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  • Les discours de Poutine

    Lisons un discours de Poutine (1). 

    Tout un ensemble de considérations sages, raisonnables et décrivant exactement la situation actuelle. 

    Tout d'abord, ce qui est sans doute le sommet de la raison de la position russe: l'ordre libéral global, tel que décrit d'ailleurs clairement par Zbigniew Brzezinski. Il suffisait d'en faire partie et d'y vivre heureux sans se poser de questions, on s'occupe de vous. C'était la place allouée à tout le monde, y compris à la Russie et c'est certainement la place de l'Europe, avec qui Poutine entretient d'ailleurs le dialogue pour le reste du discours. 

    Il faut comprendre que ce statut ne convient pas au monde qui devient multipolaire, et cela du fait même de l'établissement et maintenant de la tentative de préservation de l'hégémonie globale. Cela car rien ne s'oppose à la force, sinon une autre force...

    Le monde veut vivre dans l'harmonie d'accords globaux satisfaisant toutes les parties, et pas en étant obligé de respecter des "règles" conçues "dans la brume". La soumission de la minorité à la majorité, valable du temps de la domination hégémonique laisse la place à des approches multilatérales, respectant les intérêts légitimes affirmés de chacun. 

    Nous y sommes, les élites du monde occidental pour conserver leur pouvoir maintenant contesté, sont prêtes aux pires mensonges, aux pires manipulations de leurs opinions, et aux pires manigances à l'extérieur.  

    Le cadre est posé, et les motivations profondes posées. Le monde évolue et il va falloir en tenir compte. Toute la conflictualité est liée au refus des Occidentaux et de l'Europe, de s'adapter à une nouvelle donne qui change son statut. 

    La Russie a été victime de sanctions à un niveau jamais vu, et cela sans résultats. Le système mondial dont a voulu l'expulser continue d'avoir besoin d'elle et cela sans qu'on cesse de vouloir lui infliger une "défaite stratégique" voire sans manifester de honte de "faire souffrir le peuple russe". Serait-il temps de souffler ? 

    Poutine évoque alors une nouvelle ère pour la diplomatie, celle du XXIème siècle, qualifiée de "haut vol". Refus du principe hiérarchique, volonté d'obtenir des accords et refus de l'hégémonie, incapable d'assurer la sécurité. 

    L'Europe accroché à une volonté d'hégémonie devenue anachronique, incapable de résoudre ses problèmes multiples, dette, insécurité, crise sociale et migratoire, glissant hors de la compétition mondiale, se cherche un ennemi commun: la Russie, l'ennemi séculaire. Ses dirigeants, menteurs ou incompétents, délirent. 

    Veut-elle vraiment s'armer ? L'Allemagne veut-elle vraiment l'armée la plus puissante d'Europe? 

    Poutine décrit alors un principe d'indivisibilité de la sécurité, quand celle-ci, faute d'être mutuelle, ne peut exister pour personne. Et bien ce principe n'est pas conçu par les Européens et les Occidentaux, qui se croyant vainqueurs de la guerre froide, ont accumulé pendant trente ans des erreurs manifestes qui ont conduit à la situation actuelle. 

    Or dans un monde multipolaire, le règlement des conflits ne peut être mené que dans le respect mutuel et la considération des intérêts respectifs des parties prenantes. L'Occident et ses règles, voulant imposer avec condescendance par la contrainte ses intérêts exclusifs n'est plus en adéquation avec ce monde nouveau. 

    L'Ukraine est l'une de ces erreurs: excité au nationalisme, armée contre les intérêts de la Russie par ceux qui objectivement se foutaient des intérêts de l'Ukraine et de son peuple et les résultats sont là. 

    Le commentaire du Grand Continent

    À ce stade du discours, le Grand Continent commente le cynisme de Poutine, engagé dans une guerre d'agression contre le peuple Ukrainien victime de ses bombardements. 

    À Normale Sup, donc on ne comprend rien et on ne veut rien entendre. Pourtant, les choses sont claires. Mues par les nécessités historiques et les intérêts des États, les évènements de l'histoire ne sont pas moraux, ils sont réels et aboutissent à des états des choses objectifs que l'on ne peut éviter, s'ils sont nuisibles que par des actions en rapport. Déplorer, accuser, condamner c'est du verbiage inutile et vain.

    Poutine continue

    Aurait-il pu en être autrement ? La réponse est oui, et Biden aurait pu faire autrement. 

