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  • Les déismes

    Dans un domaine où règne forcément l'indéterminé, il est surprenant de voir que finalement les choses tournent en rond, comme si elle n'arrivaient pas, justement à décoller vers le grand ciel promis. 

    Je voudrais donc ici considérer la possibilité d'une "manière de voir" qui donne un sens différent à quelque que bien des gens s'obstinent à ne considérer que d'une seule manière. La question des déismes s'applique particulièrement bien à la chose, voire en est la définition quasiment parfaite. En effet, et c'est là l'intuition, alors le cercle autour de ce sens là a (presque) toujours la forme d'un carré autour d'un inconnu qui existe d'autant plus qu'il ne se manifeste jamais, et que donc on peut caresser à loisir avec force paradoxes, finalement sans grand intérêt, on pourrait imaginer de solidifier ce mystère là, le considérer acquis et cesser de se torturer. A partir de là, le choix de l'activité la mieux à même de décrire la suite des opérations pourrait être fait tranquillement. 

    La compréhension de la créativité théologique, axée autour de la résolution de problèmes bien plus sensibles et concrets que la question d'une "existence" qui n'intéresse de fait personne, devrait être un axe de compréhension de notre histoire, voire une méthode d'accès aux mentalités du passé. Le discours "déiste" pseudo mystique, qui marqua le vingtième siècle après l'abandon complet de toute référence sociale et personnelle à la religion ancienne n'est qu'une mentalité parmi d'autres. Les déismes sont multiples, et accompagnent les époques et les situations.

    Caractérisent-t-ils l'"Homme" ? Et bien je ne le crois pas : les organisations psychologiques et sémantiques des systèmes collectifs informationnels sont trop diverses pour l'humain dépende d'un choix particulier dans cet espace là. L'humain est d'abord biologique et son espace cognitif est un lieu, un contenant, dans lequel tout est possible. 

    Bien sur il y a la question de l'occident et de sa capacité à mettre tout cela sous le microscope. Issue elle même d'une forme particulière de déisme, cette science là l'a par contre complètement détruit, comme quoi, on peut s'en passer, quoique. Mais avant d'étudier ce contenant, on pourrait d'abord regarder ce qu'il est capable de concevoir comme organisations "spirituelles"  et quel problèmes cela résoud. 

    Bien sur, c'est extrêmement présomptueux et beaucoup des thèses que ma forfanterie me suggère sont peut être totalement absurdes, mais comme je pourrais les prendre à mon compte, leurs absurdités au moins assises sur leurs possibilités, devrait les rendre au moins vraisemblables. 

    Je me souviens du refus méprisant qu'on m'adressa quand je suggérais que le rite répétitif a d'abord pour vocation de faire marcher le monde, d'en pousser la roue, comme si le soleil ne pouvait se lever sans qu'on l'y aide. La prière, la répétition de l'acte sacré n'est que la participation de l'être intelligent, ce qui en est la responsabilité, au maintien de la création en ordre de marche. L'idée, en fait extrêmement profonde, a des ramifications partout et se trouve à la base de la conscience de soi, de celle qui pousse à se lever le matin par exemple.

    Est elle totalement absurde ? Et bien pas du tout: elle est même trivialement  vraie, tout système vivant qui ne reconnait pas la répétition des actes volontaires ou involontaires qui président à sa vie, cesse ou peut cesser de vivre, ce qui pour lui, il faut le reconnaitre, arrête le monde... Celui ci trouve sa fin, on ne le redira jamais assez, à la fin de la vie de tout rameau vivant, jamais mort jusque là, et oui. 

    Le problème de donner et décorer le sens de cette répétition est ainsi trivialement l'un des buts légitimes de l'activité mentale humaine. Les solutions en sont multiples, et l'inventivité est dans ce domaine grande. Cette trivialité est  elle une explication ? Et bien l'identification au moins partielle du religieux au rite, à cette répétition là est ma théorie, la marche du monde étant identifiée à la relation au divin qui se trouve ainsi défini par l'extérieur, ce qui justifie, ordonne, permet et justifie cette répétition, qui est aussi relation: le dieu ordonne de faire, pour qu'on le fasse vivre et qu'il nous l'ordonne, ça y est ça a commencé.  

