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  • Les antisémitismes

    À l'heure de Gaza martyrisé, des  80 ans de la mort de Hitler, et des frères musulmans en roue libre en France, on peut bien s'interroger sur ce qu'on appelle l'antisémitisme, retour en grâce progressif de Dieudonné oblige.

    D'abord, il y a le woke, le juif, essentiellement blanc n'étant absolument pas partie prenante de la dénonciation de l'homme blanc de 50 ans, désormais innocenté complètement de tout antijudaïsme, bien au contraire. 

    Le curieux renversement, dont la simple structure, on se souviendra de Levi Strauss expliquant que le monde infiniment compliqué des choses ne pouvait se comprendre qu'en décrivant les différences peu nombreuses mais significatives qu'on pouvait distinguer entre les monstres de complexité inaccessibles, le renversement donc, est bien le signe de quelquechose: de transgressif, menaçant et cosmopolite, le signifiant "juif" est devenu son contraire, conservateur, protecteur et surtout nationaliste, tout ce que le monde s'est pris de haïr et dont il veut la disparition.

    Les choses changent mais restent les mêmes: le "juif" "delenda est", quelles qu'en soient les raisons. 

    Cette obsession ne tient pas donc à un état ou l'autre de la chose (cosmopolite ou nationaliste) les deux états étant strictement symétriques, donc hors de la vraie détestation. Voilà la vraie conclusion. Reste donc à expliquer ce qui subsiste après la remarque. 

    On pourrait prétendre que le nationalisme juif a toujours été la cible, même quand on l'accusait, vicieusement et à tort, d'être cosmopolite et dissolvant alors qu'il n'était qu'ennemi à une époque où la chose (le nationalisme) ne pouvait qu'être univoque. Pourtant, à l'époque, Israël n'existait pas et les communautés juives n'étaient pas "nationales" leur attachement en regard n'étant qu'un sionisme peu partagé finalement en tout cas pas par les juifs éduqués et intégrés des empires et nations européennes. On ne peut accuser ces juifs là de complot patriote sémite, mais on peut les accuser de complot progressiste, l'être juif étant naturellement porté à la tolérance pour lui-même et à la méfiance pour tout sentiment trop ethnique, mettez-vous à sa place. C'est de cela dont on les accusait, de progressisme essentiel. À l'heure du renversement, quand la mode est à la déconstruction, on les accuse donc de l'inverse, c'est-à-dire de conservatisme essentiel, tout aussi dissolvant et donc voilà la clé: le juif est ce qui s'oppose essentiellement à l'unanimisme de la foule rassemblée, qui troublée (pour une raison ou un autre) se cherche une vérité unique et se prend à refuser la dualité essentielle du monde qu'elle se met à penser "essentiellement" univoque. 

    Le trouble et donc le refus de la dualité des valeurs amène donc à la dénonciation de l'impie contradicteur essentiel dont le nom est "juif". Voilà toute l'affaire et le reste n'est qu'intensité de la haine, un extrême ayant certainement été atteint par celle qu'Adolf Hitler exprima. 

    On pourra décorer cette haine par une autre caractéristique structurale de la détestation: sa bifidité contradictoire (ça c'est bien trouvé). Hitler détestait le capitalisme ET le bolchevisme, les deux forces en lutte contrôlées par les juifs. Plutôt que de se réjouir de voir l'entité maléfique porteuse d'une aussi fondamentale contradiction autodestructrice, il ne fait que la haïr doublement ! L'adjonction aujourd'hui du capitalisme mondialisé progressiste ET de l'état raciste mafieux centré sur ses traditions millénaristes joue exactement le même rôle et redouble la haine au lieu de révérer une contradiction qui si elle est vraie ne peut être que mortifère. 

    Voilà donc deux piliers de l'antisémitisme dévoilés. Il y en a de plus sordides. 

    Il faut parler des enfants, le thème de la reproduction très très baveux et lui aussi auto contradictoire étant omniprésent dans le monde occidental menacé par ses vieux démons. Menacé d'instinction par le défaut de ses naissances, il se débat dans des cauchemars troubles. En sanctifiant l'avortement d'une part, en excusant la délinquance juvénile immigrée d'autre part. Confrontée à l'enfant de l'autre sur la base du rejet du sien, la monde blanc essentiellement déchristianisé se prend à rêver de sacrifices de bébés sans pouvoir formuler celui qui évidemment lui tient le plus à coeur. Le rêve est donc le culte philistin traditionnel du sacrifice des enfants, le signifiant "palestinien" en étant le porteur. Signifiant doublement combattu par le "juif", comme abomination religieuse d'une part, comme exécutant génocidaire à Gaza d'autre part. Là encore, le bifide contradictoire est à l'oeuvre. 

