léchait le cul d'un gorille... 

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  • Ecouter Bach

    Bon, il faut en parler et on en aura jamais fini, Bach s'écoute et tous les sujets de l'esthétique pourront être abordés à l'occasion, cela n'a pas de fin. 

    Branche particulière, l'esthétique se charge du beau, de sa possible définition et des différences entre les domaines. On dira tout de suite que l'art suprême, la musique, doit être considéré prédominant: on ne me fera jamais croire qu'on puisse se satisfaire d'un coup d'oeil vers 3 taches sur un mur. Il n'y a que la durée et la consommation symbolique ne peut se situer que dans un temps imposé, marqué par auteur et interprète. Bref, il y a sans doute d'autres arguments, mais le sujet est le plus grand musicien de tous les temps, l'inventeur d'icelle, difficile de dire mieux, passons.

    D'abord une définition théorique de la beauté telle que produite par l'homme, hors bien sur des idées et photos de coucher de soleil ou de vols d'oies migratrices. Il y a des rapports de formes juxtaposées ou successifs et ce sont ces relations là qu'on peut qualifier. On apprécie des choses différentes en rapport. Tout est là.

    Parmi ces choses différentes, il y a bien sur l'auteur et l'écoutant (comme on dit en pédagogie, pour désigner l'auditeur distrait qui pense à autre chose) et le rapport joue, il est celui que pilote l'auteur ou l'interprète en le regardant du coin de l'oeil. Il y a bien sur les besoins fantasmes ou obsessions de l'écoutant et cela d'autant plus qu'il est temporellement éloigné, et pas de 3 mesures, mais bien de 3 siècles... 

    Bach et la technique

    D'abord, un musicien n'est pas un prêtre, mais un comparse du prêtre, sans droits et sans classe à une époque où il n'y en a que trois. Le musicien bien sur distinct du populo n'est pas un vilain mais pas non plus un héros. Il est ce qui n'existe qu'à peine à l'époque, un technicien. Mieux, un ingénieur au plein sens du terme. Au XVII ème siècle, la musique reste une technique majeure, sans doute la plus complexe de toutes et un orgue est la machine la plus complexe qu'on puisse voir. On ne peut objectivement lui comparer qu'un bateau à voile ou une galère, et encore. Le domaine le plus formalisé, le plus mathématique de toute l'activité humaine est bien la musique et toute l'intelligence toute l'habileté y est concentrée. Le pic de la concentration est bien l'année 1685, celle de la naissance de Handel, Bach et Scarlatti. Cette année là ne cède qu'à 1678 (naissance de Vivaldi) et à 1683 (naissance de Rameau, de Heinichen et de Graupner). Que diable ces années là devaient elles avoir pour satisfaire autant mes gouts? 

    Nous sommes à l'époque de l'éveil caractérisé de la modernité effective, celle qui fit exploser la puissance de l'occident. En 1683 fut définitivement expulsée l'invasion ottomane d'Europe continentale et les lumières pouvaient commencer. La grande période baroque peut alors se terminer et tout est en place pour que s'achève, au sens d'un accomplissement, la première période de l'histoire de l'humanité. (tatatata, va y avoir de la musique pour fêter ça).  

    Bach et la religion

    Le débat est bien sur pendant, et doit être tranché. Débat incontournable et pas si facile, car dire que Bach n'a aucun rapport avec le religieux n'est pas soutenable. Dire qu'il instrumente le religieux pour mieux décorer sa musique tout autant, mais tentant: nul sentiment religieux antérieur ou postérieur ne peut être comparé à ce déferlement d'affects organisés en graphes noués de toutes les manières possibles. Si Bach est religieux, alors on se demande quel est le rôle exact de Jésus Christ ou de Dieu lui même, complètement eclipsés et mis minables pour cause d'insuffisance expressive et de silence permanent trop marqué... 

    Non, on doit élaborer un point de vue plus compliqué. D'abord les faits. Né dans une famille de musiciens dans une société qui consomme la musique comme nulle part en occident, et surtout dans une ambiance religieuse, le luthérianisme, qui n'en finit pas de vivre sa grande révolution, la réforme, dont un caractère essentiel est la refondation de la religiosité sur l'expression collective harmonisée. C'est bien sur la fin de la grande tempête qui détruisit l'Europe centrale et la vaccina pour 3 siècles (mais pas plus) contre les grands massacres.

    Aux chants collectifs enthousiasmants on substitue progressivement un art plus délicat que l'on emprunte sans vergogne (les voyages ont commencé) à toute l'Europe. Cela s'appelle le baroque, cela fut inventé pour lutter contre le protestantisme et cela plait en fait à tout le monde. Pourtant, on est fier de son monde propre: les allemands (du moins quelque uns d'entre eux) l'interprètent sérieusement et en font CA.

    A l'écart, au moins en principe, du vrai opéra dégénéré à l'italienne qui ravage le sud et le nord de l'Europe, on maitrise, en grand technicien de l'art suprême, la totalité du métier. Mieux, on fait mieux, beaucoup mieux. Bien plus sérieux, bien plus profond, bien plus génial. 

    Le sérieux est donc un caractère hérité: la religiosité du petit Bach n'est pas frivole, mais d'abord empreinte de la simultanéité d'un ensemble (et en musique c'est important, la simultanéité) de choses. Orphelin de père et de mère, il chante, enfant, à leurs enterrements respectifs et hyper doué membre fier d'une famille de musiciens qui le prend en charge en ayant détecté immédiatement (qu'est ce qu'il a le petit, à se souvenir aussi bien de tous ces airs?) ses incroyables dons, il va développer immédiatement une ambition monstrueuse, à la hauteur de ce qu'il nous a laissé. 

