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  • Le coran de Rachid Benzine

    Rachid Benzine dont j'avais lu il y a bien longtemps les "nouveaux penseurs de l'islam" décrivant les frasques de Abdu et El Afghani, fondateurs éclairés à la fin du XIX ème siècle du salafisme moderne (et oui), commet une explication du coran destinés aux nuls en forme de dialogue.

    http://en.calameo.com/read/005202692621f4f02670c?bkcode=005202692621f4f02670c&view=scroll

    Réjouissant mais porteur d'une thèse qu'il convient d'expliciter...

    Le Coran est le produit d'un lieu, d'une époque et d'hommes. Voilà la clé, d'après lui. Mais il va plus loin, il (le Coran) respecte les moeurs de la société arabe du 7ème siècle: il ne pouvait changer le mode de vie de l'époque, bien sur.

    Cette affirmation en forme à la fois d'évidence et de dépit caractérise le constat. Mieux, Benzine rajoute: le coran "ne fait pas d'anachronisme" au nom d'une règle divine extérieure. Ainsi donc, Dieu se serait "adapté".

    Il ajoute: "ce qui n'enlève rien à sa richesse et à son intérêt pour nous".

    Et c'est alors le grand commentaire de la sourate 4 (Les femmes), celle qui contient le célébre "frappez les" (qu'on peut traduire aussi par "corrigez les") avec aussi l'autorisation de la polygamie dans la limite de 4.

    L'explication, lumineuse et éclairante, et surtout hautement convaincante, est que 1)  la polygamie est justifiée dans le texte du Coran par la nécessaire protection des orphelins et 2)  "corriger"  les femmes (les battre) s'explique par la nécessaire résolution des conflits entre clans, la recherche de la conciliation étant à ce prix.

    Voilà donc ce que produit l'islam des lumières expliqué par la figure de proue de l'islam libéral. On y ajoute pas que le coran est parole divine (ou le contraire)

    J'avais eu l'occasion à plusieurs reprises de protester contre ses citations du coran, toujours tronquées et à contre sens de l'immédiate interprétation, généralement à la hauteur de ce qui apparait comme un prodigieux et cynique foutage de gueule autoritaire. D'un verset à l'autre, on passe de "nulle contrainte en religion" au mécréants qui resteront dans le feu éternellement. Jamais le sens pacifiste (évoqué devant des mécréants) n'est nuancé ou expliqué en rapport avec les malédictions épouvantables qui suivent immédiatement parfois dans le même verset. Une effroyable langue de bois terrorisante, digne des pires menaces des pires tyrannies est en permanence à l'oeuvre. Dans ce discours là.

    Pour illustrer l'effrayant cynisme du passé et du présent, voir:

    https://oumma.com/point-de-contrainte-en-religion-partie-1-abrogationnisme-abrogationnistes/

    dont la conclusion: "on ne doit rien abroger" est un régal d'hypocrisie religieuse après un texte entier consacré à l'histoire de l'interprétation réaliste, complètement réaliste, (on se demande bien ou est l'herméneutique là dedans) de l'expression littérale de la nécessiter de tuer ou d'obliger à faire "quelquechose".

    Comment un intellectuel présent sur la scène publique française, de nos jours, peut il se livrer à pareils discours ? Jamais la moindre nuance, la moindre allusion à ces doutes, à la perception au combien évidente que tout cela est exclusivement consacré à imposer obéissance et soumission à des principes rituels et moraux.

    Tout est dans le "exclusivement" sans doute... Y a t il échappée vers "autre chose" ? Oui, nous dit on: une volonté de "justice". Le terme est souvent mentionné et son usage systématique caractérise les revendications et autres proclamations relative à l'islam en général, faites par ceux qui s'en proclament soutiens à un titre ou à un autre.

    Qu'est ce que la justice et qu'est ce que son exigence? Une grande partie du mystère est là. On pourrait gloser sur la paradoxale souffrance d'un islam comme contenu implicite d'une protestation envers l'histoire tourmentée des destructions mongoles ou turques de l'identité arabe, mais aussi de la protestation chiite contre les malheurs de la transmission, et plus généralement comme un regret permanent des origines, seule source de justice et qu'on identifie à la seule constitution humaine possible celle dirigée par un envoyé de Dieu lui même et qu'on sait bien sur impossible. Le terme "malheureusement" si souvent employé dans les réflexions musulmanes désabusées est souvent bien plus présent que le "inch allah" de la tradition orientaliste.

    Le thème de la "justice" est donc celui du perpétuel malheur des peuples opprimés pour toujours, que la religiosité se complait à cultiver et qui sied admirablement à l'héritage troublé des peuples du tiers monde migrants triplement malheureux: de leur pauvreté originelle, de l'oppression coloniale qu'ils subirent, des discriminations qu'il subissent hors de chez eux. L'image mythique et d'ailleurs religieuse du prolétaire éternel est bien présente en occident et nourrit l'idiotie utile des post communistes nostalgiques de la tyrannie du bien.

    Et puis la justice c'est bien sur l'opposition entre ce pilier (LA justice) des sociétés démocratiques, écrit, formalisé, discuté et aussi indépendant, administré par le seul vraiment capable d'injustice, le très humain juge, et bien sur d'autre part, le sentiment immédiat de révolte contre l'injuste partage à son détriment, ressenti dés les plus jeunes âges de la vie et exploité par toutes les démagogies.

    Je ne voit hélas dans la justice de Benzine que sa forme basique dont tout prétend qu'elle n'est possible que par la présence permanente d'une autorité absolue et inflexible. Quoi d'autre ? C'est de cela dont on voudrait parler: de ce qui pourrait corriger la désastreuse impression donnée par ce tissu de malédictions délirantes. Mais hélas, on ne trouve que ce qui renforce le cynisme perçu, marque du religieux établi en position de pouvoir, exclusivement porté à dominer sans partage. Une idéologie totalitaire de l'antiquité tardive.

    A partir de là, sachant, et Benzine le sait mieux que d'autres, qu'un projet est toujours en cours pour exploiter ces discours afin de réveiller et stimuler la conscience triste de peuples du tiers monde toujours accablés par leur déclassement historique définitif, on ne peut qu'être saisi d'inquiétude. Car l'"islamisme" est là, comme idéologie politique construite sur un islam utilisé comme réaction contre un occident considéré comme une menace par l'identité arabo musulmane et la culture Islamique (avec un grand I). Cette revendication sous sa forme extrême est portée actuellement par un état autoproclamé qui se dit "islamique" et qui nous a tué et blessé récemment 300 de nos compatriotes.

    On se prend à vouloir le menacer et lui expliquer à lui le tolérant intellectuel (sa ceinture verte de kickboxing me dissuadant de le faire en face) qu'on ne le croit pas et qu'il n'est qu'un fripon menteur. Quand aux imams fanatiques et antisémites qui eux ne prennent pas de gants, on ne voudrait leur administrer que des coups de bâton, bien sur.

    Cette dénonciation de l'hypocrisie religieuse fondamentale dont je me fais l'écho et le moteur même de la passion violente religieuse à l'origine de l'explication du mystère de ces "religions de paix" qui se consument dans les plus effroyables violences. Qu'elles se consument, mais sans violence si possible: une appréciation juste de la non sincérité devrait conduire les âmes inquiètes hors de cet infernal labyrinthe: si Dieu existe qu'il détourne les hommes des affreuses interprétations de sa soi disant parole, sources des plus terribles fureurs pour et contre elles, pourvu que leurs règnes n'arrivent pas.

     

     

  • Les types

    La notion de type est bien connue des informaticiens, enfin de ceux qui ne se complaisent pas dans les hacks foireux à base de javascript ou de LISP, bref, de toutes les hideuses manières d'encoder n'importe quoi dans n'importe quoi en suppliant dieu que ça marche. Saint Jacques, patron des informaticiens priez pour nous.

    Le "type" est au contraire un concept puissant, au coeur des spéculations encore irrésolues des plus hautes mathématiques contemporaines.

    https://www.ias.edu/ideas/2013/homotopy-type-theory

    C'est Grothendick lui même, juste avant son départ vers l'absolu qui signala la chose: de nouveaux fondements des mathématiques sont en cours de creusement:

    https://www.ias.edu/ideas/2014/voevodsky-origins

    L'incroyable complexité de ces considérations m'est évidemment hors d'atteinte, mais je remarquerai d'une part que je ne suis pas le seul, et d'autre part que les confessions de Voevodsky me vont droit au coeur: ses démonstrations buggées à mort que seuls de rares vérificateurs peuvent corriger, et que donc, seul des "assistants de preuve" peuvent vérifier font partie d'un monde qui s'avance à grands pas, et qui est celui de l'information pure, devenue vivante dans les ordinateurs receptacles actifs de la vérité et donc du réel (hmmh).

    Néanmoins, il convient de réaliser que cette idée de type fait apparaitre d'autres idées parfaitement fascinantes, et dont la beauté extérieure vaut le détour.

    D'abord que la structure d'existence des objets les fait surgir du néant et que la manière dont sont définis les types par exemple vaut absolument d'être considéré. Bien au delà des ensembles qu'on me força à apprendre en sixième, ce qui ruina (en fait non, je ne crois pas) mes capacités ultérieures, les types tout commes les catégories, et maintenant les groupoïdes, sont des objets vivants, animaux d'un bestiaire qui fait tenir les conceptions modernes de l'intelligible. Même si Voevodsky dit que personne ne peut comprendre ce qu'on en fait (ou presque) je reste persuadé qu'on peut les approcher d'une manière ou d'une autre, de façon à se rincer l'oeil, c'est la seule chose qui importe.

    Les "types" (tels que décrit par Martin-Löf, qui est une seule personne malgré l'aspect composite son nom, son prénom est Per, mais il est vrai qu'il a beaucoup travaillé avec son frère Anders) permettent de fonder les mathématiques, soit, mais surtout forment la texture théorique des languages de programmation modernes, Idris, le successeur autoproclamé de Haskell, étant connu pour implementer les types dépendants, invention de Per et augmentant énormément l'expressivité des "vrais" languages, les langages de programmation...

    Il faut mentionner que le language fonctionnel Haskell (du prénom de Curry) est (plus ou moins)  l'héritier main stream du système F de Girard, tentative des années 70 pour faire un lambda calcul "typé", le compilateur d'un vrai language étant d'abord le calculateur du type des expressions tapées, tâche fondamentale et amicale qui en fait le meilleur ami de l'homme. Je ne plaisante pas: qui ne sait pas ce qu'il doit au merveilleux robot capable de deviner pareille chose de façon exacte n'est qu'un disciple de saint Jacques, un malheureux.

    Bien sur il faut mentionner les langages de la lignée de ML, qui firent les assistants de preuve LCF, HOL, Isabelle et aussi Coq. Au fait, les théorèmes ne sont bien sur pas démontrés dans le langage de programmation, bien sur: c'est le modèle de preuve qui est programmé (hacké avec fureur et immense difficulté) dans le langage en question, à qui on demande simplement d'être le plus agréable possible à manipuler, et donc d'avoir un système de types le plus puissant possible, la circularité qui découle de tout ça étant réjouissante.

