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La réduction

Il me faut éclaircir ce qui se laisse dire sans que l'on n'y comprenne goutte. La réduction phénoménologique, éidétique et gnoséologique en est. 

D'abord, le transcendant et le transcendantal. 

Transcendantal s'applique à une connaissance, une idée, une chose de l'esprit si (et c'est Kant que le dit) si cette chose, (idée, connaissance) concerne non pas un objet, mais la manière de le connaitre. De fait, c'est bien Kant qui introduit la question: non pas de la chose, mais de la façon, de la manière dont nous les connaissons. 

Transcendant, c'est ce qui simplement dépasse, va au delà, par exemple, bien sur le divin, mais en fait, le mot désigne ce qui a son principe "vers le haut", au delà de lui. Par opposition "immanent" caractérise ce qui a son principe "vers le bas" en lui même, en son origine. 

A part l'idée de "montée" (dépassement qui induit une verticalité du mouvement de pensée (...)) les deux termes n'ont donc pas grand chose à voir, ou bien dans un espace de significations, le monde de l'esprit, celui des délices qu'offre un certain état de conscience, on y reviendra, monde donc dans lequel on change de sujet en englobant, en dépassant, en abstrayant etc. Le philosophique, quoi; tout un monde. 

Ensuite, l'apodictique, l'absolument vrai partout et nécessairement, bref le contraire du dialectique. Les grands principes (identité, non contradiction, tiers exclu) sont évidemment apodictiques. 

Maintenant l'intention. Au départ il y a Brentano, le maitre de Husserl: l'intentionnalité. Ce qui est "à propos" de quelque chose. Issue d'Aristote, puis des scolastiques en passant par les arabes, elle est une représentation non sensible (Avicenne). 

Duns Scot classifiera l'intentio en distinguant la volonté, la forme, le concept et la motivation... 

Brentano parla d'"objectivité immanente", le concept fondamental de la philosophie du XXème siècle, ce qu'il voulut en faire un critère du mental, l'essence de l'activité de penser. Cela fut critiqué et on va en reparler, car la crise d'angoisse n'est pas intentionnelle et donc il y a autre chose dans le mental, en particulier les fameuses qualia, il faudra tirer cela au clair. 

Passons à Husserl, armé des concepts d'intention et de transcendantal, on est bien dans le sujet. 

D'abord Husserl est contre le psychologisme: un mode de pensée et d'explication qui ramène le monde à des états affectifs ou sensoriels aggrégés dans le cerveau humain. Quand les choses sont ainsi réduites à ces sensations élémentaires,on a le réductionnisme. Notons que le niveau psychologique a une réalité pour les psychologistes: il ne réduisent pas au quantique ! Il est celui des affects, des sentiments relatifs au plaisir, au sexuel, bref ce qui est intermédiaire entre le conceptuel et le biologique, je dirais bien sur. Husserl déteste ça... Les neuro sciences, les variantes des psychologies évolutionnistes, les différents mémétisme en sont. 

Husserl veut ainsi fonder une philosophie (à l'Allemande) du certain et du vrai en dehors du réductionnisme, c'est bien l'objet de la fameuse réduction, radicalement contraire dans les termes, de ce qu'on pourrait croire en ignorant le sens des mots. En gros pour lui, la conscience NESTPAS la nature, c'est l'"opposé de la nature". 

Il repart donc en gros de Descartes et de Kant, en revisitant, comme on dit, le transcendantal... Telle est son intention, c'est un philosophe allemand: regardez ses photos. 

Husserl commence par Descartes et de ce que le malheureux probateur de l'existence de Dieu injecta dans la frénésie baroque qui saisit le XVIIème siècle: l'idée qu'on puisse être certain de quelque chose en pensant seul.

Car Descartes, et là je me lâche, ne fut l'auteur que de l'un des effets pervers philosophiques fondamentaux qui justifient mon théorème (ultra connu, voyez google, je rigole) dit de la transcendantalité de la contradiction théorique qui veut que tout philosophe introducteur de concepts suscite mécaniquement dans la génération d'après une conceptualisation qui a les effets contraires exacts de son intention originale. Par exemple, Aristote nia Platon qui nia Parménide. 3 générations de jeunes gens brillants acharnés à faire passer leur père pour un con. Parménide lui s'en prit à Homère, et comme Homère n'a pas existé... 

Voulant prouver l'existence de Dieu, Descartes le transforma (Dieu) en raison pensable et donc le détruisit: il inventa l'athéisme et la pensée claire, mais il nous faut d'abord revenir en arrière. Descartes commence par douter, il va pour cela jusqu'à l'hyperbolique (le doute de l'intelligible lui même, presque dans le niveau "intentionnel" non?).

On passera sur sa détestation du scolastique, l'ennemi qu'il persécuta étant peut être Duns Scot, mais c'est un autre sujet. En gros Descartes est un sensoriel et se prête à des expériences de pensée, qui sont des expériences... Husserl qui a le même but que Descartes, vouloir être sur, procède de la même manière.

Par contre, et là il s'oppose à Descartes dont il dénonce le "réalisme transcendantal": le sujet de Descartes fait partie du monde et pas celui de Husserl. 

Bon, il y 3 mouvements: suspension, réduction, constitution. Cela fait une méthode, une sorte de processus, d'expérience personnelle, de voyage. Une oeuvre de musique et c'est cela que je voudrais exprimer: la réflexion sur les choses se fait dans le temps, dans un voyage qui est le voyage musical, mais je ne suis qu'un mélomane et le monde de l'esprit est celui des abstractions musicales. On en reparlera. 