    On est très loin de la conversion neu neu au petit jésus: les musiciens du temple, au temps du roi David font marcher le monde et il y a bien plus, au temps de la technique débutante, que la simple populace disant amen qui fait se lever le soleil: la musique, moteur du culte, expression même de sa nécessité, mais technicisée: moyen de l'édification, elle est bien sur pour ses concepteurs une chose, un savoir, mais directement extrait d'une nature abstraite à laquelle on participe, dont on est un instrument. C'est l'humilité du musicien, cette invraisemblable et toujours surprenante humilité (je parle en non musicien) qui fait la fierté de n'être que l'instrument du message, du son, de la musique, et donc en même temps le messager muet (la musique parlant d'elle même) de ce que précisément, on veut dire... 

    Hors du langage, mais langage lui même, hors de la motivation consciente exprimée, mais souci et discours assumé, en second plan mais au nom du plaisir infini des esprits qui se savent supérieurs, le musical fait marcher le monde sans le dire. C'est lui le religieux. Le reste est subordonné, et donc, ce qu'on appelle le religieux, lui même. Ainsi donc, tout le religieux symbolique, les textes, rites et croyances, significations et théologies seraient subordonnées au culte rythmiquement organisé musicalement ? 

    Cela ne veut pas dire que Bach n'avait pas la foi, ou même une foi spéciale. Spéciale bien sur, mais au sens où un pareil génie devait bien avoir des manifestations cervicales et spirituelles particulières dans bien des domaines qu'on ne peut pas approcher. On veut dire qu'il croyait en Dieu, bien sur, et très sérieusement, mais à sa manière, et sa musique est l'invraisemblable et surhumaine façon qu'il avait de l'exprimer. Le vieux boche avait simplement une nature généreuse et a en tant qu'humain, musicalisé ses sentiments intérieurs. Pour notre plus grand plaisir...

    La thèse est dangereuse: la musique de Bach serait donc la foi de Bach et par conséquent en serait issue. Un projet divin en quelque sorte, l'ultime tentative du Dieu luthérien d'interdire les indulgences, ou bien l'arrêt définitif de la conquête musulmane, ou mieux, l'inscription définitive en lettres sonores de la trinité dans l'histoire humaine. Un projet divin et Bach n'est qu'un second Jésus. Au pire, le "cinquième évangéliste" comme dirait le bigot moyen. Tu parles. 

    Reprenons depuis le début. Persuadé de la vérité du christianisme et porteur d'une foi puissante enracinée, celle du charbonnier supérieurement intelligent convaincu et au delà par ce qui est loin d'être bête, au centre d'une civilisation supérieure et héritier de toutes les techniques également supérieures, il les parfait une fois pour toutes en codifiant une fois pour toute le tempérament égal avec les meilleures raisons.  Absolument sur de lui, il s'avance vers le grand projet, l'alliance du beau et du bien. L'art suprême vous dis-je et la foi chrétienne accomplie, vérité suprême en fait partie, je dirais bien évidemment. Le sublime ne se limite pas aux petits émois, et ceux là sont particulièrement gratinés. Du courage pour assumer ça? Il en faut, il l'a. Ca donne ça. 

     Ecouter ça

    Se pose alors la question de l'attitude à avoir en écoutant "ça". Tout d'abord, il ne faut pas se laisser intimider: la musique de Bach ne "prie" pas: rien à voir avec l'abandon pieux à une relation incestueuse piétiste ou même rationnelle avec une vérité religieuse ou avec une présence mystérieuse. Bien au contraire, on est en présence d'un humain en proie à la véritable émotion religieuse, la seule qui compte, la vraie: une relation profonde avec un sens évident et indiscutable, et cela d'autant plus qu'il n'est pas "réel". Cet humain là est représenté par la musique et se met en scène. C'est lui qui est réel et dont il faut admettre la sincérité. Sont ainsi représentés l'âme, mais aussi le sentiment extérieur, la fille de Sion, le pêcheur, bref tous les acteurs des drames liés à cet affect là. Le christ n'est pas le personnage le plus bavard des passions, mais bien l'évangéliste, celui qui prêche, qui guide et qui fait raisonner l'"histoire", ce qui doit régler l'injonction: vous rendez vous compte que ... ? 

    Et bien ces sentiments sont en fait hors de la religion proprement dit, tout en n'étant exprimable que par ses lettres et ses thèmes, qui finissent donc par se faire submerger par la musique: que dit elle, elle ? De décorative, elle devient première parce que géniale, et n'exprime sa complexité et son incomparable richesse que hors du langage, comme il se doit: c'est cela qu'il faut écouter, et entendre. 

    L'émotion que cela génère et la désespérante envie d'être comme lui fait la puissance du sentiment éprouvé. Etre comme lui? Etre capable d'exprimer cela? Emporté par la musique, les interprètes de ce genre de chose ne le font pas: ils ne sont, et ne se vivent que comme des participants à une expression collective dans laquelle ils ne jouent qu'un rôle partiel. Alors, les auditeurs doivent jouer leur partie est écouter le résultat, ils sont là pour ça, car c'est bien pour eux qu'on joue. 