    En parlant de la guerre des Maths, il faut aussi mentionner que Martin-Löf, en voulant généraliser le système F, se fit recadrer par Girard qui démontra son inconsistance. Il se rattrapa par la suite, au demeurant, sa théorie des types a plusieurs versions toutes mieux débuggées que les autres.

    En parlant de Curry, il faut mentionner, cela le fut déjà ici le fameux isomorphisme de Curry Howard, parangon de la vraie rencontre entre les maths et l'informatique, mais quel est il exactement ?

    La correspondance fonction programme.

    Tout d'abord, on commence doucement, il faut réaliser que la notion de fonction est d'abord logique et ensembliste. L'associer à un programme qui calcule à partir d'une entrée x la "valeur" de f(x) demande un effort. Un petit. Mais ce n'est pas cela dont il s'agit...

    Ensuite, on passe à plus dur: la mise en correspondance d'une proposition (une sorte de fonction de ses variables libres, mais calculable dans un langage primitif de connecteurs logiques qui n'ont rien à voir) avec l'ensemble de toutes ses preuves... Caractériser une chose par un ensemble indéfini est typique d'une approche particulière de la vie, surtout quand cet ensemble contient des choses aussi "spéciales" que des preuves, voire est défini, précisément, par le fait que ses éléments sont des "preuves".

    Surtout que la caractérisation se complète: une implication entre propositions se trouve associée à l'en semble des fonctions entre les deux ensembles de preuves. Nous y sommes. La correspondance des quantificateurs vaut aussi le coup d'oeil, ExAB étant l'exhibition d'un élément a de A et de l'ensemble des preuves de B ayant lié a; AxAB étant le produit de toutes les preuves de B liées à chaque élément de A.

    Cette "interprétation", typiquement intuitionniste, est dite celle de BHK (Brouwer, Heyting et aussi Kolmogorov). Elle revient à identifier vérité et preuve et à ne considérer valide que ce qui est prouvable et aussi à identifier calcul sur des ensembles de preuves et calculs de validité de propositions.

     Les fondamentaux

    On reprend tout depuis zéro, les mots ont un sens.

    Un terme est un objet, peut être composite mais objectif, par exemple x+1. Dans un terme, on trouve des constantes, des variables et des fonctions qui définissent des termes en fonction d'autres termes.

    Un prédicat est une relation, ou l'affirmation d'une relation entre termes, par exemple x<y

    Une formule ou proposition est un assemblage de prédicats portant sur des termes. Les ou et/ou et permettent d'assembler des formules entre elles. Les formules quantifiées sont des sortes de prédicats sur les formules. Ainsi donc, une proposition est une "affirmation".

    A partir de là tout explose, car on a l'affirmation de "vérité" en logique classique et l'affirmation "a une preuve" en logique intuitionniste. C'est toute la différence, la notion de "vérité" étant for discutée, on n'a pas fini de voir comment. Tout d'abord l'identification faite plus haut est rejetée par Per: il y a une distinction fondamentale entre le texte de la proposition et l'assertion qu'elle "implique", le jugement à son sujet.

    On trouve partout des articles de Per au sujet des DEUX niveaux de la logique, répétant qu'il y a bien deux domaines de discours, identifiés par  le "|-" des "propositions" et la grande barre horizontale des "assertions" qui les sépare. Le "raisonnement" (on en a parlé précédemment) est bien le calcul des assertions...

    http://docenti.lett.unisi.it/files/4/1/1/6/martinlof4.pdf

    Per considère que son travail philosophique consiste à clarifier ces deux notions, c'est dire que j'avais bien compris qu'il y avait bien un truc là.

    Le lambda calcul

    Il faut mentionner cette formalisation du calcul, inventée par Alonzo Church: l'idée est d'abstraire les opérations sur des objets par la notion de fonction, capacité d'application à un argument d'une procédure operatoire. xF, avec F contenant des réferences à x (on note lambda ""). L'application de xF à une valeur a, notée F[x/a] est le calcul élementaire, dit "béta reduction".

    Pour faire vite, on démontre que le lambda calcul (l'ensemble des "lambda termes" et de leur combinaisons et application) est confluent (de la garonne), c'est à dire que les bétas se réduisent finalement en une forme dite "normale" unique. C'est le théorème de Church Rosser, qui s'applique à ce système là de réécriture. 

    C'est pour cela qu'on peut "raisonner" sur des programmes écrits avec des lambdas: on applique et on réduit "à la main" (ou à l'oeil), et on est sur que l'ordi fera pareil. 

    Au passage, alpha désigne l'équivalence entre deux termes qui ne diffèrent que par le nom de leur variables liées:

    x.x est alpha équivalent à y.y  

    Au passage, le caractère lambda ressemble à une flèche dirigée vers la droite, vous ne trouvez pas? 

    Les points fixes

    On ne peut pas ne pas pouvoir (ad infinitum) citer la notion de "point fixe", l'opérateur "fix" qui s'applique aux fonctions leur calculant leur point fixe (ou du moins l'un d'entre eux), soit la valeur qu'elle ne transforme pas.  

    Une implémentation de "fix" est le célèbre combinateur Y (la société de venture capital "Y combinator" a choisi ce nom pour cela). Un combinateur est une expression sans variable libres et on a : 

    Y = f. <corps d'une lambda sur la fonction f >

        x.f(x x)   $   x.f(x x ) 

    Pour lire ça, on notera que "x x " désigne l'application de la fonction x sur x, et que "$" met entre parenthèses ce qui suit.

    Si on réduit béta-ément Y f, on trouve:

    Y f =  x.f(x x)   $   x.f(x x )  = f(x x)  [x = x.f(x x ) ] = f ( Y f) 

    Ce qui prouve ce qu'on veut, c'est à dire que Y f est bien un point fixe de f, mais ne le donne pas pour autant...

    Par contre, Y est super utile.

    Parcequ'il permet de béta réduire une définition de fonction récursive, interdite par le lambda calcul:

    "f=x.x==0?1:f(x-1)" (= "f=<B(f)>") est interdit: f comme variable libre, ne peut référer la fonction courante... 

    Soit F = f.<B(f)>

    F est une expression valide, et pour calculer une valeur de notre fonction qu'on voudrait récursive au point p=2,  on va réduire (Y F) 2: 

    (Y F) 2 = (F ( Y F)) 2 =( <B(f)> [f=YF]  ) 2  = x==0?1:( F Y) (x-1) [ x = 2 ]  =  (F Y) (1)  

    On a donc l'opérateur de point fixe, pure magie, qui rend récursif ce qui ne peut pas l'être... 

    Les types

    C'est le moment de passer aux types. Le lambda calcul est en effet typé et il s'agit de définir une notion de typage pour ce calcul là qui permette et c'est là l'immense apport de Per, de servir de fondements à la totalité des mathématiques, rien que ça. Les types deviennent l'équivalent des ensembles pour tout, absolument tout, formaliser.

    Cette mise en concurrences des ensembles et des types pour les fondements est tout sauf évidente, et repose sur toute une série de conventions dérivées de la considération du fameux isomorphisme. Il faut donc préciser que les formules des démonstrations mathématiques sont représentés par les spécifications de certains types spéciaux, les types "propositionnels", les lambdas termes typés par eux étant les programmes à écrire pour prouver les formules.

    Le calcul des types résultants de ces programmes EST le système de preuve, décidable, je dirais bien sur, tout est fait pour cela.

    La spécfication et la programmation

     Mais le programmeur que je suis ne peut que se réjouir de voir des langages spécialement définis pour pouvoir exprimer simultanément dans le même formalisme spécification et programme, l'objectif (un object académique au plein sens du mot) étant bien sur de dériver le programme de sa spec, afin, bien sur, de se faciliter la vie.

    Car la correspondance est un exemple du célèbre pattern de la projection avantageuse depuis un monde hostile vers un monde où tout est facile. Le meilleur ami de l'homme, le calculateur des types super facile à faire (du moins pour certains) se trouve l'image de l'horreur infaisable qui consiste à démontrer des théorèmes. C'est précisément cette facilité algorithmique qui rendit brutalement envisageable de prouver des théorèmes, et donc de programmer des assistants de preuve. Merci Curry, merci Howard, merci Per.

    Par contre, pour représenter toutes les maths (les assistants de preuve, on l'a vu, ont vocation à TOUT décrire et tout prouver, notamment l'absolument imb(f)aisable), il faut un typage "assez" (au sens de suffisamment) élaboré. Les types (dépendants) de Marin Löf (A theory of types, 1971 étant le fameux texte que Girard déclara incohérent) le permettent et forment donc la base de toute l'avancée scientifique (absolument gigantesque) en question.

    Le fantasme suprême

    Il s'agit bien donc d'exprimer le fantasme du "calculus ratiocinator" (Leibniz, 1666), le langage total qui permettrait de tout exprimer, et donc de tout décider... Ce langage est programmatique, bien sur et il a des effets de bords !!!

  • La Complétude

    Bon, tout se mélange. Aussi il nous faut parler de la complétude, aussi affirmée par Gödel. Le brigand semble se contredire, mais il ne parlait pas de la même chose. 

    D'abord c'est la THESE de Gödel de 1929(il commençait bien).  

    Mais d'abord, on définit la "cohérence" comme la "consistance" (ce sont une et une seule chose) comme la capacité d'un système de ne pas produire de contradictions. Encore faut il être capable de produire quelque chose, c'est à dire être un système... On dit aussi qu'il est "non contradictoire", ce qui est logique finalement.

    Un point intéressant: une théorie est cohérente si elle a des énoncés non démontrables... Par exemple, la contradiction, doit pouvoir être exprimée dans la théorie, mais il vaut mieux qu'elle ne soit pas démontrable. Il doit y avoir du faux dans une théorie, sinon elle est "triviale" et donc n'a aucun intérêt. 

    On en vient alors à la différence syntaxe/sémantique c'est à dire à la notion de "modèle". Un modèle est une structure descriptible -par ailleurs- qui vérifie les axiomes de la théorie. Une interprétation, quoi. Le mot "sémantique", sensé donner du sens, caractérise ainsi ce qui est "commun" à des objets différents et qui va au delà du simple respect potentiel de certaines règles: en plus c'est possible, car CA existe... Du moins dans une acception "réaliste" du mot "sens".

    On dit qu'il y a cohérence "au sens sémantique" si il y a un modèle pour la théorie. 

    La "logique du premier ordre", décrite par Frege, est le "calcul des prédicats" avec les quantificateurs. Elle permet de décrire l'arithmétique, par exemple. Elle inclut la logique des propositions, bien plus simple.

