Vive les libertés publiques !
J'ai un nouveau gourou, un vieillissant professeur d'histoire du droit, sémillant et courtois, avec qui je suis à ma grande surprise en accord sur presque tout ! Jean-Louis Harouel est cette personne, par ailleurs un merveilleux représentant de la véritable élite, courtoise et pleine d'humour, et aussi porteur en plus de noeuds papillons.
Il fut plagié par l'ignoble Patrick Buisson, qui eut du mal à l'admettre, parlant d'un illustre inconnu, tu parles un prof renommé, auteur de dizaines de livres, enseignant à l'institut Michel Villey comme de juste, le grand historien en référence sur les questions des droits de l'homme entre autres.
Pour l'humour on se souviendra de son rappel du changement de l'orthographe du mot "imam" dans les années 70, mot autrefois noté "iman" (avec un "n") depuis Voltaire, et que San Antonio dans "Berrurier au sérail" utilisait, ce qui lui permettait de nommer un de ses personnage l'iman komyrespir, qui officiait au Kelsaltan....
Polygraphe, professeur, présent sur radio courtoisie (...) https://www.youtube.com/watch?v=ssvjPNIqPFE, et dans un très bel exposé http://cerclearistote.com/video-de-la-conference-de-jean-louis-harouel-les-droits-de-lhomme-contre-le-peuple/ conclu par le titre avec une belle prestance.
On trouve aussi un compte rendu détaillé dans: http://www.francisrichard.net/article-le-vrai-genie-du-christianisme-de-jean-louis-harouel-118324375.html
Auteur de mutiples écrits, il exprime tout un ensemble d'opinions dans la classe de celles dont je suis persuadé malgré lui (je veux dire avant de l'avoir connu), un accord véritable, donc et bien mieux exprimé que je ne le fais, je ne suis ainsi plus seul.
En gros tous mes thèmes y sont: la religion sécularisée moderne qui a succédé au communisme et au nazisme comme religions. La nouvelle religion est celle des droits de l'homme sécularisés, opposés aux droits de l'homme traditionnels, ceux des libertés publiques. Cette religion post chrétienne infecte le droit qui se sature de valeurs chrétiennes, ce qui n'était pas du tout le cas dans les époques de foi. Mieux, Marx fut celui qui sécularisa le millénarisme de Weitling. L'église catholique aujourd'hui abrite partiellement cette religion humanitaire, sécularisée et distincte de la religion chrétienne orientée vers le salut.
Derrière l'honni socialisme, on trouve donc la gnose, d'abord négation du judaïsme (Marcion) et surtout de celui du Dieu créateur identifié au Dieu juif.
La description très intéressante du christianisme (il parle de son génie) comme alliance de l'amour total christique ET du décalogue comme la première forme d'affirmation des droits humains (de ne pas être tué, de ne pas se faire voler sa femme etc). Ce qui en fit ainsi la première affirmation nationale, en plus, avec la proclamation du droit à la sécurité, premier de tous les droits de l'homme. Le christianisme c'est donc l'alliance du dieu bon et du dieu juste, l'amour total PLUS le réalisme de la loi. Cette alliance là fonde la liberté, comme affranchissement de la loi, ou plutôt son acceptation libre, les deux choses restant distinctes, l'amour anarchiste chrétien lui étant incommensurable.
Cette alliance improbable, magnifiquement conceptualisée vaut le détour: il célèbre précisément ce que je cherchais confusément, liberté, amour et nationalisme, le collectif national ne pouvant qu'être partie du jeu. Que ce nationalisme porté par la bible le soit en plus porté par son héritier chrétien me semble nouveau et original, même si bien sur, c'était ce que je pensais. Qu'il soit biblique en plus dans la dernière nation que le monde accepte (ou refuse) en l'occurrence l'immonde état israélien lieu de toutes les détestations (sauf de la mienne) me réjouit encore plus. Comme si les rois d'Israël sur le portail de Notre Dame en étaient les symboles, du concept de nation, justement ! Et puis Mirabeau disant au sujet du projet d'une déclaration des droits de l'homme: c'est le décalogue !
On y explique ainsi que le christianisme (véritable) s'oppose au millénarisme tout comme la volonté de se changer soi s'oppose à celle de changer les autres. Et puis aussi, la suprême distinction entre les royaumes, l'état catholique n'ayant jamais voulu instaurer le règne de l'amour sur terre, du fait de la conservation de la loi toujours distinguée de l'amour divin.
Il explique la distinction "rights of man" d'envers les "human rights" qui font toute la différence, image de la distinction fondamentale entre le politique et le religieux, marque du christianisme comme origine de la liberté d'une part, de la civilisation d'autre part. Mieux, c'est cela qui est à l'origine de sa puissance et de son savoir, celui ci ne pouvant être que fondé sur la liberté de penser et de créer.
Il évoque avec bonheur l'horreur gnostique de la distinction sexuelle origine de la procréation, idée commune au même degré des partouseurs et des castrés, les deux composantes de la gnose.
Il explique avec autant de bonheur que l'islam n'EST PAS une religion mais un système politique et juridique, et que le millénarisme en vient à souhaiter la mort nécessaire des peuples coupables de l'Europe destinés à être remplacés par de nouveaux arrivants.
Il va ainsi jusqu'à prendre Israël comme le modèle de l'état nation auprès des europes en manque de particuliarisme.
C'est alors qu'il se révèle par ailleurs (hélas) comme anti européen et anti euro, il fallait bien que nous ne soyons pas d'accord sur tout. Europe qu'il définit par ailleurs comme étant ce qui a refusé d'être musulman pendant des siècles, on peut dire là qu'il s'égare... Il fait ainsi hélas le chantage au fédéralisme, origine de l'anti européisme paradoxal qui demande à ce que l'on refuse la pauvreté des pays pauvres d'Europe. Comme si il fallait des frontières pour ignorer les pauvres...