    Un autre point est la relation intellectuelle au référent ancien. Car il n'y a pas d'intellect sans croissance dans l'enfance au sein d'un monde constitué et impérieux qui, déjà là, impose ses significations, pratiques et textes sacrés eux mêmes proclamés anciens et véridiques. Les "problèmes" que l'on se trouve appelés à résoudre dans ces cadres sont concrets et dépendent des époques. Le cadre résolument moderne de la propagation de la "vraie foi" pour le salut de l'Eglise menacée par exemple, est parfaitement moderne et a remplacé complètement des questions plus anciennes qui avaient trait au salut des personnes elle mêmes, l'Eglise n'ayant à l'époque pas trop de souci à se faire. Le salut de cette église passa d'ailleurs par la question sociale enfin considérée quand on réalisa l'ampleur de la menace soviétique. Et les catholiques passèrent à gauche, et la bretagne socialiste subventionne maintenant des salafistes musulmans. 

    Cette question du salut individuel, très différente de l'image classique du simple besoin de survivre après la mort, comme d'ailleurs celui d'expliquer le monde par une puissance magique, fut très longtemps une motivation profonde des individus. L'image déformée et superstitieuse qu'on s'en fait aujourd'hui est globalement fausse (je reconnais habiller ici un épouvantail) et complètement accordée avec les besoins propres à notre époque, ou du moins à la rhétorique de défense des organisations spirituelles aujourd'hui en débandade complète.

    Dans un monde ou la "question" du surnaturel n'en était pas une, sa présence étant manifeste et admise, les questions étaient autres c'est cela le fond de l'affaire. Pourquoi tremblerais je avec Kierkegaard sur la dureté invisible du Dieu dont j'ai déjà visualisé l'absence évidente, alors que mystique, je ne cherche que la technique mentale qui me rapprochera de l'évidence, celle ci étant précisément ce qui me torture ? La question morale qui agite les existentialistes qui identifient péché originel et être là de l'humain en attente du percement du plafond du ciel, quel qu'il soit, est très différente de la présence ancienne de la mort, tellement inéluctable et fréquente, qu'elle donnait lieu à des vrais imaginaires de mondes ou elle serait abolie.

    La question de l'espérance, de la foi, du drame humain de l'homme sans Dieu et toute l'artillerie moderniste de la fin de la foi, de la mort par Auschwitz que sais je n'est que fait d'époque, tout simplement, image de l'obstination à refuser l'inéluctable qu'on invente de plus soi même au fur et à mesure de ses dénis successifs: il n'y a bien sur rien. Alors on s'invente des pauvres, comme source divine en lieu et place et il ne reste plus qu'eux, et donc que le socialisme pour régler leurs problèmes.  

    Services publics en ordre de marche, chargés de faire marcher le monde, justement, et aussi de réconforter les individus sur le sort qui les attend dans l'éternité, les Eglises et tout ce qui peut en tenir lieu étaient des organisations utiles et respectées, au service de préoccupations légitimes. Elles se sont longtemps d'ailleurs préoccupées du social, justement, mais bien sur avec les moyens techniques dont elles disposaient: sans antibiotiques ni pesticides. 

    Celles ci ont disparu sous cette forme et si d'autres thèmes, en apparence voisins, passionnent maintenant certains, et bien c'est leur problème: ils inventent quelque chose d'autres et dont on peut décrire aussi les mécanismes. 

    On pourrait dire qu'après tout, ils ne sont pas si différents des religieux, tout aussi humains, du passé. Il faudrait donc respecter, encourager, voire aider à sélectionner les différentes croyances à un religieux nécessaire qui reste vivant -sous une certaine forme- dans les coeurs des gens.

    Et bien c'est toute la question que je pose: ce qui fut détruit ne mérite pas d'être reconstruit, même autrement et surtout pas avec des idées utilitaristes au sujet de choses mues par le surnaturel, justement (qu'elle ironie que de vouloir recréer ce qui ne peut l'être doublement: du fait que c'est Dieu non humain qui le fit à l'origine, du fait qu'on n'y croit plus d'autre part). Pire, on organise les choses de manière moderne en mettant l'accent sans vergogne sur le pire de ce qui causa justement la chute des vieilles religions: l'utilité sociale et la répétition rituelle. 