    Le théorème de complétude, le truc de Gödel, dit que SI un théorème est vrai dans TOUS les modèles, alors, on peut le démontrer en appliquant les règles du système. Vrai implique démontrable. Il le prouve pour la logique du premier ordre. Au passage, la réciproque, qui caractérise ce qu'on appelle la "correction" est vraie aussi.

    Arithmétiques

    A ce stade, on doit réaliser ce qu'est la logique du premier ordre. On a du ou, du et, du non, A, E (les quantificateurs) et des variables en nombre indéfini.

    On y peut définir l'arithmétique en choisissant des symboles primitifs et des règles de succession. L'arithmétique, c'est celle de Peano, définit l'addition mais aussi la multiplication. Elle est du "premier" ordre, car elle exclut les quantifications sur les ENSEMBLES de nombres.

    Il y a aussi l'arithmétique de Robinson (Raphael, pas Julie), moins puissante que Peano, car "finiment" axiomatisable, mais suffisamment pour être incomplète gödéliennement. Elle a la multiplication, définie pourtant en fonction de l'addition, de manière évidente, quoique récursivement:  x*0 = 0 et  x * s(y) = x*y + y.

    Ainsi donc, c'est ce schéma récursif là, (celui de la multiplication) qui "porte" la capacité à faire le monstre (le monstre de Gödel). Et rien d'autre. 

    Au passage, l'arithmétique sans multiplication, celle de Presburger (quel nom, il a pour prénom Mojżesz ) est super simple, "complète" et "décidable". Il faudrait en reparler. 

    Pour en revenir à Péano, il a -en plus- une infinité d'axiomes qui sont toutes les formes possibles du raisonnement par récurrence, énumérées bestialement car il est impossible (si on veut rester au premier ordre) d'abstraire sur toutes les formules... Péano est ainsi "infiniment" axiomatisé. 

    Par contre, toutes ces arithmétiques sont compatibles avec la complétude Gödelienne: il y a bien une démonstration pour tout énoncé vrai dans tous les modèles, PARCEQUE elles sont du premier ordre.

    La complétude est donc celle du système de déduction appliqué au système, ou plus exactement celle du système axiomatisé à qui l'on applique la déduction "naturelle", c'est à dire LE raisonnement tout court. Il faut bien comprendre ce qu'est ce fameux "raisonnement": il n'a pas lui, d'"axiomes" à proprement parler, sinon la seule déduction possible à partir de rien, que l'on appelle "axiome", d'ailleurs (héhé).

    __________ ax

        X,A |- A

    Les autres règles, reformulations du raisonnement dit "axiomatique", ne sont que des ré-expressions commodes de ce qu'on appelle la déduction dite "naturelle". Tout ça fut réglé par GG (Gentzen), voir mon exposé sur Girard 

    http://francoiscarmignola.hautetfort.com/archive/2015/09/12/girard-jean-yves-5684115.html

     Cette histoire DU "raisonnement" est ce qui obsède Girard... Il faut bien voir que cette idée de la formalisation de ce qui est l'apanage du mathématicien ne va pas de soi. Comment? On voudrait uberiser la forfanterie absconse du "le lecteur démontrera le reste à titre d'exercice", du "tout le reste est évident", "je vous laisse démontrer le reste, c'est du niveau CM2" ? C'est Hilbert qui lança la mode, et les "principia mathematica" qui fournirent la première version d'une notation "complète" formalisée de tous les raisonnements possibles.

    Une "logique" (il y en a plusieurs) est ainsi une forme de ce fameux raisonnement. Allez on crache le morceau, chacune de ces logiques est donnée par des conventions (les symboles variés) et surtout des règles de raisonnement (exprimables avec des séquents et la fichue barre horizontale). On a L K (la logique klassike), L J (la logique intuitionniste) et L L (la logique linéaire). 

    C'est Kant, qui en 1787, affirma à propos de la logique d'Aristote que selon tout apparence, elle était close et achevée. De fait c'est bien sa formalisation qui ouvrit la voie à sa digitalisation et à son encodage...

    Toutes ces logiques, d'ailleurs en gros équivalentes, se définissent avec leurs règles spécifiques, exprimées par des déductions (la fameuse barre horizontale) reliant des séquents d'entrée à des séquents de sorties. Une démonstration dans la logique en question est une suite d'application de ces règles, de fait un arbre dont la racine, loin en bas est ce qu'on est arrivé à démontrer... 

    Les séquents

    Un point au sujet des séquents, qui restent LA manière d'exprimer des raisonnements généraux, bien que les graphes de Girard (il faudra en reparler) seraient (paraît-il) bien tentants.

    Ils ont eux mêmes une partie droite et une partie gauche, séparées par "|-" le "donc" du raisonnement élémentaire, en fait la classique implication, qui se contente de séparer une suite de "et" et une suite de "ou". 

    De fait l'assertion élémentaire, le séquent est capable d'exprimer n'importe quoi... Depuis le faux : ( A |- ), et le vrai: (|- A) en passant par tout le reste.

    Les séquents sont utilisés pour exprimer une règle particulière, la règle de coupure (cut). Gentzer a démontré lui même, ce fut sa "hauptsatz" qu'elle est redondante, et qu'on peut exprimer tout raisonnement sans elle. Les coupures peuvent toujours être éliminées. Voyons voir le séquent des coupures: 

    X |- A, Y       X,A |- Z

    __________________ cut

             X |- Z 

    A est "coupé" (éliminé). La seule règle qui élimine une hypothèse, c'est celle là. Elle est donc, en principe, une menace: si on arrive à prouver le séquent vide |-, on serait foutu. Or, il se trouve que la contradiction mène au séquent vide. En effet: 

    La règle de négation (à droite) bien connue, donne: 

    |-  nA

    _______

    nnA |-

    Et on combinant, avec la règle de coupure, on a donc au total:

    |- nnA         |- nA

                   ________

                     nnA|- 

    _______________

           |-

    C'est à dire, précisément que (nnA et nA), expression de toutes les contradictions, mène au séquent vide.  Par contraposée, s'il n'y a pas de séquent vide, il n'y aura pas de contradiction. COMME il n'est pas possible de générer de séquent vide, la logique n'est pas contradictoire.

    Rassurant,non ? Et bien il a fallut un nazi pour nous le prouver. 

     

    Les différents systèmes 

    Pour clarifier tout ça, il nous faut préciser que la "déduction" (la grande barre horizontale) a eu plusieurs acceptions: 

    1) La déduction (ou système) Hilbertien avec une seule règle, le modus ponens

    2) la déduction "naturelle" qui introduit les connecteurs un à un.

    3) le calcul des séquents, décrit plus haut.

     Voir (2) et aussi (3). 

    Les modèles

    Naturellement, l'expression "vraie dans TOUS les modèles" a un caractère intriguant: qu'est ce que cette vérité là? De fait, il s'agit de la vérité "combinatoire", celle qui, pour le calcul des propositions, s'exprime avec les tables de vérité. On a donc les distinctions entre toujours faux, parfois faux, (et donc parfois vrai), et toujours vrai (valide).

    Au passage, c'est semble-t-il Wittgenstein lui même qui inventa les fameuses tables... 

    Le mot valide est un peu faible, le "toujours vrai" ou "absolument vrai" est qualifié de "universellement valide". Alors que l'invalide lui est plus simplement "absolument faux".

    En gros une proposition porte sur des variables, et un modèle, forcément dénombrable, est une liste de variables, la validité d'une proposition étant vérifiée par la constatation qu'elle est déclarée vraie dans TOUS les modèles... Pour qu'une telle absurdité soit possible, il faut donc que la proposition soit non atomique ou bien un "axiome", évidemment démontrable. P(x) vrai toujours, avec P un symbole, par exemple. 

    Une proposition "validable" est donc composite, et utilise les structures du premier ordre pour se formuler.

    La "conséquence logique", au sens des modèles, notée "|=", est donc une relation entre deux assertions de validité, qui se "calcule" de manière basique. 

    C'est Paul Bernays, qui démontra en 1926 que pour les propositions, la démontrabilité découle de la validité.  

     Notons que, on aurait pu commencer par là, que la réciproque est vraie: une démonstration (au sens de Gentzen), (notée "|- ") implique que tout modèle de l'hypothèse est aussi modèle de la conclusion. La chose parait assez naturelle, la déduction dit "naturelle" étant bien compatible avec l'attribution de la vérité dans les opérateurs logiques élémentaires.  C'est le théorème de "correction", de "korrektheit", de "soundness", qui s'applique à une logique, ou à un "système logique". Par exemple, la logique intuitionniste est "correcte".

    Incomplétudes

    Il faut maintenant évoquer LES théorèmes d'incomplétude... Car en plus, il y en a DEUX...Le truc est multiple. 

    Mais surtout le sens (du mot "complet") est DIFFERENT, on va y revenir.

    D'abord, le premier d'entre eux, qui est le plus fameux, dit que toute théorie consistante incluant l'arithmétique, cela inclut le calcul des prédicats, est "incomplète": il y existe des énoncés indécidables. Non pas faux, ça on le savait (voir plus haut), mais non susceptibles d'être démontré avec les axiomes de la théorie, c'est à dire qu'il n'en existe pas de démonstration avec cette théorie là. 

    Notons que le théorème de complétude s'applique et n'a en fait rien à voir avec cette choucroute, le mot est juste traitre. Ainsi l'énoncé "indécidable" dont on parle (non démontrable, donc) est faux dans un modèle particulier (suivant la contraposée de la complétude gödélienne: si non démontrable alors pas vrai dans tous les modèles donc faux dans au moins un). Par contre, ce modèle violateur, qui donc existe forcément, est "non standard" car le code de Gödel (attention, on s'accroche aux branches) de l'assertion "la théorie n'est pas consistante" n'est pas représentable par un simple entier, du moins dans ce modèle là. Les modèles non-standards de l'arithmétique sont ainsi en fait inévitables... 

    L'incomplétude gödélienne est donc distincte de la complétude du même (auteur), en ce qu'elle ne s'applique pas à la même notion à compléter.

    C'était ce que je voulais dire.

    Allons directement au "monstre" de Gödel, qui utilise l'expressivité de l'arithmétique pour encoder l'assertion qu'il n'est pas prouvable. Cette assertion ne trouve indécidable par définition: si elle est prouvable, c'est qu'elle est vraie et donc elle se contredit; elle est donc non prouvable et se trouve réfutée, c'est à dire par définition prouvée, compte tenu de ce qu'elle affirme. Le monstre est donc bien indécidable et Gödel a raison de dire ce qu'il dit.

    Le deuxième théorème de Gödel se déduit (presque) immédiatement du premier: les théories plus puissantes ou égales que l'arithmétique sont trop expressives: elle ne peuvent prouver leur propre cohérence car l'expression de leur cohérence s'y trouve indémontrable. En effet, la démonstration du premier théorème d'incomplétude est elle même encodable dans la théorie sous la forme de l'implication "si une théorie est cohérente alors le monstre n'est pas démontrable". Comme le monstre dit précisément "le monstre n'est pas démontrable", et bien il est donc (dans la théorie, c'est ça qui compte) vrai, et donc il est démontré... 