D'abord l'épokhé, la suspension du jugement, l'équivalent du doute, mais c'est pas pareil. Il s'agit d'aller vers le savoir, là où il n'y a pas de croyance, et donc pas de jugement imposé, évident ou spontané. 

Ensuite la réduction, qui est phénoménologique, transcendantale, gnoséologique: il s'agit de supprimer tout lien entre connaissance et perception, et identifier la vision et soi même en train de voir. Dans les termes opposé moi/monde, on réduit l'opposition, on se colle au réel, on le colle à soi, bref, on ne fait qu'un. 

Puis ensuite la constitution, le retour à la normale après l'extase qui vous a changé pour toujours: le monde est maintenant vu autrement, et cela à jamais. En quel sens? Et bien le savoir s'étant perçu lui même, il accède à la connaissance véritable (ou l'inverse). C'est cela l'ambition de Husserl: rendre intelligible l'évidence du monde, comprendre le monde. La leçon du terme "constitution" est que c'est la subjectivité qui est "constitutante" du monde. Husserl introduit alors à une praxis de cette critique permanente et radicale de soi dans le monde, et donc d'une super responsabilité philosophique et éthique. 

Cette conjonction entre représentation et pensée de la représentation s'applique bien sur à elle même, et c'est pour cela que cette philosophie qui est une critique (une super critique) introduit au soupçon généralisé, toute attitude et réflexion devenant un percu, donc un construit, donc une chose et ainsi de suite à l'infini. C'est bien Husserl qui a lancé cette mode là, la remise en cause de toutes les ontologies scientifiques et autres devenant possible, à pratiquer et à théoriser. 

Le théorème de la transcendantalité de la contradiction s'applique évidemment à Husserl avec une force incroyable: le cartésien absolu qui voulait le savoir absolu de par la certitude de la réduction du dilemme soi/monde, qui plus est juif, se trouve dénoncé à la gestapo par son assistant le nazi Heidegger qui fonde l'irrationalité du XXème siècle, le culte de la mort et de la négation de la science et de la technique !   

Car bien sur Heidegger nie absolument cette approche de la vérité: l'être apparait (le dieu germanique dans la clairière) et il faut aller à sa rencontre (en chantant le horst wessel lied sans doute). Néanmoins, l'idée y est, le XXème siècle fut horriblement hippie. Pauvre Husserl. Il est donc le grand introducteur du relativisme moderne, comme Kant, d'ailleurs qui lui même introduisit l'idéalisme ! 

Voilà, j'ai compris Husserl. Voyons maintenant la valeur de ces choses...

Au fait, il y a une question de dénomination: il faut parler de "phénoménologie transcendantale" et non simplement de "phénoménologie": les phénomènes qui sont les parties du monde qui se manifestent à notre esprit se succèdent, certes, mais la question est de savoir comment cela est possible et quelle est la nature, l'être de toutes ces choses dans l'esprit. C'est cette activité là qui est le sujet: la subjectivité de cette action (héhé).

Et puis il y a les divergences d'interprétations, et ce à quoi cela a fait penser et peut faire penser. L'ampleur de ces pensées, leurs variétés et leur richesses ne s'épuise pas comme cela. Disons que forcément ceux qui s'intéressent à ces choses ont des idées derrière la tête, des intentions en quelque sorte, et celle ci sont d'une grande variété, avec des constantes.

On pourra parler des théories du management, domaine en soi for vaste, et qui forme les employés du service du personnel (les "relations humaines" comme on dit, attachées à ne jamais avoir de relations avec les autres employés sinon sous la forme de processus déshumanisés). Toutes les hypnoses, changement de paradigmes et autre révolutions de soi en font partie. Les douloureux tourments de la fin des religions aussi, et les croyances réfléchies plusieurs fois sont bien aidées par ces types de pensée, disons que cela parle de la même chose: du subjectif qui crée le monde. 

Husserl est mort en 38. 

Voilà son éloge funèbre, prononcé par Hans Jonas en Hébreu: (1)

On peut continuer à bouquiner sur la question, pour éviter, même si on a compris, de dire trop de bêtises (si j'en ai dit de véritables, il y aura peut être un contradicteur, mais je n'y crois pas trop). L'idée est de ne parler que d'Husserl, et de ce qu'il voulait dire -lui-. 

D'abord, il y eut plusieurs époques, et un Husserl deuxième période. Il parla d'intersubjectivité transcendantale par exemple, pour pallier le manque de considération de l'objectivité du monde extérieur.

Il ne cessa jamais par contre de se vouloir scientifique, prétendant fournir la version scientifique de l'idéalisme transcendantal. Réaliste au sens strict, il ne met pas en cause l'existence du monde, mais veut élucider son intelligibilité. De fait, il veut dissoudre l'opposition entre réalisme et idéalisme.

Dissoudre ou faire exploser ? Car une interprétation de la "constitution" est bien celle de la production de l'objet (et non pas de sa vraie restitution). On se rattrape alors sur le fait que le sujet lui même fait partie du processus et le noeud reformé continue à émettre sa radioactivité, sans doute pour encore pas mal de temps.

En fait la discussion n'est ainsi pas terminée, la distinction réalisme/idéalisme n'étant pas tranchée pour ses successeurs qui continuèrent à s'écharper. 

Ces considérations sont aussi celles de Merleau Ponty, dont la phénoménologie de la perception qui accompagna sans être lue tous mes déménagements se résume en natures naturée et naturante, en naturalisme du naturé et idéalisme du naturant. L'objectif est pour lui aussi de rendre intelligible la dichotomie vérité/facticité, qui est le problème fondamental de tout ce dont on discute ici. La perception est ce lieu: il n'y a de sens que si un sujet perçoit et en même temps le sens vient de la nature.

 

(1) http://journals.openedition.org/alter/281

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