Les combats de l'Occident
Ce qu'on appelle l'Occident et qui est en train de se faire challenger je vous dis pas, s'est construit sur un certain nombre de dénis fondamentaux, dont il a exploité au-delà de tout les caractéristiques qu'il niait. Ce sont les combats de l'Occident.
Contre quoi? Et bien d'abord des substrats physiques et chimiques fondamentaux et donc incontournables de notre monde matériel: la différence sexuelle d'une part, et la productivité d'autre part.
On commencera par la productivité, ou productivité basique et qui est dans tous les contextes de vie de groupes humains quels qu'ils soient, la capacité ramenée à un individu du groupe de produire de la nourriture nécessaire à sa survie. Le contexte est bien sûr celui de la société humaine en question, telle qu'elle se maintient en équilibre avec son environnement naturel. Ce concept est central en économie, et quel que soit le niveau de virtualisation mis en oeuvre, est la base indiscutable de toute réflexion sur le partage des ressources et sur les options d'organisation des groupes humains: l'infrastructure donc, et elle a ses contraintes, contraintes physiques, qu'on le veuille ou non.
On se doit de passer par la notion de "virtualisation" évoquée brièvement. Toute activité humaine est retranscrite ou encodée dans des dispositifs culturels conventionnels propre au social humain, lui aussi incontournable. Alors que les communautés animales sont directement associées à une productivité basique auxquelles elles sont physiquement adaptées, les cultures humaines ont pu développer via des organisations variées des adaptations, elles aussi, extraordinairement variées à des environnements très variés. Cela ne retire rien dans chaque cas, à la valeur de la productivité basique effective qui se confronte à l'environnement en question.
De ce point de vue la différence sexuelle joue le même rôle: quelle que soit l'étonnante variété des cultes et des moeurs humaines, allant du voile islamique aux fellations rituelles de nouvelle guinée, la différence sexuelle reste basique et structurante.
On nommera les combats de l'Occident comme ceux menés mettant en oeuvre des virtualisations variées visant à contredire et à annihiler les deux contraintes fondamentales exposées ici.
La productivité basique fut d'abord niée par l'affirmation du rôle soi-disant fondamental des "luttes" qui expliquerait non seulement la prospérité moderne, mais la justice sociale qui lui serait associée.
C'est bien entendu l'inverse qui doit être considéré, tout partage de ressources se basant d'abord sur la productivité globale et individuelle, les luttes n'opérent qu'à la marge dans le cadre de luttes de pouvoir qui ne peuvent par définition ne concerner que des organisations.
On notera la relation entre les deux différences sexuelles et productives en ce que le statut physique et culturel des femmes dans toutes les sociétés et y compris la nôtre, se définit d'abord par un partage des tâches ultimement lié à l'occupation reproductive et cela par nécessité, et ensuite par la productivité basique des tâches réservées aux femmes: l'émancipation moderne du féminin n'est bien sûr pas culturelle ou égalitaire, mais bien technique et exclusivement liée à l'apparition des machines à usage familial et individuel, introduites au début du XXème siècle.
Sur cette base, on observera donc les dispositifs culturels institués pour nier et dénier ces faits basiques indubitables, et qui se sont efforcés d'associer les évolutions (ou les conservatismes) induits par ces réalités à des actions culturelles, et donc à en "virtualiser" (rendre numérique, conventionnels, donc potentiellement activables) toutes les évolutions considérées désormais possibles.
La chose est ancienne, et le socialisme (définit ici comme tout ce qui rend objectivable la suppression des différences économiques entre les individus) inventé peu après la grande révolution du statut social accompagne un accroissement sans précédent dans l'histoire humaine de la productivité basique, ce qui rendit possible à la fois de nouvelles inégalités (vu l'introduction de ressources nouvelles) et leur résorption par la généralisation de la consommation de biens traditionnellement inaccessibles. La confusion entre les raisons de l'obtention de ces biens (luttes contre l'inégalité ou progrès technique) constitue le combat occidental contre le réel, à la fois effectif (qui ne considèrera pas "réel" et incontournable la misère humaine du tiers monde, pourtant relative à des modes de production dont il est possible qu'on en expérimente de nouveaux) et illusoire voire délirant (certains militants LGBT croient vraiment que les changements de sexe sont effectifs).
Un mot au sujet du caractère "complet" de la croyance en la virtualisation: il est clair que je décris ici partiellement un homme de paille: le rôle de la productivité est bien sûr reconnu par les socialistes, qui parlent plutôt de partage, et l'appareil reproducteur féminin reste reconnu par les transgenres, qui n'insistent que sur le respect de la convention édictée par celui qui, "homme" revendique le rôle de la mère, l'affirmation de la possibilité pour un homme biologique de disposer d'un utérus fonctionnel n'étant affirmé que par des extrémistes... Tout cela est vrai et par un artefact intellectuel sauvegarde la possibilité d'affirmation de positions intellectuelles, morales, ou politiques, qui -en fait- (c'est ce que j'affirme) font fi du caractère irréductible et structurel des inégalités sociales (liées à l'état de la productivité) ou sexuelles (liées aux nécessités de la reproduction). Seules des conventions physiquement rendues possibles par des états de choses particulières de la productivité ou du refus de la reproduction sexuée permettent de s'affranchir virtuellement de contraintes en fait incontournables.