    Ecoutons donc

    Bach c'est immense. Généraliser est difficile mais il y a des similarités entre ses musiques. Il faut bien sur séparer les oeuvres instrumentales, celles pour clavier, pour orgue, les cantates et les passions. On mettra la messe en si à part. 

     

    Soli Deo Gloria

    On aura lu (1) décrivant un Bach créateur au nom de Dieu, et se voyant de métier comme un théologien, qui après les récriminations publiques contre la passion selon St Matthieu, se cantonne à la "musique" jusqu'à la fin, inventant le mode classique de la création musicale par bouderie...

    Et puis tant qu'on y est, Bach est tout de même un grand copieur de Vivaldi (2)

    (1) https://journals.openedition.org/gradhiva/1837#bodyftn16

    (2) https://www.critique-musicale.com/bachfr.htm

  • La consommation de pif

    Une bouteille de vin c'est 75 centilitres.

    Cela fait donc 6 "verres" de 12.5 centilitres. 

    Un demi rouge, c'est donc 3 verres de vin, pour 37,5 centilitres

    La consommation journalière maximale recommandée est de 3 unités d'alcool soit 3 verres de vin. 

    Une unité d'alcool c'est un verre de vin, un demi de bière, ou un pastis (avec ou sans eau) ou un "whisky".

    Une unité d'alcool c'est environ 10g d'alcool par litre ingéré. 

    En fait, des études statistiques indiquent que l'espérance de vie diminue à partir de 10 à 20 unités d'alcool par semaine, soit 7 demis de rouge par semaine. Je vais bientôt mourir.

    L'alcool "fort" (45 degré) est 3 fois plus "fort" (teneur en alcool) que le vin rouge (12 degrés). Un whisky c'est donc 4 centilitres de gnôle. 

    Il y a un désaccord quand à la contenance d'une bouteille de vin entre 6 ou 7 unités d'alcool. Cela permet à la limite de donc se manifester plus tôt. Disons que le lobby anti pif voudrait passer à 2 unités d'alcool par jour autorisés.

    Une unité est éliminée par le foie en une heure. Il faut donc 18 heures pour éliminer une bouteille de whisky... 

    L'alcoolémie au volant interdite est de 0.5 mg d'alcool par litre de sang. Elle s'obtient après 3 unités d'alcool pour un homme pesant 100 kg, et 1,5 unités d'alcool pour une femme pesant 50 kg. 

    Du point de vue global, l'équivalence entre dose maximale autorisée pour conduire et dose maximale autorisée pour vivre est un peu symptomatique du fait qu'un maximum est atteint pour ce qui est de la règlementation, somme toute en l'état assez logique.

     

    La densité de l'alcool est de 0.8, donc 1 litre d'alcool c'est 800 g (1 kg si c'était de l'eau, mais cela ne veut rien dire). 

    La consommation annuelle d'alcool en France était en 1960 de 26 litres par an, et de 12 litres en 2016, ce qui faisait donc  6 verres de vin par jour en 1960 et  3 en 2016... Pas de quoi s'affoler, il est vrai qu'on compte les bébés et les enfants beaucoup plus nombreux en 1960 (qu'est ce qu'on se marre). 

     

     

  • Les Franc-maçons

    A l'occasion de la mort héroïque d'une mystérieuse double obédience, on va classifier. 

    Il y en a une quarantaine en France, d'obédiences maçonniques. On se réfère à (1) 

    D'abord le Grand Orient de France, GODF : 50 000, la plus ancienne et la plus grande. 

    Ensuite la Grande Loge de France, GLDF : 35 000,

    Puis la très controversée Grande Loge Nationale de France, 15 000, qui fit l'objet d'une polémique destructrice en 2011. 

    Pour finir par la Grande Loge Unie, avec ses cent membres. 

    Ca fait 150 000 maçons en tout. 

    Le déisme

    La grande histoire, c'est le déisme. Depuis la polémique sur le Grand Architecte de l'Univers, en 1877, le Grand Orient a progressivement et totalement supprimé toute référence à la religion. C'est la rupture avec le déisme anglo saxon et avec le reste de la maçonnerie d'ailleurs: toutes les autres loges ont des rites et des croyances variées. Les franc-maçons français sont spéciaux

    La Grande Loge Nationale de France, majoritairement formée d'anglophones, fut fondée en 1913 à partir du grand orient. Elle fit l'objet sous nos yeux dans les années 2000 de tous les soupçons que l'on peut avoir envers les maçons, soupçons justifiés d'ailleurs. 

    Cependant le vrai concurrent du GODF c'est l'écosse et son rite, le Rite Ecossais ancien et adapté (REAA), l'"autre obédience", gérée par un Suprême Conseil de France qui créa la Grande Loge de France en 1894. 

    La GLDF était l'obédience du héros, par ailleurs catholique. Cela permit à Macron d'attribuer à égalité le mérite du sacrifice aux deux spiritualités, sachant qu'on ne peut mourir qu'en martyr, le risque assumé d'un homme courageux ne pouvant se passer d'idéal déiste, et sachant aussi que le coté républicain du maçon est généralement plutôt assumé par le GODF, la loge des athées, celle de Valls ou de Bauer, mais aussi de Baroin père, par exemple. L'incroyable inculture de ce petit intellectuel cynique ne lasse pas d'étonner, de quoi se faire entarter. 

