Les Trois Niveaux
Nous voilà plongés dans un monde virtuel apparemment exclusivement composés de masques et d'artifices, d'émotions et de paroles verbales exprimant insultes, condamnations et expressions rituelles. Un monde de folie douce, en fait, à la fois fascinant et insupportable. De fait, comme nous n'y croyons pas vraiment, force est bien d'admettre que cette folie là n'est qu'une partie du monde, en fait une simple couche, quoiqu'épaisse, qui recouvre le réel. La couche du réel, en dessous, demeure et on peut s'y ancrer, pour réfléchir, se souvenir et ... rigoler.
Nous voilà donc avec un monde formé de deux niveaux d'interactions, au moins.
Le monde réel est celui des paroles décrivant des actions menées ou à mener, et dont les mensonges peuvent être décryptés ou reconnus raisonnablement. Le monde de la diplomatie, par exemple, déjà évoqué ici. C'est aussi le monde des vraies guerres, menée avec des stratégies objectives meurtrières raisonnables et ... victorieuses. Bref, il. y règne des rationalités opératives, tournées vers la réalisation d'objectifs tangibles: paix, prospérité et la défense de ses intérêts à défaut de ceux des autres, s'ils nous profitent. Ce que la civilisation a apporté à l'humanité, par-delà les anarchies violentes des mondes barbares.
Ce monde contenait autrefois un tissu informationnel en rapport avec sa rationalité: et qui fut même célébré comme hors du monde, à force d'objectivité, et de capacité à juger des oppositions entre les acteurs avec objectivité. Et bien c'est fini, le monde réel semble dépourvu de représentation officielle, tout a été absorbé par le monde virtuel, lui purement informationnel et qui n'est relié à son sous-bassement que par les liens ténus et fantasques des intérêts, des corruptions et des préjugés idéologiques affirmés avec violence et souvent aussi avec non sens, tout simplement.
La contemplation désespérée ou amusée des interactions de la folie virtuelle avec ce qu'on peut prévoir et décrire raisonnablement se fait à un autre niveau, le troisième, dont on ne sait s'il est au-dessus ou en dessous du réel, tant son ancrage avec lui est de l'ordre du spirituel, c'est-à-dire de la perception extra-sensorielle basée sur les traditions, ce qui propulse l'observateur effaré du monde dans une sorte de couvent à l'écart de celui-ci, en charge de préserver les anciens écrits et de décrypter sans trêve les folies et les péchés du monde (...).
On placera à ce niveau la partie du tissu informationnel qui tente de se démarquer de la folie tout en y participant encore, tenté qu'il est de rejoindre une folie supplémentaire, celle de la dénonciation, fake news et complotismes s'empilant les uns sur les autres. Il sera en tout cas d'une autre nature que le journalisme traditionnel, le grand-père de toute façon déjà empêtré lui-même dans les corruptions de son époque, malgré ses prétentions, et ceci car explicitement alternatif car incapable, tout puissant qu'il soit, de dominer ou supprimer le monde virtuel, maintenant marque de notre époque.
Peut-on imaginer d'affaiblir ou de combattre le virtuel en dénonçant ou moquant ses travers ? Tout montre que non, ces ricanements-là faisant partie du virtuel lui-même, à l'évidence, et n'ont vocation par la citation, qu'à faire vivre la folie en la rendant existante, et au combien. L'alternative doit être un niveau séparé, indépendant, et oublieux de la folie destinée aux pauvres fous, hélas dotés de pouvoirs leur permettant en actionnant les parties dures du réel d'en toucher le fond, et donc de se mettre en position, finalement, de disparaitre physiquement (Inch Allah) hélas peut-être avec nous.
On terminera cette évocation avec celle de Macron annonçant pour après la censure de son premier ministre la reconnaissance d'un État palestinien inexistant, et répondant à un premier ministre israélien qui lui reproche d'alimenter l'antisémitisme, que cette accusation est abjecte. Échange purement virtuel, dénué de toute signification et exclusivement destiné à gonfler des voiles à l'odeur suspecte.
Allez encore pour la route: après avoir acté que tout cessez-le-feu est impossible avant l'accord de paix, on s'est consacré à évoquer "sa" (celle de la "coalition des volontaires") présence armée en Ukraine après cet accord, chose déclarée absolument impossible par la Russie, avec qui on veut négocier tout en affirmant qu'on ne peut lui faire confiance...
Les faits faux
Le "deuxième" niveau a d'autre part, comme conséquence de son état "virtuel" coupé des réalités, d'affirmer comme faits des mensonges caractérisés. L'affaire est d'importance, et concerne d'abord la guerre en Ukraine, dont l'information distribuée aux médias est explicitement gérée par des organisations de gestion de la perception, typiquement au niveau de l'OTAN d'une part, et aussi conjointement par l'Ukraine dont les communiqués, déclarations et publications officiels sont repris sans nuances ni vérification par nos médias et décideurs.
Le deuxième niveau ne prend qu'une source d'informations, celle du "bon" camp et nous théorise donc, pour ce qui concerne l'évaluation de l'information en général, que l'ennemi ment et que l'ami dit la vérité. Une telle révolution dans l'appréciation des faits objectifs rapportés "par le journal" ne pourra que saisir d'angoisse les "civilisés", habitués depuis Voltaire à chercher à déterminer la vérité du monde en pesant les informations qui s'y rapportent et qui voient que ces principes n'ont maintenant plus cours dans le monde médiatique français.
Les exemples des pratiques pourries de ces minables tarés qui se prétendent "journalistes" sont légions et constellent telles des taches de chiasse purulente la plupart de leurs rendus. Ainsi, un immeuble bombardé dans Kiev causant la mort de quelques civils n'est jamais décrit comme abritant une usine de drones, les dommages causés à l'industrie pétrolière russe par les attaques ukrainiennes sont décrites comme paralysant la Russie, sans que ne soient jamais vraiment évoqués les dommages causés aux infrastructures ukrainiennes par les attaques russes décrites comme anticivils exclusivement, ce que le nombre de morts, extrêmement faible, dément évidemment.
Il y a plus grave, le niveau virtuel s'étend au monde des dirigeants français.
Un chef d'État-major des armées françaises affirme dans un discours officiel que la Russie est une menace directe et ciblerait principalement la France. Fondée sur rien, mais attribuée explicitement à tort, cette menace qui ne repose donc sur rien intervient dans les décisions de haut niveau prises par les chefs de nos armées. Effarant.
Encore mieux, dans une sortie hallucinante, le président français, se prend à décrire le chef d'État russe comme un "prédateur", un "ogre" avalant tout ce qui se présente à lui, et en tout cas une personne en qui on ne peut avoir confiance. Cela sur fond de "négociations de paix" il est vrai mises très récemment de force sur la table par un président américain décrié dont on critiquait la personne de manière semblable il y a quelques mois. A l'écart de tout usage, mais aussi de toute réalité, de telles déclarations témoignent du côté halluciné de la vie dans ce niveau informationnel là, qu'on pourrait croire enfumé par des herbes exotiques arrachées à la moquette où l'on se masturbe.
Comment puis devenir "alternatif" ? En théorisant. Cela est-il utile ?