Les fondamentaux
À l'occasion de diverses déclarations, on va se permettre quelques mises au point fondamentales.
Concept
D'abord la notion de Concept. Ancienne et profonde mais méconnue et troublante, elle tourne ou plutôt le concept de concept (Deleuze dixit (2)) tourne autour de la notion d'objet, et de réalité de l'instanciation de l'objet comme on dit en langage JAVA, quand la réalité de la "classe" ne fait aucun doute bien que ce ne soit pas elle qui agisse, sauf via ses méthodes statiques etc etc. Le monde "réel" serait, c'est Platon qui nous le dit, formé des idées, des concepts des abstractions du monde, uniques et complètes dans la lumière du vrai. Les choses, les objets ne sont que des ombres, des répétitions triviales et obscures.
On commencera donc par là: l'abstraction qui représente un ensemble de choses est une chose d'un autre genre et la hiérarchie des types donna lieu à de nombreux débats avec la découverte de paradoxes insupportables du début du XXème siècle. Nous avons là ce qu'est un concept: une abstraction qui peut (ou doit ) être une chose, mais sans jamais être ni une entité ni une cause. Nous voilà rendus: l'habitus, la domination, ou la menace russe ne sont pas des "concepts" mais des démons issus de la démonologie primitive, qui continuent de nous habiter, et au combien. Des mythes, des choses triviales et trompeuses qui se parent des oripeaux de l'abstraction sans vouloir rien dire, que les fantasmes mensongers de prêtres trompeurs.
J'avais parlé de l'athéisme "radical": il consiste à rejeter ces démons là et à ne jamais donner existence vivante à ces fausses causes, images débiles fabriquées... Mon athéisme radical est une iconoclastie !
Deleuze
Mais le concept c'est le grand truc de Deleuze (2). Depuis le concept créé par la philosophie qui se définit comme création de concepts, puis comme pratique, Foucault le grand affirmant que "la théorie c'est la pratique" (autre moyen d'affirmer en bon sado maso qu'il est que "l'esclavage c'est la liberté"). Ceci car le concept est réel , esprit et surtout co-existant à la chose.
On a là la conception de l'art comme expression de l'essence et donc comme réalisation de celle-ci, ou du moins tentative de. Passons, c'est un autre sujet, quoique non en fait. Il y a plusieurs manières d'exprimer la chose, celle de Bergson qualifiant le matériau transformé par l'art comme organisé pour exprimer l'essence.
Sinon, le concept, c'est la question du virtuel, sa différenciation d'avec les choses étant précisément LA question, celle de la multiplicité, et donc de la différence entre esprit et matière, l'esprit pour Deleuze étant le virtuel.
Et la définition deleuzienne: "le concept donne consistance au virtuel".
On remarquera ici le tropisme matérialiste qui replie tout, on parle d'instance virtuelle, de face spirituelle du réel, et d'élargissement de l'expérience au virtuel, d'existence immatérielle, bref de co-existence.
On peut donc remettre les pendules à l'heure, on a bien compris la théorie du monsieur: l'idée rentre dans l'histoire, et on a renoncé aux nécessaires séparations: tout se mélange donc, en avant vers la Révolution, c'était la grande idée de l'époque, Foucault avait même célébré celle de Khomeini comme une avancée sur la question... Là encore, le concept est transformé en cause.
On notera les 3 "voies", "pensées" ou activités: art, science philosophie et leurs 3 manifestations: émotions, fonctions, concepts, et la revendication de la création dans les 3 ordres. Quel orgueil, je suis moi tenant de la "découverte": la nature du monde existe par nécessité et l'activité humaine ne consiste qu'à découvrir l'infinité de ses objets dans tous les ordres. Quant aux trois ordres, alors que la philosophie est largement dans la science, soit dans le rationnel, elle se veut, Deleuze dixit, remplacer complètement la spiritualité dans ma théorie de l'esprit à moi, (émotionnel, rationnel, spirituel). Intéressant comme Deleuze veut "créer" le spirituel, comme si on pouvait créer Dieu. Même si Dieu est effectivement créé, c'est bien par le rationnel, comme "fonction" et non pas comme "concept". Dieu est une cause, et certainement pas un concept...
Science
Et puis, il y a la science (1) dont on nous décrit ici bien des véritables aspects, tels que la conception moderne la considère vraiment, et cela est suffisamment méconnu pour que les pires absurdités soient proférées sur le sujet.
En gros, la science produit des connaissances qui sont organisées pour pouvoir être critiquées. C'est cette capacité à l'amélioration constante socialisée qui fait la valeur de ce type d'appréhension du réel, qui est une sorte de scepticisme organisé. On a donc une voie crédible vers la vérité, le savoir étant une connaissance vraie et justifiée. On remarque la notion de vérité distincte de la justification, et donc d'une adéquation au réel effective.
