Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Ethique et Politique

    Au hasard de mes lectures désordonnées, voici un texte de Paul Ricoeur, concernant l'économique, le politique et l'éthique. On y trouve des réflexions à avoir et tous les grands thèmes sont abordés. 

    http://www.persee.fr/doc/chris_0753-2776_1985_num_5_1_1000

    D'abord l'économique se rattache, d'après Aristote à la maison et à la coopération nécessaire à sa bonne marche. Généralisé à plus grand que cela par Hegel, on se doit de le considérer aussi aux deux niveaux différents de la société dans son ensemble et des communautés qui la constituent. 

    On en vient alors à l'Etat, qui n'est (ne serait) qu'une communauté historique particulière organisant l'économie dans son intérêt. Doté du monopole de la violence, il se doit de justifier par l'éthique à la fois la résolution des conflits et le partage du pouvoir. Il en reste distinct cependant, car collectif et violent. A la fois soustrait à la réflexion individuelle véritable, et détenteur d'une violence fondamentale. 

    C'est le propre de Marx que d'avoir inféodé le Politique à l'économique. Cela créa le totalitarisme, par conséquent, la réflexion sur le politique et l'éthique ayant été interdite... 

    En conclusion, une allusion fine à cette volonté de transformer l'éthique en force politique qu'est l'insertion du religieux, mais surtout la plus belle introduction à Weber qui soit: le politique casse l'éthique en deux, car il y a deux morales, celle de la conviction (le souhaitable) et celle de la responsabilité (le possible). 

    Adressée à des jeunes pacifistes après la 1ère guerre mondiale, l'injonction est conceptuelle: éthique et politique s'intersectent sans se confondre, et c'est tout le problème. 

    On pourrait continuer les superpositions: la conviction individuelle qui généralise ses désirs absolus s'oppose au collectif tandis que la responsabilité impose l'usage de la violence pour se défendre contre la vilainie. Ah Weber ! 

  • Super Symétrie

    Bon on passe au fondamental.

    Les ptits trucs qui nous composent se classifient suivant le modèle standard. 

    D'abord il y a les fermions et les bosons. C'est pas pareil: alors que deux fermions sont distincts au moins par une caractéristique, ce n'est pas le cas de bosons dont le rôle est en plus particulier, ils servent aux champs.  

    Parmi les fermions, il y a les quarks, les hadrons et les leptons. 

    D'abord il y a 6 quarks (prononcer kworks) : up, down, strange, charm, truth, beauty, bottom, top.

    Un hadron est un groupe de quarks, une particule sensible à l'interaction forte. C'est bien pour cela que l'accélérateur de particules géant du très européen CERN, le Large Hadron Collider (LHC) s'appelle ainsi. 

    Un hadron est soit un baryon soit un méson.

       Un baryon est formé de 3 quarks, les protons et les neutrons sont des baryons. 

       Un méson est formé d'un quark et d'un anti quark, un pion ou un kaon sont des mésons.

    Un lepton est "ponctuel" et non composé. Parmi les leptons,  l'électron et le neutrino, qui ne sentent que l'interaction faible et pas la forte car ils ne SONT PAS formés de quarks. 

    Un point sur les tailles. Un proton c'est 10-15 mètres (un quark c'est 10-20). La longueur de Planck c'est 10-35. En mètres bien sur. Il a autant de différence entre nous et un proton qu'entre un proton et Planck...  

    Au sujet de la "distance de Planck", comme la constante de Planck est une action (et pas une distance) on pourrait se poser la question de son calcul. Bon disons qu'on prend les 3 constantes G (constante de gravitation), c (vitesse de la lumière) et h (quantum d'action, constante de Planck) et on cherche la bonne dimension. 

    h: énergie * temps

    c: distance / temps

    G: énergie * distance / masse 

    Sachant bien sur que l'énergie est la masse par c au carré, 

    on trouve rapidement qu'il existe une distance égale à racine (G*h/c^3), la distance de Planck. 

    On rappellera au passage que l'action, est décrite par de Maupertuis de la sorte: 

    « L'Action est proportionnelle au produit de la masse par la vitesse et par l'espace. Maintenant, voici ce principe, si sage, si digne de l'Être suprême : lorsqu'il arrive quelque changement dans la Nature, la quantité d'Action employée pour ce changement est toujours la plus petite qu'il soit possible. »

    Une aussi magnifique définition mérite tous les éloges, et que le quantum ultime, h, en soit le plus petit granule possible montre bien l'atomisme concerne aussi les concepts, ce qui est ravissant. 

    Parmi les bosons, les photons. Les bosons servent aux interaction de champs, comme on a dit. 

    Car les champs se manifestent de manière bizarre par transformation de photons en paires d'anti particules et vice versa. C'est ce que décrivent entre autre les diagrammes de Feynmann. Les bosons intermédiaires dont par exemple les gluons qui sont les bosons de l'interaction forte.

    Les bosons de l'electro-magnétisme sont les photons, bien qu'il en faille pas oublier les bosons W-, W+ et Z de l'interaction faible, c'est à dire de la radio activité beta, en jeu tout de même de la formation des étoiles. En effet cette radio activité là désintègre des protons ou des neutrons pour donner des électrons (et des neutrinos). La fusion des noyaux atomiques concerne bien sur aussi l'interaction forte.  

    Elle permet aux leptons et aux quarks d'échanger de l'énergie et s'unifie avec l'électro magnétisme pour donner l'interaction électro faible. 

