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Les visions du monde

Maintenant que l'horizon se dégage brièvement, laissant au débat quelques mois avant de nouvelles hystéries, du moins en France, car en Italie et en Autriche c'est Dimanche, considérons les points de vues sur l'état du monde et donc sur la fameuse mondialisation, obsession de tout le monde et responsable cachée de toutes les décisions, tous les complots et toutes les misères. 

On a en gros trois points de vue, correspondant aux trois attitudes classiques en économie. D'abord le souverainisme étroit, voulant la fermeture des frontières, la subvention aux boulangeries et en fait la réparation du sort injuste réservé aux perdants de la spécialisation économique décrite par Ricardo et due au libre échange généralisé. Les délocalisations, voilà l'ennemi, ce phénomène absurde et absolu, ruine les peuples. Cet amour pour le peuple qualifie souvent de "populiste" le tenant de cette position.

En face, il y a le libéralisme pur et dur, mondialisé et fou de prospérité, il va jusqu'à la suppression des peuples et le brassage par les migrations de tous ceux cis. Confiant dans les équilibres finaux, il ne se protège de rien et ne se refuse rien, depuis un revenu minimal accordé à tout plongeur arrivant à traverser les mers, jusqu'à la fabrication de la totalité de ses biens en morceaux de taille égales qui font trois fois le tour du monde pendant son montage avant d'être vendus dans le monde entier. Hors sol, vivant invisible et ne payant pas d'impôts, il assure à ses capitalistes des rendements insensés. Allié de la paix et des accords internationaux, il vivrait (cela n'est pas si sur en fait) de la globalisation totale et de l'unification du monde. 

Une fraction de la gauche a les pieds dans les deux camps, et tout en reconnaissant l'inéluctabilité de la position libérale, souhaite appliquer au monde ce qui a si bien marché à l'intérieur des nations: les impôts et la morale. Oeuvrant dans les organismes internationaux, justement, elle souhaite participer à l'extension de la mondialisation en encourageant à l'effacement des barrières qui la limite encore, tout en tentant d'obtenir en échange des petites compensations, permettant de limiter, ou de tenter de limiter les casses ici ou là, d'arracher des impôts ici ou là. Assis sur un opposition explicite au capitalisme en tant que tel, il ne supporte, en échange d'une vision globalisée de celui ci, qu'on ne massacre que la moitié des peuples qui lui sont soumis, il faut bien faire des compromis, on n'a rien sans rien. 

On reconnaitra ici ma grille de lecture distinguant les deux libéralismes, celui des nations et celui de l'économie globale. 

Je me dois donc ainsi de mettre en avant maintenant la quatrième conception, la mienne, à la fois populiste et libérale, et qui consiste à oeuvrer pour le libéralisme tant que celui ci est conforme non pas aux intérêts des nations en général mais à la mienne, les autres ne méritant de vivre qu'a condition de participer à ma puissance dans le cadre d'alliances bien comprises. Pas si éloignée du libéralisme absolu, cette conception a pour mérite de se soustraire à l'idéologie, c'est à dire à l'obligation de respecter les règles unidimensionnelles d'un domaine du discours. Le libéralisme économique n'est qu'une convention, pas une loi physique à respecter: on peut décider et donc pousser son avantage, la négociation entre puissances, évidemment cynique, devant permettre la revendication de son intérêt, il n'y a pas de morale mondialisée qui s'impose à tous et nul ne peut vouloir son propre malheur.

De plus, le libéralisme des nations, que je revendique, consiste bien à accepter que les nations se défendent, au nom de ce qui régule toutes les interactions libres: les buts et valeurs (et non pas l'utilité) des acteurs du monde. Ce que je revendique ici, c'est l'existence des acteurs que sont les nations, acteurs que le libéralisme idéologique qu'il soit libéral ou social, rejette au nom d'une conception dévoyée de l'humanité. Le capitalisme, même mondialisé, ne peut s'affirmer que dans les cadres des nations et employé à leur bonheur. C'est aux nations que de l'imposer et de le permettre. Ceci a naturellement un cout et qui est le développement de la puissance, c'est à dire de la nécessité de l'effort, de la grandeur et de la lucidité. 

Ce cout passe par l'acceptation du monde sous la forme de celle de ce qui est commun à tous les hommes et qui est l'inégalité des conditions à un instant donné. Car même si rien n'est inéluctable et que l'égalité symbolique des êtres est absolue, rien n'impose ou sinon dans des limites à déterminer, l'égalité de leur sort qui n'est pas due. Les individus libres le sont parce qu'ils peuvent vouloir être pauvres. Pire que cela: soumettre la conduite de la société au principe de la réduction des inégalités est une folie ruineuse et débile, et qui conduit au désastre de la pauvreté générale. Le bonheur des  hommes n'est qu'individuel est il faut d'abord assurer, avec des équilibres à discuter, la prospérité générale, celle de la nation. 

La voilà donc mon idéologie. Elle se présente comme un but de régulation de l'action, n'est pas donnée d'avance, peut échouer mais constitue le contraire de la soumission à des mécanismes implacables ou à des idéologies de la misère ou de l'égalitarisme.