    Donc on a démontré par une double mise en abîme (on a le droit de l'écrire comme ça) que si on peut exprimer, dans la théorie, que la théorie est cohérente alors le monstre est démontré. Comme la conclusion est fausse, la théorie ne peut exprimer sa propre cohérence. CQFD. Il faut bien voir l'aspect extrêmement vicieux de la chose: SI on accepte de dire, dans le cadre d'une théorie, qu'elle est cohérente, ALORS, on démontre le monstre. Donc, on ne peut même pas "dire" une chose pareille et donc à fortiori, on ne peut pas la démontrer. 

    A l'issue de l'exposé en public du premier théorème, Von Neumann, dans l'assistance, en déduisit immédiatement le deuxième théorème et le fit remarquer. Il était super fort, Von Neumann...

    Diophante et l'ordinateur

    En parlant de complétude, l'équivalence faite par Matiassevitch entre les équations diophantiennes (sur les polynômes à coefficients entiers) et les ensembles récursivement énumérables montre que ces équations là ne peuvent être décidées solvables en général, et donc que le dixième problème de Hilbert est résolu, négativement. 

    On fera remarquer que Matiassevitch, né en 1947 comme Girard, trouva cela en 1970, et que c'est à Paris que Hilbert (David) formula son programme. Que toute l'informatique, c'est à dire le calcul chosifié qui occupe tellement les esprits soit équivalent aux équations diophantiennes restera toujours fascinant (au moins pour moi).

    On en vient donc à ce qui est "récursivement énumérable", en gros ce qui calculable par une machine de Turing qui s'arrête à la fin, même si ça prend un temps infini.

    Le terme "récursif" s'applique aux ensembles des programmes qui s'arrêtent effectivement après un nombre fini d'étapes: et il n'y a pas de programme qui puisse le décider en temps fini, c'est l'indécidabilité du problème de l'arrêt. En gros, on ne peut pas décider de l'appartenance à un ensemble récursif, et ce qui est marrant c'est que "recursif" et "décidable" sont synonymes. "récursif" est donc bien plus limitant que "semi décidable" (récursivement énumérable).

    En 1936, Turing, pour prouver que halt(prog(x)) n'existe pas, en fait ne peut pas terminer en temps fini en répondant oui, définit le programme fonctionnel vicieux suivant:

    vice(x)= if (halt(x,x) loopforever else ok

    Prenons vice(vice). Si ça termine, halt le sait, retourne "true" et vice(vice) ne termine pas. Donc ça ne termine pas, et donc halt (vice) repond nok et donc vice(vice) retourne ok,c'est à dire termine. Dans tous les cas, contradiction. Héhé: Turing est super fort aussi. Un hacker de première.

    Les conditions de l'incomplétude

    Cette petite disgression, pour bien préciser les conditions des théorèmes d'incomplétude. Gödel a besoin d'exprimer des énoncés méta mathématiques pour encoder le monstre. Pour cela, il faut Péano bien sur, mais pas seulement. Il faut que l'ensemble des axiomes de la théorie qui inclut l'arithmétique soit récursif. En effet, c'est LA condition sine qua non pour que Gödel puisse utiliser la théorie afin d'encoder le monstre. Peano pur, par exemple a bien des axiomes (en nombre infini) dont l'ensemble est récursif. Robinson, bien sur aussi (ses axiomes sont en nombre fini). Par contre, ce sont bien les théorèmes qui eux  ne sont que récursivement énumérables...

    Pour finir, quelques remarques générales de plus. D'abord que l'encodage de Gödel est parfaitement du premier ordre et il est tout à fait faux d'imaginer que la complétude c'est du premier ordre et l'incomplétude, du second. Pire! Ce que démontre Gödel c'est que le fameux "méta langage " est en fait DEJA présent dans l'arithmétique, celui ci n'existe donc pas, et Girard a raison de le dénoncer.

    Ensuite que la notion de "vrai" n'a de sens que relativement à un modèle. Par exemple, les théorèmes de Gödel ne disent pas du tout qu'il existe une vérité -absolue- non démontrable mais qu'il existe des indécidables et donc des énoncés vrais dans certains modèles et faux dans d'autres. Stricto sensu, c'est donc le contraire qui est dit, et du fait de la complétude !

    Le XXème siècle fut un siècle complet (elle est bien bonne celle là).

     

    P.S. J'ai passé beaucoup de temps à bien séparer les deux sens du mot "complétude". Ce n'est que dans la version anglaise de l'article wikipedia qu'on parle d'appliquer le théorème de complétude à l'assertion indécidable issue du deuxième théorème d'incomplétude... De plus, la "omega" inconsistence dont Rosser peut se passer pour démontrer le théorème d'incomplétude d'une autre manière n'a rien à voir avec la choucroute, contrairement à ce que semble laisser sous entendre Girard... Il y a donc toujours un doute, mon sentiment est mitigé, incomplet en quelque sorte...

    La discussion en  https://sciencetonnante.wordpress.com/2013/01/14/le-theoreme-de-godel/ est particulièrement éclairante sur tout ça.

    La syntaxe et la sémantique

    Object des fantasmes de Girard, l'abolition de la distinction sémantique/syntaxe est bien mystérieuse et constitue un horizon sur lequel je me fracasse. 

    Disons que c'est le coeur du propos de ce papier: le modèle est la sémantique, et le raisonnement la syntaxe (à moins que ce ne soit l'inverse). L'un est le réel de l'autre et c'est ce que veut dire Girard, qui veut abolir le réel, c'est à dire l'essence des choses. 

    Dans sa fabuleuse "nécrologie" Nécrologie http://iml.univ-mrs.fr/~girard/titres.pdf il met en avant la chose, et prétend l'avoir résolue (ou pas).

    Philosophie des mathématiques

    Plus que jamais, la question de la nature du monde est posée et il semble bien que ces apories du raisonnement lui même en question agissent en faveur de deux points de vues à opposés, mais adversaires simultanés des relativistes et autres conventionnalistes  scientistes (et oui) qui veulent "écraser" la notation et faire du monde une simple mécanique.

    Ces deux points de vue sont  le platonisme mathématique, et oui, c'était ce que pensait Gödel lui même, et ce que pensent les mathématiciens en général: un monde de réalité abstraite contraint la raison et se trouve à explorer, le faillibilisme, contrairement à ce que pense Girard, en étant le critère d'exploration. Le monde mathématique EST naturel, et se trouve peuplé de monstres à découvrir. C'était ce que pensait Bach pour la musique, du moins j'en suis sur. 

    L'autre point de vue est similaire, mais aussi radicalement opposé: un intuitionnisme forcené, qui ramène tout à la seule chose qui compte, l'ensemble des entiers naturels, seule chose crée par Dieu, totalement donné, totalement naturel (comme son nom l'indique) et qui contiendrait tout... 

    P.S.

    (4) confirme tout à fait ma révolte sur l'application et la question de la complétude: Gödel est bien une source de création/conception de modèles "non standards".

    (1) Toutes les démonstrations: http://perso.ens-lyon.fr/natacha.portier/enseign/logique/GoedelParAlex.pdf

    (2) https://www.normalesup.org/~bagnol/notes/sequents.pdf

    (3) https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00382528/document 

    (4) http://www.madore.org/~david/weblog/d.2012-12-15.2093.verite-en-mathematiques.html#d.2012-12-15.2093.modeles-et-completude

  • Qu'est ce que la droite ?

    En ces temps de refondation, la question mérite d'être posée. Le thème est riche et commencera avec le "front des hommes quelconques" de Guglielmo Giannini, fondateur du "qualqunisme". On est là dans le foutoir des mouvements politiques italiens de la fin des années quarante  à cheval entre la droite et le populisme, les cinq étoiles actuels en étant un exemple. Le poujadisme en fut un et le font national, son successeur aussi. Expression d'une révolte populaire de droite, lit, cause et conséquence de tout fascisme, issu de la décomposition politique tout simplement, l'attitude en est une, et se trouve une structure des psychés collectives, un mécanisme. 

    Le thème est dénoncé par Jean Yves Girard lui même: "le fantôme de la transparence"  utilise le mot pour désigner le "populisme intellectuel" qui entend tout ramener à l'"analytique", celui ci se trouvant par là même défini. Et nous y sommes: un infini de spéculations. 

    Un interview radiophonique, hors du temps: https://www.youtube.com/watch?v=D-hxSy7BFBk

    et puis aussi : https://www.youtube.com/watch?v=1m8duxXeubg

    "Qu'est ce qu'une réponse ?" Demande Girard. Dur à répondre. C'est ce que produit l'ordinateur: des réponses.

    Rappelons que Girard est le dernier logicien historique: la logique linéaire complète Aristote et Brouwer, rien de moins. 

    La différence entre l'usine et l'usage, entrevue par Herbrand, mort à 23 ans. La différence entre existence et essence, entre parfait et imparfait.  Bref, la dualité fondamentale du monde, et ce que je veux dire: point d'essence centrale, mais opposition constitutive, l'interaction, catégorie essentielle du monde...

    Quel rapport avec la droite et la gauche ? Et bien le fait qu'il y a dualité, et que le sens n'est jamais complètement capté par une formalisation. Cela signifie-t-il qu'il faut fuir vers la religion et chercher dans un grand existant en dehors ce qui fait marcher le monde ? Et bien non: il y a bien une critique rationnelle du formalisme et du scientisme et le miracle du XXème siècle est de l'avoir prouvé, c'est le (vrai) sens du théorème de Gödel.

    Porteur et vulgarisateur quasiment poète de la dénonciation du scientisme, Girard ressemble bien à ces papis ronchons opposés à l'homéopathie: au nom du bon sens il moque et méprise ce que de grands esprits reconnus considèrent valides et en cela il est, et oui, de droite. 

    C'est la première acception du mot et la première réponse à la question: le bon sens révolté contre l'acceptation officielle et l'omniprésence d'une règle, d'une poncif structurellement et manifestement faux. Ce rapport là à la vérité est le fondement de l'opposition duale de type politique: le refus d'un être extérieur, suffisamment gros (je veux dire quantitativement gros) pour être toujours visible et oppressant et surtout non valide, faux, affirmant l'irréalité... 

    Je ne vais pas lister (voir ce que je pense de Macron et de sa clique) tous les points sur lesquels la conscience "de droite" se sépare radicalement de la société car ils sont trop nombreux. On a mentionné l'homéopathie, c'est déjà ça, ne parlons pas de son remboursement par la sécurité sociale.

    Asymétrie

    Passons tout de suite sur l'asymétrie de ce sentiment, l'énergie de la dénonciation tenant beaucoup à la position minoritaire du révolté: aujourd'hui la gauche est majoritaire, et au combien. C'est donc la droite qui porte la "liberté", et l'appartenance au plus petit des camps est un choix existentiel, ou non. 