    À ce point, Poutine s'interroge: la fin du communisme aurait-il pu engendrer une "grande fraternisation" ? Il n'en a rien été, les intérêts géopolitiques (encore eux) étaient à l'oeuvre, et l'idéologie n'y joue aucun rôle. Aurait-on pu éviter la situation actuelle en Ukraine ? Oui, si on avait tenu compte des intérêts respectifs en présence, au lieu pour l'Europe, et les USA jusqu'à récemment, de poursuivre obstinément une escalade et qui n'a à mon sens, aucun autre objectif. 

    Et Poutine de rappeler encore et encore l'attitude à avoir au sein du monde multipolaire en prenant conscience de ses intérêts propres, sans qu'ils soient déformés par de funestes idéologies expansionnistes de toute nature, Union Soviétique, puis USA. L'absence d'antagonisme doit être érigé en principe fondamental. Ceci devient propre à une "majorité mondiale" de pays. 

    L'ONU garde un rôle à jouer en cette matière, mais en respectant la majorité mondiale au lieu de tenter  d'unifier les traditions respectives des différents pays. Un exemple est la restauration des relations entre Russie et USA, maintenant basées sur des expressions abruptes mais franches, ce qui évite l'hypocrisie et les faux semblants et favorise donc un règlement pacifique quelle que soit la dureté des négociations. 

    L'histoire de la Russie fut difficile et douloureuse. Cette complexité la prépare sans doute mieux que d'autres à affronter une configuration mondiale complexe. Elle reste une force avec qui il faut compter pour atteindre l'harmonie et l'équilibre.

    Que voilà un discours fondateur et éclairant, décrivant le monde bien mieux que beaucoup peuvent le faire. Il montre en tout cas, qu'il y a des dirigeants du monde qui savent ce qu'ils veulent. 

     

     

    (1) Discours de la conférence Waldei octobre 2025 https://legrandcontinent.eu/fr/2025/10/05/le-moment-maga-de-poutine-le-discours-de-valdai/

  • Les foutages de gueule

    À l'occasion d'un colloque sur Jacques Ellul et l'islam(1), on a l'occasion d'entendre d'éminents musulmans et puisqu'on est dans le Bordelais, nous avons Tarek Obrou, l'imam de Bordeaux à la manoeuvre. 

    Ex frère musulman est connu pour ses positions ambiguës et retorses qui en font un frère, frère un jour, frère toujours, notre imam sanctifié par celui qu'on appela "Ali Juppé", critique Ellul en se livrant à un ébouriffant foutage de gueule à destination des braves protestants qui tous, 1) prétendent engager un dialogue avec l'islam 2) se proclament ignorants sur la question de l'islam.

    Au passage, ceux-ci se permettent de "critiquer" les positions un peu dures d'Ellul sur la question précise de ce dialogue là, et d'écouter religieusement le prêche de Obrou, qui se révèle un tissu de faussetés manifestes concernant les traditions islamiques, et un foutage de gueule caractérisé à destination des pauvres blancs incultes. 

    Pour commencer, la position d'Ellul sur le dialogue entre christianisme et islam, qu'il voit comme une sorte de conversion obligée à des thèses qu'il juge fausses. 

    Les critiques d'Ellul

    D'abord, le "livre", et les "religions du livre". Les livres des 3 religions ne sont pas de même nature. Incréé le Coran est parole révélée de Dieu, valable en tous lieux et en tous temps, ce que ne sont absolument pas ni la torah ni les évangiles, tous témoignages humains accumulés. De fait, les religions dites du livre, interprétées et incluses dans l' islam par les traditions islamiques ne peuvent être que des précédents altérés à la véritable et dernière révélation divine, celle qu'apporte le Coran. Ils ne sont pas sources indépendante de révélation, même si thora, psaumes et évangile sont considérés être des révélation divines à Moise, David et Jésus, d'où le qualificatif attribué de religions "du livre". On notera que l'évangile "révélé à Jésus" a été perdu, les évangiles chrétiens n'en étant que des témoignages indirects. 

    On peut distinguer la récupération faite par les chrétiens de la torah, sous la forme d'un "ancien testament": il est bien considéré comme un livre saint simplement complété par les évangiles. C'est ce qu'on appelle le "judéo christianisme", comme religion dédoublée, le judaïsme ajoutant à la torah les talmuds et autres traditions ignorées des chrétiens. L'islam n'a pas cette délicatesse et c'est le Coran qui juge de la justesse des textes anciennement révélés. 

    Ensuite le monothéisme. Quoiqu'on en dise, le judéo christianisme, qui affirme une conception trinitaire de Dieu n'est pas monothéiste au même sens que l'islam. Celui-ci d'ailleurs ne s'y trompe pas et la qualification d'"associateur", crime suprême selon le Coran s'adresse bien aux chrétiens, suivant toutes les traditions islamiques. Pour le monothéisme obsessionnel qu'est l'islam, le christianisme trinitaire est bien un polythéisme, et les notions de fils de Dieu ou d'Esprit de Dieu sont inconcevables en islam. 