    Un point intéressant: la masse du proton est en fait formée aussi de gluons, car en plus des quarks qui le constituent et dont le poids est très inférieur (c'est ça qu'est bizarre), des paires de quarks crées en permanence par les gluons qui s'échangent doivent absolument les alourdir pour qu'ils pèsent leur poids, euh leur énergie (e=mc2).

    Le premier avertissement au sujet de ce beau modèle est que la masse n'y est pas décrite. Il faut attendre le concept de champ de Higgs, correction tardive, pour l'introduire. Le boson de Higgs, vecteur de ce champ là a fini par être découvert (en 2012), ouf. Qu'un champ pèse, voilà qui est surprenant. A part qu'il ne faut pas confondre masse et poids et que la gravitation, qui met en correspondance l'un et l'autre n'est ABSOLUMENT PAS décrite par la belle théorie que voilà... 

    L'apparition du champs de Higgs fut historique. Auparavant, toutes les particules de masse nulle allaient à la vitesse de lumière et le temps n'existait pas. C'est à partir des interactions de Higgs, responsables de la masse, que la matière se mit à percevoir le temps... De fait, sans matière massive, il n'y a que de l'énergie. Au cours d'une transition de phase du au refroidissement de l'univers, le champs de Higgs apparut. Cette transition controverée et mystérieuse est le noeud de tous les problèmes, rendant l'état de la nature et du cosmos rien moins qu'historique et donc relatif... Les créationnistes doivent bicher. 

    SUSY

    Et puis, il y a la Super Symétrie (SUSY). Il s'agit d'une théorie TRES séduisante d'extension du modèle Standard, mais parfaitement non prouvée. Elle consiste à associer fermions et bosons en les échangeant, la symétrie ne changeant rien comme il se doit. Chaque granule a donc un partenaire, un symétrique. 

    Tout le monde (ou presque) est sur qu'elle est valide, avec tout un bestiaire de nouvelles particules symétriques. On n'en a trouvé aucune pour l'instant. Par exemple, le symétrique du photon, le photino est totalement inconnu. 

    Quand au neutralino, le symétrique du neutrino, et bien c'est ça la matière noire. C'est dire si on en attend la découverte avec impatience ! 

    On a cru voir au LHC au mois de décembre 2015 quelque chose, mais finalement il n'y avait rien...On continue et plein de gens espèrent un truc en 2016, je parle des gens du CERN, ceux du LHC. C'est en ce moment que ça se passe ! 

    P.S. Nous sommes au mois d'Aout 2016 et les conclusions sur les observations de la fin 2015 publiées: c'est une fluctuation statistique. A part, le boson de Higgs, on ne trouve rien... Cela pourrait vouloir dire que la super symétrie a du plomb dans l'aile. Le boson de Higgs a une masse trop faible, et le LHC pourrait ne plus servir à rien: nous sommes dans une version de l'univers ou on ne pourra plus rien prouver, les énergies nécessaires aux expériences étant inaccessibles à l'homme... Ce pessimisme là est pas mal: du genre irrémédiable.

     

     

     

  • Les religions

    Un point au sujet des définitions, mais d'abord de l'étymologie, qui désigne ce que devrait être un mot plutôt que ce qu'il est. La page de Wikipédia est exhaustive et précise. 

    D'abord Cicéron(religere), il parle de la religion comme ce qui s'oppose à la superstition, comme relecture consciencieuse des rites et pratique réfléchie et sérieuse du culte.

    Ensuite Lactance(religare)  qui insiste en dénonçant Cicéron sur la reliaison avec Dieu et rien d'autre.

    Puis Augustin qui synthétise en écartant la re liaison entre les hommes. Il parle de re-élection en transformant l'objet de la relecture: Dieu lui même. On a donc bien relation entre homme et Dieu et toutes les interprétations d'un lien entre les hommes est parfaitement "autre", c'est à dire issu d'un monde ou le divin est inaccessible et la stupide et fausse interprétation sociale omniprésente, qui identifie religion et ordre social. 

    Même si bien sur le religieux est utilisé et pensé, de manière utilitaire, comme pilier de certains ordres sociaux, il ne l'est pas dans son essence, et c'est une pensée spécifique qui produit cette identification là. Cette pensée, au mieux utilitariste, est ancienne et se trouvait être celle qui présidait à l'Empire romain, ou à la religiosité philosophique qui entourait les premiers athéismes au XVIIIème siècle. Elle est en vigueur aujourd'hui dans les cercles franc-maçons, socialistes, moralistes qui gangrènent l'espace public actuel selon moi. 

    Car le religieux catholique définitivement détruit (on en est à mettre en place son éradication à coups de procés pour pédophilie) n'est pas une libération : ses ennemis, dont un judaïsme de communauté parfaitement explicite, sont à la  manoeuvre pour le remplacer dans la conduite des âmes, et tout le monde l'affirme, il le faut. Et bien nous devons nous en passer, voilà la grande ambition spirituelle de l'hyper modernité, celle qui détruira cet empire romain là et consacrera la capacité de l'autonomie morale, hors de l'autorité des curés auto proclamés des religions décadentes de la post modernité.  

    Pour ce qui concerne la définition (et non plus l'étymologie) on peut ainsi aller plus loin. Voici la mienne: "activité rituelle dirigée vers la célébration d'un extérieur au monde".

    En font partie les francs maçonneries, l'écologie politique et le culte de la santé, la libération du cannabis et le rap, et aussi les courses à pied en foule, les marches blanches anti pédophilie et le yoga et le boycot d'Israël, mais aussi les pèlerinages à Auschwitz et le culte des anciens combattants. J'oubliais le football et bien sur l'islam. 