    L'échange symétrique de la droite et de la gauche eut lieu plusieurs fois dans l'histoire, au grès des majorités, mais la structuration historique du camp du bien eut lieu contre la droite scientiste, "bourgeoise" du XIX ème siècle. C'est la grande thèse de Philippe Murray et on peut (ne pas) y revenir. Le romantisme voulut construire une nouvelle religion et sombra avec la gauche et une idée dévoyée du bien dans l'horrible scientiste communiste qui n'en finit pas de produire ses ravages. C'est là ou nous en sommes: le "progrès" est toujours porté par une idéologie folle qui pense un "bon sens" particulier, celui de l'adéquation de l'action bonne à la bonne situation. 

    C'est là que se situe le débat politique. Il faut noter que celui ci est d'abord hanté par la condition même de son existence, qui est le concept de "démocratie", les multiples révérences soigneuses à l'idole étant naturelles, voire indispensables, si l'on veut accéder soi même au pouvoir un jour sans avoir à exercer la violence dont on rêve la nuit... Cela étant posé, il faut bien comprendre que cette notion du coup d'état impossible reste un repoussoir explicite et que l'accusation de le fomenter est un argument symétrique, je veux dire employé par tout le monde. 

    On en vient donc à l'expression de la symétrie et au concept de l'abolition de la différence droite gauche, aujourd'hui à la mode et qui veut vendre aux jeunes cons un nouveau qui fit les délices de la période d'abaissement française qu'on appela "à l'époque" la IVème république: écartés les extrêmes communistes et gaullistes, le centre, partiellement chrétien en plus, gouverna. On fusilla les communistes, on fit la paix et "modernisa".

    Les larmes dans la voix, une génération entière célébra la modernité d'un homme politique de seconde zone qui se consacra à l'abandon de l'empire et aux bouilleurs de cru. Ecrasé et méprisé, incapable de s'imposer, Mendes fut abattu et trahi et finit en déchet, sodomisé par bien plus vicieux et incapable que lui. Que le champion final de la troisième voie soit celui qui finalement mit les communistes au gouvernement pour mieux les exterminer illustre finalement ce que je veux dire: le politique est rapport de force, et la vérité des concepts n'est que celle de la guerre entre DEUX camps, droite et gauche, majoritaire et minoritaire et qui s'opposeront toujours. 

    Il n'y a de conception politique globale et acceptable que celle qui impose des choses à faire. Tout ce qui n'est pas cela, toute toge, tout drapé, toute idée globale nouvelle ou non n'est que rhétorique, attrape couillons et surtout mensonge éhonté, dont le cynisme est la marque de la corruption. La négation du conflit et la volonté "diplomatique" de passer outre ces différences, quand elle va au delà du nécessaire apaisement entre les propriétaires fonciers d'une petite commune est non seulement le signe de la corruption, mais sa marque et son essence. Elle doit être rejetée, combattue, moquée et méprisée. 

    La droite est l'un des deux camps. Ce sera la première réponse mais on est dans la symétrie. Finissons avec elle: comme l'avait fait remarquer Fillon pendant la campagne, la volonté réformatrice de 1981 fut réelle et effective: on instaura diverses mesures, comme par exemple les nationalisations, avec comme objectif de changer un équilibre social et économique. On voulut socialiser, on le fit et cela eut des effets. La "gauche" voulait et on a vu. Là où la symétrie fut brisée c'est qu'au bout de deux ans, l'ensemble du système de décision français cessa de jouer. On garda les principes, les idées, et les prétentions, mais on réalisa qu'il fallait tenir compte du reste du monde. A défaut de conquérir le monde, la gauche française allait alors essayer de le baiser. 

    La thèse et le grand récit de la "trahison" de 1983 mérite en effet qu'on s'y attarde. Il ne s'agit pas d'une conversion au libéralisme, bien sur, la fable, reprise à droite d'ailleurs (c'est bien sur la théorie de popolniette, qui reprend au passage la terrible thèse du désormais gâteux Todd) faisant fi de l'état actuel de la France trente ans après, plus communiste que la Chine, et désormais chainon manquant avec la Corée du nord, juste après la Grèce.

    Non, Mitterand, totalement ignorant de toute question économique, décida bien sur en fonction du rapport de force, et refusa le FMI dont on lui présenta les inconvénients. Il fit donc semblant, la réforme simulée valant emprunt accordé, le mécanisme est toujours là, et il nous fait vivre.

    Prédateur et affirmé le concept séduisit pour toutes les raisons qui avaient fait la grandeur française, impérialisme compris: on a fait de l'Est du continent un hinterland dévoué à nos plaisirs, et que l'on protégeait avec nos armées. Il capta tous les intérêts, et la reconnaissance de la "grandeur" du collabo est maintenant universelle.

    Repris par le successeur, qui avait renoncé à toute réforme, peuple rebelle oblige, le principe demeure, il va bientôt avoir quarante ans. 

    Retour en Arrière

    Mais il nous faut revenir un peu en arrière. Les années 30, années de jeunesse de Palpatine, furent l'occasion d'une petite confrontation droite gauche qui sédimenta pour longtemps la sémantique du clivage. 

    Deux aspects, à l'origine de l'équivalence symétrique qu'on lui associe (au clivage): la tyrannie et le scientisme. L'un découlant de l'autre, les deux aspects ont marqué l'histoire. Interféconds et similaires, ils se sont appareillés à merveille jusqu'à la brisure de symétrie due à la guerre contre un monde soit disant enjuivé: la science juive était la science tout court et il fallut la défaite nazie. Après tout, Hitler avait attaqué, mais pas Staline. Et puis, il s'était bien battu, Staline avait été utile. A la fois effectif et nié par l'histoire, le clivage ravagea l'après guerre du monde occidental, qui tout en se tenant globalement bien, coca cola oblige, continua de remâcher ses obsessions. Au point que des communistes furent ministres en 81, la honte totale... 

    Car les funestes haines du siècle dernier étaient toujours là, et furent en fait ravivées par les terribles crimes, tous niés, tous célébrés. Il fallut attendre 92 pour que disparaisse ce qui restait d'un Empire qui fut bien plus puissant et étendu que celui de Napoléon. Il vérola le monde entier de sa propagande, l'inamovible mot "socialisme", le plus ignoble vocable de toute les langues, restant là pour en témoigner. Les dommages furent irréparables et 3 générations d'abrutis en sortirent crétinisés. 

    La crétinisation se traduisit essentiellement par une disjonction entre les mots et leur sens, le principal rôle de toute propagande étant de manipuler le langage pour instaurer sa suprématie. En pleine prospérité, l'occident vécut dans une démocratie dont des partis avec pignon sur rue, heureusement minoritaires, affirmaient avec hauteur et constance le contraire de la vérité quand aux épouvantables tyrannies qui régnaient, au nom d'idéaux partagés, dans la moitié du monde.  Pour affirmer cette vérité là, on tenta de détruire l'essence même du vrai, on alla jusqu'à la promotion de tous les relativismes, jusqu'à la négation du principe de contradiction lui même.

    Car le scientisme c'est aussi cela: on prouva la supériorité des races, celle de la science inspirée (Lyssenko), celle des hommes nouveaux. Partout le mot "socialisme" fut l'emblème du projet. On alla, une fois perçue l'importance du théorème de Gödel, prétendre qu'il s'agissait de la preuve de la défaite de la raison ! 

    Heidegger, théoricien nazi, dont l'être, entièrement consacré à la plongée barbare dans le refus du principe de contradiction au nom de la "pensée", fut l'inspirateur de toute la philosophie française des années soixante, célébrée dans le monde entier pour sa créativité. Ils étaient tous de gauche (en doutez vous?).

    Minoritaires, mais carburant de tout ce qui arrivait en masse dans des universités (trop) généreusement ouvertes, ces belles idéologies infusèrent. Vingt cinq ans après l'abandon par Mitterand de sa foi en la révolution nationale (la révélation eut lieu en 1943), un pseudo révolution mettait le gaullisme à bas. Ils étaient tous de gauche. 

    L'infusion continua encore une dizaine d'années, avec des doses croissantes. Persuadé de l'efficience de l'Etat en matière de conduite des grands groupes industriels, on nationalisa à tour de bras, sans oublier de mettre la retraite à 60 ans, nos enfants paieront. Persuadé de l'efficience technocratique du trotskisme chez qui il milita en secret jusqu'en 93, un Jospin fut premier ministre et instaura pour résoudre le chômage, les 35 heures.

    Partout derrière tout ça, une conception radicalement scientiste de l'organisation du monde et de la société, un dévoiement complet des principes de conduite des organisation humaines, des illusions absurdes sur la rationalité du monde et des hommes. Un horrible manque de culture lié à la fréquentation exclusive des pires livres des pires salopards fascistes ou communistes et surtout, une conception de la morale exclusivement consacrée à la satisfaction sans limites et sans justification des besoins primaires de tous, conception nommée, je vous le donne en mille, "justice sociale".

    Quelle rapport avec la "symétrie" ? Et bien qu'il est erroné de croire qu'il y a une "alternance" et que des forces quasiment identiques avec des bonnets colorés du même coton se succèdent pour rassurer notre idée de la "démocratie". De grandes forces, incommensurables en moyens et visions s'opposent radicalement, et triomphent sur de grandes périodes. Nous sommes dans le cycle de la "gauche", instauré politiquement en 1981, et celui ci domine absolument en permanence depuis. Ce qu'on appelle "la droite" est la misérable horde dépenaillée de perdants lamentables qui se sentent mal à l'aise dans cette ambiance et qui se grattent avec inconséquence qui l'entre jambes, qui la tête, mais sans résultats tangibles, la preuve, j'en suis.

    Foin de symétrie, il n'y a que des polarités et celle qui ne supporte pas l'état de fait n'est que potentielle: rien n'existe sans sa négation, c'est la logique qui le dit. La droite se trouve donc définie en creux... On pourrait parler des droites d'ailleurs. Chaque manie funeste, conséquence seconde des pratiques impériales a son club de contempteurs dextrogyre, depuis l'ultra laïcité jusqu'à l'avortement: cela fait il la droite ?  Evidemment non. Même le libéralisme, classé à droite par les communistes au moyen âge, est ouvertement revendiqué par des énarques adeptes des 35 heures, c'est dire.

    Car il n'y a derrière tout cela que l'affirmation de la tradition nécessaire: l'argument de la morale qui aurait besoin de Dieu, tout comme la création et la règle du tiers exclu. Son coté paradoxal à part son coté vieux jeu, est qu'il est aussi celui du réactionnaire musulman lambda: il dénote en fait un intellectualisme daté et un raisonnement du tiers monde. C'est son utilisation déraisonnable qui justifia les grandes dissidences juvéniles de fait justifiées. Il est un argument "scientiste" du premier degré.