    Le Socialisme

    Totalement lié au parti Socialiste et à ses politiques séculaires, le GODF doit mal vivre la période actuelle, mais cela est difficile à savoir, et le contraire pourrait se concevoir, la franc maçonnerie n'étant pas communiste en général et au combien. La dérive gauchiste en serait une maladie, plus qu'un trope: les radicaux ne furent jamais extrémistes, c'est le moins qu'on puisse dire, et puis Sarkozy en était entouré. 

    La spiritualité

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    On en vient à la "vraie" FM. Il y a bien sur les rites secrets et ainsi donc V.I.T.R.I.O.L. » (Visita Interiorem Terrae Rectificando Invenies Occultum Lapidem : Visite l’intérieur de la terre, et en rectifiant tu trouveras la pierre cachée).

    La connaissance, pont aux ânes du premier cercle du spirituel pour les incroyants est donc la grande fonction du rite: décrasser l'esprit pour qu'il accède à la lumière. On est au delà d'un déisme, on est dans le purificateur, dans l'intéressé qui doit profiter: l'alchimie rose croix infecta tout cela à l'origine et l'homme doit progresser, c'est la fonction de la chose. Le cabinet de réflexion, la perpendiculaire, le sablier, la règle à 24 divisions sont les "outils" dont nous devons nous servir. Le cabinet, on y reste un certain temps: c'est pour réfléchir. Au fait, on dit "chambre de réflexion", "cabinet de méditation", suivant les obédiences ou les traditions diverses. C'est une pièce du temple.

    La connaissance est technique et nous concerne: la pierre est à l'intérieur de nous et nous devons manier le maillet et le ciseau pour y accéder. Que dis je la pierre: le Grand Architecte de l'Univers est là. 

    Ainsi donc, le symbole socialiste de l'effort sur les masses (serp i molot) est bien dans l'imaginaire maçonnique. Le symbole communiste, choisi par Lénine en 1918 n'est pas explicitement ni historiquement maçonnique, mais a bien plu comme tel... 

    Le "GADLU" est le nom du dieu des frères, à part qu'il n'est pas un Dieu mais un principe. Il y a un oeucuménisme de bon aloi dans tout cela: on peut se trouver compatible avec un catholicisme évolué, au sens vers lequel pouvait évoluer un catholicisme d'un certain type au siècle des lumières et après. 

    Au fait la franc maçonnerie a bien pour devise celle que la République a finalement adopté (Liberté Egalité Fraternité). A tout seigneur tout honneur. 

    Et puis les écossais, et la lumière dont on se méfie quand on est bon et vrai chrétien... Mais il ne faut pas mélanger, ce qui n'est qu'obscurantisme provincial pour le vrai athée a bien de vieilles racines. Elles se situent dans un univers dont l'athéisme est quasiment impensable. Même les libertins français tournaient autour du pot, et les condamnations au bucher qui marquèrent le début du XVIIème siècle étaient là. Donc il faut quelque chose et tous les philosophes cherchèrent à conceptualiser l'évidence.

    Et puis il y a l'évidente défaillance cognitive qui fut longtemps indispensable aux femmes (et donc que l'on se devait de manifester en public): l'on ne pouvait expliquer le monde et l'état des choses à la fois aimable et injuste, que par un principe supérieur. Cela était convaincant, et il suffisait de le rendre le moins bigot possible pour qu'il soit socialement acceptable. Cela marche encore et même les philosophes de l'athéisme on leurs anguilles pour se nourrir spirituellement.   

     

    (1) http://www.ledifice.net/1025-0.html 

  • Les comms

    Un très remarquable et très long entretien (1) montre plusieurs choses. 

    D'abord qu'une femme finalement assez "normale" (un peu vieillissante, mais mettable, avec un charme un peu froid mais un petit air fifille pas si déplaisant, on arrête là) peut parler normalement sans ridicule des choses importantes de la vie. Autant le dire, très peu de femmes de gauche passent l'examen. Ségolène Royal, compagne du précédent président, Brigitte Macron, femme de l'actuel, ont un zéro pointé. Pénicaud, Buzin sont au niveau, pas Chiappa. Bref, je me comprends. 

    Ensuite qu'on peut avoir un avis sur le canard enchaîné. Il est maintenant, pour ce qui me concerne fixé. L'interview des auteurs gênés du brulot anti Hollande cité par Fillon m'avait fait découvrir la chose: l'évidence ne peut se publier et il n'y a que le ton médiatique de la page 2: le soupçon graveleux manipulé et manipulateur non vérifié contrairement à ce qu'on dit: il est exclusivement la "seconde vérité" celle qui plait et qui pèse. On ne peut, face à ce genre de choses, qu'éprouver le mépris légitime que toujours on doit porter aux résultat des défécations nécessaires. Rien de plus, et considérer, comme le pensent vraiment certains, que cela est la "vérité" ou la "démocratie" est pitoyable. Rien qui ne mérite qu'on ne suspende la démocratie, tout qu'on la considère comme ce qu'elle est: le gaz qui accompagne les tuyaux de vidange. Tout le bonheur du monde aux gaziers, à qui je me permet de dire maintenant, après les avoir lu trente ans: je vous emmerde et conchie, je vous tuerai, mais en enfer. 

    Vexée et blessée par un racontar rapporté par un proche de Juppé qui lui a démenti (c'était vrai, mais en fait non, et la vérité de la chose a donc son état final, voir plus haut), Calmels, qui n'est pas de ce monde là, l'explique très bien c'est en 43:00. Rien n'a changé quand à l'état du monde, et de la presse et de la lutte pour le pouvoir en démocratie dans un monde qui décline, tout comme déclinait le monde libéral dans les années 30 du XIXème siècle, celui de Balzac. On a finit par voir le monde changer encore, puis encore, c'est la vie messieurs, et c'est la leçon de la chose. 

