Les barbares
A l'occasion des visionnages et des lectures d'un jeune historien prénommé Bruno, mais nommé Dumézil, brillant et drôle et surtout merveilleusement intelligent et subtil, on considèrera les 4 thèses, anciennes mais réelles et présentes au sujet des barbares.
D'abord Gibbon: le décadentiste et fondateur de l'école du même nom. Non seulement Rome fut perdue par la faute des barbares, mais ce fut aussi celle des chrétiens, qui affaiblirent le sens militaire qui avait fait tenir l'ensemble face à des flots déchaînés qui finalement submergèrent les digues.
En 378, Andrinople, en 406 le franchissement du Rhin (la nuit de la saint sylvestre, en plus, c'est à dire le 31 Décembre), en 410 le sac de Rome, en 476 la déposition de Romulus Augustule, 711 défaite de Roderic à Guadalete (je m'égare).
Une date qui est celle du début de l'archéologie: la découverte de la tombe de Childeric, père de Clovis en 1653.
Ensuite Boullainvilliers, père de la libre pensée selon Voltaire: les germains francs ont envahi les gaules, soumis les gallo romains, et furent donc les ancêtres de la noblesse, et donc méritent leur privilèges, obtenus par la force. En cela il est anti monarchique ! Au début de la régence, un esprit fort, à l'origine de l'un des prétextes révolutionnaires à la destruction du royaume. L'opposition entre la noblesse franque et la bourgeoisie celte, clairement raciste en fait un penseur important...
Et puis l'abbé Dubos, un autre esprit fort, qui prédisit la révolte des colonies anglaises d'Amérique et surtout réfuta Boullainvilliers pour mieux servir, lui, la monarchie. Il nie l'invasion franque et les thèses racistes: les barbares sont installés depuis longtemps dans l'empire, et la noblesse est une invention romaine. La royauté, héréditaire n'est pas élective comme chez les germains et Clovis est le seul vrai successeur de Rome en Europe.
Montesquieu fut très opposé à ces thèses là: il décrit les envahisseurs comme des sauvages qui n'ont aucun droit, et Sieyes voudra renvoyer les envahisseurs dans leur marais de Franconie. C'est la thèse du sale barbare noble.
On se doit naturellement de citer les thèses des premiers concernés, les germains et allemands, décrit par Tacite avant toute invasion comme vertueux et intègres. Alors qu'on reprocha aux germains protestants barbares le sac de Rome de 1527 par Charles Quint, les luthériens citèrent Tacite pour se prévaloir de leur sainteté face à la corruption romaine, celle de leur siècle... Les allemands en pointe sur ces sujets au XIX et XXème siècles, parlèrent du Volkwanderung, les grandes migrations des peuples venus d'Allemagne. Toute la germanie moderne fantasma à mort sur la pureté de la race, on a vu ce que ça a donné, finalement.
Bien sur, on est là dans la grande fiction idéologique généralisée, au point de douter de la scientificité de l'histoire (...). Par exemple, la fameuse "histoire des goths" de Jordanes, qui situe l'origine des goths dans l'île de Gotland en Scandinavie (un pur hasard), Zalmoxis etc, est surtout une histoire latine qui répète tous les poncifs classiques connus de toute antiquité. Car le barbare fut décrit, complètement, par les anciens. Les nouveaux ne savaient rien et n'ont rien laissé ni raconté, que des toponymies. Ils avaient bien des manies (le coup du beurre rance dans la chevelure) mais cela ne prouve rien.
A partir de là on peut discuter... Tout d'abord il semble bien et les progrès récents de l'histoire et de l'archéologie le montreraient (d'après le jeune Dumézil), que Dubos ait raison: les barbares n'ont pas envahi l'empire, ce sont les impériaux qui sont devenus barbares, au point de les considérer comme leurs chefs et de vouloir les imiter. Installés aux frontières de l'Empire, connus de lui, régulièrement engagés militaires au point de fournir des généraux prestigieux et poilus, ils se rendent indispensables et ce n'est qu'accessoirement que des raids de soldats en manque de solde avec leur familles vont piller à droite à gauche. Et puis il y a les huns. Car ce sont bien pour les fuir que les braves vandales, alains, suèves, burgondes, alamans et lombards ont été forcés, bien malgré eux, à aller se réfugier dans l'Empire: pas d'invasion, un accueil désintéressé, pour sauver des innocents barbares de la barbarie. Bref les vrais barbares furent vaincus avec l'aide des faux.
Dumézil raconte une histoire compliquée: saisi par une crise économique séculaire (hausse du prix de l'esclave, baisse de la production de céréales, inflation, augmentation des impôts, cout du militaire aux frontières) l'empire cesse de construire des routes et des aqueducs, les échanges s'amenuisent, la population baisse (par exemple en Gaule, du fait des crises), et donc on a moins de contribuables et de soldats. Construit sur un prix de main d'oeuvre bas lié aux esclaves conquis au delà des frontières, le modèle économique prédateur romain trouve ses limites.