    Mais il pose aussi la vraie question, la dignité humaine se devant de trouver une motivation véritable et acceptable à ses choix nécessaires, à moins de sombrer dans l'hypocrisie du relativisme, marque des solutions gauches, précisément. S'il y a un débat éternel, il est non pas dans l'opposition entre des principes, mais dans l'élaboration interactive de solutions aux problèmes humains. Voilà ce que je crois profondément.  

    Il nous faut revenir donc aux grands choix. D'abord, ils ne sont pas issus d'un complot, l'entité qui y présida est composite, de motivations et de circonstances. Car c'est la conjonction de forces disparates indépendantes, réunies par les hasards de l'histoire et de la géographie qui toujours, fait le réel. Les mêmes choses naissent et disparaissent par des convergences qui s'accordent pour des raisons différentes. Pas de bête immonde, ou de sens de l'histoire: des agrégations, des évènements qui s'accumulent. 

    Je suis très attaché à ce refus du scientisme et du réalisme de la grande force. Scientisme inventé par les marxistes, et parangon du sentiment progressiste qui fonde la gauche, il fut construit pour détruire le stable religieux, lui même construit sur un grand autre dont la civilisation occidentale avait réussi en fait à se débarrasser dès le moyen âge. Ce dieu non interventionniste était trop subtil, trop civilisé pour les barbares babyloniens qui détruisirent l'ordre ancien. C'est pour cela que le sentiment "catholique" est "de droite": il utilise le signifiant "Dieu" pour nier l'ordre rationnel scientiste qui fonde le progrès. Et encore pas n'importe quel Dieu: le chrétien, avec son pape et ses baroques, celui de la trinité, la fabuleuse ontologie irrationnelle mais signifiante de son propre mystère.  

    On expliquera ici le tropisme antisémite: l'idéologie racine du judaïsme a bien un Dieu interventionniste, qui fit la gloire de ses rois. Reprise dans le monde entier, l'idée, déclinée donc par toutes les nations, doit assumer sa non-universalité au sens global: à moins de vouloir faire un empire mondial on ne peut intervenir que chez soi. Le Dieu juif reste juif, et le Dieu chrétien non: son universalité est d'ailleurs un problème, et c'est bien la preuve de son existence (de l'universalité), on en reparlera.

    Par contre l'aporie de l'empire mondial est bien centrale ici: la droite est nationaliste, et l'empire est forcément tenu par l'ethnie qui tient la capitale. C'est pour ça que l'Autriche-Hongrie ne pouvait durer... Bref, les empires ne peuvent rester. Le soviétique s'effondra différemment du nazi, mais pour les mêmes raisons. 

    Le national "de droite" est donc centré sur ce qui le fait exister, son histoire et sa géographie de Nation. Il se maintient et ne croit qu'avec précautions. C'est la volonté impériale qui donne des titres étrangers aux barons d'Empire. Il fallait un solide humour pour faire roi de Naples une personnalité aussi excentrique qu'un Murat! Un grand respect de la rigueur pour faire prince de Neuchatel le très cérébral Berthier. Ce sentiment là accorda le titre de "français" à d'anciens esclaves libérés il y a des siècles et vivant au bout du monde. Le fera-t-il à des populations déshéritées par toutes les histoires, qui subitement viennent ici nous détester, attirées par le confort de nos maternités ? 

    La question de l'Empire, à la fois cynique et libéral est donc centrale, et on doit parler de l'Europe, à la fois conçue comme son modèle géographique, je dirais habituel. Tout ce que décrit la guerre des étoiles s'est donc produit une seconde fois après deux mille ans, et en Europe, bien sur.

    La dictature nouvelle, poussée par des sentiments nationaux dévoyés à qui on donne à manger des alliances militaires franco-allemande, budgets oblige, devient de plus en plus visible: elle lutte contre le terrorisme... Quand à la plèbe, elle ne grogne que pour le principe: on lui a déjà tant donné !  

    Ma théorie est donc bien plus puissante et effective que celle de Zemmour (je veux être un Zemmour de droite): De Gaulle était Péricles et les ingénieurs des années 60 des soldats laboureurs. Leurs descendants corrompus vont au cirque voir Hannouna torturer des homosexuels, et Caligula Macron épouse son cheval, euh sa grand mère, et il faut en plus l'en féliciter, comme à l'époque. Voilà l'héritage de Palpatine-Mitterand, il règne toujours, les forces de l'Esprit le maintiennent dans l'air.

    On vient d'évoquer les problèmes budgétaires. Ils sont réels, et à la base de l'Empire. Déchirée par le clivage droite gauche, on y revient, la nation a du donner au point d'être en déficit, d'où la structure impériale, conçue pour emprunter à l'infini. La rigueur financière est "de droite": elle consiste à mesurer ses dons et à gérer l'acceptation digne de la misère inévitable, quitte à être un peu paternaliste en mettant en avant la prospérité globale que cela génère. Hélas, cette emprise là est instable, et sujette aux révoltes suscitées par les passages des générations. Elle n'est effective que de temps à autres et pas partout. 

    Le miracle allemand d'après la réunification, qui a remis en selle la grasse germanie social démocrate fut un épisode de ce type, qui d'ailleurs se poursuit. Nous, nous n'avons eu que le bref moment de la fin des années cinquante, et peut être le (petit) sursaut de l'année 78. On peut parler de l'année 38, mais pas de l'année 98, l'année de la cagnotte et de la réduction du temps de travail. 2018 va être grandiose...

    Venons en au "libéralisme": sociétal et économique on l'a dit, ce qui le clive plutôt, il a aussi deux dimensions duales, liées à ce qui est le fond commun de l'idée générale de liberté.

    Point de censure, même si c'est contre le salafisme, et point d'intervention de l'Etat, même si c'est contre un achat des chinois: voilà la première dimension, que traite l'idée de Nation, l'Etat censeur et interventionniste se devant de restreindre les libertés quand il le faut. Sur ces questions, il est trop facile d'être d'accord, et c'est ce qui maintient au moins en principe la France dans le camp occidental. Notons tout de même que le libéralisme européen est ennemi de mon principe limitant: les nations c'est la guerre et Macron est fédéraliste. Hypocrite aussi. 

    Mais il y a aussi les grands principes, les vrais et ceux là ne sont pas assumés par tout le monde. D'abord la liberté sociétale est celle du respect des choix personnels: la filiation, le familial, le personnel. Au nom d'une libéralisation de la possibilité d'être marginal, on censure la liberté de maintenir des positions majoritaires au nom du plus large partage des sentiments, une des sources du sentiment national. Mieux, on entreprend une ruine explicite systématique de ce sentiment, qualifié de "fauteur de guerre" et de "cul serré".

    De la même manière, au nom d'ailleurs d'une "liberté de vivre" des plus faibles de la société, on réglemente à l'excès les activités économiques des acteurs sociaux, sans parler des taxes. Cela au détriment de la prospérité, maintenant compromise en France. A l'écart du monde (35h, retraites, impôts), un pays d'Europe occidentale s'enfonce dans le tiers monde par refus de se réformer. Au delà des théories économiques marxistes, on se contente de relativiser toutes les autres, en mesurant le multiplicateur de billets keynesien, qui justifie la dette hors contrôle, dont la maitrise passe bien sur par davantage d'investissements, il faut profiter des taux bas. 

    La deuxième dimension du libéralisme, que l'on peut qualifier de "conservatrice" est évidemment ce que j'appellerai "la droite" au point que le mot (le mot "droite") n'a plus beaucoup de sens en lui même, comme signifiant "dual" dans une symétrie qui n'a plus lieu d'être et qui ressort d'une vision du monde "monique". L'être "de droite" est disqualifié moralement, et surtout politiquement: sa défaite est consommée. 

    Le débat est maintenant interrompu: ce qu'on appelle aujourd'hui "la gauche" doit sortir pour toujours de l'histoire. C'est cela la vraie dualité: le combat contre un adversaire qui doit disparaitre, et non pas le débat avec un partenaire qui nous fait progresser. Cet adversaire a un nom, une réalité: l'argent qui corrompt tout, qui achète tout... Je rigole, là je fais mon Hollande. Non, cet adversaire s'appelle l'"Empire" (voilà que je fais mon Soral, maintenant) et qui est d'ailleurs en train de gagner. Un autoritarisme mou basé sur la corruption du peuple, et qui décline inexorablement. 

    Y a t-il un espoir d'interrompre ce funeste destin ? A moins que l'aboutissement du destin soit justement ce que l'on souhaite, l'horreur étant, c'est d'ailleurs ce qu'on lui reproche à tort, déclinante ? 

    Il nous faut savoir d'abord que nous avons progressé depuis le premier siècle de l'ère commune. Intellectuellement, les idéologies scientistes de droite et de gauche qui ont présidé à la montée de l'Empire ont été démontrées fausses. Je ferais donc ici Jean Yves Girard un prophète, et c'est pour cela que je le citais (en l'annexant sans vergogne). 

    Les progrès de l'information ont donc, sauf si l'abêtissement, (d'ailleurs projet de l'Empire) se généralise, vocation à répandre un genre de "bonne nouvelle" qui pourrait convaincre le peuple de se livrer à la raison. Une raison libérée des fausses conceptions temporaires qui ont terni sa puissance. C'est le seul espoir qui nous reste. 

     

    P.S. Le mot "socialisme" vit peut être ses derniers mois. Bien que brièvement encarté à la bête, Macron pourrait bien avoir provoqué ce qui fera la disparition symbolique de l'association criminelle la plus meurtrière de l'histoire, inventée en France. Bien sur, la perte n'est pas irréparable, et les métastases c'est pas pour les chiens, mais bon, l'histoire passe, du moins celle là.  

    P.S. Comment se manifestera la dualité dans un monde débarrassé de la connerie ? Au risque de me cantonner dans l'impossibilité de la chose, je dirais que la connerie étant appelée à demeurer éternellement, elle pourrait au moins être minoritaire, ce qui est un objectif en soi, qui plus est souhaitable et aujourd'hui au combien nécessaire. 

  • Le flauto de RV 441

    On ne se lassera pas de révérer Antonio Vivaldi, le "bach italien" (pardon, je rigole), un extraordinaire compositeur d'une profondeur inqualifiable. 

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    Un concerto pour flute, en fait pour flauto (la flute à bec, le recorder) parmi toute une série, il suffit de fouiller, on se croit dans une bibliothèque oubliée, à farfouiller dans les déchets d'un cimetière recouvert de gravats, déménagé depuis longtemps. Et puis émerge le pur vivant, le pur magique tellement présent, tellement vivace qu'il acquiert une force incroyable. 

     

     

     


    Voilà un truc analytique, qui a le mérite de "tout" avoir, la flute à bec et le clavecin étant bien sur inappropriés. De "tout" avoir ? Et non. Et c'est là toute la magie du bazar, celui de Vivaldi j'entends.

    Il s'agit d'un concerto, et donc d'une relation complexe entre un orchestre et un instrument solo. Complexe est le mot: la vivacité de la chose, l'incroyable multiplicité de tout ce qui est dit en même temps est absolument inépuisable. On peut le réécouter: insondable... L'orchestre a en permanence des occasions magnifiques d'intervenir par en dessous, en glissant des allusions, des phrases, des sons variés, il suffit de les faire entendre. 