    Car se manifeste aujourd'hui dans le monde un horrible mélange de morale et de rites ridicules, une infâme idéologie pseudo spirituelle dévoyée consacrée au "respect" de toutes les croyances, comme si le panthéisme greco romain était revenu, et que tout le religieux s'était dilué dans la nature à nouveau. 

    La chose est parfaitement établie: un déisme écologico-féministe à visée universaliste est présent sous nos yeux et traduit une volonté de substituer au débat démocratique l'organisation (l'expression est revendiquée) d'une "prise de conscience mondiale" rassemblant toutes les religions pour sauver une planète qui n'en peut mais. 

    De quoi devenir djihadiste, (l'idée vient spontanément à l'esprit), en fait d'en revenir à nouveau à un unique quelque chose. Bien sur on n'est alors que dans une variante kitsch du point précédent et les pouilleux barbus goinfrés de captagon qui se violent mutuellement leurs petites soeurs  restent ce qu'ils sont. 

    Non, la question c'est le passage à autre chose, et l'effort sera grand. 

    Cela veut il dire qu'il faille oublier ce qui fut pensé ou senti ? Cela au nom d'une foi qui se voudrait "nouvelle" alors qu'elle a disparu tout simplement, voilà la nouveauté. Je reconnais qu'il n'y a pas grand chose de nouveau à clamer la liberté de l'homme sans Dieu, mais justement, ceux qui le firent furent des hommes du XIXème siècle, (Dostoievski ou Nietzsche) parfaitement spiritualistes et qui crurent inventer, précisément une suite, dont on a vu les conséquences gravissimes pour le siècle d'après. Ouf c'est terminé. Alors cette fameuse liberté ? Et bien elle doit se purger de chaines qui n'ont pas disparues voilà le fond de l'affaire et ce qui justifie qu'il les faut mieux connaitre.

    Ces chaines là doivent être connues et appréciées pour ce qu'elles furent: d'abord l'arrière plan de la musique de Bach, on en reparlera, mais aussi celui de la manifestation de l'esprit du 11 janvier (jour de manif, la célébration a bien plus d'importance que les meurtres sans causes). Qu'est ce que le rituel et quels sont les problèmes intellectuels qu'il veut ou peut résoudre ? 

    Je reconnais tout à fait identifier ici pratique rituelle et réflexions solitaires sur son être spirituel. Est ce à tort ? Et bien je crois vraiment que non, c'est ma théorie: le déisme EST religieux et réciproquement: il n'y a pas de grand tout sans l'organisation de sa célébration et la défense de ses prêtres, et pas de danses sensuelles sans un oeil dans le ciel. 

    Le super athéisme que je revendique peut t il échapper aux fois et aux rites dont il reconnait l'existence ? C'est ce qu'il doit vouloir en tout cas. 

     

    P.S. La description du "convivialisme" et sa critique faite chez Finkielkraut par Jean Pierre Legoff
    est sur ce sujet particulièrement frappante.
    http://www.franceculture.fr/emissions/repliques/malaise-dans-la-democratie

    Michea et Dupuy convivialistes ? Tiens tiens...

     

  • L'intelligence artificielle

    On désigne comme telle la chose qui vient de battre un jeune champion talentueux, particulièrement agressif dit on, mais qui a tout de même battu la chose ce matin, comme quoi c'est possible. 

    Le machin (le terme "la machine" violant trop la récente journée de la femme) n'est donc pas tout à fait vainqueur. Mais après tout, est ce significatif qu'à un jeu ne nécessitant pas d'intelligence, la preuve, un dispositif automatique puisse gagner contre un humain entrainé (et dopé, je m'égare)?

    Là est la question, et pose bien des questions, quand à bien des activités auxquelles trop d'humains se sont consacrés et aliénés, le caractère d'humain ne pouvant être attribué qu'aux personnes passionnées, c'est leur droit, par ce qu'il leur paraissait, elles sont libres, digne d'intérêt ou de délassement. 

    L'intelligence artificielle, terme générique dont le sens, qui reste général et impersonnel, vient de glisser vers celui qu'on donne à un être mythique maintenant vaguement menaçant est donc en passe d'être considérée méchant(e). 