    La preuve de cette obsession est facile à faire, le pogrome contre le meurtre des enfants étant un grand classique, meurtre détesté essentiellement et en particulier par celui qu'on en accuse avec délice, c'est un argument supplémentaire. Toute l'action révérée comme héroïque du considéré légitime nationalisme palestinien est en effet symbolisé par l'enfant, d'une part pondu en masse et destiné à dominer démographiquement l'impie colonisateur juif qui lui pond ses propres oeufs, mais de manière conquérante et donc illégitime, et d'autre part sacrifié en masse par des opérations suicides, l'enfant apprenant à envier les martyrs dès la maternelle, le bébé à la barboteuse décorée par des grenades symbolisant le mal, en tout cas celui que le juif oblige à pratiquer et dont il est donc le seul responsable. L'ensemble de ces horreurs est alors recouvert par les bombardements, les enfants en étant les seules victimes évidemment.

    On notera d'ailleurs à ce propos le caractère éternel du martyr combattant adulte, vivant dans les décombres et toujours, toujours là, on ne cesse ainsi de dénoncer l'inefficacité essentielle (encore) de l'armée juive, tandis que l'enfant lui est toujours victime, du fait de l'efficacité (encore le bifide contradictoire) de la cruauté juive. Le combattant lui ne meurt pas, son corps ramassé par les walkyries jouissant des houris pour l'éternité. Seul, l'enfant mort, privé de sexualité et donc de toute récompense, est vraiment émouvant. C'est bien lui qu'on "génocide".  J'ai peur monsieur Mélanchon.

    Que ces ignobles fétiches symboliques produits par l'exhibition de signifiants dégueulasses soient manipulés et exhibés de toutes les manières les plus répugnantes possibles ne dégoutent pas plus est assez surprenant. L'habitude des représentations médiatiques de l'horreur sans doute. On s'habitue à l'ordure, on la goûte, on s'en repait. 

    Il y a aussi un troisième terme, et qui est relié à toutes les expressions symbolisées décrites ici. Il s'agit du compagnon du symbole, celui qu'il remplace au point d'occuper souvent toute la place, et de, si l'on n'y prend garde, le remplace complètement. Cette dénonciation du veau d'or et de l'écriture que je me prépare à faire, au centre du langage et donc de l'humanité (rien que ça) et aussi celle du déni. Ici, le déni est celui de l'assassin, caché tout le film et donc personnage finalement sans importance et dont l'existence, étant celle d'être caché, l'est finalement pour toujours au point qu'on ne veut pas le voir. Cette non-existence typique du divin dont la preuve de l'être est son invisibilité (encore une contradiction bifide) est celle du complot caché, le caractère de l'assassin, inventé lui aussi au Moyen-Orient (décidément tout vient de là) étant précisément sa mystique invisibilité. 

    On a reproché aux médias israéliens d'avoir diffusé l'émouvant regard de Yayah Sinwar vers le drone de son exécution, comme s'il révélait scandaleusement la mort d'un civil innocent injustement génocidé. Mais l'essentiel est ailleurs, et le Hamas n'est pas porteur, et c'est ce que je voulais dire, de la moindre "responsabilité" dans le malheur palestinien. 

    Organisateur d'un massacre de civils à l'origine de la violence contre lui qui en a découlé, acteur d'une lutte armée menée au milieu de populations civiles, le Hamas, organisation pseudo étatique exerçant le pouvoir dans l'enclave bombardée n'est pas considéré, et cela absolument pas (la répétition pléonasmique voulant redoubler la totale absence de la chose si cela était possible) comme responsable de quoique ce soit au sujet du sort des civils (pourtant ses administrés) victimes de souffrances, souffrances exclusivement et entièrement attribuées à Israël. Mieux, ces souffrances dont l'origine ne peut donc absolument pas être attribuées à l'organisation Hamas et à ses actions, sont supposées décidées volontairement par le gouvernement israélien, ce qui accentue l'ignominie juive etc, au point que cette responsabilité, invisible donc, est aussi attribuée aux civils juifs vivant en Europe, coupable de leur soutien etc.

    Que la cessation instantanée de ces souffrances soit entièrement entre ses mains (il lui suffit de libérer des otages torturés sans vraies raisons sauf celles qu'on imagine) semble absolument imperceptible à tout le monde, en tout cas impossible à mentionner sans subir des accusations insensées de la part de bien des personnes pourtant ordinairement raisonnables et qui vont même jusqu'à considérer "génocidaire" l'argument. 

    La bifide contradiction est encore à l'oeuvre ici, et va même jusqu'à être exprimée par Ségolène Royal, dans sa faconde naïve, gage d'authentique émotion de femme moderne. On ne parle pas des terribles glapissements hystériques d'Aymeric Caron dont l'émotion véhémente et révoltée, gênante au point d'en être une marque de fabrique acceptée, ne peut être en fait, qu'une longue provocation au meurtre de tout ce qui pourrait mettre en doute cette émotion. À moins que ce ne soit une provocation, l'envie de meurtre étant symétrique et en écho on ne pourrait que vouloir le gifler, un "toi tu vas te calmer" semblant s'imposer à chacun de ses infâmes numéros de délires hitlériens.