    Car tout le contrôle social est explicitement religieux et dans sa forme la plus obscène, mais aussi la plus cachée et donc la plus indécente. Comme si on ne pouvait parler aux foules que de cette manière, le discours aux nations et aux peuples libres n'étant plus possibles car meurtrissant trop les souffrances individuelles incommunicables qu'on doit adresser spécialement, l'abstraction symbolique étant soit disant inaccessible aux esprits. 

    Il nous faut quelque chose de nouveau, de bien plus libre que nous proposa cette andouille bigote de Nietzsche, qui affirmant la mort de Dieu admettait en le manipulant sans vergogne le concept absurde de quelque chose qui troubla son sommeil au point, d'après Girard de l'avoir rendu fou: il se prit pour le Christ, puis pour l'antéchrist, puis se fit enlever par le diable. Et bien toutes ces simagrées heurtent mon athéisme. Le concept de présence est un concept, pas l'acceptation de se faire envahir par je ne sais quel démon perse. Nietzsche et les autres, y compris Heidegger le grand nageaient dans un déisme aussi démodé que celui de Duns Scot, et encore, je me demande si celui ci n'était pas plus lucide au fond.   

    La religion suppose un grand être,  une grande signification, un grand autre au delà de tout. C'est ce qui la marque et cela dans les deux sens: quand il y a grand être, il y a religion, et vous devez en organiser les rites, les sacrifices et les déguisements. Cette belle alliance (ancienne, nouvelle, en fait éternelle, comme Dieu lui même) est une constante anthropologique.

    Formée d'un assemblage entre pratique et essence, elle ne peut être essentialisée elle même, sinon comme une signification autonome, une belle structure, qui se trouve donc prouvée mathématiquement ici comme une conséquence du principe de non contradiction. J'ai raison un point c'est tout et il vous faut en déduire toutes les conséquences, dont celle ci, j'ajouterais:  "nom de Dieu" ! 

  • Les laïcités

    Dans la lignée de la réflexion sur les communautarismes et la question de l'individu face à la société, la question de la laïcité comme concept et comme principe doit se poser. 

    D'abord l'histoire: les congrégations fermées en 1902, le débat Briand Combes, Clémenceau et les lois successives pour finir par la dernière (en 1908) et le fameux culte non cultuel (contre le "délit de messe", disait Clémenceau) , après la révolte de l'Eglise. Briand, qui géra toute l'affaire comme ministre des cultes après la démission de Combes début 1905, fit une synthèse habile, traita l'Eglise de façon "libérale", et affirme de l'Etat qu'il ne doit pas être anti religieux, qu'il ne doit pas prendre parti. 

    Ensuite un débat très actuel qui est la "renégociation de la laïcité" ou plutôt sa ré-interprétation, l'offensive idéologique en cours étant le fait des communautaristes, la guerre avec les frères faisant rage. Car là est la question, la difficile voire impossible insertion des nouvelles populations européennes en provenance d'Afrique étant le problème, celles en provenance du moyen orient étant déjà refusées, du moins par la fermeture encore toute récente de la route des balkans. 

    A ce propos donc, le mémoire http://www.archipel.uqam.ca/2412/1/M11031.pdf canadien, mais bien convaincant.

    Le concept nouveau que l'on tente d'introduire, et dieu sait si il a des partisans est décrit comme une laïcité "sociale", combattue par Marcel Gauchet et Julien Freund, c'est toute l'affaire qu'il faut décrire et comprendre. 

    Tout d'abord, le laïque est l'impartialité de l'Etat, celui ci se devant de ne pas être idéologique, mais au contraire strict, impartial, en charge précisément, de distinguer le bien du juste, le bien restant privé, comme recherche du bonheur, le juste se devant d'être gardé universel, garant de la liberté. La laïcité est donc séparation de l'Eglise et de l'Etat, de la Justice et de l'idéologie. 

    Un peu d'histoire encore: cette séparation vient de la réforme protestante, d'abord dans le monde germanique puis anglo saxon, sous la forme de l'apparition au sein du peuple d'individus en charge de leur foi personnelle et exigeant de l'Etat qu'il n'assume plus l'autorité religieuse. Bref, le contraire exact du projet musulman.

    Cette laïcité anglo saxonne, dite "sociale" est clairement issue de la base, à rebours de la française, issue du sommet avec la volonté de briser une Eglise clairement active qui venait avec Vatican I (1870) de faire sa dernière tentative historique de garder la main. Elle est (l'anglo saxonne) parfaitement établie et contribue à la paix entres les sectes, entre les communautés et c'est tout le problème.

    Car la  voix française, Rousseauiste construit l'autonomie de l'individu, de la personne, capable de participer à la volonté générale, celle de la Nation. On a alors opposition entre une laïcité politique "descendante" et une laïcité sociale "montante" qui négocie sans cesse toujours plus d'autonomie (vous remarquerez le caractère "théologique" des concepts "montants" et "descendants").

    Une petite histoire du droit naturel: il est bien connu comme ce qui s'impose de part la raison à la législation conventionnelle, mais se trouve refondé par la modernité qui substitue au cosmologique l'anthropologique: le droit naturel devient droit de l'individu. De l'hétéronomie à l'autonomie, toujours... Ce glissement de sens du droit naturel caractérise la modernité, et le considérer éclaire bien des ambiguités. 

    Un autre point est qu'il est la fameuse potentia de Spinoza: la puissance irréductible de Dieu, de la nature et de  l'homme, gage pour les marxistes de la révolution permanente, du pouvoir (puissance),  essentiel contre tout pouvoir (potestas). On notera le glissement révolutionnaire, les "pouvoirs" étant respectivement bon ou mauvais suivant qu'ils sont exercés par Négri/Badiou ou non. 