    Pour finir, la filiation abrahamique. Brague en avait parlé en détails, et l'appropriation du patriarche juif par l'islam est tout à fait caractérisée. Considéré comme le premier des musulmans, Abraham n'a pas d'existence originelle dans les traditions juives, il est un personnage du Coran, le premier des musulmans. 

    La question de la filiation abrahamique, multiple du fait des descendances d'Isaac et d'Ismael voire des autres enfants d'Abraham (il en eut 6 autres), ne signifie pas grand chose, dans la mesure où la Genèse attribue à Isaac la totalité de l'héritage, et le charge d'accomplir la promesse de Dieu. Nous ne sommes pas "tous" les enfants d'Abraham, et précisément la prédication chrétienne destinée aux nations, permet au salut divin de s'exercer hors d'une quelconque filiation. 

    Qu'est ce que l'islam ? 

    On considèrera ici que l'islam c'est l'islam sunnite et ses traditions, hadiths, Sirah et tafsirs connus et recommandés. 

    Les textes sont disponibles dans des versions littérales commentées qui confirment les sens usuels qu'on peut leur apporter. Ils sont commentés depuis mille ans et offrent une stabilité et une universalité conséquente. Les théologies islamiques certes diversifiées, ne le sont que sur des points secondaires, liés aux manières et méthodes à employer pour déduire des vérités révélées les cas non couverts par les écritures. J'exagère à peine. Il n'y a pas entre les écoles théologiques ou juridiques de différences de l'ordre de celles qu'on trouve entre réforme protestante et catholicisme, ou même entre sectes protestantes elles-mêmes. 

    Ce sont les islams "chiites" nombreux et ramifiés qui offrent de vraies différences entre eux et avec l'islam sunnite. On ne le considèrera pas, ils sont extrêmement minoritaires et bien trop compliqués à appréhender. 

    Il faut considérer l'islam "soufi" qui a plusieurs apparences, dont une liée à l'abandon (et à l'interdiction) de la philosophie en islam par Al Gazhali éminent savant sunnite, soufi à ses heures, mais profondément attaché en fait aux dogmes sunnites dans toute leurs rigueurs, comme si le mysticisme ne pouvait se manifester que dans la plus grande orthodoxie. Les autres soufismes, qu'on peut (trop vite) assimiler au culte des saints transmetteurs des sagesses s'y assimilent. 

    Les théologies douteuses de Tarek Obrou

    Nous voilà donc rendu au grand foutage de gueule, mené tout sourire et phrasé pseudo érudit par Obrou.

    D'abord le grand déni sur LES théologies islamiques, il y en aurait de multiples et de différentes, par exemple la Mutazilite.

    Le mutazilisme refusé de manière sanglante vers l'an mil, considère le Coran comme créé. Cela fait de la doctrine, en fait, un autre islam car tout l'islam proclame depuis mille ans que ce n'est pas le cas: le Coran est incréé comme parole de Dieu, attribut divin depuis toujours. Se référer à cette théologie comme à une autre est une hérésie refusée absolument par tous les musulmans actuels et l'évoquer autrement que comme cela est du foutage de gueule caractérisé. 

    Ensuite, l'Amour. Le mot n'est mentionné dans le Coran que pour désigner l'amour des richesses et l'amour de Dieu. Une conception du type "Dieu est amour" n'est pas pensée en islam, Dieu n'aime pas, il est miséricordieux et c'est tout. Obrou le dit bien, amour, miséricorde, aucune importance... Obrou évoque alors Al-Jawzilla l'auteur du "jardin des amoureux", qui décrit en détails les différents degrés de la force de l'univers qu'est l'Amour, depuis la sensualité jusqu'à l'amour de Dieu. Nous y sommes: Dieu ne nous aime pas donc... Le foutage de gueule qui affirme que l'amour musulman vaut son pesant d'or est donc en contresens théologique complet avec l'amour chrétien, qui s'exerce dans l'autre sens et dont l'amour humain doit s'inspirer entre les hommes et envers Dieu. 

