Les ontologies
On ne parlera ici que de Descola, le glaçant post occidental, le génial concepteur du méta relativisme universaliste.
Bon. Qu'est-ce que l'identité ? C'est ce qui résulte de l'identification. Qu'est-ce que l'identification ? C'est l'attribution à un autre (ce qu'on identifie) de quelque chose (ou pas) qui est aussi à soi, ou qui est identique à quelque chose qui est à soi.
Cette belle définition a un côté intéressant en ce qu'elle dramatise l'attribution, qui devient un acte plus que qualifiant ou classifiant: engageant. Il met en cause le soi, et identifie aussi bien la chose identifiée que soi, qui se trouve alors distingué de l'identifié, ou bien identifié à lui. La loi de l'identité, peut être. En tout cas généralisable au delà de ce qu'en dit Descola lui-même à moins que.
Car la définition appliquées aux fameuses ontologies concerne des quelque choses identificateurs particuliers: les deux attributions fondamentales que l'on peut faire à priori face à un autre: son intérieur et son extérieur. Son âme et son corps. L'un est l'autre sont ils "comme" le mien, identique au mien ? Il y a 4 réponses possibles.
De fait, et il faut aller jusque là pour exposer vraiment la chose, Descola pose la question de l'identification du non humain, c'est à dire de la nature en général, ou de tout ce que contient la nature: plantes, animaux, mais aussi paysage et pourquoi pas le monde dans son ensemble en ce qu'il est non moi, disons, si on pose la question à toute l'humanité, de tout ce qui n'est pas comme moi, homme.
Vous remarquerez mon exclusion de la femme de la nature de l'homme, le mot femme ramenant au sexe caca berk et surtout, bien sur à l'objet esclave qu'on peut battre et violer, et qui donc n'a rien à voir avec l'élévation de sentiments propre à cette réflexion, par essence inaccessible aux porteuses de gonades féministoïdesques, pour toujours écartées (malgré notre interfécondité, question interessante à discuter par ailleurs) de la vraie pensée.
On renvoie au livre fondateur et à ses détails, mais on dira qu'on a deux oppositions totales croisées: naturalisme/animisme et totémisme/analogisme.
Naturalisme/Animisme
La première oppose d'abord les conceptions de l'intériorité: l'homme occidental refuse toute intériorité au non humain. Fondation de la pensée écologiste, ce déni d'existence valorisée (que certains attribuent (si on peut attribuer un non existant) aux femmes) refuse aux rivières une existence juridique (Aldo Leopold,John Baird Callicot), seul moyen de les sauver de la pollution et aux gorilles (Peter Singer), seul moyen de les sauver de l'extinction par le braconnage.
On a ici l'introduction de l'utilité de la conception géniale. Utilité d'ailleurs refusée par Descola lui même, partisan dans ses entretiens de l'attribution de la valeur comme "en soi", et donc comme créateur de valeurs, son truc est génial et puissant, on ne cessera jamais de s'en rendre compte.
Mais il y a aussi l'opposition des extériorités. L'homme occidental considère le corps de l'homme comme animal et issu de la nature, avec qui il partage chimie et biologie. Ce n'est pas le cas de l'animiste qui sépare les corps, chaque espèce étant dans son monde, dotée des forces et caractéristiques typiques de son existence et exclusives des autres. Il y a pluralité des mondes, chaque "espèce" étant un individu distinct.
Cette isolation des corps, que l'aborigène totémiste refuse, est essentiel à l'analogiste. Aussi étrange que cela puisse paraitre, l'analogique en qui Descola voit notre avenir civilisationnel (on va le voir) ne donne pas à la biologie et à la chimie de l'homme le même statut qu'à la nature extérieure. Valorisation extrême de l'humanité ? Compensation de son refus de distinguer les intériorités ? On verra.
On associera par contre, en bon écolâtre, l'identification à la cruauté innée de l'homme blanc, qui identifie le reste du monde à ses rognures d'ongles et à ses excréments, marques du mépris qu'il éprouve pour une nature à martyriser et exploiter... Bref, la chose qu'il ne veut pas être.
On associera aussi la même chose, en bon naturaliste avec l'émerveillement maitrisé pour la chair, que l'on reconnait comme partie de soi, et que l'on souhaite protéger et élever, que l'on respecte, que l'on soigne et surtout que l'on connait. Cette connaissance, indéfiniment renouvelée est la marque de l'intérêt indéfectible qu'on a pour elle, car elle est la seule chose que l'on approche, notre intériorité, radicalement autre, ne pouvant, pas plus que son réel à elle (la même chose en fait) être approchée (je suis kantien).
Totémisme/Analogisme
La deuxième grande opposition est exclusive: le totémisme est inclusif, intérieur et extérieur sont communs aux humains et non humains. Le temps du rêve est absolu, les êtres primordiaux, absolument différents, voire non vivants ont classifié le monde et chaque catégorie contient de tous les existants hommes, animaux, plantes, minéraux rangés dans des classes distinctes et absolument différents. On n'en finira pas d'explorer cette partie là de la représentation humaine.