    Y a til donc une évolution inéluctable, une sorte de "progrès" dont on se doit de se décrire les caractéristiques et les assumer? . Car il y aurait là un stade suprême de la démocratie.

    Et bien pour sauter directement à la conclusion, on peut imaginer que non. Car les communautés ne sont que des tentatives de revenir à l'hétéronomie. Il n'y a de vrai progrès que par l'apparition, non de nouvelles modes, mais de nouveaux concepts et celui de la volonté générale en reste un: la seule communauté qui vaille est la nation. Cette notion n'est pas américaine: ils sont détruit toutes les nations qu'ils approchèrent et ne peuvent concevoir le double rapport au vrai et au juste, c'est à dire le concept de souveraineté qui inverse le rapport au sommet de l'Etat. Voilà ma résolution de l'aporie, qui quoiqu'on en dise, mine l'empire américain et sa transposée fédéraliste en Europe.

    Voilà précisément, donc selon moi ce qui permet un libéralisme occidental qui ne soit pas communautariste ! 

    Pour continuer les distinctions et pour bien comprendre les évolutions qu'on nous promet, il faut opposer l'Etat judiciaire et jurisprudentiel, l'Etat de souveraineté  vers celui du compromis entre intérêts. Un point marquant est que cette conception est d'origine libérale, voire libertarienne, la liberté ayant sa forme juridique. 

    Les oppositions juste/bien se trouvent donc complétées par le égal/équitable et le vrai/admis.  

     Allons encore plus loin, et appliquons de la métaphysique thomiste (où ai je pu bien trouver ça?). On a deux mises en correspondance (analogies): la participative et la proportionnelle. Si on associe laïcité avec l'autonomie, on a la laïcité politique, participative quand l'autonomie collective devient l'état, tandis que la laïcité sociale promeut la proportion entre autonomies collectives et individuelles, les souverainetés étant multiples. Ce type de conceptualisation (ce que B est à A se compare avec ce que C et à D) est splendidement structuraliste, il n'y a que des formes dans la vie. 

    Soyons concrets: il existe des conceptions de citoyenneté "différenciées" qui inclurait des droits spécifiques pour des groupes  constitués. Vérifiant bien sur qu'il n'y a pas d'oppression entre minorités ou à l'intérieur de celle ci, ce libéralisme là (Will Kymlicka par exemple), garantit l'expression individuelle, mais elle ne peut prendre consistance que depuis l'intérieur d'un groupe constitué. 

    Pour finir, la promotion d'une laïcité politique permet non pas d'équilibrer des conflits, mais de les arbitrer, le politique étant premier (l'homme est un animal politique dirait Aristote) et le conflit essentiel. C'est la thèse de Julien Freund, pour qui le politique (l'Essence de la Politique) est une essence, stable à travers toutes les cultures et qui se matérialise par la relation commandement/obéissance qui entoure un bien commun (langue, pays) délimité, exclusif des autres. Ce qui exclut tout gouvernement global, et tout multiculturalisme possible.

    Car le communautarisme n'est PAS un nationalisme: il veut exister à l'intérieur d'une nation et en profiter pour tout ce qu'il n'a pas la force de produire lui même. Il est un parasitisme (et là, ça dérape...).

    En parlant d'essence, il faut expliquer cet "essentialisme du concept" qui a le mérite de caractériser celui ci comme décrivant une constante peut être non existante en elle même, mais permanente et pensable. Freund insiste sur la question et distingue ainsi son essence, ami ou ennemie des autres, des arrangements de conciliation propre à la dialectique.

    Car il conçoit, avec Simmel, le conflit comme élément dynamisant de la société et la guerre entre les nations comme élément inévitable mais contrôlable. C'est la position de Clausewitz: la guerre ne peut être niée mais se trouve un instrument, qui peut déboucher sur la paix. Cela au contraire de la criminalisation du conflit, qui ne débouche que sur l'anéantissement ou le pouvoir impérial.  

    Pour en revenir aux laïcités, il faut bien voir que sa redéfinition comme on dit est souvent revendiquée comme ne devant pas réglementer les comportements au delà d'un minimum. Est ce à dire qu'elle ne peut être utilisée trop avant dans la guerre contre le communautarisme, ce qui serait un souci démocratique ? Ou bien qu'elle doit être renégociée en faveur de l'interprétation "sociale" ? Et bien, au moins, on sait de quoi on parle. 

  • Les justices

    Michael Sandel évoqué récemment à la radio est l'auteur d'un cours intitulé "Justice" qui en fait une star de Harvard et aussi des campus asiatiques parait il. Il est proche des "communautariens", et adversaire de Rawls.  

    Nous voilà donc dans le débat entre libéraux et les communautariens. 

    D'abord le communautarianisme: il a bien le sens qu'on lui donne quand on parle du complot frère musulman, mais aussi le sens très américain, très positif, "our community" étant typiquement ce que respecte le groupe de réacs qui entoure la petite église perdue entourée d'indiens. Mais il s'agit aussi d'un courant philosophique des années 80 dont les noms sont Sandel, Allister McIntyre, Charles Taylor, Amitai Etzioni.

    Parlons de Rawls, le "social libéral" anti utilitariste, attaché d'abord à la justice (comme équité), qui génère le bien.

    La théorie de la justice est une théorie morale déontique, ou déontologique, issu des principes Kantiens de primauté du devoir sur la vertu. 

    On part des des principes de liberté (celle ci doit être maximisée) et de différence (les inégalités doivent être minimisées). En fait, la liberté ne peut être limitée qu'en son nom propre, et les différences doivent être acceptables par tous d'une part, compatibles avec des chances égales de les combler d'autre part. L'organisation se fait alors à l'aveugle, la justice agissant derrière le voile d'ignorance qui préside aux véritables choix objectifs. 