    L'exemple décrit du "nouveau monde" auquel a cru la totalité infiniment méprisable qui a élu ce tas misérable de parlementaires dont nous voyons qui ils sont et qu'on devrait respecter, mon dieu, c'est le parlement. 

    Quelques personnes remarquables saisi par l'occasion et déjà découragés, comme godillots méprisés guidés par des aigrefins, et surtout, le tas de merde de socialistes récupérés traitres et n'y croyant pas: la récompense de la lâcheté, de la connerie et de l'hypocrisie, trop heureux, en plus d'avoir été reélus, d'être classifiés de droite par les sondages. Quelle horreur... De quoi mériter un fascisme, c'était ça (et rien d'autre) qui a conduit aux renversements italiens et allemands de années 20 et 30 du XXème siècle et c'est cela qui a transformé la révolution sociale de 36 en Pétain. 

    Calmels vexée et moquée pour supporter l'immonde Vauquiez, et Philippe le traitre dégoutant considéré comme membre du nouveau monde, alors qu'il n'est que le dépensier sous maire d'une ville perdue, débauché et piloté comme un mouton après avoir, sans doute dés avant la bataille, conduit son mentor dans les choux. Son mentor: un vieux trompé, on verra l'année prochaine si il maintient sa dignité, ce n'est pas encore sur.

    En attendant, le premier ministre actuel, qui met en oeuvre aujourd'hui le non programme qu'il a défendu pendant la campagne (fonctionnaires, 35heures, heures supplémentaires, tout ce qu'il ne FAITPAS) se trouve être l'image même de la saloperie programmatique que l'honneur et la décence la plus élémentaire condamne absolument. Une pareille saloperie, de la part d'un personnage public est infiniment méprisable et mon mépris dégouté est infini. 

    Il faut en revenir à Juppé lui même, tout c'est fait pendant la primaire, et le drame est là, du moins pour Calmels, et cela hélas est à son discrédit (elle s'est tout de même gourée grave, la pauvre dans un instant essentiel, et avec pour mec le conseiller de Fillon, le mystère reste entier). Juppé a voulu se la faire synthèse, et il n'avait, lui, rien compris du tout. 

    Il faut le dire, la mince (au sens gymnique) raideur de la carrière ratée du meilleur d'entre nous fait un peu pitié. A l'écart des drames de l'histoire, il ne fut central que de l'échec terrible de la droite, et cela depuis le début de son chef Chirac, qu'il égale par l'échec: total et absolu. Et cela sans mort d'homme. Un destin "gaulliste". 

    Après la mort de Fillon et l'ascension d'une fille de pied noir, le vieux français n'a donc plus qu'à se taire: ça tombe bien il est mort, enterré et maintenant complètement hors de tout souvenir. Comme ce qu'il défendait d'ailleurs, ça tombe bien ce n'est plus à la mode. 

    Au vu et au su de tout le monde, le groupe LREM de l'Orne seul autorisé à serrer la main du président de passage dans la France rurale, fait la com assumée et évidente d'un petit pédé baiseur de vieilles qui cyniquement vient se foutre de la gueule de ceux qu'il encule: CSG, 80km/h tout cela se gère, la preuve. Que disent les sondages? On va le voir. Le prince héritier saoudien à ses cotés, celui la même qui l'avait fait changer son voyage à l'été, la gouape à l'aile de pigeon visible nous informe de la politique étrangère de la France, c'est le moment: la ligne rouge est franchie, "nous" en avons la preuve, et nous ne ferons rien en Syrie. 

    Un point au sujet de Calmels: elle a cru que Juppé serait un plan B, que Fillon allait voir sa campagne menée par les "maurassiens" et la "fachosphère" et que Lepen battrait Macron au débat et serait élue... Elle a cru aussi et là elle avait raison (à part le réel, et c'est tout l'histoire), que toute la droite avait un projet en commun en fait, et qu'il était en principe possible de la faire gagner. 

    Fidèle mais sans aucun sens politique, elle est "nouvelle" et rafraichissante, finalement... Assez sympathique, finalement mais hors du réel en fait. Ah qu'il est pénible: Clément Rosset est mort. 

    (1) http://www.valeursactuelles.com/politique/valeurs-ajoutees-fachosphere-erreurs-de-juppe-trahison-de-philippe-virginie-calmels-repond-valeurs-actuelles-et-la-france-libre-94682

     

  • Nietzsche

    Nietzsche, le grand inspirateur de tous les zozos est essentiellement un futur fou qui se contredit en permanence. Il convient cependant de remarquer à quel point il est "intéressant" et de le signaler à chaque fois. Car la contradiction a toujours plusieurs formes et vient de partout, se renforce et finalement plait. C'est à ça qu'on la reconnait.

     La volonté de puissance (Wille zur Macht)

    On peut parler de la volonté de puissance, qui n'est pas une volonté, et qui ne veut pas la puissance. Esprit du monde, moteur énergétique des animaux et donc de la spiritualité véritable, elle se décline de plusieurs manières. Contradictoires, bien sur. D'abord bien sur comme la volonté de Schopenhauer mais aussi de plein de façons différentes. 

    D'abord comme un "déterminisme": la volonté est donc esclave... "oh toi ma volonté ... ma nécessité". Ca commence bien. Il y a mieux: l'apparence, seule forme de la réalité EST la VDP. Plus exactement, c'est le réel qui est la VDP, et qui s'identifie à l'apparence donnée. 