    On terminera par le "génocide", mot sacré, dont la non francophonie, en fait l'arabité constitutive de ceux qui ont injecté le mot dans le circuit (on devrait parler de ventilation merdique) communicationnel occidental. 

    La somme des morts civils causés exclusivement par les actions islamistes ou exploitées par des islamistes au Moyen-Orient depuis vingt ans est très supérieur au nombre de morts causés depuis un an et demi dans la bande de Gaza. Ils n'ont pas, à aucun degré, provoqué la moindre indignation organisée dans les diasporas musulmanes de part le monde. Cette simple remarque illustre le caractère exclusivement intéressé de l'utilisation du mot, et par ricochet de l'ensemble de l'indignation, hors de propos, injuste et injustifiée de la totalité de la ridicule et dérisoire indignation manifestée à propos de la palestine. 

    Porté par des dénonciateurs non occidentaux, pour qui le génocide des juifs durant la seconde guerre mondiale est de la responsabilité exclusive des européens, ce qui d'ailleurs n'est pas entièrement faux, l'utilisation des mots a un double intérêt, là encore contradictoire. D'abord il permet de responsabiliser encore une fois les "occidentaux", coupables du soutien à Israël, et donc du meurtre des juifs dans les deux directions, "meurtre de juif" ayant les deux sens actif et passif de l'action décrite, ensuite il permet de justifier toute absence de mesure dans la réaction à la chose insupportable, le monde entier devant obligatoirement se liguer pour détruire le coupable. Telle est bien l'intension du mot: l'auteur du génocide doit disparaitre, ça tombe bien, c'est ce qu'on veut. Le mot est un étendard, et s'identifie au drapeau palestinien porté partout, y compris dans les manifestations féministes qui défendent l'avortement, ou les protestations LGBT contre la dénonciation du woke. 

    L'autre caractère non occidental de l'utilisation du mot et la volonté de détourner une signification commune de l'ennemi, comme si on voulait lui retourner un ongle et lui faire mal avec ses propres attributs, quitte précisément à commettre une incongruité linguistique, comme ces jeux de mots de Djamel qui rient de l'utilisation impropre de mots français mal compris par des maghrébins à accent, utilisation rendues permanentes et revendiquées de manières conquérante. Le rap est rempli de ces innovations linguistiques destructrices et prédatrices. Accuser ainsi le juif haï "à l'arabe" de génocide pour mieux peser sur les sentiments occidentaux est ainsi parfaitement signé et aussi visible. 

    Il y a un autre mécanisme à l'oeuvre, et une autre réalité. Pour des raisons linguistiques, on vient de l'aborder avec le rap, la pratique de la langue française et en général des langues européennes par des tenants d'une langue de civilisation telle que l'arabe, autant le dire franchement, importe en occident une pratique linguistique par ailleurs indépendante des civilisations, et qui consiste à attribuer un pouvoir aux mots ou du moins à vouloir dériver des mots une évidence signifiante non ambigue. Forcer l'utilisation du mot "génocide", c'est importer logiquement tout ce qui est transporté avec le mot sans engager aucune réflexion sur l'attribution à la situation décrite des significations attachées à ce mot. Le simple fait qu'une autorité ou qu'une évidence ait rendu l'utilisation du mot possible suffit à "prouver" que la situation à qui le mot est attribué a bien les significations associées. Cette erreur profonde de la rationalité qui fétichise le mot a une origine religieuse, quand la religion charrie l'autorité, l'attribution par elle d'une malédiction et surtout du caractère non discutable du contenu de la malédiction. Le sceptique est celui qui discute l'attribution des mots aux choses. Et le monde arabe est plus religieux que l'occidental, d'où le malaise que ressent l'occidental devant cette utilisation fétichistique d'un simple mot. 

    On terminera par le plus mystérieux, l'antisémitisme de Hitler lui même, décrit comme majeur au point qu'on alla même jusqu'à parler de sortilège, dissipé brutalement à la mort du monstre, il y a exactement 80 ans... Les Allemands passionnés par la chose un siècle entier, qui avaient enrôlés la moitié de l'Europe dans ce combat se trouvèrent libérés brutalement de la chose. Pas des viols de masse dans Berlin qui durèrent un bon mois (après et avant la mort de Hitler, par ailleurs), mais du mauvais racisme, très certainement. En tout cas, on n'en parla plus. 

    Hitler avait des obsessions (1), il en parlait à table, ce sont les fameux propos à l'authenticité constestée, mais aussi dans ses discours, déclarations etc. Pour lui le juif est un bacille qui corrompt la race humaine. Il est non humaint ET corrupteur, dont à détruire entièrement. Il est sûr qu'il est difficile de surpasser cette intensité là de la détestation, et donc de l'attribuer indistinctement à des antisémites souvent plus modérés. Mais l'extrême de la haine absolue vouée au signifiant juif et à tout ce qui peut le porter illustre bien une force à l'oeuvre, qui reste mystérieuse et dont les effets perdurent. Comme un virus qui ... ? 

     

    (1) Hitler dans le texte: https://phdn.org/histgen/hitler/declarations.html