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Le flauto de RV 441

On ne se lassera pas de révérer Antonio Vivaldi, le "bach italien" (pardon, je rigole), un extraordinaire compositeur d'une profondeur inqualifiable. 

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Un concerto pour flute, en fait pour flauto (la flute à bec, le recorder) parmi toute une série, il suffit de fouiller, on se croit dans une bibliothèque oubliée, à farfouiller dans les déchets d'un cimetière recouvert de gravats, déménagé depuis longtemps. Et puis émerge le pur vivant, le pur magique tellement présent, tellement vivace qu'il acquiert une force incroyable. 

 

 

 


Voilà un truc analytique, qui a le mérite de "tout" avoir, la flute à bec et le clavecin étant bien sur inappropriés. De "tout" avoir ? Et non. Et c'est là toute la magie du bazar, celui de Vivaldi j'entends.

Il s'agit d'un concerto, et donc d'une relation complexe entre un orchestre et un instrument solo. Complexe est le mot: la vivacité de la chose, l'incroyable multiplicité de tout ce qui est dit en même temps est absolument inépuisable. On peut le réécouter: insondable... L'orchestre a en permanence des occasions magnifiques d'intervenir par en dessous, en glissant des allusions, des phrases, des sons variés, il suffit de les faire entendre. 

Et puis il y a la personnalité de la flute. Chaque instrument a son âme, son animalité je dirais, ce qui rend son instrumentiste caractériel, définitivement cabochard et étranger au reste de l'humanité: il porte une vérité qu'il ne peut qu'exprimer, pas transmettre, et a pris son parti de son étrangeté. La flute a le son de la magie surnaturelle et peut faire surgir des choses très lointaines, c'est fugitif, et cela est très puissant quand ça se manifeste... Un écho des plus anciennes mélopées, des plus antiques fascinations, des plus anciennes magies, là, comme à l'origine.

Vivaldi est un violoniste et préside à son armée de fanatiques à cordes avec tous les aigus et tous les graves, il met en valeur le soliste en le laissant "percer" avec grâce, puis reprend la main et ferme le couvercle. Nous sommes au XVIIIème siècle et l'individu doit faire la révérence devant la hiérarchie du monde. Seule la petite impertinence est  possible: il suffit qu'elle soit assez brillante et surtout assez inhabituelle pour passer inaperçue en tant que telle. La perle baroque dans toute sa splendeur cachée. 

Il y a une perle de ce type dans RV 441. 

Un introduction avec orchestre et une flute noyée dans l'ensemble, obéissante. Un brin de majesté et un thème.

Le thème est même abordé et cité nettement à l'unisson par la flute. 

Puis la flute est laissée seule, et toute timide se met à parler, c'est sa présentation à elle. Elle devient sentimentale, et aborde un sujet quasi dissonant, presque larmoyant, 4 petites phrases enchaînées deux à deux puis elle s'arrête, l'instant est passé. Le thème est repris à l'unisson. La flute reprend, mais semble nier ce qu'elle a dit, avec virtuosité d'ailleurs: un long staccato de flute, et puis on revient au thème. Retour à la déclaration de la flute, qui reprend la chanson du thème avec tristesse trois fois, puis le contre chant et un retour au perles de la flute, hors du temps. Le thème global reprend. Ca balance un peu est c'est fini. 

Le fameux instant est vraiment très subtil et il est gommé par la plupart des instrumentistes, le tort du flutiste étant d'aller trop vite (c'est ça "jouer", mâcher les difficultés en passant en vitesse). Il est pourtant réel (ou bien c'est moi), et totalement bizarre. Il se produit lors d'une répétition, la deuxième, forcée, qui semble venir d'ailleurs et produit l'effet magique de la flute: un seul son mais un deuxième objet, représenté, mais étranger, complètement étranger.

Mais d'abord il faut la fameuse armée vivaldienne, le Copley

http://www.qobuz.com/fr-fr/album/vivaldi-concertos-for-recorder-rv-441-445-michael-copley-camerata-bern-thomas-furi/0002894152752

la fait merveilleusement entendre: tout le monde a voix au chapitre, et la flute est splendidement assistée. 

 

On listera ce qu'on a trouvé: ici,  une prise de son qui suggère le fabuleux mélange des genres de l'orchestre vivaldesque, et une tentative respectueuse de la flute.  


 

 

On se doit de citer le Gazelloni, qui m'avait fait entendre la perle: 


Comment peut on être fasciné par de pareilles choses ? Tout n'est peut être qu'un rêve... Le reste est bien sur enchanteur aussi, mais ne semble qu'organisé autour du point central. Nul ne peut nier qu'en musique, c'est souvent cela... Et puis il y a l'harmonie globale du concerto, incroyablement homogène, un tas de chapeaux en papier découpés précisément qui s'envolent les uns après les autres, et qui reviennent l'air de rien. 

 


Ici, une maitrisée et virtuose manière de voir, le flutiste est pas si mal, bon, mais pas si parfait, humain quoi.

 

Mais il y a aussi la suite du concerto. Le larghetto est déchirant: l'insondable tristesse italienne, détachée et qui se trouve mélodieuse en plus, la troisième reprise de la flute, unique aussi, est quasiment une perle également. L'orchestre termine gravement. 

On passe alors à la chambre d'échos, occasion pour l'orchestre de se déchainer pour faire la leçon et assister le stacatto flutiste. Le thème symétrique du premier mouvement (du moins à mon oreille d'amateur) entoure la flute qui danse toute sa petite liberté. La gravité de l'orchestre est indulgente pour la petite joie... La fin du concerto, épuisante pour le flutiste doit être terrible. Et voilà. Il y en a plein des concertos de Vivaldi. 

 

Pour finir, l'énergie et l'autorité, tout en puissance:


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