    Gare au reflux vers la dénonciation universelle des générations à venir, dégoutées par le pouvoir maléfique de ce qui les opprime déjà ! Ce que nous avons rêvé en frimant avant que l'arrobase se généralise, c'est à dire que l'on puisse s'envoyer par mail soi même, sert maintenant d'épouvantail à je ne sais quoi. Cette attitude de crainte panique, marque de l'inculture technique trop répandue est quelque chose de très bête, et qui va disparaitre sans doute du moins je l'espère, aurais je le temps de lui donner un coup de pied ? 

    La peur est celle de la grande "bifurcation" quand l'humain sera dépassé, contrôlé et remplacé, non pas par un musulman misérable et misogyne mais par un robot étincelant et pervers avec un chibre argenté comme ça. A moins que le grand remplacement ne célèbre la définitive grossesse pour autrui effectuée par d'autres, nos excitations étant conclues par des siliconées et non autonomes artefacts entièrement pilotés par la pensée de celui qui fixe leurs objectifs. 

    Ce qui fait peur est le "deep learning", un système de reconnaissance de "patterns" (formes) qui identifie des situations et les classe par ordre de valeurs suivant des échelles apprises dans des bases d'exemples très volumineuses. Dérivés des perceptrons des années cinquante, dont les inventeurs viennent à peine de mourir, ils archivent des réflexes et les retrouvent rapidement, en plusieurs couches, c'est ce qui les rend efficaces depuis peu, sans parler d'astuces supplémentaires qu'on ne peut révéler. 

    La chose fut reconnue par l'un des programmeurs d'Alpha Go: ils n'en sont "que à" ça. Une décision par classification de tout l'espace des parties, avec sans doute bien d'autres astuces et peut être une intervention humaine mais c'est de la rumeur complotiste, dont il faut s'écarter, la victoire obtenue ce matin étant inespérée.

    Il faut savoir que le geek du futur en était déjà à un "auto apprentissage", la victoire étant obtenue par autonomie complète, la machine gagnant quelque soit les règles, par simple consultation de son propre savoir. La bonne blague. 

    Le fond de l'affaire est que cette fameuse machine est d'une impitoyable, définitive et incomparable bêtise, le travail de l'humain, de plus en plus malin, de plus en plus tordu, étant de se magnifier en la programmant et je peux vous dire que c'est dur. Un point: on a longtemps glosé sur des circuit spéciaux émulant la matière biologique du cerveau.

    On en est en fait à du parallélisme strict à l'échelle (grande, voire très grande) d'algorithmes qu'il est possible de rendre assez malin pour éviter les embuches naïves à quoi porte l'incompétence des premiers regards.

    Il s'agit ainsi de programmation parfaitement symbolique, qui bien que particulièrement astucieuse et créative, exploitant au maximum les pressions osmotiques qui maintiennent rigide la boue responsable des formes de bien de paires de seins, restent toutefois dans le cadre de ce qui est convenablement castré par l'inconnaissable mathématique bien connu. 

    On pourrait parler du quantique, certes, mais pour l'instant, la vitesse de son espace de calcul multi dimensionnel n'est pas mise en oeuvre, ce sera pour la prochaine fois, le futur jeu à défier étant la composition de poèmes de rap, le dernier himalaya de la psyché. 

    Parlons du module moral que les féministes veulent rendre obligatoire dans nos futures voitures, et qui aura vocation à décider seul de foncer exclusivement sur les défilés anti femen reconnus à leur bombers mauves (n'importe quoi). Plus grave: comment empêcher un ordinateur de décider dans l'espace qu'on a bien voulu lui donner ? En édictant une constitution qui supprime le droit de vote aux être immatures ? 

    Car là est le dilemme : comment empêcher la femme de ménage d'aspirer ma carte mère ? 

     

     

    P.S. Une analyse du fonctionnement d'Alpha Go, le nouveau champion automatisé est faite ici:

    https://gogameguru.com/go-commentary-deepmind-alphago-vs-fan-hui-game-5/

  • Les théories de l'art

    Comme indiqué dans un article précédent, la discussion de au sujet de la religiosité de la musique de Bach est ouverte.

    Mais d'abord, il faut savoir que la question de la relation entre l'Art en général et la divinité est posée depuis longtemps et sous des formes distinctes qui se suivent dans l'histoire. On pourrait distinguer trois théories modernistes.

    D'abord celle du Dieu des religions qui inspire l'Art, celui ci étant une voie de communication vers celui là. On y inclut l'art romantique, dont l'objet et la représentation du réel, et donc du divin.

