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Les points de vues

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Olivier Rey, déjà cité récemment prend position sur le "management" avec Baptiste Rappin (1) et on a là un condensé de reactionnariacisme bien enjoué et qui se termine par un notre père carrément marrant (2) 

La somme des anecdotes, points de vues et jugement exprimés ici, hors des préjugés et des lieux communs est absolument remarquable, la culture immense et variée correspond en gros à tout ce que je connais, ait envie de connaitre et d'apprécier. Cet homme me convient, décidément. 

On commence par Heidegger et ses 5 ages de la l'être: archaïque, grec, chrétien, planétaire, hespérial. 

Le chrétien (le latin) aurait tué le grec et le vrai accès à la vérité que l'hespérial retrouverait. 

Ici Rey n'est pas d'accord est c'est le premier des lieux communs/idée reçues et reprises qu'il attaque: c'est bien le romain qui a transmis le grec, natura était phusis, et instrumentum était organon... En fait c'est seulement au XIIIème siècle que l'on sépara l'outil du corps. 

Un coup de patte de plus du français: la valorisation du grec fut exagérée dans l'Allemagne de la confrontation du début du XXème siècle, cela par opposition au coté "romain" de la république française. L'Allemagne, H. ne cesse de le dire est l'héritière directe de l'idéal grec... 

Ce XIIIème siècle, qui vit Scot et Bacon et aussi la première modernité est mise en avant par Rey (à raison!). On y découvrit les cartes marines, la comptabilité en partie double, l'horloge mécanique... 

Et ce fut l'opposition Aquin/Scot, essentielle avec l'opposition entre entendement et volonté pour la faculté principale, substituant l'univocité à l'analogique  pour appréhender l'être, Scot introduisant à la modernité. 

Cette histoire d'analogique que Rey rapproche évidemment de la description de Descola est illustrée par l'astrologie qui met en correspondance les deux incommensurables et rend équivalent deux mécanismes indépendants... La deuxième modernité fait exploser tout cela est c'est Descartes. 

Les lieux communs d'Heidegger sur Descartes, repris partout ignorent la preuve ontologique de Dieu que fit notre penseur au point d'en avoir raté sa place au Panthéon: il est à Saint Germain des Près ! 

De fait Descartes eut plusieurs méditations: d'abord le doute pour tout reconsidérer, puis le "je pense" seule chose certaine, et qui apparait comme le contraire contraposé du paradoxe du menteur ! Pour finir, la relation à l'infini qui implique l'être infini fondateur du moi. On se trouve avec un double rapport entre le "je" et Dieu l'un fondant l'autre en perception et en justification. Cela sur fond de peur terrible du bucher, qui motiva tous les exils du philosophe.

En tout cas, Descartes suit Scot: la volonté prime et l'analogisme est rejeté absolument. 

On en vient alors à la seconde modernité et à une destruction supplémentaire de lieux communs. La terre au centre des multiples sphères ptoléméennes n'est pas le centre du monde, mais son pire endroit, la scolastique ayant placé le divin à l'extérieur encore de la sphère du moteur aristotélicien. Copernic n'inflige aucune blessure narcissique à qui que ce soit, bien au contraire: la planète remise au milieu des autres, celle des hommes la terre est au contraire la véritable affirmation narcissique du moi: MA planète, et introduit l'ère de l'individu véritable. Cela car le 7ème ciel était bien mieux que la terre. On poursuivit même Copernic pour vanité ! 

De fait Copernic renverse l'opposition céleste/terrestre: alors que le monde céleste archaïque était limité par les convenances, l'opposition ciel/terre, les énumérations, le grec introduisit le cosmos espace harmonieux total opposé au chaos et incluant la terre, le tout dans un ordre stable et fixe. Le moderne met l'homme en un endroit, donc partout et surtout introduit à l'espace infini du baroque, marque de la deuxième modernité qui fait exploser le cosmos grec. 

On en vient là à ce que Rey doit sans doute être amené à dire: nous vivons l'arrivée de l'espace fini, et de la refermeture "progressiste" du monde, toutes les idéologies modernes promouvant la finitude du monde...Mais cela est une autre histoire. 

Continuons avec Galilée, auteur de "la nature s'écrit en caractères mathématiques". Autrefois réservées au céleste harmonieux, les mathématiques peuvent maintenant s'exprimer et s'utiliser partout. Le pouvoir du calcul devient universel. Néanmoins le calcul est d'abord géométrique. C'est Kuhn qui décrit la vraie quantisation, avec des nombres, comme plus tardive. 