    La contradiction, redoublée est donc fondatrice: c'est l'absolue soumission à un principe d'arbitraire qui rend l'apparence souveraine et donc irréelle, c'est à dire seule réalité... De fait, le message devient logique et la double négation s'anéantit: même l'explication devient immanente, et c'est sans doute le but. Pas mal non? 

    Mieux, la "volonté" n'a pas de finalité: le déterminisme est sans but: qu'est ce qui corrigera cette autre contradiction dans les termes ? Facile: l'action est son propre but, c'est cela la volonté, on revient à l'équilibre, donc... 

    VDP devient le "fait ultime", et donc la base de la vie ("la vie est VDP"), mais aussi des pulsions et des désirs. Le voilà l'inconscient qui a tant plus au monde moderne, le clinamen quoi: Epicure et Lucrèce, le fondement matérialiste des choses, déviation créatrice de l'équilibre de tout. Il n'y a pas que là qu'Epicure et Nietzsche se retrouvent, c'est le même esprit global... La puissance d'agir de Spinoza est évidemment du même acabit, le groupe des dissidents se constitue et on se retrouve. 

    Par contre, on se déchire entre soi: Nietzsche reproche à Spinoza son conatus, trop dirigé vers l'intérieur: la VDP elle est sortante, et on ne peut "vouloir la vie": la vie EST la VDP ! 

    Et puis la VDP s'adresse à l'homme et révolutionne (philosophiquement) la psychologie: celle ci est mu par les profondeurs de la VDP. L'inconscient vous dis-je: on sort de l'examen de la pensée comme forcément rationnelle pour la faire mouvoir par autre chose. Et donc, la psychologie devient reine: l'expression rationnelle de l'irrationalité de la pensée. Un vrai régal. Au passage, on note l'identification du psychologique au biologique tout cela est sur la VDP. On distingue dans cette opposition dépassée une double négation féconde... Et puis, et c'est aussi un aspect déterministe de la chose, la grande explication reste la "causalité" impériale et immédiate, qui commande tout, et donc, qui permet de tout ramener à la VDP... 

     Les valeurs

    Bien, mal tout est relatif et ça c'est Nietzsche: gut, gott, goth (N. adore les jeux de mots) tout ça fut défini par la race supérieure, bonne, et opposée à la race inférieure mauvaise. C'est tout. A la fois inflexible et indécidable et donc immuable, on reconnait là l'inéluctable d'un divin arbitraire. Au passage, les aryens sont bien la race des maitres, on y est, par contre, la race est bien "canine": on sélectionne, on améliore, on travaille: tout cela est acquis et donc "on n'est pas raciste", mieux la race vient de la culture et vice et versa. 

    En parlant de race, les juifs sont tout de même les inventeurs de l'inversion des valeurs, précisément. Peuple d'esclaves, esclaves longtemps, essentiellement esclaves d'ailleurs, ils en inventent la révolte, précisément. Les valeurs de l'esclave deviennent premières: effort plutôt qu'aptitude, maitrise des pulsions, amour des pauvres, ascétisme, toutes les valeurs hostiles à la vie. 

    La caractéristique de cette inversion est bien sur le sentiment de culpabilité suscité pour retourner le ressentiment contre soi même: c'est ta faute si tu souffres.

    Tout le pouvoir aux prêtres, et le juif Jésus n'est que l'un d'entre eux. Et c'est alors que l'on inverse encore une fois: il faut être terriblement amoral pour maitriser cela et exercer ce pouvoir inhumain sur les esclaves: 

    "Il faut être très immoral pour faire de la morale en action...". Les prêtres sont des dompteurs immoraux et pervers, car il enseignent et imposent la dégénérescence pour mieux assoir la domination des faux maitres. C'est donc au nom de la liberté qu'il faut combattre la démocratie, instrument de la domination des prêtres. Redoublement de négation, le pattern marche bien. 

     

    Le besoin de la cruauté

    Depuis les jeux du cirque, l'extase devant la croix ou la corrida, le besoin de la cruauté "cette grande Circé", est universel. 

    C'est là que Adorno et Horkeimer (5) situent la grande vertu de Nietzsche dont ils inversent carrément les valeurs: la jouissance cruelle du maitre est l'expression de la révolte contre l'oppression. Tout simplement. Le XXème siècle sera contradictoire ou ne sera pas et il l'a été. La cruauté n'est pas au nom d'une idole mais personnelle, elle exprimer en ruinant l'hypocrisie la jouissance de la domination et puis, philosophe des lumières, Nietzsche: tout comme Sade. Cruauté de la domination arbitraire: loi et nature, bien sur... 

    Contre Platon

    Bien sur Platon est très critiqué...  Mieux: identifié au spiritualisme, à la notion de sujet et bien sur au christianisme, il est considéré comme un théoricien de la faiblesse et un précurseur (en plus des juifs) du christianisme.

     Contre Marx

    Contemporain est lecteur de Marx, N. a bien sur un avis: l'"exploitation" est bien sur une conséquence inéluctable de la volonté de puissance, et Marx n'est qu'un chien, d'après Zarathoustra, un chien de feu. 

