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Kant et Girard

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On a lu (1). Et on veut y retourner, toutes mes petites considérations passées au sujet de la logique, de Kant et de Girard n'étant que pâles et ridicules mécompréhensions provisoires, bref des étapes sur un chemin, mais c'est tout le plaisir de la chose. 

D'abord, il y a bien du Kantisme chez Girard, et la différence analytique/synthétique est bien fondamentale dans sa vision et son projet. Il faut savoir qu'il en est à la logique 2.0, qu'il y a maintenant fu et wo (les deux caractères dont l'intérêt est à creuser comme on dit). ll prétend avoir "jailbreaké le tarskisme" et cela mérite de le suivre (ou d'essayer). C'est sa fameuse "syntaxe transcendantale". 

Il nous faut donc revenir à des explications plus précises de ce qu'on croit avoir compris et clarifier.

D'abord  que Gödel établit que le mathématique est bien le synthétique à priori et qu'il ne peut se justifier tout seul. 

Gödel Debray

Cela fait beaucoup et c'est la vraie interprétation du théorème, bien loin de Gödel-Debray (le fameux théorème des sciences humaines) qui lui avait compris autre chose. On se réfère à (4). Debray traduit l'incomplétude comme ce qui manque aux sociétés et qui donc crée le religieux. Le vide qui se remplit, donc. 

Cette interprétation qui donne un caractère essentiel à la propriété du réel découverte par Kurt, est doublement fausse: elle considère comme un manque ce qui est une vérité positive profonde, et déduit Dieu (ou sa nécessité) de ce qui est justement le niet absolu à toute démonstration de cohérence. Elle est de plus hors de propos d'où le ridicule du "ça n'a rien à avoir" qui restera toujours attaché à la prétention du moustachu sentencieux. On ne l'appelle pas Régis pour rien dans le milieu.

Pour enfoncer le clou Debray est porteur d'une théorie du religieux comme constitutif du lien social et associe donc le "religerer" au reliage des homme entre eux, ce qui est un contre sens complet, encore une fois: la liaison ou re-liaison est bien sur entre l'homme et Dieu, et l'absence complète de notion du transcendant comme autre qu'utilitaire de notre philosophe. A  rebours de tout, Debray serait il un con? Le débat mérite d'être tenu. 

Mon objet G est bien sur celui de la transcendance, pivot non des sociétés mais de l'humain lui même, car le primat du social sur l'homme, autre contre sens total ne peut qu'être soutenu par les crétins. Durkheim si tu me lis... 

L'analytique

On part du début: le "tournant linguistique". Tout se ramène à l'expression correcte dans le langage du discours philosophique, voire à l'assimilation dans le langage de toute la philosophie. Ce tournant part de Kant: il était lui dans la connaissance, et on passe dans le langage, c'est ça le tournant.  

L'illusion de Frege et de Russel fut double. D'abord de vouloir logiciser les mathématiques. Pour  Frege, les mathématiques étaient analytiques et il n'y avait pas de synthétique à priori. C'est cela le scientisme du XXème siècle. Ensuite qu'on pouvait résoudre le problème des paradoxes avec des manipulations syntaxiques sur les types. Ils étaient beaucoup plus profonds et caractérisaient tous les systèmes formels puisque c'est en en exhibant un que Gödel prouva leur incapacité à démontrer leur propre cohérence. 

Note: Hilbert lui ne mettait pas en avant une réalité du vrai et identifiait tout aux axiomes qu'il suffisait de dérouler à coup de modus ponens. Hélas, Gödel interdisit tout démonstration possible de consistance de cette manière... Néanmoins, Hilbert était transcendantal, et fut en quelquesorte sauvé de la damnation par GG (Gerard le Grand, le nazi) qui simplement avec sa nouvelle notation, supprima les axiomes et relança la machine.

Pourtant ce qu'on appelle la philosophie "analytique" part de là. C'est la "philosophie du langage", le positivisme logique et le premier Wittgenstein. Elle nie le synthétique à priori, bien sur. Le programme de Frege et de Russel était bien de réduire les mathématiques à la logique et au langage. Stein le dézingue au passage avec le tractatus, et c'est cela qui fonde le positivisme logique: il part d'un réalisme logique (Frege) pour aller à un conventionalisme, et il le dit: "la logique est transcendantale", elle est ce qui permet l'expression des faits. Stein est donc Kantien. 

Même si le "Wiener Kreis" et son positivisme logique sont bien démodés, la philosophie analytique reste bien évidemment là, avec des modalités à préciser. Si le principal souci est celui de la dissipation des faux problèmes en critiquant les abus de langage dans le discours philosophique, la question de la réduction de la philosophie à l'utilisation de "la" logique est toujours posée, et c'est là que Girard peut rentrer en scène. 

La question des langages formels est centrale là dedans, même si bien sur celle du langage "naturel" l'est tout autant (c'est là que serait le second Stein), c'est bien du langage qu'il est question en fait. 