    Ensuite celle du modernisme qui tue ce dieu là et donc énonce l'impossibilité de la représentation, l'Art célébrant son impuissance glorieuse à voir au delà du réel brut immédiat.

    Une troisième forme, plus récente, entend maintenir un audelà, qui serait le lyrisme Heideggerien: celui d'un dieu qui "viendrait" ("der kommende Gott"  de Höderlin), au delà des dieux des religions, au delà du réel en tout cas, mais sans être surnaturel. Une sorte de dieu ultime des poètes. Son caractère "à venir" en ferait une future victime, car il faudrait le tuer lui aussi, mais autrement (intrigant non ?)

    Il y a bien sur des théories intermédiaires, la considération de l'imitation de la nature, et du plaisir qu'on en tire (Leopardi) quelque soit le caractère intrinsèque de beauté ou de laideur de l'objet vu ou représenté. L'Art serait alors un accès au vrai, une (re)production du vrai. Ce vrai étant celui du spectateur, du plaisir vrai qu'il éprouve, ou bien celui de la vérité que tous doivent éprouver, ou bien seulement certains.

    Cette vérité là se trouve furieusement romantique et subjective, à moins qu'on ne veuille accéder à une vérité non contestée, mais on se demande bien quelle équation pourrait devenir artistique, à moins que.

    Nous voilà donc revenu à Bach et au problème qu'on voulait poser. De fait, le vieux boche avait sans doute réfléchi à la question sous tous ces aspects car sa musique résume la totalité du débat: classer ses chansonnettes sous l'orbe d'une de ces théories est l'enjeu.

     Bach est qualifié de "baroque", et le fait est que ses airs n'ont pas grand chose à voir ni avec le classique, ni avec le renaissance, ni avec le romantique, ni bien sur avec le moderne, et naturellement pas avec l'ultra moderne qui n'est pas de la musique, mais c'est un autre débat.

    Un point important, il me semble est la question du rythme: issu de l'intérieur de la musique pour tout le baroque, la basse continue n'étant pas le rythme, mais son soutien, il est extérieur à la musique pour tous les airs battus de la modernité africanisée. Il faudra noter que cette africanité là est par contre post afrique bien sur, les vraies percussions traditionnelles n'ayant rien à voir, et ressortant plutôt du rythme intérieur, modulé, que nous sert en fait les dansantes antiennes recyclées par la période clé de l'histoire du monde (1600-1750).

    La suite de la musique occidentale fut de fait une longue marche vers le néant: elle disparut avec le XXème siècle, la contemplation de l'impossibilité de produire des sons harmonieux lui ayant été fatale.

    Car cette question de la danse est bien sur essentielle et se trouve justification symbolique du bruit qui la stimule, et cela dans tous les supports raisonnables de son activité. Non que la musique s'en trouve dévalorisée: son langage, réflexion suprême, est celui du mouvement, sa cause, sa justification, son origine. Car la musique est bien l'art suprême, le seul en fait, toutes les autres activités de distraction n'en étant que des formes abatardies, en tout cas secondes.

    Finissons en avec la danse: elle est évidemment causée par l'ivresse du sentiment musical, et il faut la vieillesse sommeilleuse et toussauteuse des audences des concerts de Bach pour ne pas se livrer à des débordements non classiques caractérisés. Pleurs et hurlements seraient de mise, mais la civilisation occidentale a réussi à les maitriser. Le désordre et la frénésie n'en sont que plus intérieurs, c'était le but.

    On en vient donc à la relation au divin. Il faut savoir qu'il y en a de multiples. On peut louer d'abord, et les paroles sacramentelles (le texte de la messe en si) peuvent suffire. Remarquons toutefois que quelque soit l'intensité de son approbation du credo, sa manifestation avec cette musicalité là n'est ni évidente, ni obligatoire, ni à proprement parler signifiante. On pourrait même dire (et c'est sur certains le disent) qu'elle pollue le message divin au point de le rendre secondaire, l'éclatante conviction qu'elle manifeste étant tellement liée à sa force, comme musique, qu'elle en devient autonome: "et resurrexit". A moins que. Mais quoi ? 

    De fait, il faut donc considérer qu'il y a autonomie. Impossible d'y échapper. Bach n'est PAS romantique. Qui oserait dire qu'il ne fabrique pas pourtant un mouvement irrépressible vers quelquechose qui n'est ni réel ni divin ?