    Et puis il y a la personnalité de la flute. Chaque instrument a son âme, son animalité je dirais, ce qui rend son instrumentiste caractériel, définitivement cabochard et étranger au reste de l'humanité: il porte une vérité qu'il ne peut qu'exprimer, pas transmettre, et a pris son parti de son étrangeté. La flute a le son de la magie surnaturelle et peut faire surgir des choses très lointaines, c'est fugitif, et cela est très puissant quand ça se manifeste... Un écho des plus anciennes mélopées, des plus antiques fascinations, des plus anciennes magies, là, comme à l'origine.

    Vivaldi est un violoniste et préside à son armée de fanatiques à cordes avec tous les aigus et tous les graves, il met en valeur le soliste en le laissant "percer" avec grâce, puis reprend la main et ferme le couvercle. Nous sommes au XVIIIème siècle et l'individu doit faire la révérence devant la hiérarchie du monde. Seule la petite impertinence est  possible: il suffit qu'elle soit assez brillante et surtout assez inhabituelle pour passer inaperçue en tant que telle. La perle baroque dans toute sa splendeur cachée. 

    Il y a une perle de ce type dans RV 441. 

    Un introduction avec orchestre et une flute noyée dans l'ensemble, obéissante. Un brin de majesté et un thème.

    Le thème est même abordé et cité nettement à l'unisson par la flute. 

    Puis la flute est laissée seule, et toute timide se met à parler, c'est sa présentation à elle. Elle devient sentimentale, et aborde un sujet quasi dissonant, presque larmoyant, 4 petites phrases enchaînées deux à deux puis elle s'arrête, l'instant est passé. Le thème est repris à l'unisson. La flute reprend, mais semble nier ce qu'elle a dit, avec virtuosité d'ailleurs: un long staccato de flute, et puis on revient au thème. Retour à la déclaration de la flute, qui reprend la chanson du thème avec tristesse trois fois, puis le contre chant et un retour au perles de la flute, hors du temps. Le thème global reprend. Ca balance un peu est c'est fini. 

    Le fameux instant est vraiment très subtil et il est gommé par la plupart des instrumentistes, le tort du flutiste étant d'aller trop vite (c'est ça "jouer", mâcher les difficultés en passant en vitesse). Il est pourtant réel (ou bien c'est moi), et totalement bizarre. Il se produit lors d'une répétition, la deuxième, forcée, qui semble venir d'ailleurs et produit l'effet magique de la flute: un seul son mais un deuxième objet, représenté, mais étranger, complètement étranger.

    Mais d'abord il faut la fameuse armée vivaldienne, le Copley

    http://www.qobuz.com/fr-fr/album/vivaldi-concertos-for-recorder-rv-441-445-michael-copley-camerata-bern-thomas-furi/0002894152752

    la fait merveilleusement entendre: tout le monde a voix au chapitre, et la flute est splendidement assistée. 

     

    On listera ce qu'on a trouvé: ici,  une prise de son qui suggère le fabuleux mélange des genres de l'orchestre vivaldesque, et une tentative respectueuse de la flute.  


     

     

    On se doit de citer le Gazelloni, qui m'avait fait entendre la perle: 


    Comment peut on être fasciné par de pareilles choses ? Tout n'est peut être qu'un rêve... Le reste est bien sur enchanteur aussi, mais ne semble qu'organisé autour du point central. Nul ne peut nier qu'en musique, c'est souvent cela... Et puis il y a l'harmonie globale du concerto, incroyablement homogène, un tas de chapeaux en papier découpés précisément qui s'envolent les uns après les autres, et qui reviennent l'air de rien. 

     


    Ici, une maitrisée et virtuose manière de voir, le flutiste est pas si mal, bon, mais pas si parfait, humain quoi.

     

    Mais il y a aussi la suite du concerto. Le larghetto est déchirant: l'insondable tristesse italienne, détachée et qui se trouve mélodieuse en plus, la troisième reprise de la flute, unique aussi, est quasiment une perle également. L'orchestre termine gravement. 

    On passe alors à la chambre d'échos, occasion pour l'orchestre de se déchainer pour faire la leçon et assister le stacatto flutiste. Le thème symétrique du premier mouvement (du moins à mon oreille d'amateur) entoure la flute qui danse toute sa petite liberté. La gravité de l'orchestre est indulgente pour la petite joie... La fin du concerto, épuisante pour le flutiste doit être terrible. Et voilà. Il y en a plein des concertos de Vivaldi. 

     

    Pour finir, l'énergie et l'autorité, tout en puissance:


  • La logique linéaire

    Tant qu'on y est, je veux dire sur Girard (J.Y.) autant y passer. 

    Qu'est ce que LL (la logique linéaire)? 

    D'abord, c'est l'une des 3. Il n'y en a pas cinquante, en fait, et le mot "logique" désigne la méthode de raisonnement que tout un chacun applique quand il raisonne. Foin des "systèmes formels" et autre arithmétiques, en nombre indéfini, tous instances d'axiomatiques variées, créateurs de mondes dotés de significations variées ou pas. 

    Là on est dans le dur, dans l'universel, quasiment dans le langage: qu'est ce donc qu'on dit quand on déduit? 

    On a abordé dans divers articles précédents, les séquents, Gentzen, son nazisme etc. Il nous faut passer à Girard, et à ses inventions. 

    On se réfère à http://baptiste.meles.free.fr/site/B.Meles-Logique_lineaire.pdf

    D'abord le language qui raisonne et qui se fixe une rigueur, des règles, la question étant le choix de celles ci, sachant qu'on a de l'esthétique là dedans: il faut, et oui, de la symétrie dans les principes. 

    Bon au départ, il y a deux logiques. D'abord celle d'Aristote, de Hilbert, la logique classique. Ca fait deux mille ans que ca dure (plus en fait) et on a fondé une civilisation là dessus, dite occidentale vue sa position mais tout est relatif. On a d'abord "et, ou, non" avec une belle symétrie, celle de Morgan: non (a et b) == (non a) ou (non b).

    On a aussi le "donc":  ((non a) ou b) matérialise l'implication et toutes les conséquences qui s'en suivent (...) dont le fait, bien rappelé par Duns Scot, que du faux on peut déduire n'importe quoi... 

    Car la logique a un coté utilitaire: non seulement on exprime  des propositions (avec les connecteurs en question) mais on les relie entre elles. Il se trouve en effet, et c'est cela le raisonnement, que de la considération comme vraie d'une proposition, il est possible d'en déduire, sur la base de considérations sur la structure composite de cette proposition, une autre proposition. Ces considérations sont basées sur le bon sens acceptable de celui qui invente la logique, l'acceptation par la société de ce bon sens là étant motivé par l'évidence, il y a des choses qu'on ne peut pas refuser. 

    Une "logique" ou "la" logique se définit ainsi une formalisation du raisonnement. Un raisonnement est le passage d'une proposition à une autre. La formalisation est la liste de toutes les sortes de raisonnement possibles, basées chacune sur des formes de proposition exprimées comme des "séquents". 

    Qu'est ce que ces "propositions" ? Il faut bien comprendre qu'elle ne sont pas qu'atomiques et que le fait, asserté faux ou vrai ne prête pas à discussion. Ce qui choque, fâche et irrite ce sont les conclusions qu'on en tire, connectées à d'autres propositions simultanées ou non. Conclusions qui font le langage, et dont on doit décider si elles sont fausses ou non, correctes "logiquement" ou non. C'est cela le raisonnement: raisonner sur des raisonnement. Cette activité dédoublée est souvent mal vue, elle est l'essentiel de la chose: le "bien raisonner" c'est d'abord l'application d'un nombre très réduit de principes, indépendants des vérités factuelles, et c'est le fantasme philosophique par excellence vrai par dessus tout, vrai absolument...   

    La formalisation de ce raisonnement c'est la technique de démonstration, fait à la fin du XIXème siècle et proclamée comme un programme en 1900 par David Hilbert à Paris: les questions furent posées, c'est sur.

    Sur le tard on introduisit une logique dit "intuitionniste", basée sur l'idée du refus de la règle du "tiers exclus". L'idée était de refuser de construire des objets magiquement par simple négation de leur non existence: il fallait que l'objet déduit soit construit explicitement pour accéder à l'être. Au passage, on rendait la logique capable d'exprimer un calcul véritable, on la rendait opérationnelle.

    Hélas, au passage, on rendait le raisonnement asymétrique. Débarrassé des multiples conséquents (un séquent intuitionniste n'a qu'un seul énoncé en partie droite), des règles de négation, le système de Brouwer est très laid.

    Cette histoire d'une seule formule en partie droite rend impossible le tiers exclu. En effet, si on ne peut pas avoir un "ou" en partie droite, on ne peut pas faire   |- A v non A , c'est à dire précisément le tiers exclu... 

    Cette asymétrie et cette laideur avait pourtant été combattue avec succès par un immense génie, nazi au demeurant, le fameux Gerhard Gentzen (GG). Le calcul des séquents a transformé la "logique" en un splendide alignement minimal, initialement appelé "déduction naturelle", incontournable description absolument claire de la pensée en marche.

    Mieux, cet exposé de la marche du raisonnement le rend propre à la mécanisation. L'âge de l'informatique peut commencer. 

    Mais revenons au tiers exclu et à la négation. Exprimée par Gentzen en logique classique, la négation bien loin d'être diabolique ou expression du non vrai, le vrai restant à définir, elle est essentiellement (...) géométrique et traduit en fait  le passage (de part et d'autre du "|-") du "ou" au "et" et du "E "au "A"  (retournez moi ces lettres) et réciproquement.  Là je fais mon Girard anti réaliste...

    En gros, Gentzen rend symétrique et splendide la logique classique LK, alors que LJ la logique intuitionnisme constructiviste permet justement l'informatique, bloquée par les états permanents et les créations monstrueuses d'entités incontrôlées par le tiers exclu, autorisé par LK et interdit par LJ. 

    Confronté au débat insoluble entre un beauté inopérante et une laideur utile, Girard (J.Y.) se trouva alors investi (par lui même) du soin de construire la logique des logiques, celle qui fusionne élégance et utilité, responsable du vrai passage en douceur et en beauté à l'âge de l'informatique, l'âge de l'action, qui succède à l'âge de l'état (je me lâche). 

    Pour cela, il faut de nouveaux opérateurs et un système plus riche, mais plus puissant, avec des interprétations un peu alambiquées, mais qui ont le mérite d'être pensées, cohérentes et qui fonctionnent. Et puis, tout se ramène aux systèmes bien connus modulo des conventions. On ne fait donc qu'y gagner en pouvoir d'expression, le bain englobant étant un peu baroque, mais enrichissant et assez rigolo à interpréter.

