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Les tinologies

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La Tinologie (avec un grand T)  est la science de l'aliquid, c'est à dire de l'indéfini, l'ensemble des objets qui en plus peuvent ne pas exister. Alors que l'ontologie est la science de l'étant... 

"ti" c'est "quelque chose". 

On aura l'occasion de reparler de Meinong et de ses objets, mais disons qu'on se vautrera ici pédantiquement dans le terme délicieux à propos d'une manière de considérer la philosophie moderne comme issue du moyen âge en fait, Duns Scot et Occam étant les vrais modernistes, et Kant celui qui enfonça le clou, finalement. Avoir pour intuition ce que considèrent de brillants méta philosophes m'enchante et me ravit. Bien sur cette histoire est déjà ancienne, et contestée: toutes les époques ont en fait leur problèmes et les acteurs, même les plus géniaux sont aux prises avec eux; il n'y a ainsi pas bien sur d'"histoire de l'essence de la métaphysique" et autre fariboles essentialistes sur la grande force immanente du complot anti nazi... 

Néanmoins, Scot est effectivement génial, et son époque pas si nulle que ça, la preuve: réhabiliter l'an 1300, c'est élargir notre monde et tenter de comprendre que ces gens parlaient de choses voisines est assez plaisant. Et puis il ne faut pas oublier que Scot est présenté depuis longtemps comme le précurseur de la Liberté moderne; c'est le grand truc de Arendt. 

Et puis, il y a Grégoire de Rimini ! Il pense à des objets qui n'existent pas: le pinceau brisé dans un verre d'eau par exemple... 

Kant

Pour en revenir à la théorie de la connaissance et à ses suites, disons que s'introduit ici la distinction entre l'objet et ce qui le conçoit, et que s'introduit en gros le transcendentalisme, et cela très tôt. La chose aurait plusieurs aspects, disons qu'on se met à distinguer la volonté et le bien, la connaissance et le vrai, le vrai et le réel. 

Disons qu'en gros, on recule sur l'essentiel au sens propre: la toute puissance divine (l'ultra liberté divine de Scot, par exemple) fait l'être des choses arbitrairement. Comme l'homme a la même liberté que Dieu, on arrive alors à l'absolue liberté de l'homme, y compris celle de faire exister les choses, une fois Dieu mort et nous y voilà. C'est pour ça que le nominalisme est considéré comme le poison primordial... 

Dans (2) et (4) on vous explique que cette histoire de toute puissance divine, la "potentia absoluta dei", fait que le sujet est distinct de l'objet. De Muralt en déduit après un parallèle entre explication de la connaissance et pouvoir politique que s'introduit là la dualité entre intervention divine et autonomie de l'humain, perdue récemment on vient de le dire, par la mort de Dieu. Les deux alternatives sont chacune grosse d'un drame, celui de l'autoritarisme absolu, face à celui de la destruction du symbolique au nom de la liberté. Bon au passage, le bon Muralt nous fait l'éloge du très brillant conférencier dominicain le père "marido", fondateur des petits gris, ami de karol voltiya, et violeur à ses heures de religieuses décrites comme "en esclavage" par le pape françois.

A ce propos, (3) rappelle brièvement la nature exacte du transcendantal. Crispé sur l'aphorisme "Dieu est transcendant, l'espace est transcendantal", j'oubliais que le transcendantal c'est encore pire: ce n'est pas l'espace, le pauvre, mais la connaissance qu'on en a de son origine non empirique ! Le métaphysique est un naïf, il croit aux choses qu'il manipule et Kant détruit complètement l'ontologie classique. Bing. 

Le reproche porte sur un abus: le concept comme chose agissante et dont on oublie que pour qu'il représente quelque chose issu de l'expérience, il faut qu'il ait été produit par ce qui inclut ses conditions de possibilité, c'est à dire les règles qui rendent possible l'abstraction. C'est toute la différence kantienne entre réflexion et entendement. La réflexion confond concepts et ce qui les rend possibles. 

Et puis il y a la chose en soi. "Ding an sich". Pour Scot, on ne peut y accéder, mais seulement quand cette histoire de "chute" sera réglée, dans la béatitude suprême après la fin du monde... Admirable solution ! Au coeur de toutes les théories religieuses, de tous les bouddhismes, de toutes les ambitions magiciennes... Et en plus, on peut y penser... 