    Une autre forme d'expression est l'injonction. Caractéristique de certaines cantates, elle ordonne et soumet. Une fin du monde peut se manifester, certaines punitions être exécutées, le diable dénoncé sous des appellations diverses (Ah, Bélial!), toutes plus exotiques les unes que les autres. Pourtant, ces paroles autoritaires se révèlent souvent incroyablement maniérées, et exprimées dans un langage musical dont le baroque, désolé  (sorry), en ruine le sérieux.

    Précisons l'aspect non religieux ou divin: si cela était le cas, tout le religieux y serait aspiré et Bach deviendrait Dieu: comment se contenter du grégorien dont la chiantitude, parfaitement voulue, et explicitement porteuse de ce que l'on veut dire ? Et bien parce que la musique, volontairement humiliée, est soumise à la parole du culte. Bach fait l'inverse, on devrait l'interdire.

    Pourrait on alors affirmer qu'il ressort d'une voie particulière vers l'au delà qui ne serait pas classifiée ?

    Examinons la voie moderne du nouveau dieu qui viendrait résoudre tous nos problèmes. Il serait une personne, donc et plus malin que la musique de Bach ? Ou bien ne serait-t-il qu'un audela de la personne et donc incapable de pleurer comme nous sur d'aussi magnifiques beautés ?

    Non, nous sommes dans l'humain. Cela est clair. Le divin ne peut se permettre de telles choses sans se ridiculiser. Ou bien alors il a dicté les partitions de jean sébastien (certains disent que c'est sa femme, en fait (laquelle ?)).  Dans ce cas, il faut déclarer hérétiques les gospels et bruler tous ces noirs. Non, non, nous sommes dans l'humain.

    On en vient alors aux superstitions mathématiques qu'on attache au vieux: il se serait piqué (sur le tard en  plus) de rosicrucianisme et de quadrature de cercles et ses succès mélodiques n'en serait que des retombées heureuses. Pourquoi pas, mais franchement, pourquoi diable cela est il aussi plaisant ?

    Quel homme !

     

    P.S. Johann Nikolaus Graf von La Fontaine und Harnoncourt-Unverzagt est mort ce week end.

  • Le non déisme

    Il faut bien parler du religieux en général, certains commentaires ici avaient abordé le sujet, et il est d'ampleur.

    D'abord je crois qu'il y a bien une attitude générale (celle de l'époque, de l'air du temps) qu'on pourrait trouver étrange: pour diverses raisons, liées à l'histoire, ou à la sédimentation des opinions exprimées, il semble que la question du surnaturel, cause et justification du religieux ne soit pas encore tranchée officiellement. Il resterait un doute, qui justifierait les "agnosticismes" et qui justifie les respects que l'on manifeste officiellement aux uns et aux autres: ptet ben qu'Dieu existe, on n'peut pas savoir.

    Autant le dire tout de suite, je crois qu'on peut, et c'est ce que je fais, trancher la question à la base et proclamer qu'évidemment il s'agit, non pas d'un compromis public que certains n'hésitent pas à appeler "laïcité", mais d'une position particulière inacceptable, à rebours de toutes les apparences et de tous les bons sens. Je dirais même plus, la question ne peut même pas/plus se poser.

    Y a il un complot à dénoncer?  Non, je veux simplement dire que la position en question n'est pas la bonne pour parler du religieux. Les complots sectaires sont bien sur variés et d'origines multiples, mais la question n'est pas là: on peut parler du divin et de sa considération hors de toute référence à sa possible manifestation, en se contentant simplement d'exprimer sans nuances l'évidence de sa non réalité. L'athéisme militant traditionnel dénonciateur n'est pas de mise, il n'est que complotisme et n'apporte rien. L'athéisme positif est un système de langage: si on le pratiquait bien des choses dans les appréciations changeraient de manière importante. 

    On doit et on peut ainsi affirmer plutôt un athéisme "ontologique" et en exposer les conséquences dans les représentations que l'on se fait des esprits et conceptions religieuses. Mieux, il doit être possible de comprendre et décrire le religieux en le qualifiant de manière rationnelle et en "pensant" Dieu, non pas comme une nécessité qui qualifierait de manière particulière une forme de surnaturel, mais comme une acception purement intellectuelle, une conception strictement humaine dont les effets ne sont jamais "magiques" mais toujours sociaux ou psychologiques.