C'est la question du réalisme, qui n'a rien à voir avec la science sinon comme adéquation de l'expérience à la prévision, ce qui n'est pas la même chose. Les théories modernes du scientifique ne sont pas "réalistes", en réalité, tout en prétendant à une forme d'adéquation et donc de vérité, celle-ci pouvant avoir une validité essentiellement provisoire.
On peut néanmoins faire quelques critiques au monsieur.
Complotisme
D'abord qu'il ne définit pas le complotisme, sinon comme forme de non-adéquation imprécise qui finit par se réfugier dans le "bon" jugement qu'une autorité compétente aurait le pouvoir de juger... Typique du lettré obsédé par la médiation qu'il se veut être le seul à infliger. Le complotisme se définit pourtant par une thèse englobante à la théorie qu'il affirme: une surpuissance maléfique mise en accusation est la cause de son affirmation. Que ce soit Monsanto ou Soros on a essentialisation d'un responsable unique, sans évoquer la bien plus possible et vraisemblable soumission de Monsanto ou de Soros à des idées partagées collectivement et dont ils sont les acteurs dépendants. Surpuissance organisée ou pas ? L'adhésion massive à des idées est-elle volontaire ? De manière générale, la considération de la vérité comme "profitant à quelqu'un" est une expression de la surpuissance ou capacité à drainer tous les profits.
C'est bien pour cela que la dénonciation d'une théorie au nom des faits peut passer pour complotiste, car "profitant" à une entité. Le démon "antivax" agité par les anticomplotistes est ainsi essentiellement complotiste au sens de ma définition !
Par contre, la dénonciation d'un complot reste loisible, et elle concerne généralement des entités de petite taille, donc peu puissantes, et qui cherchent donc à obtenir des résultats en restant cachées. Le complot nazi ou bien celui d'Al Qaida.
Didier Raoult est-il complotiste ? Expliquant le consensus de la "communauté scientifique" contre lui par une aggrégation de points de vues autour a) de la corruption scientifique organisée par les laboratoires pharmaceutiques, b) des consensus étatiques s'imitant les uns les autres dans la recherche de l'approbation d'opinions terrifiées, c) de fausses conceptions scientistes d'une science organisée en technique, il pose les faits qu'il a récoltés lui, et demande à ce qu'on le critique sur cette base, ce qui n'est pas fait, les fameuses "conclusions" étant en fait un jugement partagé, et non pas une accumulation de contre preuves. Sa critique de la gestion de l'épidémie est entièrement valide, et les forces liguées contre lui, ne pouvant se déjuger, ce qui reviendrait à admettre leurs catastrophiques échecs, en sont donc réduites à garder le silence et à s'en prendre à lui. Pourtant il semble bien, c'est factuel que:
- le covid n'a concerné que les personnes agées et malades
- le confinement n'a servi à rien
- il y avait des soins possibles, à découvrir et expérimenter
- le vaccin ne servait à rien
Qui refuse tout cela, sinon un consensus étrange ?
La désinformation
On appelle désinformation la propagation de thèses jugées nuisibles alors que la chose est bien plus subtile. Une désinformation est une action intentionnelle de modification de la hiérarchie des croyances par introduction d'un micro argument, sous forme de fausse information ou de généralisation abusive à partir d'une information vraie. Il est très important de comprendre qu'une véritable information peut désinformer, ce qui conduit les autorités effrayées à cesser de faire confiance aux freins collectifs à l'intoxication informationnelle et à vouloir, la chose reste impensable, "réguler" l'information. En tout cas, l'État (c'est toute l'histoire du "fond Marianne") s'est senti en position de financer des entreprises de "fact checking".
C'est ce à quoi on assiste: les tenants d'un pouvoir fragile et dépressif estiment nécessaire de mener officiellement et explicitement une propagande autoritaire digne des pays autoritaires, et cela au nom d'une démocratie à laquelle, ainsi, on cesse de croire et de pratiquer. Mieux, ce qu'on commence à appeler "démocratie" ou "valeurs républicaines" devient progressivement (est-ce un progrès?) synonyme de "dictature" et "principes fascistes".
Les grands principes
On se permettra de rappeler les grands principes concernant la "démocratie". Il y en a 5. D'abord ce qui définit à proprement parler la démocratie, c'est-à-dire la convocation régulière d'élections et aussi la responsabilité exclusive de l'assemblée du peuple pour élaborer les lois. Ensuite la liberté entière des expressions et des opinions en privé et en public, limitée exclusivement par la pudeur commune et l'interdiction des appels à la violence. Pour finir, l'interdiction des organisations politiques proposant l'abolition de la démocratie.
A partir de là, on en déduit des décisions que hélas on renonce à prendre aujourd'hui: abolition des lois mémorielles, les opinions se discutant et ne s'interdisant pas, interdiction des officines liées aux frères musulmans.
(1) Huneman , un philosophe https://www.radiofrance.fr/franceculture/verite-scientifique-il-faut-des-choses-dont-vous-ne-doutez-pas-pour-pouvoir-douter-correctement-1662382
(2) Le concept pour Deleuze https://books.openedition.org/psorbonne/98695?lang=fr