L'analogisme est absolument complexe: rien ne nous lie à l'autre non humain sinon une myriade de correspondances allusives et calambouresques: les analogies qui projettent des significations par tous les moyens entre des êtres absolument incommensurables. Organiser ce foutoir est LE problème et tout le monde chinois impérial, et aussi tout le monde mongolo-turc islamisé n'a que ça pour objectif. En gros: le monde est trop compliqué, il faut mettre de l'ordre et le totalitarisme est donc nécessaire, organisé en deux options: le confucianisme des liens familiaux hiérarchisés jusqu'au ciel en une myriade de grades d'une part, l'unanimiste (...) mono théisme organisé autour de l'injonction à l'obéissance aveugle et totale.
Descola accorde au monde musulman une velléité naturaliste, mais passagère, le grand retour dans les fondamentaux analogistes étant constaté. Le religieux musulman est donc analogiste, et cela sera à étudier.
La table est dressée.
On devra aborder ici ou ailleurs, les conceptions de Pierre Clastres, sur la société sans Etat, organisée pour éviter précisément la domination étatique. Et puis cette idée, parait il antérieure à la colonisation du prophétisme indien qui veut chercher "ailleurs" "une terre sans mal".
On devra considérer Latour, qui ne voit pas un naturalisme mais plusieurs, et aussi les critiques de l'animisme de Descola (on les avait considérées, d'ailleurs en (3))
On a aussi la critique qui tue (4), et qui assimile la dualité dedans/dehors à âme/corps, introduisant un invariant qui localise la belle classification, sans parler de la dualité même/différent parfaitement relative elle aussi. Bref, un concept déjà noyé dans l'eau du bain, ou comme dit Descola lui même, une petite machine qui marche toute seule ?
On rêvera sur la relation à Durkheim (les formes élémentaires de) partagée avec l'habitus de Bourdieu, et donc sur celle au schématisme de Kant, le grand ancêtre de la "tendance" transcendantale (?). La thèse ou remarque vaut le détour. C'est l'objet de (5) quand Durkheim fait la synthèse entre Comte et Kant au profit de la sociologie, qui n'en finira jamais de vouloir abolir la philosophie, c’est-à-dire Kant lui même, en "expliquant" la raison. Quel crime.
On en vient alors avec d'autres conceptions, notamment l'alternative à l'opposition naturalisme/animisme, exprimée par de Castro (7) sous la forme du "perspectivisme" quand l'humain devient animal pour l'animal qui se perçoit humain. De fait on pourrait inverser la perspective: l'occidental associe une nature à une pluralité de cultures à classifier, et l'animisme se verrait alors comme l'inverse, une seule culture, celle des esprits accompagnant plusieurs natures, le jus du manioc étant du sang. Et puis cette idée, qui explique tout que les animaux sont en fait des ex-humains, des humains qui ont perdu certains attributs.
Vu par Descola comme un sous cas de l'animisme, le persectivisme de Castro, furieux considère toute la classification du français comme un analogisme classificateur occidentalocentré...
On en vient alors à la description du système Descola lui même comme un analogisme et sa classification elle même ressort bien de ce type de vision du monde.
Analogisme
On devrait parler de la description de Latour de la modernité, hantée par l'arrivée de multiples (et monstrueux) objets hybrides mixtes de nature et de culture qui établissent que comme nous n'avons jamais été modernes, nous ne cesserons jamais d'être analogique. Multiplicité des êtres de natures variées, et donc nécessité des classifications, elles aussi indéfiniment variées et complexes, aux mains des sachants. "Savants" chinois ou musulman, exclusivement sachant des noms et des distinctions, le contraire exact des lois physiques, car ici chaque objet a sa loi et aussi sa place dans une énumération exhaustive de toutes les positions possibles.
Repérage des généalogies, le hadith est lié par une chaine de rapports à la personne du prophète, repérage des nuances, on se rattache à des thèmes évoqués par tel ou tel, on n'en finit plus d'établir toute une jurisprudence sur les sens, tous ceux ci étant rattaché à une intention lointaine dans un réseau de références.
Les hierarchies sont nombreuses et entrelacées on n'est qu'un noeud dans un arbre infini en haut et en bas.
On pourrait parler des "méthodes" de management, tas de concepts immotivés chainés et entrelacés dont seuls des formés certifiés peuvent manipuler les sens dans les rituels (le mot est prononcé et utilisé explicitement) collectifs qui président aux grandes décisions, et dont l'efficacité est liée à la remémoration des choses à faire pour que tout cela soit "efficace".
Ma propre quête de significations multiples entrelacées est elle analogique ? J'espère que non, c'est une recherche du désordre et des fulgurances du plaisir de découvrir...
(1) Un entretien glaçant https://www.cairn.info/revue-le-philosophoire-2011-2-page-161.htm#re3no3
(2) la description de l'analogisme https://www.college-de-france.fr/media/philippe-descola/UPL35678_descola_cours0203.pdf
(4) https://www.cairn.info/revue-francaise-de-sociologie-1-2007-4-page-795.htm une critique feutrée.
(5) La synthèse entre Kant et Comte : http://claude.ravelet.pagesperso-orange.fr/kantisme.pdf
(6) Les hiérarchies de Louis Dumont https://rhuthmos.eu/spip.php?article309
(7) le débat avec Viveiros de Castro: https://journals.openedition.org/ress/3314?lang=en
(8) Castro lui même https://journals.openedition.org/jda/4512