    Le soupçon

    Par définition philosophe du soupçon, N. a en fait inventé l'expression, qui acquiert donc bien son coté ambivalent entre les mains du maitre: 

    "soupçon implacable, radical, extrême envers nous-mêmes, qui s'empare de plus en plus, de plus en plus durement de nous, Européens", "Supprimez ou bien vos vénérations, ou bien - vous-mêmes !". Le nihilisme, donc. 

    La Généalogie

    En parlant de soupçon, introduisons ce qu'il y a de "relativiste" chez N. Généalogie, soupçon, perspectivisme, tout est là pour mettre en situation. Les choses sont devenues et depuis le croisement néfaste des races et l'entrainement à  l'esclavage, tous les déterminismes historiques et généalogiques, transhistoriques bien sur sont là. 

    Et puis, au delà des généalogies, une autre contraction: "il n'y a pas de faits, que des interprétations"... 

    Le nihilisme

    On en vient à la grande question. Nietzsche combat le nihilisme et en accuse tout le rationalisme et tout l'idéalisme... Car il y a le nihilisme destructeur suicidaire et le nihilisme chrétien de l'au delà, finalement de même nature car mettant le souhaitable hors du monde. 

    Et puis, il y a le nihilisme héroïque de celui qui refuse le monde pour mieux l'accepter. La pensée la plus négatrice qui soit (tu parles): par delà le bien et le mal. La figure de la double négation, particulièrement présente est bien fondatrice ici: Nietzsche est bien sur nihiliste, comprenne qui peut... 

    L'essentiel est tout de même l'annonce de la mort de Dieu, charmante contradiction (c'est le fond de la foi chrétienne) qui se trouve retournée deux fois, donc. Annonce de la culpabilité nihiliste, elle est AUSSI gaité, tout en étant une ombre qui se répand sur l'Europe: la fin du dieu chrétien annonçant le nihilisme, le vrai... Bref, une charmante choucroute energophore.

    Il faut rattacher tout cela aussi au sentiment de culpabilité, celui d'avoir mis à mort le Christ, précisément et qu'on retrouve bien sur dans la deuxième mort du Dieu, sentiment bien sur à dépasser etc. 

    La musique

    La musique nous donne ce qui précède toute forme, le noyau intime[Kern], le cœur des choses [das Herz der Dinge].

    Là on est bien d'accord, la frénésie dyonisiaque de N. envers Wagner qu'il se mit ensuite à dénoncer pour médiocrité. 

    Pourtant, N. fut le philosophe de la musique et musicien lui même, peut être n'a t il été qu'un musicien, auteur d'une musique devenue philosophie (2). Et c'est ainsi que la pensée de l'éternel retour ne serait en fait qu'une pensée musicale. Il le dit lui même d'ailleurs "la pensée même de l’éternel retour est manifestement indissociable de la sensibilité à la musique". Et puis: "Sans la musique, la vie serait une erreur": "Ohne Musik wäre das Leben ein Irrtum". Et puis: 

    "La jubilation, l’excitation à vivre qu’elle provoque ou accroît traduisent une acceptation pleine et entière de la réalité, au point d’en faire souhaiter la permanence ou le retour ". Bien dit... Et d'ailleurs cette question est liée à la notion de rythme, essentielle à la musique. La musique, d'abord dyonisiaque devient alors, décidément la danse est rythmée de partout, à la fois ivresse et conscience de l'ivresse, le rythme étant déchainement et aussi contrainte. C'est ainsi qu'on a une définition de l'état de la perception musicale: un de ces rêves où l'on sait que l'on rêve. Il n'y a que les contradictions dans les termes pour exprimer cela... 

    Par contre la trahison de Wagner, et pour Carmen en plus, fait de Nietzsche, comme on l'a dit un grand négateur de lui même. Ah Carmen, loin des brumes, "Sa gaîté est africaine" ! Le fait est que N. s'est déchainé contre le culte wagnérien: spectacle grand public, mais aussi porteur de modernité musicale destructrice (on reconnait bien là le contradicteur contradictoire), il haïra aussi chez Wagner l'allemand antisémite de l'époque, méprisable homme du ressentiment... Une jalousie de créateur musical allemand fin de siècle? "il a rendu la musique malade". Il faut aussi dire que si la tétralogie c'est 1876, Parsifal c'est 1882, N. n'aime pas le christianisme moyen âgeux, il faut le dire.

    Par contre, nulle trace de Bruckner dans ce qu'on dit de N.. L'a-t-il connu?

    Pourtant en 1873, Wagner accepte de Bruckner la dédicace de sa 3ème symphonie...  

    L'éternel Retour

     "amor fati": ah la belle philosophie, fait comme et réalise que, tout se répète indéfiniment à l'identique. Doctrine historique, religieuse, moral, scientifique? C'est à coup sur une excellente idée, et apparemment similaire à la métempsychose et à la réminiscence platonicienne, comme quoi qui aime bien châtie bien.  

    "la question, posée à propos de tout et de chaque chose, « veux-tu ceci encore une fois et encore d'innombrables fois ? » ferait peser sur ton agir le poids le plus lourd ! Ou combien te faudrait-il aimer et toi-même et la vie pour ne plus aspirer à rien d'autre". Une certaine grandeur de la part du maître, il faut le dire. 

    Le caractère scientifique de la doctrine est pourtant patent pour le moustachu: il se permet de critiquer la science de son temps à cause de cela et son enthousiasme pour le très original jésuite astronome des lumières Boscovich est assez saisissant: de quoi unifier, en vrai philosophie pré socratique les forces mentales et naturelles. Boscovich (1) théorisa des points de forces non matériels pour expliquer toutes les forces. De la pré gravitation à boucles en  quelque sorte, en tout cas et c'est ce qui séduit N., il est "avant" la matière, la substance, le "dur". La notion de force, d'énergie est donc première, et l'atome est non matériel. Mieux: l'espace est une apparence, il n'y a que de l'énergie partout.