    Ce refus du surnaturel va jusqu'au législatif: le dieu des philosophes voulut s'y arrêter et se constituer dans la dernière des magies, celle qui fonderait le pouvoir. Cette position là du déisme se trouve être la position américaine par exemple: elle est construite et je la veux refuser donc explicitement pour dire ce que je dis.

    Est ce enfoncer une porte  ouverte que de se placer là? Sans doute un peu, voire beaucoup, mais je maintiens qu'il n'est pas explicité en général de soutenir un tel refus "méthodologique". En permanence, trop de discours sous entendent que la croyance religieuse est rationnellement possible du fait même de son absence de prouvabilité. C'est le contraire qui est vrai, et cela doit être sous entendu sans trêve. Car les croyances ne créent pas le surnaturel, et n'en font pas une nature, cela par définition: elles n'illustrent et justifient que des comportements particuliers, que l'on doit pouvoir décrire publiquement comme incompréhensible, voire ridicules.

    Pardon de m'acharner, mais cette longue suite d'affirmations, qu'on pourrait rattacher à l'insistance musulmane de dire le contraire a bien pour objet de se défier de tendances que je juge indulgentes, voire coupables et aussi parfaitement présentes.

    Présentes par le respect: la croyance en Dieu, partiellement de l'ordre du privé, touche à l'intime. Peut on piétiner l'intime ? Si l'on compare avec le sexe, dont les pratiques privées, inconnues à priori, peuvent être très diverses, on pourrait dire qu'on ne peut ni exhiber ni imposer des pratiques qui seraient complètement respectables, ni non plus d'ailleurs imposer des pratiques qui certains pourraient légitimement juger inacceptables. La conséquence de cette protection de l'intime est que le refus de l'obscénité doit jouer dans les deux sens.

    Disons que la proclamation de la possibilité de l'existence de Dieu me parait obscène, et que la protection trop longtemps accordée à ceux qui pourraient être choqués de l'effondrement de la justification de leur morale doit maintenant être renversée. Il nous faut protéger les psychismes de nos enfants de l'affirmation de fictions dont les rêves qui s'y rattachent sont gênants. Gênants comme réalité, pas comme discours. Car l'expression est libre, et elle doit l'être plus que les religions qui elles ne sont pas des individus, mais des organismes constitués, qui n'ont pas le statut de parti politique et qui donc n'ont droit à l'expression publique qu'à certaines conditions bien précises à définir avec prudence.

    Je crois qu'il faut ici faire des allusions précises. De la même manière qu'il faut s'inquiéter des prêches sectaires en général, il faut reconnaitres que ceux cis existent dans les religions traditionnelles. Les petits gris de Stanislas en sont, et les salafistes variés qui infectent certaines banlieues aussi. Absolument rien ne justifie que l'on respecte ou considère normales ou acceptables de telles pratiques, au contraire...

    On a ainsi deux types d'utilisation pour cet athéisme ontologique. D'une part la restauration d'une possible nouvellecompréhension des religions et de leur logique et d'autre part la proclamation de l'humiliation nécessaire de tous les corps constitués en charge de leur propagation à notre époque.
     

    Car cet athéisme là n'est pas destiné qu'à la croyance, mais aussi aux religieux. Mais d'abord, il doit être humble, car le religieux est en fait partout. Déjà soit disant ruiné par l'incroyance générale, il a en fait métastasé  et je pense réellement qu'il imprègne notre monde au sens du polythéisme gréco romain: partout règnent les rites absurdes, les respects et les cultes bizarres, avec une intensité et une multiplicité à la hauteur de l'abandon des systèmes traditionnels. Cela signifie qu'il (le religieux implicite) est nécessaire, voire preuve de la nécessité des croyances, voire des dieux surnuméraires ainsi adorés ? Et bien non et c'est ce que je veux dire, mon athéisme s'addresse aussi à ceux là et il faudra l'énergie d'un prophète pour les dénoncer et détruire leurs statues !

    On se retrouve donc avec un programme, que dis je avec un système: quelle attitude humaine échappera à ce grand retour de la théorie du polythéisme ? Et bien nous le verrons.