Les indigènes
À l'occasion d'une prise de parole de la terrible sorcière (qui se fait rare)(1), on doit bien reconnaitre que la plainte indigène reste vivante et en bonne santé. La bouteille de jaja, comme on disait, avec toujours la même référence, le célèbre livre, le mein kampf indigène "Les Blancs, les Juifs et nous : vers une politique de l'amour révolutionnaire", complété récemment par un autre, "Beaufs et Barbares" sorti plus récemment.
Le vocabulaire tranchant comme les lames de rasoir qui décorent le balai de la dame fait froid dans le dos, et je ne suis qu'un petit "blanc"...
Cette blanchitude, attachée donc à ma "race" malgré moi, me colle à la peau, exactement comme son inverse, la "non blancheur" colle à la peau des "décoloniaux" (la dame patronnesse est étroitement liée au QG décolonial (2) et exhibe fièrement Jean-Luc Mélanchon comme "butin de guerre"). On ne peut pas rendre sa carte de blanc, pas plus qu'on ne peut (même si on le voudrait bien) rendre sa carte de ... (là on se tâte, ou on se renifle, "noir"? "décolonial" ? ).
Cette symétrie-là ne rattrape pas l'asymétrie, elle, essentielle et constitutive de la différence: la blancheur est position de domination, irréductible, elle est la couleur de l'État racial, honni, qui donnera toujours un avantage à l'islamo gauchiste blanc. Pascal Blanchard (doublement condamné) ne pourra ainsi jamais écrire crédiblement sur les sujets tournant autour de la funeste couleur porcelaine. Cette couleur est fondamentale, et l'arabo musulman doit lui aussi cesser de se croire "blanc": le noir est bien le fond de l'affaire, la couleur de peau, la racialisation visible constitutive de la fracture reste le critère fondamental: la race c'est la négritude, point final.
C'est par cet argument-là que Bouteldja écarte la question de la traite arabo musulmane: bien que faite en Afrique, sur le dos des noirs, elle ne fut pas constitutive d'une ségrégation raciale de l'esclave, esclave de par sa couleur: pour le monde africain traditionnel, l'esclave ne serait que l'objet d'une capture. C'est bien le blanc qui inventa l'association raciste fondamentale qui divise l'humanité pour les occidentaux.
Ce jugement est discutable, et discuté. Il constitue un point d'ancrage pour des débats multiples au sein même de la gauche décoloniale ou pas ou pas assez et se trouve bien, on pourrait dire "évidemment" une pierre d'achoppement. L'islam pouvait capturer ceux qui n'était pas "du livre". Passèrent à la casserole les païens noirs et les païens blancs sans que donc on se permette de condamner la musulmanitude, ou le privilège musulman pourtant garant d'une domination bien réelle et qui dura longtemps. Les raids esclavagistes des peuls dans l'Afrique noire du début du XXème siècles furent arrêtés par les coloniaux; ils reprennent actuellement dans les mêmes régions enfin vraiment décolonisées: qu'en penser?
Le "blanc" au delà du simple racisme biologique serait donc une position de domination; mais génétiquement attribuée, bref, là aussi on se pince: de quoi parle-t-on ? Si racisme il y a et qu'il a une origine raciale, la couleur blanche de peau ou l'hérédite dite "caucasienne", pourquoi ne pas le dire: il y a des races, la race blanche domine et doit être combattue pour cela. Le privilège blanc est bien racial, et même si à force de génuflexions on veut bien le laisser vivre, il reste dangereux: revenu dans les frontières de l'Etat racial, il passera inaperçu de nouveau et se fera donner du "monsieur" indument.
On a ainsi là la "théorie critique de la race" woke à part que la dame est d'abord et avant tout une militante et stratège politique. Point d'universitarisme pédant ou de volonté d'un juridisme trop étendu : il s'agit de changer la société. D'autre part, le décolonial assume sa "saleté": l'intersectionnalité qui pourrait amener les militants porteurs d'un identitarisme musulman assumé à assumer le "queer" n'est pas vraiment présente (tu parles). Il y a saleté et saleté, qu'il ne faut pas confondre avec la pureté. La chose est d'ailleurs assumée: l'identitarisme traditionnel et ses préjugés font partie de la "race", du moins de la bonne.
Car la militante est beaucoup (peut être surtout) une gauchiste, et la capitalisme est l'ennemi majuscule. On notera la conception évidemment fausse de son assimilation à la pratique de l'esclavage alors que les deux choses sont parallèles historiquement, voire complètement décorrélées, l'argument (le capitalisme s'est concentré sur les noirs) étant plutôt étrange.
On dira plutôt que le capitalisme est en fait très ancien et fut pratiqué dès l'antiquité, sous la forme d'échanges lointains risqués capables de générer des hyper profits échappant à tout marché. Le capitalisme est en effet l'expression de la contradiction fondamentale du commerce et qui est de se soustraire à la concurrence de manière à imposer un prix et donc un profit maximal. Le capitalisme est ainsi ce qui veut et doit se soustraire au "marché". Le capitalisme industriel, assis sur des monopoles de fait variés n'est qu'une modalité de cette activité, les économies réalisées par tous les moyens disponibles lors de la production des marchandises à vendre étant l'origine des sur-profits justifiant la mise initiale.
Fruit de la recherche naturelle de leurs intérêts par les hommes aventureux dont la violence n'est pas le moyen principal, le capitalisme, forme avancée du commerce, est une modalité légitime des activités humaines. Il ne sera jamais aboli et vouloir s'en priver est une puérile niaiserie oiseuse.
Cela étant dit, cette lutte-là, contre le capitalisme, est bien le fond de la motivation de la dame. Surtout qu'il s'agirait d'une invention blanche en plus vraiment nuisible qu'à partir de 1492, date à laquelle on associe la terrible domination chrétienne sur l'islam (et le judaïsme), infinie barbarie. Non pas que la barbarie et la cruauté soit spécifiquement blanche, (à défaut d'être infinie), pratiquée par d'autres on en convient tout de même, elle s'accompagna du racisme qui lui est original.
Car il faut bien voir qu'en plus ce racisme est ici défini comme étatique, et fourbi par la classe qui le domine. On se demandera ce qui dans l'histoire ne l'applique pas à toutes les autres dominations du même type dans l'histoire, la domination "blanche" étant la domination des blancs, tout comme la mongole, celles des mongols, bien connus pour ne pas du tout être racistes (je rigole) s'applique ici tout autant. La fixette sur le blanc tourne au racisme, il me semble, au sens primaire: et là je ne rigole plus. Sale blanc ! Revenons sur le régime mongol, ou plus exactement sur tous les régimes de domination ethniques propres à l'Afrique noire: on y trouve systématiquement des dominations claniques proprement racistes, car attribuant humanité et domination aux tenants d'une lignée exclusivement. Croire et faire croire à une particularité blanche sur ces sujets est risible, même en y ajoutant pour faire corps le caractère capitaliste exclusif que tous ces braves gens n'avaient pu avoir inventé.
(1) Interview d'Houria Bouteldja https://www.youtube.com/watch?v=zc_8GwT0qT0
(2) https://qgdecolonial.fr/