Elle a d'autre part le mérite d'être soutenue par le niveau réel et incontournable de manifestation de la volonté de l'acteur national: l'élection démocratique, issue de l'histoire du monde occidental et possibilité à saisir (ou pas) d'expression puissante de cette volonté. Notons bien que c'est la seule. L'individu isolé, repoussoir fantomatique de l'aporie libérale, conduit à migrer ou à subir les migrations ou pire son contraire, la délocalisation de son salaire ne peut conduire, ou alors à la marge (en devenant lui même capitaliste ou entrepreneur, ce qui doit toujours rester possible), le capitalisme global... Seule les nations organisées, dotées d'un marché régulé par des lois et des consommateurs critiques peut soutenir son développement, qui ne peut, encore une fois n'exister que créé, soutenu et assis sur (...) les nations. Le peuple par ses lois peut donc décider. 

Le problème est qu'il peut décider de plusieurs choses, et d'abord du niveau d'activité capitaliste, justement, sur son sol. Il lui suffit pour cela de décider du niveau des impôts, déficits, et autre principes d'organisation de la vie édictés dans sa zone géographique. Il le fait en demandant de temps à autre lors d'élections et de référendums l'application de programmes politiques variés soumis par des équipes candidates.

Il peut le faire en désordre, en se soumettant aux points de vue décrits plus haut, en y ajoutant le degré de ressentiment, de volonté de mépris ou de vengeance qu'il souhaite manifester par dessus tout. Il peut se plonger dans la misère populiste souffrante, exprimant la vilenie éternelle d'un monde injuste soumis au diable. Il peut se chier dessus et nommer des démagogues, il peut accentuer son malheur en exigeant au nom de la morale des lois absurdes. Bref, tout est possible. 

Mais il peut aussi avoir de la chance et majoritairement s'entraîner par contagion a accepter une bonne organisation, celle qui patiente mais dans un temps limité produit un mieux par des paris sur l'optimalité de certains entrainements sociaux. Plus prospère et plus confiante en elle, une société peut alors progresser et donc mécaniquement s'occuper mieux des plus désespérés, qui lucides et apportant leur soutien, réduisant les risques que détachés de leur nation, des composantes entières de celle ci ne partent à la dérive.

A ce point pourrait s'exprimer une conception du monde en quelque sorte à cheval entre libéralisme des nations et libéralisme des individus: celui entre les classes sociales et culturelles, à l'intérieur des nations. Peut on voir une main invisible contrôler les composantes politiques de la nation, régulant leurs intérêts conflictuels ? Je ne le crois pas, ces groupes d'individus au même comportement ne sont que des aggrégats issus des interactions individuelles et les classes sociales s'opposent bien à la nation, considérer leur existence n'aboutissant qu'au fétichisme du prolétariat et Staline a tort. Non, il y a bien de la Nation et donc le sentiment d'être issu des classes qui forment la nation et la considération d'y retourner si ça se passe mal, l'essentiel étant préservé. Il n'y a pas d'"être riche", alors qu'il y a un être national et historique. 

C'est pour cela que les dérives démagogues et les folies fascistes sont NOTRE problème et ne peuvent être considérées comme des forces extérieures à combattre, mais comme des concitoyens à convaincre et à nourrir physiquement et spirituellement. Oui, ll faut respecter la xénophobie de ceux qui se  refusent à avoir des voisins noirs ou trop bruyants, oui, il faut respecter l'hypocondriaque smicard qui exige que son mal de tête soit soigné sans que cela ne le ruine. Ces gens sont le peuple, ceux qui participent à l'élection que l'on accepte de perdre. 

Il y a dimanche en Italie un choix qui va être fait. Que des ensemble nationaux de cette importance (la troisième économie de la zone Euro, tout de même) se livrent à de tels paris foldingues au nom de la liberté pour maintenir le principe même du choix libre du peuple montre l'importance de ce principe, et peut être son aspect dérisoire. Mais le résultat du pari, si il est gagné sera l'occasion d'une joie intense pour bien des gens en Europe. L'Italie a l'occasion de se grandir. C'est un allié et sa prospérité nous profite, je la souhaite donc. Le désastre de la mauvaise conduite de son peuple, alors qu'elle a tout de même pu produire un dirigeant courageux (quoiqu'un peu vicieux, et un peu suicidaire), serait cependant un signe pour le nôtre et un encouragement à se mieux conduire. Mais rien n'est écrit.  

 

P.S. Ricardo Muti à Milan fit chanter les spectateurs pour protester contre Berlusconi: 

https://www.youtube.com/watch?v=the9_fs1Za0

Nabuco fut utilisé pour protester contre l'Autriche, il y a un siècle, faut il protester contre l'Europe aujourd'hui ? Faut il tirer prétexte de son mal être européen ou autre, pour ne pas vouloir se réformer comme il faut ? La grandeur des peuples consiste à en décider. Viva Italia ! 

P.S. 2 En parlant d'Autriche, le pays de Sissi et d'Hitler va donc choisir son président Dimanche entre un vieil écolo sympa et un facho. Ses frontières enfin fermées, le peuple va peut être exprimer le souhait d'avoir à éviter d'exterminer encore une fois l'un de ses ennemis héréditaires, ou pas. 

P.S.3  Les peuples ont choisi: l'écolo en Autriche et No en Italie. Le contraire de mes prévisions. Comme quoi...  

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