La vérité sur H.
On a lu (1). Isabelle Thomas-Fogiel est une redoutable simplificatrice avec un point de vue Kantien intéressant et surtout une épée anti H. redoutable. Son explication du maitre nazi est lumineuse et simplificatrice. De la vulgarisation, de la vraie.
En gros, la mode en philosophie au début du siècle, c'était de critiquer Kant pour son non traitement de lui même: il fallait donc compléter la philosophie, disons la reconstruire pour inclure la "facticité", la vie même, donc, dans la réflexion. Toute une époque.
H. encore jeune se démarque: il faut "détruire" le concept et la distinction sujet/objet, et pour cela se mettre dans un lieu particulier. Il choisit non pas la religion (comme Pascal) mais le quotidien: c'est le dasein et hop.
Ainsi une position existentielle spéciale se trouve derrière ou dessous les parties non originaires de la pensée. Cette stratégie de discours va caractériser tout le XXème siècle qui sera pénétrant dans ses pensées en l'utilisant systématiquement. Concret contre concept, soi contre sujet, expérience facticielle de la vie contre ... philosophie.
Cette histoire de "facticité" d'origine "fichtéenne" (parait-il, mais c'est à préciser) introduit aux idées de "es gibt" , de "donation", éléments perceptifs introduisant l'objet "avant" (c'est le plus important) le concept.
Tant qu'on y est, on redéfinit la vérité, qui est la chose montrée et non pas la validité de la proposition. Bref tout ce que déteste Jean Yves (Girard) car c'est en gros la position de Frege: "X" est vrai et pi c'est tout.
H. introduit alors la grande légende (et il y en a qui étaient contre les mythologies) de l'histoire de l'être, assumée conceptuellement (on devrait dire "pré-conceptuellement) comme une vérité conçue comme "occultée" (le savoir de H. est une gnose) et son histoire comme l'histoire de sa dissimulation derrière... le concept. Le tout étant nature des choses, bien entendu.
Cette histoire de "montrer" plutôt que "démontrer" est la grande affaire de Thomas-Fogiel, disons de I. (pour Isabelle), ce qu'elle dénonce avec insistance avec toute la "post philosophie" qui pourrait bien cesser d'en être, précisément. En gros, elle dénonce un certain "réalisme", devenu à la mode. Au passage elle élucide et précise cette histoire de réalisme contre idéalisme (2), part importante des faux débats issus des lumières.
Idéalisme et réalisme.
En fait c'est Diderot qui fait le contre sens: l'idéalisme au départ strictement Platonicien (il n'y a de réel que dans les idées, le reste étant apparence) devient la thèse qu'il n'y a pas de monde extérieur avec comme limite "horreur absolue" l'égotisme, doctrine d'une secte parisienne dont les écrits sont perdus, et qui font d'un certain Jean Brunet la seule personne qui existe... Un homme de paille universellement dénoncé en permanence et contre qui on construit un matérialisme (celui de Diderot et des lumières françaises) qui précisément nie l'attribution de l'être aux idées pour le donner exclusivement à la matière. ll n'y a plus de monde idéel et la métaphysique devient une psychologie.
Le pendant allemand des lumières française fut le "sens commun" qui ne comprend rien à la critique et la recense faussement ce qui provoque la fureur de Kant: on considère la critique, et son "idéalisme transcendantal" comme un "idéalisme"... Alors que Kant tout au contraire veut fonder une objectivité de la métaphysique.
Alors que les idéalistes (platoniciens) affirment que l'expérience n'est rien et l'apparence trompeuse, Kant veut rendre l'expérience support de la connaissance. Et la I. compare Kant et Descartes de manière géniale. Descartes distingue sens interne (sur) et externe (trompeur) et se trouve donc un réaliste transcendantal (son assurance d'être) au contraire de Kant, idéaliste transcendantal. De même, Kant est réaliste empirique (il reconnait la réalité derrière les phénomènes) alors que Descartes lui est un idéaliste empirique... Mieux, Kant ne voit de réalité QUE à travers l'expérience...
I. situe tout ça à la phénoménologie, qui pour Husserl aurait été la "vraie" science (I. est spécialiste de Fichte, l'homme de la "doctrine de la science") celle qui étudie ce qui apparait, les "choses mêmes", en fait ce qui est au-delà du logos et échappe à la "science" cette chose affreuse qui prive le monde de "sens" (et qui en plus, d'après H., ne "pense pas").
Le phénoménal va donc s'attacher à ce qui au delà de l'objectivé bébête: l'art (au delà de sa production) , autrui (au delà du corps, Lévinas), chair (Merleau Ponty), donné (Marion).
Par contre, alors que Husserl restait un idéaliste transcendantal, attaché à la validation, ses successeurs veulent les choses, et se trouvent "réalistes", ils veulent montrer et non plus démontrer... Kant est coperniquement renversé: il expliquait comment le sujet comprenait le phénomène, on décrit comment le sujet est construit par le phénomène, le phénomène est libéré (levée d'écrou) et le sujet devient sujet du donné.
(1) l'originalité de Heidegge https://www.cairn.info/revue-philosophique-2017-2-page-195.htm
(2) réalisme et idéalisme https://www.cairn.info/revue-de-metaphysique-et-de-morale-2017-3-page-393.htm