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Juppé et Fillon

La campagne pour les primaires a commencé et on peut déjà faire un état des lieux sur le seul débat qui vaille, celui qui oppose Juppé et Fillon. Nicolas Sarkozy n'est déjà plus dans la course, et son rôle, tout comme sa personne d'ailleurs, est maintenant secondaire et décoratif. Ne parlons pas des autres candidats: ce sont des faire valoir.

La personne d'Alain Juppé est intéressante: détendu et un peu hautain, il exprime une satisfaction de lui même permanente qui est extraordinairement agaçante. Cette morgue guindée, dotée du petit accent bordelais qui caractérise la manière bourgeoise d'être proche du peuple en province, sera responsable de plongées dans les abimes des sondages d'opinion dès qu'il sera élu. Condamné et soupirant encore de cela, il l'assume sans culpabilité ni regrets, et se sent capable d'exercer ce à quoi il aspire depuis toujours, et qui lui convient bien, les sondages actuels le disent. 

Il s'exprimait aujourd'hui sur sa politique de la culture. En charge des valeurs attaquées par le fanatisme, elle est une réponse, histoire, création, patrimoine (quoi d'autre comme directions dans l'administration du ministère?), un plan "ambitieux" doit être mis en oeuvre, mais le budget ne doit pas forcément être augmenté, l'Europe ayant elle tout l'argent. Bref, un mélange que l'on peut qualifier d'habituel entre le discours lénifiant sur les valeurs, l'ambiguité financière prudente et l'appel final à l'Europe pour évoquer l'avenir. Le placement de la relation valeurs/culture avec l'actualité marquée par le terrorisme qu'il convient de combattre de la sorte évoque la sentimentalité religieuse du temps: le mal se combat par l'émotion contrôlée, et Juppé se positionne parfaitement dans un exercice obligé, typique. Ca marche à Bordeaux, le Berlin de la gauche d'Aquitaine, ça marchera partout. 

Au passage, on bloquera des sites internets, les pédophiles valant les islamistes, cela déradicalisera, et d'autre part, il faut le noter, Juppé le redit encore, un imam, celui de Bordeaux, sera en charge de cela, les musulmans étant bien sur "crédibles" (sic) pour lutter contre le djihadisme. Le poncif absurde naïf, déjà partout contredit par l'évidence et la lecture des sites internets qu'on ne bloque pas encore: membre de l'UOIF, Tarek Obrou est parfaitement ambigu, parfaitement communautariste, parfaitement mielleux et ne mérite pas ces honneurs. Juppé, un maire qui sous traite au privé la gestion de certains territoires ? Partisan, comme la tentation existe chez les républicains (c'est aussi la position de Lemaire) de l'abandon du recrutement de fonctionnaires territoriaux, cela est logique. 

"Je l'ai dit dès le départ": un coup politique que cette réforme de la constitution. Juppé, la première semaine de Janvier était prêt à voter la réforme dans l'état. En fait, il changea d'avis et ne fut avec Fillon, dans la dénonciation de l'inutilité de la réforme que courant février, et il est vrai avec une énergie qui n'alla pas jusqu'à écorner les sondages en sa faveur.

Fillon organisa la guerre contre la manipulation et du accepter tout en refusant le principe un sinistre contre vote que certains à gauche osent, les misérables, mal qualifier, et hélas à raison. La défaite conjointe de Hollande et de Valls (celui ci du mouiller sa chemise sur son temps de loisir avant qu'on ne l'abandonne en rase campagne) est lamentable et honteuse, presque incroyable et en tout cas jamais vue sous la Vème république. Leur discrédit et leur humiliation est affreuse: elle fut due à la constance et à la méchanceté d'un homme d'Etat, jugé jusque là timide et velléitaire: François Fillon. 

Il y eut des éclats de voix au bureau politique des républicains: Nicolas Sarkozy avait pris en solitaire (un chef ça prend des initiatives) la décision de négocier la réforme constitutionnelle directement avec son successeur, et Fillon s'opposa frontalement à la chose, qui malgré quelques délires en salle des fêtes ne fut pas revendiquée outre mesure, les mises en examen se succédant trop. L'échec de Hollande et aussi celle de cette négociation là, qui ruine tout autant les carrières de deux petits hommes, inconscients des enjeux, sans honneur ni intelligence. 

Pour conclure, rappelons les propos de Manuel Valls, qui déplore (comme son maitre) une manoeuvre politicienne et qui se plaint "collectivement, de ne pas avoir été à la hauteur". Tout cela pour se faire traiter, par Fillon, de "petit manoeuvrier sans envergure". La honte est bue, la misère complète. Ces gens là sont ce qu'ils sont. 

Fillon déroule son programme depuis deux ans, et renouvelle régulièrement, avec une constance et une pugnacité qui s'accroit insensiblement, les arguments, les anecdotes, les réflexions. Il a dores et déjà mis sur la table un ensemble de choses qui elles aussi ne furent jamais vues depuis le début de la Vème république. Une réorganisation complète des territoires, de l'économie, et de la fonction publique de la France. Allez y voir.