    Parlons maintenant des communautariens, ils en veulent au sujet autonome libéral, identifié au fameux mâle blanc hétérosexuel, fiction à dénoncer, car représentant d'une communauté, justement. Le politiquement correct, la discrimination positive et le communautarisme ethnique et religieux anglo saxon est évidemment issu de ces considérations. La défense admirable de la francophonie quebecquoise aussi. C'est la fameuse loi 101, qui protège le fameux "bien commun", la langue française. Le canadien Charles Taylor, élève de Isaiah Berlin en est le héros. 

    On a ainsi le noeud ambigu qui fait tout le charme de ce débat: la défense d'un particularisme au nom de la liberté est l'argument légitime du refus de l'universalité, et donc l'aporie est constituée. Place maintenant à la pensée ! 

    ll faut bien sur citer Franz Fanon, à l'origine du post colonial, la lutte pour l'image se devant d'être violente, et on a en plus la guerre des races, plus exactement le conflit en communautarismes radicaux, gage de l'avenir pour certains. On a aussi la théorisation de l'accord communicationnel entre les communautés, le sujet se trouvant repositionné différemment, à cheval entre le je et le nous. Le concept de "radical centrism" associé à Etzioni reste fascinant, il fut associé à la volonté de "réconciliation" entre blancs et noirs dans les US des années soixante. 

    Plus philosophiquement, le communautarianisme est associé à la prévalence du bien sur le juste, la conscience du bien ne pouvant être développée que dans une collectivité dotée d'une histoire, la fameuse communauté. Celle ci  peut(doit?)  bien entendu être religieuse, à cause de la nécessité d'un au delà de l'individu pour le contrôle du "moral". On a là le communautarisme narratif, celui qui transmet les identités. On doit aussi considérer le communautarisme fonctionnel, qui décrit la constitution et le fonctionnement des communautés nécessaires.

    Deux aspects des communautés fonctionnelles doivent cependant être distingués: l'organique (la société comme corps humain, selon Jean de Salisbury), et le civique, (les "groupes" (paysans, commerçants etc) de Marsile de Padoue qui constituent le commun).

    La constitution en communautés des identités post modernes est patente dans le monde moderne, les concepts de particuliarisme collectivisé se manifestant partout, l'internet étant bien sur le lieu de ces divisions, de ces réseaux de sociétés et de communautés diverses et variées en interaction permanente. Mais il y a aussi, simultanément et on pourrait croire que c'est la même chose, les communautarismes radicaux, ceux qui peuvent se transformer en nations si on n'y prend pas garde. 

    L'opposition entre libéraux et communautaristes tient donc à une certaine conception de ce qu'on appelle le "sujet", l'individu, invention moderne, étant ce qui à la fois bouleverse les traditions et les maintient, à la fois agresseur des vieilles religions, réformateur des nouvelles et encore pour l'instant, porteur de signature et de droits particuliers. 

    Pour tout dire, et ce sera mon point de vue, le mâle blanc se doit de camper sur sa rive, avec ses femelles (ne les oublions pas) ses vieillards et ses gamins, et veiller aux agressions des barbares dont la friponnerie se renouvelle sans cesse. La voilà la pensée, et non elle ne se soumettra pas à des arguties. Communautariste donc ? Nous y voilà, il nous faudra justifier l'injuste, ah que ça m'excite ! Et bien je veux le faire en parlant des nations. 

    Car  il faut considérer que ces réflexions sont évidemment originaire des lieux ou se sont formés des ensembles nationaux complexes (Etats Unis et Canada) construits et issus d'accords du bout des lèvres entre communautés, justement, ceci après d'ailleurs l'éradication violente de certaines, et la soumission violente d'autres, manifestement, l'histoire l'a montré, incapable de parvenir aux accords nécessaires à la paix entre blancs.

    Avec les immigrations complexes mondialisées (le Canada a des musulmans) et la non résolution de la question noire, sans parler de l'apparition de la mexicaine, les amériques ont un problème et en discutent. 

    L'Europe est bien évidemment dans une situation très différente mais avec ses problèmes propres et bien sur l'incroyable diversité qui la caractérise, les attitudes britanniques et françaises étant par exemple radicalement contraires sur ces sujets. Cependant, cette Europe qui s'unit à grand peine suivant des principes en fait nouveau reste fondée sur l'essence de sa grande histoire, qui inventa la totalité de ces questions, plus la liberté, plus la technique et le reste: elle détruisit tous ses empires et finit, gage de sa vitalité inventive par se détruire elle même. Pourtant, la plupart des monuments sont là et il reste aussi, nous le voyons bien, les nations... 

    Y a t il plusieurs modèles de nation ou un seul ?  Si il y en a un seul, alors certains états ne vont bientôt ne plus être unis, à moins que, dualement, nous ne devions fédérer l'Europe. Dans le cas contraire, lequel devons nous choisir ? Ce débat là reste ouvert, il est très important et j'ai mon avis. 

     Au sujet de Sandel, il faut aussi noter que lui aussi veut dépasser le débat. La question porte sur la banalisation du choix personnel que produit la liberté libérale: elle identifie morale et préférence personnelle, tandis le communautarisme attribue la valeur du choix au nombre de ses adeptes. Le dépassement de cette opposition se fait en introduisant la liberté de conscience ! En effet, celle ci dicte le nécessaire alors que le choix libre lui, permet en principe de faire n'importe quoi. Il y a donc une liberté supplémentaire, qui n'est ni le choix individuel, ni celui de la communauté, mais celui d'une entité tierce, que l'on peut juger arbitrairement bonne: la conscience morale qui justifie toutes les "pratiques", non pas comme liberté mais comme devoir.

