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Les maths

La réalité des mathématiques est bien sur maintenant à l'ordre du jour, du moins pour ma petite psyché.

Il ne faut pas perdre (1) qui parle de Lautman , un précurseur philosophe de la théorie des catégories et aussi (2), qui parle des fondements. En gros, malgré toutes les élucubrations, les maths continuent de convaincre les grands esprits: les structures derrière existent, et réellement. 

Au sujet de Lautman, fusillé avec Cavailles (joué par Paul Meurice dans "l'armée des ombres") en 44, il est un condisciple de Herbrand au lycée Condorcet, tout ça va à Ulm en 1925... Par contre, Lautman lui est en philo ! 

En résumé

On va d'abord se faire l'écho de certains poncifs méconnus (en tout cas de moi) concernant l'histoire des maths et de ces aspects essentiellement contemporains, un certain Dumoncel me semblant (2) (3) particulièrement saignant.

On va commencer par les grands principes, et définir ontologie (de quoi parle-t-on?) et épistémologie (comment connait-on?). 

Puis un point d'histoire, Leibnitz, dans sa démonstration de 2+2=4, oublia l'associativité de l'addition, fit remarquer Frege. En effet, de la définition des nombres comme 1 ajouté au nombre précédent, et en partant de 4, on trouve:

(2+1) + 1  à égaliser avec 2 + (1 + 1), ce qui ne se peut que moyennant une définition supplémentaire, l'associativité. 

Frege voulut, contrariant Kant, ramener l'arithmétique à la logique, et cela en niant les intuitions pures de l'espace et surtout du temps, celle-là seule capable de comprendre les nombres. On part donc des ensembles de Cantor, c'est bien lui qui invente la chose, théorisant la séculaire obsession du "multiple qui peut se penser comme un". 

De fait Frege fonda la logique formelle avec ses symboles, et construit les nombres comme classes d'équivalences des quantités de choses, elles même instances de concepts. Le concept vide n'a pas d'instances, et donc en a zéro, et ce concept vide étant unique dans son genre est donc associé à la quantité un. On construira les successeurs en descendant, chaque concept contenant une chose de plus que son prédécesseur. Au passage, Frege introduit avec des arguments purement logiques le principe d'induction, c'est à dire la récurrence en considérant les ancêtres possédant une propriété et se laisse aller à dire si on peut définir (principe de compréhension) une proposition phi(x), il existe un y tel que x E y... Hélas, alors qu'il allait mettre sous presse son deuxième volume en 1902 (année de naissance de mon grand-père maternel), il reçut une lettre de Bertrand Russel, qui le prévenait: la fonction x /E y appliquée à y introduisait une incohérence qui mettait à bas la théorie des ensembles... Dépressif, Frege reconnut sa défaite. 

Le logicisme était donc en échec, merci le paradoxe. En fait, Frege continua à fasciner et vu le travail conséquent fourni, continue d'être une référence, il y a des versions affaiblies de son logicisme, quasiment aussi puissantes. On parle ainsi de "néo-logicisme". En tout cas, l'époque Russel et Whitehead continua le projet et fut également plutôt productive... De fait c'est Goedel qui enterra définitivement le logicisme, l'arithmétique ne pouvant pas être théoriquement réduite car pouvant contenir des énoncés vrais indémontrables, on en parla ici. Il y a du synthétique a priori différent du logique. 

Notons que cette histoire de fonction (qui remonte à Leibnitz), et on voit la séparation des maths, non pas entre arithmétique et géométrie, à la Kant, mais entre les fonctions récursives ou calculatoires, et les fonctions analytiques, analysables, numériques... Par exemple, la fonction qui associe 1 ou 0 suivant à un nombre suivant qu'il rationnel ou non mis du temps à être démontrée analytique... C'est l'ensemble des fonctions de ce type sur tout ensemble infini qui est d'une grandeur strictement plus infinie, selon Cantor. Cette hiérarchie des infinis inconnue du grand public, en a perturbé plus d'un... C'est la grande crise des maths, devenues inconcevables à cause des infinis, rejetés par l'école intuitionniste, qui rejette donc ce qui permet de faire exister des objets indistincts à l'infini, et donc le tiers exclu. 

Les fonctions récursives primitives permettent de définir les maths dites "finitistes", dont les raisonnements peuvent être faits en temps fini. C'est cette partie des maths, de fait l'arithmétique que Hilbert veut prouver cohérente, avec des méthodes finitistes. C'est ce que Gödel rend à jamais impossible par un théorème démontré avec des méthodes finitistes.

Cette histoire de déduction "finitistes" est représentée finalement par le calcul des séquents de Gentzen, qui fournit un système de preuves constructives dite de déduction "naturelle". 

