Les pensées sur les pensées
Avec "les pensées" (1) on a posé les bases d'un grand oeuvre, on voudrait ici en donner une application à partir de (2) qui décrit les pensées structurantes du poète et intello connu des fameuses civilisations mortelles. L'homme est décrit donc comme décrivant différents ordres de pensées, en favorisant la sensibilité par rapport à la philosophie et en décrivant l'art d'une manière complexe comme à cheval entre la sensibilité et l'action ce qui est sans doute vrai. De manière générale, ce genre de considérations, auxquelles je n'accordais jusqu'à présent aucun vrai intérêt, me semble brusquement lisibles, voire compréhensibles, voire débattables et intéressantes pourvu que je sois armé de ma théorie des trois ordres. Toute une vaste littérature s'ouvrirait ainsi à moi, car il faut le dire tout se passe comme si toute la vraie hauteur de vue, un peu partout, ne cessait de tourner autour de ce pot là: qu'est-ce que la conscience ? La sienne et celle d'un au-delà qui lui ressemble bigrement, bref, l'interrogation selon ma théorie sur la pensée de l'ordre spirituel, à la fois évidemment présent (il faut vraiment être une bête pour ne pas vibrer même un peu à ses manifestations) et absolument inaccessible, source permanente et éternelle de fascination et d'intérêt.
Le dérisoire du poétique et du malheur littéraire, de la recherche de l'autre chose devient alors respectable, voire enviable: elle se préocuppe non seulement d'un existant, mais du seul qui vaille "vraiment". Du moins si l'on fait abstraction (...) de l'émotionnel et du sexuel et aussi du mathématique, domaines de l'activité humaine tout aussi respectables et sources également de bien des contentements.
On a noté le mépris de Valéry pour les deux esprits, de finesse et de géométrie, du "philosophe" Pascal. L'homme avait pourtant bien identifié la séparation entre les ordres de pensées, et l'esprit de finesse est bien celui de la conscience de l'autre, le seul capable de voir au-delà. Pour Valéry ce ne sont que des animaux exotiques: "l'un vole, et l'autre nage"... Étrange manque d'empathie pour une tentative d'explication du monde qui rassemble tout le monde, tendance moderne à l'exclusion de ce qu'on refuse de considérer "égal" alors qu'ils sont simplement des ordres distincts de la psyché. Péché suprême à mon sens, qui aboutit à l'horrible blasphème du damné Heidegger: "la science ne pense pas", alors que bien sûr qu'elle pense, dans son ordre.
De ce point de vue Valéry se déchaine contre la philosophie, l'humilie devant la science qu'elle n'est pas et ne voit que la sensibilité, définie comme "résistante au philosophique", ce en quoi, il a par contre raison: "sa sensibilité" n'est plus, en fonction de mes théories que la vision d'un existant que je décris avec mes sauces: l'ordre spirituel. Et hop.
Non réductible à un acte, et non définissable (car hors de la pensée symbolique) il produit le moi comme distinct de l'Esprit discursif. On aboutit alors à un assez convaincant "moi" qui se trouve à la frontière des mondes: corps, esprit et ... "monde" le super-ordre de la communication qui met en jeu (selon moi) tous les autres...
L'oeuvre d'art est alors l'action de celui qui ne peut se résoudre à abandonner l'odeur d'une fleur que nulle pensée, souvenir ou invocation ne peut faire exister à nouveau, et qui se précipite sur les moyens d'une recréation à la hauteur de ce qu'elle a été pour lui...
Bref, le point est là, une sorte de classification qui rend sympathique ou au moins digne qu'on essaye de les approcher, bien des expressions mystérieuses, apparemment dérisoires, mais en fait traduisant d'authentiques préoccupations.
Relisons ce que Pascal dit de l'esprit de finesse, là où les principes sont si nombreux et si subtils qu'on ne peut les maitriser tous avant de commencer à les manier, là où on juge d'un seul regard, sans prendre la peine fatigante de bien tout examiner d'abord...
(1) http://francoiscarmignola.hautetfort.com/archive/2023/05/02/les-pensees-6441133.html
(2) Les pensées de Paul Valéry https://www.actu-philosophia.com/paul-valery-cours-de-poetique-i-le-corps-et-lesprit-1937-1940/