    L'idée de base est d'abord qu'on a des objets qui se transforment et des disjonctions qui sont exclusives. On matérialise des objets en transformation, des objets vivants. Cela concerne l'interprétation des nouveaux symboles introduits par LL (il y en a plein) mais aussi l'interprétation du "|-"  de chaque séquent. 

    La vérité

    Il faut cependant dire la vérité: les trucs bizarres de la logique linéaire viennent d'une procédure: on fait tourner l'isomorphisme de Curry Howard à l'envers en partant de l'informatique: toutes ses bizarreries viennent de là, elle est une interprétation du calcul fonctionnel, voilà le fond de l'affaire. Pardon de rajouter ce paragraphe après coup, mais cela est trop important. 

    Implication

    A --o B   signifie que A est "consommé" pour produire B. A est une "ressource" et ne peut servir qu'une fois. Le symbole "--o" est ainsi l'expression d'une causalité. 

    Pour pallier le caractère évanescent de l'hypothèse en LL, on définit un opérateur "exponentiel" qui caractérise la ressource qui se renouvelle: "!A" ne se consomme pas. On peut alors exprimer l'implication traditionnelle comme: 

    !A --o B   <=>  A =>B

    "!" c'est l'infini, ce qui ne s'use pas quand on s'en sert... 

    Il a son pendant "?" qui est un infini aussi mais dans le sens des lectures (en partie droite, donc).

     

    Tenseur

    L'opérateur "tenseur" "X" est une sorte de "^", mais non involutive: alors que A^A  se réduit en A, ce n'est pas le cas pour X: "AXA" est une juxtaposition. Quand on a une pièce de 1 euro ET une pièce de un euro, ça fait DEUX euros... 

    Un truc marrant: AXA --o A  . Il y a bien un A qui disparait, on ne sait pas lequel. 

    Choix

    L'opérateur "avec" "&" est lui aussi une conjonction, mais là il y a le choix. 

    Plus et PAR

    + et "par" (noté comme un "&" à l'envers) sont les duaux de "X" et "&".

    "+" est une disjonction additive 

    "par" est spécialement abscon et désigne un échange intriqué entre deux réservoirs en communication...

    2 conjonctions et 2 disjonctions 

    On a donc le titre... De fait chaque onction a une version additive et une version multiplicative.

    Pour illustrer l'humour ravageur du soixantehuitard Girard, comment modélise-t-on l'achat d'un paquet de Camels ET d'un paquet de Malboros en logique classique ? 

    A|-C     A|-M 

    ____________

         A |- C,M 

    La ruine de l'économie libérale: on peut acheter les deux ! Alors que le gauchiste, plus inventif impose : 

      A|-C       A|-M 

    ______________

        A,A |- C X M

    Là on DEUX A nécessaires pour obtenir une ressource composite incluant les DEUX paquets de clopes.

     La négation

    On en vient alors à la négation. 

    D'abord elle noté "A  nil" avec "nil" noté "_|_" ... 

    Bien sur elle exprime l'implication linéaire: 

    "A nil par B"    est    "A --o B "

    Mais aussi qu'elle est détruite ponctuellement, et non pas (comme en classique) perpétuellement niée. 

    Pour exprimer que j'ai bien destruction d'un A "compensé" par la création d'un B, c'est l'interprétation de --o.

    Le  tiers exclu

     Et là on résoud l'antinomie classique/intuitionniste

    "A nil nil --o A" se déduit très bien, exactement comme en classique, par contre

    A + A nil  n'est pas possible, on refuse le tiers exclu dans ce cas, il faut choisir, c'était ce que voulaient dire les intuitionnistes. 

    On a donc le beurre et l'argent du beurre, le bon sens constructiviste avec toute les symétries possibles. Une merveille. 

    Les délires

    Bien sur le politiquement correct est donné en plus,

    A nil nil = A exprime que ce que je donne est reçu

    Les séquents suivant sont équivalents et expriment que A est donné puis reçu

    A |- A     

    |- Anil, A  

    |- A --o A 

     

    On a ainsi, en permanence, une logique de l'action et de la transmission... 

     

    Les programmes

    Au sens de Curry Howard, la logique linéaire s'identifie à la programmation, une proposition étant un type et l'implication un type de fonction de A vers B, avec consommation de l'argument A en entrée. 

    Par contre, l'interprétation est facile et sans convolution ou autre tortillis cervical: c'est fait "pour"...

    Par exemple, et c'est un chef d'oeuvre,  (A nil) est le type d'une fonction qui prend un A en entrée !!! 

    La négation est donc interprétée comme un "input", la double négation comme le retour à l'output, ce qui exprime parfaitement l'involutivité de la chose, seule réalité qui compte... 

  • La nature du christ

    La question est d'importance, elle fonde les ontologies politiques de l'occident dit chrétien et se trouve formée de l'ensemble des réponses à la question mystérieuse de ce qu'est le christ, fils de Dieu à la fois Dieu et homme. 

    Les réponses sont multiples, on sédimenté partout au moyen orient et sont responsables partiellement de l'épouvantable désordre qui a ravagé le monde ex romain, mais c'est une autre histoire... 

    D'abord, la notion de "père" mentionnée apparemment par l'homme jésus lors des entretiens rapportés directement ou non par ses compagnons. 

    Puis ça part en live. Qu'est-il ? Quelle est sa "nature" ? 

    1) Divine purement

    Le Docétisme. (dokein, paraître)

    Le christ est peut être chair, mais ne cesse jamais d'être Dieu. ("le verbe s'est fait "chair" (et non pas "homme")).

    Une hérésie extrême.

    2) Humaine purement

    L'adoptatianisme . Un homme devient fils de Dieu après son baptème.

    On peut classer là aussi les doctrines ébionites (les nazoréens qui auraient été à l'origine de l'islam). 

    3) Arianisme

    Le christ est humain, avec un part de divinité: l'Arianisme. 

    On a là une version un peu plus "acceptable" du précédent... Ce fut la grande hérésie des premiers siècles, suivie par les vandales et des wisigoths, celle qui fut condamnée à Nicée et qui suscita l'élaboration du dogme trinitaire dans tous ses détails après des efforts démesurés politiques et religieux. Les barbares qui détruisirent l'occident étaient tous ariens, sauf les vikings.

    Un aspect important de l'Arianisme est l'aspect temporel: le fils est venu APRES, et n'existait pas à l'origine: "il y eut un temps où il n'était pas".

    4) La grande rupture

    Le christ est "en même temps" homme et dieu. Comment ? 

    A) Les deux natures sont séparées. 

    La controverse entre Nestorius et Cyrille. Nestor est condamné à Ephèse en 431. 

    Pour lui, les deux natures sont distinctes et coexistent dans la personne de Jésus. 

    En tout cas, il faut noter que tout ça fut théorisé par le moine Babai le grand, l'école de Nisibe et Barsauma...

    Ils refusaient deux choses essentielles: que Marie soit théotokos (mère de Dieu) et que Dieu ait "souffert". C'est le refus de "la communication des idiomes" et donc du théopaschisme. Les protestants, qui parlent de la mère "de Jésus" furent considérés nestoriens... 

    L'Eglise de Perse garda la formule nestorienne et s'en alla convertir les mongols. Elle est aujourd'hui l'église chaldéenne ou assyrienne, celle des chrétiens d'Irak. Elle a néanmoins fait la paix avec le pape catholique en 94, chacun gardant ses rites... 

    B) Les deux natures ne sont pas séparées. Oui, mais sont-elles distinctes ? 

    On arrive alors au monophysisme d'Eutyches. La nature divine a "absorbé" la nature humaine et il n'y a qu'une seule nature, la divine. 

    Les églises dites "des 3 conciles" (Nicée, Constantinople, Ephèse) et qui sont les églises copte, jacobite, éthiopienne, apostolique arménienne, plus d'autres, en sont toujours là. 

    Le mot "jacobite" vient du nom d'un évêque, Jacques Baradée. On parle aussi de miaphysisme, "une est la nature", ou de "monophysisme", tout simplement.

    Le patriarche d'Alexandrie, Dioschore, qui soutenait Eutyches, tenta d'imposer le monophysisme à Ephèse (449) lors d'un concile truqué qui fut qualifié par le pape Léon de "brigandage d'Ephèse" et annulé. 

     C) on arrive à la conclusion de Chalcédoine (451) qui est le dyophysisme: 2 natures en une seule personne. 

    Eutyches est bien sûr condamné. 

     D) À partir de Chalcédoine, il ne faut pas oublier un compromis intermédiaire, le monothélisme, qui tout en affirmant les deux natures, introduisit la nécessité d'une seule volonté ou énergie. Cette formule fut introduite par l'empereur Héraclius, puis condamnée. 

    C'est la position de l'église Maronite, qui, du fait de la conquête arabe, ne fut pas informée de la condamnation, mais se rattacha toujours à Rome. 

    Les Melkites ("hommes du roi") furent des chalcedoniens purs et durs, mais arabes, car coupés du monde grec... 

    E) Il ne faut pas oublier l'orthodoxie, séparée du catholicisme en 1054 lors du grand Schisme d'Orient. 

    La question était celle du "filioque", bien sûr, et portait sur la "procession" de l'Esprit, que l'orthodoxie refuse d'attribuer AUSSI au fils, favorisant ainsi indument le père. Il faut noter que le filioque, rajouté par Charlemagne pour des raisons partiellement politiques justifie le qualificatif d'"orthodoxe" à l'église d'Orient, qui maintient donc les dogmes originaux. 

     

    5) Le mystère

    Le mystère reste entier toutefois. On a 3 concepts: nature, hypostase et personne. Une personne , deux natures et une (ou deux) hypostases. Est-on vraiment monothéiste ? Les musulmans disent que non, mais ils ont tort: les 3 dieux s'entendent trop bien pour que l'accusation tienne, et puis la substance unique...

    Le principal inventeur de la triple chose est le théologien Tertullien, l'inventeur de l'histoire des personnes séparées, cathaginois berbère mort en 220. Auteur du célèbre "on ne nait pas chrétien, on le devient", il fut l'adversaire de l'antisémite Marcion et surtout de Praxéas adversaire de la trinité, dont il dit avec un humour surprenant qu'il avait rendu un double service au diable en chassant le paraclet et crucifié le père.

    Tertullien fut un montaniste, défenseur fanatique du paraclet et donc de l'hérésie phrygienne, néanmoins, et bien qu'il décrive une trinité ou il y a encore une subordination de l'esprit et du fils envers le père, il en est bien le fondateur conceptuel, l'histoire de la substance partagée et des personnes différentes en faisant déjà partie.

    Tertullien est sans doute (là j'exagère) un des fondateurs du christianisme, avec Paul. Il introduisit le "traducianisme", qui fait que l'on touche après la naissance une âme déjà toute corrompue par Adam, bien que la liberté permette de le compenser, ce qui n'est pas tout à fait le cas de toutes les théologies ultérieures, par exemple celles de l'autre berbère, Augustin, bien plus sévère.