Il est ainsi dommage (mais après tout ce n'est pas si grave) que tant de belles intuitions ne s'accompagnent pas de celle d'un monde économique ou tout serait possible, le passé industriel et libéral de la France ne la condamnant pas, et au contraire, d'être toujours à la remorque de l'Allemagne. La liberté, mon cher, la liberté.
Bon en tous cas, il me faut lire l'auteur de:
"Née de la distinction chrétienne du spirituel et du temporel, la liberté absolue de la pensée inventée par l'Occident est sans doute le plus précieux patrimoine de l'humanité."
P.S. Quelques éléments sous forme d'arguments, et qu'il met en avant avec faconde dans son "vrai génie du Christianisme".
La castration des hommes africains noirs emmenés au moyen orient: cela explique la faiblesse du peuplement noir pour une traite qui fut équivalente à celle vers l'amérique, elle bien plus marquée par ce peuplement là.
Il y a un débat sur la séparation politique religieux en Islam, Olivier Roy en relativisant la portée, pourtant au centres des thèses de Bernard Lewis, de Harouel et aussi de Fustel de Coulanges.
L'ambassadeur mongol en 1287 fut frappé de la spécificité de Paris: son université.
Jean XXII refusa de couronner Louis IV et la bulle d'or consacra en 1355 l'élection de l'empereur par les princes.
Le conflit entre Philippe le Bel et Boniface VIII portait sur le "rendez à César ce qui est à César". Jacques de Viterbe tenta au service du pape de le réinterpréter.
Guillaume d'Occam consacra la séparation entre les deux ordres.
Harouel insiste aussi sur l'importance de l'histoire des hébreux sur la genèse DES états nations européens. Pour Hobbes, l'état hébreux est le prototype de l'état souverain.
Néanmoins, à sa décharge, Harouel rappelle la notion du "juge prêtre" sous l'ancien régime. C'est ainsi l'introduction du droit romain qui sépara justice religieuse et justice d'état.
La genève de Calvin est gérée par un "consistoire" qui peut déclancher l'autorité publique: les protestants et Luther aussi furent eux bien plus césaro papistes que les catholiques...
Aux US, c'est le 1er amendement de la constitution qui interdit de faire aucune loi interdisant l'exercice d'une religion ou instituant une religion d'état.
Le Syllabus de Pie IX en 1864 condamnait explicitement le principe de la séparation de l'Eglise et de l'Etat.
Les deux saluts chrétiens et millénaristes: l'un est céleste, l'autre est terrestre. Pourtant dans l'apocalypse de Jean, il y a bien le "viens, Seigneur Jésus", avec l'annonce du règne heureux de mille ans qui précèdera la fin du monde. C'est cela le millénarisme ! C'est Augustin qui décrète que le règne millénaire a commencé avec le Christ dans l'Eglise.
Joachim de Flore introduit la théorie des trois ages, qui se termine par le règne de l'Esprit.
Müntzer, lui aussi moine augustin, horrifie Luther en prêchant le massacre. Il fut célébré par Engels qui vit en lui un héros prolétarien. Il fut suivi par Jean Hut, à Münster puis par Jean de Leyde et les anabaptistes. Münster fut Jerusalem en 1534.
Pour finir la thèse de l'injection dans le droit des valeurs chrétiennes après l'effondrement de la religion et qui transforme les juges en juges-prêtres est extrêmement séduisante. Employés à la rédemption des coupables (un frère Kouachi avait un bracelet électronique) et à la punition du blasphème (dire casse toi pauv con à Macron vaut comparution pour outrage) les juges ont un rôle maintenant particulier qui tourne à l'absurde: celui de l'instauration par la contrainte du respect d'une religion, celle que dénonce Harouel.
Mais il y a une conclusion et entièrement constituée à défendre l'"immigrationnisme" (Taguieff), but de la nouvelle religion et volonté caractérisée d'extinction de la civilisation européenne et chrétienne... Le sanglot long n'est pas mâtiné ni réduit par quoi que ce soit et semble s'achever dans un bien grand pessimisme.
Au point que la thèse elle même mériterait peut être d'être reconsidérée. Le "vrai" christianisme est il vraiment innocent de tout cela ? Fut il vraiment si dualiste ? Après tout, le royaume de Dieu imminent du Christ fut bien millénariste, et l'apocalypse chrétienne aussi, c'était son règne propre, celui qui devait durer mille ans.
Il y eut donc l'Eglise pour rattraper cela: ce qui remplaça au pied levé le royaume qui ne venait pas était donc la fameuse disjonction qui commença mal: elle détruisit l'empire (les barbares étaient chrétiens) et ce qui dura mille ans à l'est était parfaitement césaro papiste... Bref, les rapports de l'Eglise et du politique furent complexes, et ce fut bien une lutte contre cette église là qui fut la civilisation occidentale, non son accomplissement... Bref, même si l'accumulation de sentiments est patente et intéressante; ce qui justifie l'ire, la thèse parait finalement fragile et peut être secondaire voire fausse.
Car il y a bien des moyens de rendre responsable le christianisme de l'essor occidental: le thème de la liberté en est sans doute un aspect, mais il se battit contre l'histoire chrétienne et au combien, au nom du millénarisme ? Non et c'est cela le problème de la thèse d'Harouel et de sa tentative très réactionnaire de récupérer la situation. Celle ci est plus complexe et on ne peut échapper à la nécessité d'élaborer du positif, bête noire des conservateurs pessimistes.