Cette base d'appréhension du monde se trouve indépendante des positions morales ou religieuses que l'on peut adopter: elle est fondée sur un réél affirmé, et donc n'a pas à se soucier d'une vérité conventionnelle: elle -est- la vérité aussi bien que 2 et 2 font quatre. On peut être partisan de politiques de partage généreuses envers certaines parties de la société, jugées trop fragiles ou autres, tout en prenant en compte le caractère limité de toute contribution, et cela quel que soit l'absolu moral ou religieux que l'on attribue à la nécessité de ce partage. On ne peut faire fi de la contrainte matérielle, voilà la seule chose que j'affirme; ce n'est qu'en voulant en tirer une attitude générale que je me soustrais à certaines contraintes morales et donc devient réactionnaire...
Ceci une fois posée, il ne m'est pas imperceptible que la période contemporaine ait possiblement mis en oeuvre des discours radicaux allant très au-delà de tendances séculaires dont les réacs se plaignent avec constance quasiment depuis le XVIIème siècle... Élargissement du contrat social au-delà des nationaux, et changement de sexe accessible aux enfants mineurs impubères sont des revendications affirmées de ce qu'il faut bien appeler une postmodernité dont l'accès aux aigus du discours devient à la fois parfaitement réel, affirmé et surtout strident.
L'affirmation réactionnaire ne serait-elle pas une base possible pour la remise en ordre d'un état absolument parti en couille des discours publics dits démocratiques et dont le caractère fictionnel, absurde et n'importe quoi esque devient en fin de compte gênant ?
Car ce qui est proposé ici occupe un statut particulier dans un débat qui a un autre "bout" et qui est le populisme au sens strict. Ce débat là met en oeuvre un autre principe, attaché au contrôle des conventions sociales et qui est celui de la capacité à changer la loi quand on est un électorat (dans un sens) ou de l'imposition par force de la loi juste quand on est un État (dans l'autre sens). Y a-t-il des droits imprescriptibles et le peuple rassemblé peut-il priver des étrangers de tout droit à des prestations couteuses et tout mineur de décider à l'insu de ses parents de prises de médicaments ? L'évidence de la réponse à ces questions là posées démocratiquement à un peuple rassemblé, suivi de la mise en oeuvre immédiate et nécessairement violente (au moins dans les premiers temps) de l'application des principes ainsi décidés seraient ils une marque d'"inhumanité" de la part de la société ?
Le grand combat de l'Occident fut bien celui de la domination absolue du droit au-delà des usages, l'obligation de la moralité au-delà l'autorité traditionnelle, l'exemple d'Antigone célébré par toute sa culture étant sans doute le drapeau toujours agité de ce combat-là, et dont les manifestations sont innombrables.
Bien sûr le problème ancien est connu et toutes les institutions ont été formatées quoi qu'on en dise pour traiter le problème, en passant, bien sûr, par un principe législatif bien connu et qui est que l'application univoque de la loi n'est pas prudente, et qu'il convient de sursoir par sagesse et compréhension de l'humanité, à ses excès toujours susceptibles de déchirer les tissus sociaux. Nous voilà donc dans un cas d'application de ce saint principe et par conséquent la tolérance nécessaire à supporter Antigone sans la faire exécuter doit être imposée de force aux très délirants humanitaires queers qui comme Créon veulent faire appliquer des lois exigeantes en faisant fi des fondamentaux anthropologiques. Car Antigone est en fait réactionnaire et c'est tout l'objet du débat: vouloir enterrer son frère, même celui qui a violé la loi de la cité est tout à fait similaire à refuser de nourrir gratuitement un étranger transgenre qui se prétend persécuté.
Cette argumentation est bien sûr vérolée par son inverse: c'est bien la nourriture gratuite au transgenre que défend Antigone et qui détruit la société en tolérant la trahison et donc la destruction de l'État. Antigone est bien le modèle, réactionnaire, de la révolutionnaire à principes. Principe de tolérance et d'humanité ou principe supérieur d'application de la loi, de la "vraie" loi ? Et bien l'Occident a tranché et son combat est terminé: Antigone est devenue Créon et exige l'application de la loi. En cela, c'est elle qui maintenant bafoue les vraies lois et nous y sommes: la CEDH et CJUE exigent l'application de la loi inhumaine maintenant concue et opérante pour le suicide de tous les Etats et la mort de la civilisation.
Où en est-on donc ? Et bien que le monde humain se définit en fait par une activité dite "symbolique" qui vise à mettre à distance les significations ou principes en les assimilant à des choses qui ont des propriétés particulières et qui donc peuvent être décrites ou interprétées de manières différentes, ce qui les rend à la fois précieuses et mystérieuses. Elles sont ainsi tout sauf des adjectifs univoques ou des faits, mais bien des entités complètes à manipuler avec précaution.
On notera que le combat de l'Occident contre le symbolique pourrait expliquer ce qui justifie et explique les deux volontés d'ignorance des deux différences productives et sexuelles décrites plus haut: on refuse et c'est toute l'affaire, que des "choses" puissent orienter des principes d'organisation, le "symbole" qu'est le pauvre ou le sexe étant refusé comme support ou justification d'une organisation conventionnelle. Argument vérolé, comme plus haut, par l'opération inverse: le pauvre et le sexe, refusés en tant que réels contraignants étant précisément utilisés comme symboles du contraire en devenant eux mêmes conventions pures, dont la réalité doit être abolie, l'opération d'éradication elle même, un sacrifice (instinction de l'espèce et de la production de richesses) , devenant le symbole.
C'est là où je cane, il y a clairement un problème avec cette attitude.