Mais la vraie découverte, c'est la priorité du social. Comme expliqué par Durkheim et Mauss, les catégories sont d'abord familiales et monétaires, puis sont projetées sur la nature que l'on théorise et compte. De fait, la révolution industrielle fut le fait d'ingénieurs incultes qui refusaient de parler aux physiciens. Ce n'est qu'après qu'on fit de la science. De même, les statistiques furent d'abord utilisées pour compter les hommes avant d'être introduites via la thermodynamique et l'hérédité dans les savoirs officiels. 

Car la révolution fut d'abord celle de l'éclatement des communautés villageoises agricoles imposé par révolution nationale en France et par la révolution industrielle en Grande-Bretagne. L'individu devenait le fondement d'un social qui se trouve ainsi par essence doté du contrat nécessaire : il se définit ainsi, les "sociétés" sont LA société. 

On en revient alors au gestel Heideggerien: le "dispositif" d'arraisonnement du monde, omniprésent, ce qu'on appelle aussi le "management" qui recouvre la terre est s'impose partout pour organiser la vie des individus.

Tout cela est bel et bon, mais où veut-on en venir ? 

Et bien d'abord, comme toute critique du transhumanisme managérial qui se respecte à une dénonciation du "nominalisme", cause (obscure) de ce maudit individu, mais suivant des modalités à préciser. L'alternance fut celle du refus d'Aristote pour qui la vie était finalité et adaptation dans un monde construit fixe ou l'essence de l'être est accomplissement de sa nature: l'âne d'Aquin s'accomplit en étant Âne. Les sociétés d'ordre sont celles-là.

On lui substitua la volonté et donc la liberté d'activer des mécanismes, seules réalités. Cette histoire de finalité est ce qui permettait de définir la vie comme radicalement distincte de la physique ordinaire. C'était d'ailleurs ce que disait Kant : il n'y aura jamais un "Newton du brin d'herbe". Néanmoins, la mathématisation du monde a finalement vaincu: la vie aussi se devait d'être réduite et on supprima la notion de "finalité" caractéristique, pour la remplacer par une finalité d'un autre ordre. La vie est maintenant définie exclusivement par sa capacité à se maintenir vivant. Par glissement, on aboutit au transhumanisme, qui est refus de la mort, comme marque du vivant et sa définition même.

Il n'y a plus de "raison de vivre", car toute la raison doit être absorbée dans le maintien de la vie... Cela permet de justifier tous les rituels, tous les sacrifices: c'est le culte de la vie à tout prix et s'il faut arracher tous les jours les cœurs de milliers de sacrifiés, c'est pour la bonne cause, sinon, le soleil ne se lèverait pas. 

Bien sur, l'évidence du bon sens aurait pu faire qu'on trouve la solution évidente qui est que la vie est ce qui se reproduit et se transmet entre individus liés familialement, bref que la vie c'est le sexe, mais cela était trop compliqué pour les petites têtes: la vie "nouvelle" nie justement et la mort et le sexe, c'est cela le surhumain... 

Le point amusant est le rapport à la nature du transhumanisme: renonçant à une exploitation raisonnable de la nature, et reconnaissant d'ailleurs à raison que la destruction de la planète, c'est plié, il se lance grâce aux implants dans la survie à tout prix sur les surfaces ravagées en ayant au passage installé un système permettant 1) de ne pas implanter tout le monde (il faut être volontaire) 2) d'exterminer ceux qui ne le seront pas (comment vivre sans?).

On se retrouve alors dans le grand débat au sujet de la question du caractère obligatoire pour tout le monde (y compris les migrants) de la vaccination. On se divise là-dessus, mais bien sur les vrais progressistes sont pour, les partisans de la liberté n'étant que des nazis. En effet, permettre à certains de choisir alors que cela les condamne à une mort certaine c'est permettre la mort certaine, donc l'organiser et cela n'est pas "éthique". 

On se retrouve donc dans une contrainte absolue qui pousse à l'extrême l'argument de la double nécessité, la nécessité de croire en une conception imposant nécessairement les actions qui s'en déduisent, détruisant toute possibilité d'un autre point de vue, ce qu'il fallait démontrer.. 

(1) la conférence, en 2 parties  https://www.youtube.com/channel/UCGPfLGBjYIjMrawpVcptQkA

(2) le notre père https://youtu.be/92BjSKmQIC0

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