    Et puis Ismael. Nommé directement dans le Coran plusieurs fois il est bien l'ancêtre des arabes et se trouve bien d'après les principaux interprètes de la tradition, le sacrifié (et non pas Isaac) mentionné seulement comme "le fils" dans le Coran. Que Obrou en profite pour dire qu'il n'y a pas de filiation dans le Coran, alors que que le roi du Maroc est descendant du prophète et qu'Obrou est d'ascendance marocaine fait bien rire. Mais on peut aller plus loin, et évoquer le "Jésus fils de Marie" qui tout en affirmant faire une place quasi oecuménique à Jésus en réinterpréte complètement l'existence et le message: là encore la réinterprétation agressive du passé est la marque des prétentions islamiques. 

    Les dhimmis : Obrou se met en colère ! Ce serait une plaisanterie !  S'il n'y avait pas eu ce statut il n'y aurait eu plus aucun juif ni chrétien dans le monde musulman (étrange saillie, à relents menaçants ou embrouillés).  Le dhimmi a un statut sacral, et paie pour être protégé par la contribution du sang du musulman, qui lui paie la zakhat ! Statut humilié du mécréant interdit de porter les armes il fut aboli dans l'empire ottoman entre 1840 et 1860. Et tous les juifs ont quitté le monde arabe dans sa totalité dans les années 50 et 60. 

    Et puis une sortie confuse en un français avec accent qui donne envie de marchander, sur l'inocuité de l'islam, avec une admirable saillie sur la plupart des musulmans qui ne lisent pas le Coran et ne le comprennent pas... 

    Car il faut comprendre. Vient alors l'impossible de la lecture du Coran sans être prévenu. Nous le voilà donc, et les différents contextes type de versets sont indispensables à connaitre. L'abrogeant et l'abrogé, les circonstances de la révélation, les versets principiels qui appellent à la paix, à la justice, au pardon, il y a les versets circonstanciels qui correspondent à une agressivité.

    Pour l'esclavagisme, un morceau de bravoure: il n'a pas été aboli (si mais en 1960 sur le marché aux esclaves de Ryad), mais "encadré dans la perspective de l'affranchissement" et là, la totale:  

    "c'est à dire que la prise en considération du modèle anthropologique du moment coranique n'est pas une canonisation de ce modèle, mais une prise en considération dans un compromis entre la valeur absolue et la réalité anthropologique des Arabes tout simplement. Malheureusement les intégristes, ils veulent reproduire l'anthropologie arabe pour pouvoir appliquer le Coran à la lettre. Ils inversent un peu le centre de gravité." 

    Au coeur de la différence entre islam et islamisme, et l'obligation de ne pas faire d'amalgame. L'argument reste pourtant étrange et associe le Coran au modèle anthropologique des arabes de l'époque, ce qu'on croyait avoir compris, mais semble en déduire la validité de ce message indépendamment de ce à quoi on l'excuse donc de correspondre. Mais pour dire quoi ? 

    On continue avec Maimonide, qu'il a lu en Arabe, et qui introduit la théologie dans la religion juive. Et alors ?

    Et puis, la pensée arabo musulmane enseignée au Moyen-Age à Paris et Saint Thomas et Albert le grand tout cela est "né" de la rencontre avec la pensée philosophique arabo-musulmane. Ce rappel véhément de nos origines de la part d'un vendeur à postériori fait fi de certaines réalités. D'abord que l'apport fut surtout celui de traductions d'Aristote issues des arabes, ensuite que la pensée arabo-musulmane fut surtout combattue sous la figure du "maudit Averroes".  Quand à dire qu'il y a de l'intrication voire de la subversion... C'est pourtant ce qu'a dit De Libera, et justement la figure d'Averroes comme repoussoir a pu subsister comme l'introducteur non pas de l'autre musulman, mais de l'autre tout court. Et puis Averroes fut oublié par l'islam. Complètement. 

    Dire que l'islam s'est "hellénisé" est aussi un peu fort, même si c'est vrai, le "kanun" musulman ressemble au canon (cest un mot grec) romain et byzantin. La sortie sur la "pollution heureuse" soit sur l'interfécondation entre les religions par le dialogue a des relents contemporains qui ne se manifestèrent pas à l'époque, et c'est le moins qu'on puisse dire. Raymond Lulle ne voulait pas "féconder" l'islam, mais bien convertir les musulmans au christianisme... Cette pollution réciproque est ensuite bien agressive, voire prétentieuse, surtout de la part de ce qu'on connait de l'islam. Cela "sent" l'entrisme frériste, ricanement oblige. 

    Pour finir, la reconnaissance des désaccord fondamentaux est bienvenue, enfin. Ellul a donc en partie raison: la trinité ne passe pas, et théologiquement, il faut bien l'admettre, le Dieu chrétien n'est pas le Dieu musulman. Rien à voir. 

     

     

    (1) colloque sur Jacques Ellul et l'islam https://www.youtube.com/watch?v=hZLAsAFOUFY