Dioclétien augmente massivement les impôts, et oblige, pour les payer, les petits propriétaires à rester attachés à leur terre. Le début de la féodalité... On invente alors (c'est Constantin qui abandonne l'argent) le "solidus" en or, le "sou", quoi. Au passage, on fond l'or des sanctuaires païens (c'est tout l'intérêt de la conversion subite au christianisme) pour payer les soldats barbares. Ces trésors là sont retrouvés en scandinavie, inutilisés. Et puis on les fait venir, en masse, au point qu'on se trouve au début du 4ème siècle, à l'abri des raids, protégés par les raideurs. En 300, on a 90% des soldats qui sont romains, en 380, on en a 70% qui sont barbares. On se met à porter des pantalons, on est plus violent (le christianisme n'arrange donc pas les choses), plus pillard, et on construit des murailles à toutes les villes. Ca commence, mais cela n'est pas une invasion.
En gros, l'empire est devenu barbare, progressivement. La présence, racisée on l'a vu, de vandales et de goths variés au sommet des hiérarchies militaires le montre bien. Même si Stilicon fut un romain loyal, il fut le dernier, et Aétius son héritier, fut surtout un copain d'enfance d'Attila en même temps que son adversaire. De toutes façons, le père d'Aetius était Scythe...
Bien sur, il y eut des raids de groupes de guerriers accompagnés de leurs familles et de leurs esclaves, mais cela ne fut jamais l'armée Mongole. Bon il y eut les Huns, mais ils se firent battre, il est vrai par contre par d'autres barbares, d'ailleurs mal traités. A ce sujet, les Huns poussèrent devant eux les goths, les Ostrogoths qu'ils soumirent et intégrèrent, les Wisigoths qui prirent la fuite, jusqu'à envahir l'empire à Andrinople.
Ce fut alors Théodoric le grand, l'Ostrogoth, le premier des nouveaux barbares, un roi qui ne fut pas empereur, le neveu du vainqueur des fils d'Attila à la bataille de la Nedao.
Il n'empêche bien sur, que les rois goths se rattachent à des dynasties (les amales pour les ostrogoths, par exemple) dont les origines légendaires, conservées et mises en avant malgré le christianisme (arien) de ces messieurs qui racisent parfaitement les lignages. Il y a par exemple un "petit" théodoric, qui n'a pas droit à la parole car de sang pas bleu. Au passage, il faut noter que Théodoric tua lui même le demi hun Odoacre, celui là même qui déposa augustule. L'ancêtre Eramanaric, qui se suicida pour échapper aux huns était vengé sur les ruines de Rome. Il faut voir que la lutte comprend aussi les champs cataloniques (en 451, Théorodoric est né en 455), et aussi la bataille de la Nedao en 454, où furent vaincu riri, fifi et loulou, les 3 fils d'Attila (en fait Ellac, Ernahk, et Dengitzic). Y participa le père de Théororic, Thiudimir...
Et maintenant.
Plutôt que de se lancer dans les généralisations d'un autre siècle, il faut regarder le nôtre: un empire dans les mêmes frontières (moins la Turquie) une invasion en douceur, des moeurs qui se mettent à ressembler à ceux des nouveaux venus, avec une brutalisation évidente et surtout une bien pensance forcenée sur fond de religion humanitaire. Nous y sommes donc, et les chrétiens veulent remettre ça: l'universalisation est insuffisante, il nous faut du sang neuf à convertir.
On se terminera par l'armée qui engage des aumôniers musulmans et se bat sur les frontières, et par le football entièrement contaminé: l'élite sportive et guerrière est virile et importée. La musique, celle des anciens esclaves était déjà devenue celle de la jeunesse. Après le blues des états d'âmes des plantations de coton, on a maintenant le rap états d'âmes des plantations d'autre chose. L'idéal masculin est noir, macho et médaillé d'or; les royautés milliardaires musicales ont bien toutes les caractéristiques du Dahomey de la grande époque, seules les femmes noires ayant le droit ou l'obligation de se presser en grand nombre autour des rois en remuant les fesses. L'écriture inclusive exclut ces comportements pour les blancs, de toutes façons la faible taille de leur sexe ne le justifie pas.
Cela a donc commencé.
Et le discours sur les barbares n'a pas fini d'être tenu. Le président Hongrois (le charmant prénom d'Attila est toujours donné là-bas) accuse la France de se laisser submerger par l'Afrique, le président Turc organise une déportation de population à l'ancienne (les turcs adorent ça, et depuis toujours) avec tribut à payer (3 Milliards quand même) pour arrêter. L'Espagne se fait sauter ses barrières juste après qu'on ait, à la demande générale, retiré les inhumaines lames tranchantes mises à leur têtes. Une invasion? Pas du tout, juste quelques centaines de touristes tout content de leurs vacances à venir (leurs doigts brandis le montre assez). Le problème, c'est que Shengen oblige, ils peuvent maintenant se balader partout dans l'empire. L'un de leurs enfants sera sans doute le nouveau mozart, ne l'oubliez pas, et puis, plus besoin de sauter quoi que ce soit: le détroit de Tariq le borgne est rempli d'esquifs, à perte de vue: il nous faut, c'est indubitable, les sauver à tout prix.