    Admirable solution ! Elle pose donc un fondamental à la fois dans le collectif et dans l'individuel et donne une valeur aux deux mondes. Pourtant, on n' trouve ni la nation ni la famille. Plus que jamais, entre l'individu solitaire perdu et les rouages d'une tribu, les philosophes modernes ne voient le monde qu'inacceptable, et ignorent et ne considère pas ce qui reste le fondement du monde occidental: des familles nucléaires groupées en nation. 

    Car c'est bien par là qu'on peut se sortir de tous les paradoxes, qu'il soient communautaristes ou féministes, bref dirigés contre le chef de famille citoyen: en prenant la défense de celui ci ! Car alors qu'il partage l'autorité avec la femme qu'il se doit de respecter s'il veut que celle ci puisse apprendre à lire aux moutards, et qu'il se doit donc de lui accorder le droit de vote pour qu'elle en parle avec respect, il lui faut aussi affirmer sa puissance face aux autres ménages, et refuser d'abriter les cousins éloignés célibataires au nom des exigences sociales organisées par quelques curés ou caïds tribaux.

    Il n'y a point de communautés ! 

     

     

  • Le professeur et les élèves

    Traité de "professeur" à plusieurs reprises, considéré insupportable, honni par les moralistes naïfs, prêtant le flanc à l'accusation de fanatique du fait de ma révolte contre les plus absurdes conneries considérées modérées ici et là, je me dois de m'expliquer. Et de prendre des exemples. 

    Le libéralisme, tel que considéré par certains, est une idéologie. Dans le sens qu'il est complet, cohérent et universel. S'appliquant aux monopoles, il se doit de les interdire et de les rejeter: si la concurrence construit de par les interactions libres un monopole de la production et de la vente, et bien il faut le détruire: la concurrence libre est faussée, et le système en péril. ATT delenda est.

    Il existe un deuxième cas où l'interventionnisme paradoxal est nécessaire: celui du travail au noir, mais avec  une incertitude, car on ne sait pas si l'universalité nécessite la suppression des frontières, qui empêchent l'universalisation de la loi sociale la plus avantageuse, ou bien l'interdiction de celles ci, l'appel d'air suscitant partout des voyages injustifiés. Mais cela a pour inconvénient d'instaurer le protectionnisme, ce qui est inadmissible.

    Nous voyons donc ici les limites de l'idéologie, ou plutôt son aporie, des principes généraux se trouvant très vite, de fait en contradiction avec le bon sens, la réalité et la nature des choses. Mon exemple du libéralisme était bien entendu intentionnel. Des paradoxes similaires et d'ailleurs exactement semblables, pour ne pas dire identiques (le pléonasme peut accompagner la répétition), s'appliquant à cette question de la loi sociale, considérée partout comme le centre de toute réflexion adulte sur le monde, la pauvreté inadmissible se devant d'être immédiatement réduite, toute réticence à la chose (la compensation sans limites par des impôts qu'il faut augmenter d'urgence), pleurée, que dis je, condamnée. C'est comme cela qu'ils s'en sortent, la question du prof étant évacuée par l'éthique, et le paradoxe poursuivi pour racisme, que dis je exclu de la raison. 

    Toute adhésion à ces principes se devrait d'être poussée à la réflexion. Et bien la remarque, insupportable, qualifie le messager d'insupportable donneur de leçons. Et bien la plupart des personnes adultes, exprimant en société des avis politiques apparemment réfléchis se trouvent soumis à cette critique sans donner l'impression d'y avoir été préparés. Aiguillonnés gentiment, ils se livrent en masse au soupir, à la pitié et à la pédagogie d'adultes d'âges comparables, qui se mordent intérieurement les génitoires d'avoir à se retenir d'exploser de colère devant tant de conneries. D'ailleurs parfois ils s'y livrent, à la colère. 

    Pour continuer dans l'exaspération pour l'autre sujet qui fâche, allons nous promener sur les rivages du racisme et de la détestation de la grande religion de paix, qui consiste à considérer un ennemi global nommé "islam" (pourquoi pas bébert?) et à l'assimiler (le mot lui même, ce qu'il désigne restant inconnu) à tout ce qu'on peut imaginer de négatif, de violent et j'en passe. On pourrait bien sur tenter de caractériser la religion, sa théologie, ses variantes et exprimer à ce sujet, en plus de la détestation des religions en général certaines vérités bien senties sur les aspects plus que religieux (plus politiques, plus superstitieux) de cette religion là. 

    On pourrait voir entendre parler de culture, d'histoire et des cul de sac historiques dues aux colonisations variées, la dénonciation de la colonisation mongole pouvant motiver un authentique tiers mondisme, bref, l'histoire et toutes ses variantes, toutes ses richesses s'offre à nous. L'islam fut historique et en hérite ses aspects.

    On pourrait parler des actions historiques du temps présent menées par des puissances politiques et militaires en activité. De leurs exactions et de leur complices, de la résistance concrète qu'on pourrait leur apporter, des actions guerrières ou diplomatiques à mener. On pourrait élaborer sur des guerres idéologiques à poursuivre, des propagandes à dénoncer, des interprétations de l'actualité à repousser. On pourrait nommer les organisations adversaires, leurs supports, leurs alliés, leur journaux et leur ennemis. 