D'abord le constat: la situation devient dangereuse et la France amorce un déclin irrémédiable, de longue durée, dont tous les éléments, connus, se manifestent déjà. Une occasion unique se présente pour le réaliser et pour réagir de manière puissante, brutale, à la Française. Il s'agit de rompre avec les habitudes et de se remettre en selle, dans tous les domaines en même temps en marquant de façon nette la différence avec l'avant. Une "rupture", une "révolution" ? S'il arrive à faire ce qu'il dit, cela en sera une... Cela a le mérite de la clarté, de la force et du culot. Pourtant, l'homme reste le bourgeois sarthois qu'il se flatte d'être, il fut seguiniste, premier ministre, a toutes les apparences de la mesure et semble en tout réfléchi et prudent. Il est même catholique pratiquant ! 

Commençant par les territoires. Comme prévu, et comme décrit par tout le monde, la réforme des régions de Hollande rend maintenant incontournable les départements, qui du fait de la taille des régions les rend définitivement intouchables.

Que dit Juppé ? Qu'il serait déraisonnable, malgré l'incontestable nocivité de la chose, d'y toucher à nouveau, voire que cela serait une folie, décrédibilisant ses possibles auteurs. 

Que dit Fillon ? Que la réforme sera abolie instantanément dés son arrivée, et la fusion des régions (celles d'avant) et des département évidemment nécessaire, souhaitable, voire indispensable au reste de la réforme de la France immédiatement instaurée, bien sur après un référendum qui traitera aussi d'autres questions (voir le programme).

Cette opposition frontale et définitive sur un point fondamental de la catastrophe gestionnaire des années 2012/2017 résumera tout cet article. En tête des sondages et de toutes les popularités, Alain Juppé est porteur d'une inactivité que ne compense pas la préparation toujours en cours de son programme économique par des experts. Pour l'instant, des périphrases en interview, la suppression de l'ISF, plus quelque chose sur les 35 heures et la dégressivité des allocations chômage. On verra donc sa popularité quand les propositions économiques seront publiées, ce sera au printemps, c'est bientôt. 

Juppé est porteur de "la théorie de la goutte d'eau": il ne faut pas l'ajouter pour bloquer la France et il l'a vécu, il sait de quoi il parle. Malgré bien des efforts et d'ailleurs des réussites, il restera, avec Chirac qui l'ordonna, le réformateur de l'abandon devant la rue. L'occasion unique de briser la CGT et la gauche à la Noël 95 qui le tua fut ratée pour toujours: vingt ans de perdus, qui s'achèvent dans la rue d'ailleurs comme d'habitude, par un abandon à venir pour cent fois plus dérisoire.  

Par contre, il ne cesse jamais de parler de réformes, au sens normal: des changements de fonctionnement par touches sur les différents sujets. Pourquoi exactement ? Parce que. Coordonné par Dominique Perben, avec Hervé Gaymard en charge de l'économie, ces charismatiques (tu parles) organisateurs peaufinent ce qui s'appelle un ragout. Décision par décision, tout ce qui est édicté depuis en haut est ce qu'il faut faire, voilà mes décisions.

Un pacte avec l'islam ? Voilà où j'en suis. A prendre ou à laisser, alors que le sujet, qui n'est pas traité, c'est le moins qu'on puisse dire, va soulever bien des interrogations... Tout à l'avenant. Un catalogue, chaque ligne, réfléchie, et mesurée par le bon sens du bordelais (il a encore les capacités intellectuelles de tout lire) valant contrat au sens traditionnel de la manière dont le pays est gouverné depuis trente ans. A l'aveugle. 

Pour fixer la sauce, un concept "l'identité heureuse", sensée (nous ne sommes pas des communicants) donner à l'ensemble la cohérence et la ligne de fuite qu'il n'a, désolé, aucunement. 

Nous sommes à la veille de l'ouverture du débat. Il se déroulera bientôt, mais surtout à l'automne, bien sur, l'été 2016 devant être le dernier que la France passera à la plage, avant que la nécessité de la réforme brutale n'amène les violences à venir de 2017. Il y aura bien sur à régler son compte à Sarkozy, mais cela ne sera que broutilles, car la puissance de la nécessité de réagir va bientôt enflammer les esprits, du moins c'est ce que je crois. 

L'élection met en jeu, bien plus que l'union nationale, tous les sentiments contradictoires et opposés que les français ont d'eux mêmes et de leur pays. Pour l'instant, ils se tâtent en bouffant, toujours ça qu'ils n'auront pas. Nous allons regretter la période en cours. 

"Je ne suis pas le candidat de l'arrogance, je ne suis pas celui du consensus, je suis venu pour sérieusement casser la baraque pour la reconstruire  autrement". Ca, ce n'est pas du Juppé. 

  

Commentaires

  • Nous sommes fin avril: un sondage important (5000 personnes) fait état d'une percée de Fillon. Jugé quasiment mort, il est donc (si on oublie Sarkozy et tout le monde l'oublie) le deuxième homme de la primaire. Haut les coeurs !

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