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Les économies

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Polanyi, qu'on avait déjà mentionné dans "Les démocraties" (1) est vraiment très très à la mode. Il est l'idéologue de l'alternative au capitalisme et un moyen de définir celui ci, du moins au delà du sempiternel gnangnan marxiste, ce que tout le monde cherche. A l'heure ou le peuple, sous le nom de populisme, cherche à s'abstraire de la loi instaurée par Dieu lorsqu'on s'est fait virer du paradis terrestre ("tu gagneras ta vie à la sueur de ton front"), toute intellectualisation est bonne à prendre. On a lu (2). 

Sans vouloir se répéter, on répètera le coup de la désincarcération, c'est à dire de la prise d'indépendance du marché libré "autorégulé" et mondialisé qui écrase le monde etc etc. On passera sur la Chine, évidemment pas concernée par ces considérations, le chinetoque n'est ni humain ni soumis aux lois ordinaires, comme chacun sait. 

Ce qui mérite à nouveau un coup d'oeil, c'est l'absence de conceptualisation du rôle de la nation dans ces belles conceptions de l'économie. On pourrait l'expliquer bien sur par le fait que l'élégant cavalier austro hongrois, installé aux états unis, a bien sur tout le mépris hors  sol possible pour les patries disparues dont on a plus rien à foutre, mais aussi par le réel de la volonté européenne de le refaire, ce fameux empire et donc... 

On parle de populisme et j'exprime donc ma dérive, comme portée aussi par cette post gauche qui veut à nouveau encastrer ("embedder") l'économie dans le social, au point d'avoir fondé une "sociologie économique" à l'avenir radieux. Penser ce mystérieux "capitalisme" que tout le monde dénonce, c'est important, mais quel est-t-il, vraiment? 

D'abord Polanyi dénonce la disparition des 4 piliers qui firent la prospérité (de l'empire austro hongrois): étalon or, équilibre des puissances (ach le congrès de Vienne), l'Etat libéral, et le marché autorégulateur. Disparition issue de la guerre de trente ans qui suicida l'Europe. Le fait que cela fut fait au nom des nations n'en est que plus drôle: c'est bien la grande angoisse du début du siècle qui fit tout cela, contre les empires et pour en construire un encore plus grand, réalisé pour de vrai cinquante ans dans ce centre europe dont la balkanisation coupable fut ainsi punie...  

Pas seulement au nom des nations, d'après le philosophe: c'est la "grande transformation" qui désencastra le libéralisme qui fut la cause de tout et on entre alors dans le débat. 

Cette grande transformation est celle de la "fabrique du diable", Ricardo explique Hitler, c'est ce qu'il publie en 1944.

 

Cette histoire d'encastrement est en fait issue de la distinction faite par Kar Menger le marginaliste entre les économies "formelle" et "substantive", en fait entre les théories qu'on peut faire de l'"économie" comme consacrée aux problèmes de l'acquisition de bien rares, cela d'un point de vue  "formel", ou bien à sa subordination aux activités sociales relatives à sa survie, cela d'une point de vue "anthropologique". Le débat formaliste/substantiviste est fondamental. 

L'économie est donc la science des choix par des acteurs rationnels en présence de biens rares, selon Menger le néo classique. 

On voit bien où on veut en venir, et l'importance du monsieur. D'autant qu'il va plus loin et décrit deux formes de traitement de ces entités bien connues qui sont la terre, le travail et l'argent: comme des biens que l'on peut acheter et vendre, ou comme des éléments de la nature simplement nécessaires à la survie. Il théorise ainsi la notion maléfique de "marché" comme l'intégrisme de la vente et de l'achat, oublieux des vrais besoins de la société et donc oppresseur des pauvres. 

La chose s'est ainsi exacerbée lors du développement du commerce international, la transgression des frontières transformant l'argent en une marchandise à part entière et non plus comme le signe d'une possession d'un bien à échanger: la dissociation entre les deux concepts fait alors de l'argent le cacaboudin du monde... 

Cette dénonciation de l'argent au départ commode, comme devenu pour le malheur du monde une chose à part entière est assez classique, et pourtant ça marche toujours. Ici, elle est expliquée par la relation de son activité avec la société et la présence intérieure ou extérieure à la société de l'économie fait toute la différence. D'où la fortune du concept, qui transforme une vague détestation semi spirituelle en vraie mécanisme sociologique qui permet de plus, et beaucoup ne s'y sont pas trompés, d'introduire le loup social dans la bergerie mathématique de l'inévitable...

Je reste persuadé que tout cela est assez vain et ne traduit que du post marxisme, c'est à dire la nème resucée de la dénonciation de la liberté fondamentale des humains c'est à dire de la possibilité de faire dépendre le social d'échanges choisis par des individus. L'incapacité à admettre la non existence de forces magiques unifiant les hommes. Comme si il y avait une différence entre l'épée qui défend et celle qui attaque: le meurtre comme le vol et l'exploitation ne sont que des faces possibles de l'existence, toute entière bénite ou maudite... 

Par contre, la critique porte et se trouve portée... Et puis, elle se veut descriptive, et de ce point de vue, même si l'intention on la voit venir, et Marx reste une référence, on se doit de la voir se déployer: les différentes manières dont l'économique s'intègre (s'encastre) dans la société les caractérisent. 

Polanyi, comme tout penseur des lumières y va de ses barbares, et les bien sur inévitables trobriandais, non contents de se rendre célèbres pour leurs frasques sexuelles, le sont aussi pour leurs fameux dons contre dons, à quoi on arrive pas à s'empêcher de comparer les "dons contre de l'argent à mes amis" du bourgeois gentilhomme. Il n'empêche, les sociétés sont effectivement particulières et le chef qui redistribue gentiment a un bien grande responsabilité en plus de son grand pouvoir. L'accaparement des femelles et la jouissance du roi nègre réservée à un seul est bien sur infiniment plus saine que l'ignoble mobile du gain, hélas si répandue dans l'occident. 

Pour Polanyi, ce fameux principe ne jouait pas encore dans l'antiquité, toute réduite aux simples échanges (les empires hellénistiques et romains n'étaient que des zones limitées et étroites) strictement locaux, bref la différence entre le domestique et le marché. Bien qu'apparemment absurde, l'idée a du sens en fait: le monde "moderne" est celui qui se fait caractériser par l'importance de l'économie globale dans la vie des gens. Bien que quasiment capitalistes, les sociétés antiques ne pouvaient mettre l'économie à égalité avec le politique régies par les religions et ses relations avec le pouvoirs. Les grecs avaient des marchés, mais pas de "marché" comme fin sociale. 

Ainsi donc, on pourrait se mettre à penser, et toute la  nouvelle gauche anti libérale en rêve toutes les nuits, à un monde écologico reformatté par l'éthique (et une police politique impitoyable, comme de juste) qui donnerait (ah le beau mot)  à tout le monde suivant ses besoins mais pas plus... Bien amené. 

 

 

 

(1) http://francoiscarmignola.hautetfort.com/archive/2018/07/14/les-democraties-6066513.html

(2) https://journals.openedition.org/interventionseconomiques/304 

(3) https://journals.openedition.org/interventionseconomiques/313

(4) vidéo de Jérôme Maucourant https://youtu.be/WWNYpDK2Fls

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