    Et bien non, pour la gauche, il n'y a que la misère du monde, unique source du mal, le racisme étant mauvais, marque de la domination du méchant blanc, seul coupable de l'invasion de l'Irak par Bush. Défenseur impie d'Israël, comble de la finance internationale militarisée, il est le mal, la seule solution étant, en plus de la lecture de Céline, de plonger dans la spiritualité soufie qui d'un seul coup résout le  problème du matérialisme occidental et permet de s'unifier la grande religion morale du bouddhisme mondialisé qui s'impose à tous. 

    De plus, la droite et sa droite aussi, se roule dans son pétainisme confus. Lecteurs de Céline, tolérants envers l'homosexualité que manifestent des cryptos gaullistes adepte du non aux référendums contre l'Europe, haineux d'un simple mot, ils attendent avec impatience le prochain attentat pour flipper davantage au sujet des centaines de mollenbeck que leur révèle un franc maçon du chnord, ministre socialiste en exercice. 

    De questions, point, d'intérêt pour quoique ce soit, aucun, de savoir, pas. La connerie, à perte de vue et tous ces points de vues, qui partagent de manière enchevêtrée les divers tics, manies et légendes urbaines des classes moyennes goinfrées de télévision. 

    C'est le destin des profs que de composer plus ou moins avec cette ignorance là. Profs ou martiens issus des rivages inconnus de la solitude qu'on éprouve face à l'étrange, à la convenance, l'insincérité ou la bêtise ? 

  • Juppé et Fillon

    La campagne pour les primaires a commencé et on peut déjà faire un état des lieux sur le seul débat qui vaille, celui qui oppose Juppé et Fillon. Nicolas Sarkozy n'est déjà plus dans la course, et son rôle, tout comme sa personne d'ailleurs, est maintenant secondaire et décoratif. Ne parlons pas des autres candidats: ce sont des faire valoir.

    La personne d'Alain Juppé est intéressante: détendu et un peu hautain, il exprime une satisfaction de lui même permanente qui est extraordinairement agaçante. Cette morgue guindée, dotée du petit accent bordelais qui caractérise la manière bourgeoise d'être proche du peuple en province, sera responsable de plongées dans les abimes des sondages d'opinion dès qu'il sera élu. Condamné et soupirant encore de cela, il l'assume sans culpabilité ni regrets, et se sent capable d'exercer ce à quoi il aspire depuis toujours, et qui lui convient bien, les sondages actuels le disent. 

    Il s'exprimait aujourd'hui sur sa politique de la culture. En charge des valeurs attaquées par le fanatisme, elle est une réponse, histoire, création, patrimoine (quoi d'autre comme directions dans l'administration du ministère?), un plan "ambitieux" doit être mis en oeuvre, mais le budget ne doit pas forcément être augmenté, l'Europe ayant elle tout l'argent. Bref, un mélange que l'on peut qualifier d'habituel entre le discours lénifiant sur les valeurs, l'ambiguité financière prudente et l'appel final à l'Europe pour évoquer l'avenir. Le placement de la relation valeurs/culture avec l'actualité marquée par le terrorisme qu'il convient de combattre de la sorte évoque la sentimentalité religieuse du temps: le mal se combat par l'émotion contrôlée, et Juppé se positionne parfaitement dans un exercice obligé, typique. Ca marche à Bordeaux, le Berlin de la gauche d'Aquitaine, ça marchera partout. 

    Au passage, on bloquera des sites internets, les pédophiles valant les islamistes, cela déradicalisera, et d'autre part, il faut le noter, Juppé le redit encore, un imam, celui de Bordeaux, sera en charge de cela, les musulmans étant bien sur "crédibles" (sic) pour lutter contre le djihadisme. Le poncif absurde naïf, déjà partout contredit par l'évidence et la lecture des sites internets qu'on ne bloque pas encore: membre de l'UOIF, Tarek Obrou est parfaitement ambigu, parfaitement communautariste, parfaitement mielleux et ne mérite pas ces honneurs. Juppé, un maire qui sous traite au privé la gestion de certains territoires ? Partisan, comme la tentation existe chez les républicains (c'est aussi la position de Lemaire) de l'abandon du recrutement de fonctionnaires territoriaux, cela est logique. 

    "Je l'ai dit dès le départ": un coup politique que cette réforme de la constitution. Juppé, la première semaine de Janvier était prêt à voter la réforme dans l'état. En fait, il changea d'avis et ne fut avec Fillon, dans la dénonciation de l'inutilité de la réforme que courant février, et il est vrai avec une énergie qui n'alla pas jusqu'à écorner les sondages en sa faveur.

    Fillon organisa la guerre contre la manipulation et du accepter tout en refusant le principe un sinistre contre vote que certains à gauche osent, les misérables, mal qualifier, et hélas à raison. La défaite conjointe de Hollande et de Valls (celui ci du mouiller sa chemise sur son temps de loisir avant qu'on ne l'abandonne en rase campagne) est lamentable et honteuse, presque incroyable et en tout cas jamais vue sous la Vème république. Leur discrédit et leur humiliation est affreuse: elle fut due à la constance et à la méchanceté d'un homme d'Etat, jugé jusque là timide et velléitaire: François Fillon. 

    Il y eut des éclats de voix au bureau politique des républicains: Nicolas Sarkozy avait pris en solitaire (un chef ça prend des initiatives) la décision de négocier la réforme constitutionnelle directement avec son successeur, et Fillon s'opposa frontalement à la chose, qui malgré quelques délires en salle des fêtes ne fut pas revendiquée outre mesure, les mises en examen se succédant trop. L'échec de Hollande et aussi celle de cette négociation là, qui ruine tout autant les carrières de deux petits hommes, inconscients des enjeux, sans honneur ni intelligence. 