La question de la sémantique est centrale en phi-anal. Car le référent ultime y est la vérité réelle, garante de la logique et du sens des mots. Cet objet G là est bien sur à abattre, et Girard est le chasseur. 

Au passage, on doit préciser les liens entre phi-anal et kantisme. La phi-anal vient du positivisme, avec qui elle partage la distinction phénomène/chose en soi avec aussi le kantisme. Par contre, tout le reste est liquidé: le transcendantal et le principe même de la critique: Compte accède à la réalité, lui avec sa méthode. Il invente la métaphysique moderne par excellence, la sociologie, et ainsi le scientisme sans démarcation le plus étroit... 

Peut on reprocher en bloc tout cela à la phi-anal? Cela serait excessif, il y a le pragmatisme et bien d'autres choses, dont une volonté louable de faire attention à ce qu'on dit (...). Par contre il est excessivement difficile de googler sur les différences kant / positivisme. Un point aveugle du net, on dirait... 

Tarski

La victime expiatoire de Girard, Tarski, dont la théorie de la vérité par évidence (A est vrai si A) est considérée (par Girard) comme un scandale absolu. Popper, qui considère la théorie de la vérité par correspondance avec les faits comme fondatrice est aussi l'objet de l'ire du logicien, pour qui le réfutationnisme est de plus un non sens complet, pour des raisons logiques. Je persiste à penser néanmoins que les insultes de Girard ne sont que des effets non voulus, des sortes de giclées en surnombre, des 

En réalité, le théorème de Tarski (on ne peut définir la vérité dans l'arithmétique, ou on ne peut pas encoder toutes ls formules vraies) est un pendant de celui de Gödel, et la "vérité correspondance" bien connue a le mérite de s'attacher à la valuation d'énoncés sur les faits, somme toute assez "logique". Elle est à la base de la théorie des modèles moderne dont Tarski fut un pionnier. 

C'est la vérité "cohérence" qui est bien plus  critiquable, et d'ailleurs démontée, en particulier par Quine, qui déduit de la possible cohérence de deux énoncés en compétition une forme de relativisme. 

Ce que je retiens de la critique de Girard, c'est sa volonté de définir la logique sans référence à une vérité extérieure nécessaire, et qui ressort plutôt d'un progrès de sa recherche. Il peut s'en passer, c'est mieux  ! 

La syntaxe et la sémantique

C'est la grande question et elle ne s'épuise pas comme ça. En gros, Girard veut abattre la distinction et en fait la sémantique elle même, comme l'au delà soit disant indispensable qui n'est qu'un réel extérieur idolâtré. Il y a plusieurs exemples ici même qui tournent autour de cette question, qui est aussi celle du fameux niveau "méta", beaucoup utilisé et au combien.

Le fait est que presque toutes les grandes découvertes scientifiques ou philosophiques eurent pour objet de dévoiler l'absence de telles entités et donc la possibilité de vivre "sans".

Le premier exemple est l'identification de l'addition à la notation syntaxique qui l'exprime. Point besoin de référence à un sens caché de l'accumulation d'objets fictifs ou à un dieu calculant en charge de répondre et dont on devrait prévoir les réactions ( je me lâche); l'addition est là, toute entière contenue dans la notation qui permet aussi d'avoir un terme inconnu et donc un résultat inconnu, et qui peut être manipulé comme telle. Elle est ainsi comme notation, bien plus que ce qu'elle semble dire: elle a créé une possibilité d'abstraction et de calcul supplémentaire, un langage supplémentaire et donc des expressions supplémentaires et donc, du "sens" supplémentaire. 

Cette idée de la syntaxe "puissante" est fondamentale et profonde, et guide le mathématique: bien dite, la chose se mettra à calculer toute seule. Et bien ça c'est tout Girard. La "syntaxe transcendentale" de la nouvelle logique sera entièrement "self contained". Sa forme et exclusivement sa forme contiendra toute la logique et exclura toute référence  à une "sémantique" ou "vérité" qui la fonderait. Cette forme ne serait dictée que par une adéquation a priori à un réel entièrement formel et exclusivement préoccupé de la commodité et de la complétude de l'expression. Fu et Wo deviennent alors nécessaires et permettent non seulement de structurer la vérité au sens formel, mais aussi de définir les nombres entiers... 

 

 

(1) https://www.academia.edu/10495057/On_Trascendental_syntax_a_Kantian_program_for_logic

(2) son site http://girard.perso.math.cnrs.fr/Accueil.html

(3) la nécrologie de Girard http://girard.perso.math.cnrs.fr/titres.pdf

(4) Gödel Debray par lui même http://regisdebray.com/pages/dlpdf.php?pdfid=lincompletude

(5) https://www.academia.edu/25545883/Kant_and_the_Foundations_of_Analytic_Philosophy

 

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