Par contre, avec des méthodes transfinies, mais en n'utilisant qu'un "petit" ordinal infini, Gentzen démontra la cohérence de l'arithmétique de Péano. En parlant de petits ordinaux, on rappelera que w (oméga) c'est le cardinal de N, et que le petit ordinal ont on parle ici, e0 (epsilon zéro) est la limite supérieure de la suite des omégas à la puissance oméga eux mêmes à la puissance oméga et cela "à l'infini" (dénombrable). 

 

En parlant de Kant, c'est Hilbert, auteur d'une axiomatisation complète des éléments d'Euclide, qui mit fin au statut particulier de la "géométrie". Hideuse discipline qui perturba ma préadolescence, elle était déjà morte quand elle me fit souffrir.  

Mais continuons avec les grandes théories. C'est Quine en 1948, identifia la querelle des universaux du moyen âge à la querelle des maths du XXème siècle (5):

Frege, Russel, Whitehead,Carnap 

Réalisme logicisme
Brouwer, Poincaré, Weyl Conceptualisme intuitionnisme
Hilbert Nominalisme formalisme

 

Gödel sonna le glas de l'ambition de Hilbert. La cohérence n'est pas démontrable avec des méthodes finitistes. A partir de là, Kurt taquin enfonça à mort le "symbolisme", volonté de réduire les maths à des manipulations de symboles, et proclama la réalité des objets mathématiques. 

Il faut toutefois noter les deux réalismes: le sémantique (qui se contente de rendre objective la vérité des énoncés) et l'ontologique, le réalisme "réel" qui semble impliquer le premier. Disons que le réalisme à part entière inclut les deux. 

Gödel a beaucoup insisté sur le réalisme en tirant parti de l'indécidabilité, manifestation selon lui de l'impossibilité de la création d'une telle chose... Le fait est que. Cependant, on peut toujours répondre la chose n'a pas à s'engager à résoudre le problème de la cohérence.

Un autre argument, du à Quine, évoque le réalisme mathématique comme conséquence du réalisme physique, celui ci étant exprimé en termes mathématiques... C'est l'argument d'"indispensabilité".

L'aporie suivante, ou Gödel est encore mouillé est la question de l'hypothèse du continu, dont la négation est compatible avec la théorie des ensembles axiome du choix compris (1940). On en revient donc à la demi démonstration de la grande conjoncture de Cantor de 1878. Il fallut attendre 1964 pour que Cohen démontre la totalité de l'indécidabilité de l'hypothèse... Par conséquent, 1) il existe bien des ensembles indépendant de notre volonté 2) plusieurs théories peuvent en rendre compte. Et on ne s'en prive pas: le monde mathématique est bien réel. Notez que par enthousiasme, je prends ici position vaniteusement à l'ombre de grands hommes; il y en a pourtant, tout aussi grands, tapis dans l'ombre, et qui caressent l'idée du contraire... L'avenir sera ce qu'il sera. 

Le dilemme de Benaceraf

Le platonisme mathématique est challengé. 

D'abord il y a deux platonismes, le fort et le faible. 

Le fort est celui de Gödel, le faible celui de Quine. Ils diffèrent suivant la version du réalisme ontologique: le faible se passe d'un accès aux fameux objets, ce que ne fait pas le fort, qui a besoin d'une intuition, défendue par Frege et Gödel. La distinction est donc épistémologique. 

Ensuite, il y a bien dualité entre l'épistémologique, qui valorise le prouvable, et l'ontologique, qui valorise le réel. Cette distinction est évidemment philosophiquement fondamentale. Le dilemme consiste à opposer les deux positions, en fait irréconciliables sur la question de l'accès aux fameux objets. Seul le platonisme fort serait concerné. En fait, pas vraiment: on ne peut pas expliquer comment il peut y avoir adéquation entre le prouvable et le réel (Field 1989). 

En tout cas, pour Quine, les mathématiques ont le même statut que le reste de la science, on parle de son "naturalisme".

Il faut aborder alors la question du structuralisme, associé à Benaceraf (1965) et aussi à Dedekind, les nombres naturels étant selon lui représentés par les relations qu'ils entretiennent entre eux. 

On a ainsi la discussion de Benacéraf, sur les entiers de Zemerlo (0, {0}, {{0}} ... ) et ceux de Von Neumann ( 0, {0} , {0, {0}} ...), qui sont différents, mais partagent la même structure... La même chose arrive pour les nombres réels définissables de plusieurs manières. Seules comptent les propriétés structurelles des choses. 

 

 

(1) au sujet de Lautman : https://www.erudit.org/fr/revues/philoso/2010-v37-n1-philoso3706/039714ar/

(2) les pdf downloadables d'Académia : https://www.academia.edu/700018/Fondements_des_Math%C3%A9matiques?email_work_card=view-paper

(3) Dumoncel: https://www.academia.edu/700366/Les_fondements_des_math%C3%A9matiques_selon_Wittgenstein

(4) https://www.academia.edu/1501273/Philosophie_des_math%C3%A9matiques

(5) Quine et la classification https://books.openedition.org/cdf/1765

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