Ainsi, cette vision béatifique, la question se pose, est elle radicalement différente de celle universelle, obtenue par la conceptualisation ? Les médiévaux diffèrent alors de Kant. Il y a pour eux deux connaissances possibles, alors que Kant n'accepte que la connaissance universelle, la connaissance empirique pure, si tant est qu'elle soit possible ne donnant aucune réalité véritable. Mieux: la connaissance expérimentale empirique et soumise à la connaissance n'est pas absolue elle même, et ne concerne nécessairement qu'un cas particulier, qui n'infirme pas de règles. Ce refus quasiment poppérien de la réalité du monde est bien à l'honneur de Kant...   

Zénon

Et puis il y a Zénon. Le stoïcien. De Cition, de Kitium, le fondateur du "portique" (Stoas), la galerie peinte de l'agora d'Athènes. Ils décrivent le non-être, et les 4 incorporels (asomaton) le lieu, le temps, le dicible et le vide. C'est ça la tinologie, la science de tout, de ce qui en plus n'existe pas, mais qui subsiste. On a donc les corporels, les incorporels et aussi les entités fictives. Tout ce qui est "ti". 

On a ainsi, selon Sénèque des choses qui entrent dans l'esprit, comme les centaures, les géants. 

Pour Zénon, la représentation c'est la "phantasia". La sensation, c'est donner son assentiment à une représentation, la considérer comme vraie ou acceptable. C'est pour cela que la perception est un jugement un échange entre l'intérieur et l'extérieur du corps. La représentation s'oppose donc au rêve ("phantasma"). La sunkatathesis, capacité de donner son assentiment et au même titre que le logos, la raison, une capacité proprement humaine. 

Au fait, "logos" est polysémique: raison, parole, verbe. Les chrétiens vous en reparleront. 

Meinong 

Meinong aurait tout pompé sur les stoïciens (6). Toute la Gegenstandtheorie ? Toute.

Elève, comme Husserl, de Brentano, il a cru révolutionner le monde avec sa philosophie. Il est pas le seul. Il pensait même remplacer la métataphysique ! 

En gros, c'est la théorie de l'"objet", basée sur l'intention de Brentano, ou la psychologie de l'acte de connaitre. Attention par contre: tout comme Husserl est absolument contre le psychologisme: l'objet existe à l'extérieur ! 

Cette histoire d'intentionalité est assez obscure, mais on dira d'abord que le mot "intentio" utilisé par Aquin traduit "logos" et veut tout dire: concept, pensée, signification, idée etc... Disons que l'intentionnel est en général ce qui est "à propos" d'un quelque chose qui est différent. 

Cette polysémie conduit Brentano à l'associer au psychique (par opposition au physique) en ce qu'il est associé au vécu, et face à quelque chose. Le psychique (jugement, imagination, pensée) parle de quelque chose. 

Pour Heidegger, tout cela est faux, et il faut parler plutôt de "comportement", celui ci dépendant à la Kant d'une apriori. 

On part là dans les conceptions de la conscience: Searle avec l'exemple de la chambre chinoise, affirme qu'il faut une intention pour être un vrai sinophone et non pas un robot imbécile. 

 

Revenons à l'objet. On a la représentation et la chose représentée, deux objets donc. Peut on avoir un objet qui ne soit QUE représentation ? Et bien non pour Meinong: il y a toujours un objet à quoi on se réfère, l'objet plus puissant que l'être ! Cette ontologie "faible" caractérise Meinong: on a compétition entre être et objet.

Meinong fait alors la classification des objets, de ce qui "subsiste". On met de coté les "êtres" réels ou idéaux. Dans le non être il y a l'indéterminé, et ce qui possède le non être, dont les objets non contradictoires (la montagne d'or) et contradictoires (le cercle carré). 

Pour Meinong et contrairement au "ex contradictione sequitur quodlibet", le contradictoire n'est pas n'importe quoi... Mieux: "il y a des objets dont il est vrai de dire qu'il n'y a pas de tels objets", la célèbre phrase du maitre. Le contradictoire c'est l'"aussersein". 

 

 

 

 

(1) Origines du transcendantalisme https://www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_2009_num_107_1_8056

(2) Le transcendantalisme https://www.cairn.info/revue-le-philosophoire-1999-3-page-89.htm

(3) Kant et Occam https://www.jstor.org/stable/40901553?read-now=1&seq=3#page_scan_tab_contents

(4) André de Muralt, politique et philosophie : https://www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_2004_num_102_2_7555_t1_0362_0000_1

(5) Boulnois: l'onto-théo-logie http://palimpsestes.fr/metaphysique/textes/ontotheologie.pdf

(6) http://www.implications-philosophiques.org/implications-epistemologiques/meinong-chez-les-stoiciens-i/#_ftn32

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