    Pour conclure, rappelons les propos de Manuel Valls, qui déplore (comme son maitre) une manoeuvre politicienne et qui se plaint "collectivement, de ne pas avoir été à la hauteur". Tout cela pour se faire traiter, par Fillon, de "petit manoeuvrier sans envergure". La honte est bue, la misère complète. Ces gens là sont ce qu'ils sont. 

    Fillon déroule son programme depuis deux ans, et renouvelle régulièrement, avec une constance et une pugnacité qui s'accroit insensiblement, les arguments, les anecdotes, les réflexions. Il a dores et déjà mis sur la table un ensemble de choses qui elles aussi ne furent jamais vues depuis le début de la Vème république. Une réorganisation complète des territoires, de l'économie, et de la fonction publique de la France. Allez y voir.

    D'abord le constat: la situation devient dangereuse et la France amorce un déclin irrémédiable, de longue durée, dont tous les éléments, connus, se manifestent déjà. Une occasion unique se présente pour le réaliser et pour réagir de manière puissante, brutale, à la Française. Il s'agit de rompre avec les habitudes et de se remettre en selle, dans tous les domaines en même temps en marquant de façon nette la différence avec l'avant. Une "rupture", une "révolution" ? S'il arrive à faire ce qu'il dit, cela en sera une... Cela a le mérite de la clarté, de la force et du culot. Pourtant, l'homme reste le bourgeois sarthois qu'il se flatte d'être, il fut seguiniste, premier ministre, a toutes les apparences de la mesure et semble en tout réfléchi et prudent. Il est même catholique pratiquant ! 

    Commençant par les territoires. Comme prévu, et comme décrit par tout le monde, la réforme des régions de Hollande rend maintenant incontournable les départements, qui du fait de la taille des régions les rend définitivement intouchables.

    Que dit Juppé ? Qu'il serait déraisonnable, malgré l'incontestable nocivité de la chose, d'y toucher à nouveau, voire que cela serait une folie, décrédibilisant ses possibles auteurs. 

    Que dit Fillon ? Que la réforme sera abolie instantanément dés son arrivée, et la fusion des régions (celles d'avant) et des département évidemment nécessaire, souhaitable, voire indispensable au reste de la réforme de la France immédiatement instaurée, bien sur après un référendum qui traitera aussi d'autres questions (voir le programme).

    Cette opposition frontale et définitive sur un point fondamental de la catastrophe gestionnaire des années 2012/2017 résumera tout cet article. En tête des sondages et de toutes les popularités, Alain Juppé est porteur d'une inactivité que ne compense pas la préparation toujours en cours de son programme économique par des experts. Pour l'instant, des périphrases en interview, la suppression de l'ISF, plus quelque chose sur les 35 heures et la dégressivité des allocations chômage. On verra donc sa popularité quand les propositions économiques seront publiées, ce sera au printemps, c'est bientôt. 

    Juppé est porteur de "la théorie de la goutte d'eau": il ne faut pas l'ajouter pour bloquer la France et il l'a vécu, il sait de quoi il parle. Malgré bien des efforts et d'ailleurs des réussites, il restera, avec Chirac qui l'ordonna, le réformateur de l'abandon devant la rue. L'occasion unique de briser la CGT et la gauche à la Noël 95 qui le tua fut ratée pour toujours: vingt ans de perdus, qui s'achèvent dans la rue d'ailleurs comme d'habitude, par un abandon à venir pour cent fois plus dérisoire.  

    Par contre, il ne cesse jamais de parler de réformes, au sens normal: des changements de fonctionnement par touches sur les différents sujets. Pourquoi exactement ? Parce que. Coordonné par Dominique Perben, avec Hervé Gaymard en charge de l'économie, ces charismatiques (tu parles) organisateurs peaufinent ce qui s'appelle un ragout. Décision par décision, tout ce qui est édicté depuis en haut est ce qu'il faut faire, voilà mes décisions.

    Un pacte avec l'islam ? Voilà où j'en suis. A prendre ou à laisser, alors que le sujet, qui n'est pas traité, c'est le moins qu'on puisse dire, va soulever bien des interrogations... Tout à l'avenant. Un catalogue, chaque ligne, réfléchie, et mesurée par le bon sens du bordelais (il a encore les capacités intellectuelles de tout lire) valant contrat au sens traditionnel de la manière dont le pays est gouverné depuis trente ans. A l'aveugle. 

    Pour fixer la sauce, un concept "l'identité heureuse", sensée (nous ne sommes pas des communicants) donner à l'ensemble la cohérence et la ligne de fuite qu'il n'a, désolé, aucunement. 

    Nous sommes à la veille de l'ouverture du débat. Il se déroulera bientôt, mais surtout à l'automne, bien sur, l'été 2016 devant être le dernier que la France passera à la plage, avant que la nécessité de la réforme brutale n'amène les violences à venir de 2017. Il y aura bien sur à régler son compte à Sarkozy, mais cela ne sera que broutilles, car la puissance de la nécessité de réagir va bientôt enflammer les esprits, du moins c'est ce que je crois. 

    L'élection met en jeu, bien plus que l'union nationale, tous les sentiments contradictoires et opposés que les français ont d'eux mêmes et de leur pays. Pour l'instant, ils se tâtent en bouffant, toujours ça qu'ils n'auront pas. Nous allons regretter la période en cours. 

    "Je ne suis pas le candidat de l'arrogance, je ne suis pas celui du consensus, je suis venu pour sérieusement casser la baraque pour la reconstruire  autrement". Ca, ce n'est pas du Juppé.