    Energie (ou force) infinie étant contradictoire selon N. (sinon, il n'y aurait rien...), tout se conserve donc et donc aussi le nombre d'états et l'éternel retour est donc confirmé. Mieux, sa théorie de l'énergie est ainsi la base de tout, de VDP et aussi de ER.

    Au fait, le déclenchement de l'énergie (Energie), de la puissance (Macht), de la force (Kraft) c'est l'"Auslösung". 

    Et puis, on a l'échange de puissance, bien sur à la base des relations humaines, et cela dans tous les domaines. On soupirera sur ces généralisation scientistes, très XIXème siècle, et qui eurent des conséquences. Savoir que le XXème siècle développa toutes les clarifications possibles sur ces questions ne devrait pas lasser d'inspirer. De ce point de vue, le pauvre N. fait pitié, mais aussi tous ceux qui embrayent directement sur le coté figuré en laissant de coté le coté figurant, pourtant base de la métaphore, et profondément datée, je dirais, elle aussi. Toutes ces identifications avec l'énergie, avec pour finir la détestation métaphysique de l'énergie nucléaire me répugnent profondément.  

     Heidegger

    On l'avait déjà remarqué, H. est bien sur anti N., la VDP étant essentia, l'ER existentia, donc métaphysique de l'être théologique classique, un platonicien vous dis-je. En tout cas, cela ressemble à de la jalousie mal placée: le poète envieux de l'être rejette son initiateur en négation du principe de la contradiction dans les ténèbres du rationalisme. Il en fallait du culot, et H. n'en manque pas. Il évoque, lui aussi est un génie et aussi un généalogiste (et au combien) le nihilisme de N. comme épuisant, après la disparition du supra sensible, les valeurs qui en restent dans la volonté de puissance, devenu le nouvel être. Et oui, on a là un objet G, et c'est H. qui le dit. (3).

     Le surhomme Übermensch

    Au delà de la "brute blonde" "en quête de proie et de carnage", le surhomme c'est d'abord l'abolition de l'homme soumis à la raison et le sujet par excellence de la VDP. Il est donc ce que l'homme est au singe: le "sursinge" (Maurice G. Dantec).

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     Le surhomme a évidemment un pendant le "dernier homme". "Sa race est indestructible comme celle du puceron".

    Sans parle du sublime (Zarathoustra dixit) "Je vous apporte un nouvel amour et un nouveau mépris : le surhomme et le dernier des hommes." On continue, "L'homme est quelque chose qui doit être surmonté." "…ce que doit être l'homme pour le surhomme : une dérision ou une honte douloureuse." Bref, ça fait envie. 

     Foucault

     On doit à Jacques Bouveresse un dézinguage de Foucault au nom de Nietzsche qui vaut le détour (4).

    Car pour N. et pour B., c'est la vérité au sujet de la vérité que l'on cherche, et elle n'est pas ce que l'on croit. Voilà le sens (contradictoire, mais puissant) que les meilleurs peuvent attribuer à N. et là est sans doute le fond du génie, toutes les apories étant, au moins en principe, porteuses de sens. 

    Foucault n'a pas cette subtilité, ou du moins pas d'après B. Il affirmerait bien que la notion même de vérité est au sens anthropologique issue de la volonté de connaître. Rien de tout cela dans le contradictoire véhément de N. 

    Le Gai Savoir, La gaya scienza

    On y trouve des choses variées et aussi l'utilisation des paradoxes logiques pour prouver l'absence de la vérité... 

    Sinon, l'esprit fort de N. m'a toujours paru comme une recette secrète pour gauchiste manipulateur: le plus grand mépris pour toute espèce de sous homme et un grand discours de haine pour toute autorité, comme si on cherchait à convaincre des femmes en se faisant passer pour un révolutionnaire: un discours et une conscience d'adolescent frustré, et cela a d'ailleurs servit à cela à un point invraisemblable pendant tout le XXème siècle... Et puis, aussi une doctrine secrète: il faut prendre le temps de lire, et cela n'est pas donné à tout le monde. On se fait à bon compte une motivation d'initié en silence, pour mieux extérioriser l'essentiel: le refus des valeurs, certes, mais au prix du bétonnage intérieur sataniste. On a rien sans rien: le gai savoir est celui du chien qui voudrait être un loup (pas mal celle là, non?).

     

    N. meurt en 1900, végétatif depuis prés de dix ans. Le début de sa grande déchéance en 1889, correspond à un cheval battu par son cocher qu'il embrasse mystérieusement à Turin. 

    (1) Boscovich https://www.persee.fr/doc/rhs_0151-4105_1996_num_49_4_1262 

    Il fut parait-il fasificationniste ou du moins mentionne l'approche, en critiquant le réalisme naïf. Il n'en reste pas moins un inductiviste et se doit d'être cité en ces domaines.

    (2) https://www.cairn.info/revue-archives-de-philosophie-2001-2-page-343.htm

    (3) H.etN. https://www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_1968_num_66_91_5445

    (4) http://www.actu-philosophia.com/Jacques-Bouveresse-Nietzsche-contre-Foucault

    (5) Horkeimer et Adorno http://journals.openedition.org/asterion/1585