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La signification

Il est assez rare de trouver des exposés simples de la difficile théorie de la signification, over populée (qu'est ce que cette expression alambiquée peut bien vouloir dire?) dans tous les sens. On a lu (1).

Disons d'abord que tout tient au nombre d'entités explicatives. Saussure en voyait deux (signifié et signifiant) comme deux faces de la même pièce de monnaie, la chose étant reprise par les structuralistes. 

Les deux choses ont des sens et des positions différentes suivant les théories et tout cela est bien embrouillé. Cependant, on doit donner au couple l'aspect dualiste classique, quoique chez grolle, entremélé. Les deux choses sont mentales, concernent le signe, ou mieux le processus de signification, et puis on a bien sur le référent du signe, son objet final. 

La structure globale est donc en fait ternaire, et cela depuis Platon puis les stoïciens (et enfin les scholastiques qui distinguent "vox", "conceptus" et "res" bien sur. 

Le Cratyle

Bien sur Platon s'illustre sur la question. Dans le dialogue socratique appellé le "Cratyle". Il renvoie dos à dos Protagoras (Hermogène) et Héraclite (Cratyle) en niant que le signe soit pure convention ou bien pure nature. Il est (le signe) porteur de "sens", et se trouve être une image (eikon) (et donc non conventionnelle) mais imparfaite (et donc non naturelle) des choses. On a bien une structure ternaire... 

Au passage on apprendra que l'étymologie de théos (Dieu) est le mot "theein" (courir). Les anciens voyaient les étoiles courir dans le ciel. Les dieux du stade... Il faut considérer que pour Saint Grégoire c'est "flamber" (aithein) et pour Jean Damascène "contempler" (theaomai). Je prends Platon.

 

La structure

Restons on en à la structure. D'abord, elle est pour Saussure le "système" (c'est Jakobson avec ses amis russes qui imposera le mot "structure") et ensuite elle concerne la langue, un système fermé autonome indépendant des cerveaux et qui fait jouer les signes toute seule, entre signifié et signifiant. 

Le mot "structure" s'est trouvé employé bien plus largement dans les sciences sociales et ce n'est pas la même chose. 

Frege et Meinong

Frege introduit bien l'essentielle différence entre Sinn et Bedeutung (sens et référence), mais n'oublie pas la Gedanke, la pensée et aussi la représentation (Vorstellung). 

D'une certaine manière, c'est Frege qui insiste sur un caractère important et qui fit tout exploser au XXème siècle: le sens n'est pas la référence et Vénus qui identifie deux sens différent (l'étoile du soir et l'étoile du matin) est une référence unique qui n'égale pas les deux ipséités. Un nom propre désigne quelque chose et aussi, c'est toute la beauté de la chose, exprime un sens particulier. 

Cette histoire de référence se trouve critiquée et c'est tout le problème: elle peut désigner des objets fictifs ou des objets réels et c'est tout le problème. C'est pour cela que Meinong différencie existence et subsistance.  C'est pour cela aussi qu'il promeut une notion de la référence à l'intérieur de la représentation: la négation d'une référence, la non existence, a du sens aussi... 

 

La grande confusion

On se retrouve alors avec la grande confusion qui m'avait toujours embrouillé: on a en fait 4 termes voire plus, en fait un continuum triangulaire. La meilleure,  et qui me ravit, est que l'on se trouve à citer les 4 activités de l'esprit selon Jung, à l'origine du test de personnalité Meyer Briggs. La pensée, l'intuition, le sentiment et la sensation. On peut alors ranger signifié, concept, représentation et référent. 

Saussure identifiait signifié et concept, et on peut confondre concept et représentation. Il les identifiait ou plutôt les associait dans le signe, "signe psychique à deux faces".

Peirce

Peirce (pèrseuh) (4) mort en 1914, génie patenté mais américain, est bien sur trinitariste fanatique: tout va par trois chez lui et dans sa sémiotique (séméiotique dit il) depuis la tripartition du signe lui même (icone, symbole, indice), les trois catégories fondamentales de l'être (priméité, secondarité et tertiarité), et bien sur la tripartition du signe ou "representamen" en "fondement",(ou "premier"), "objet" et "interprétant".

Il y a donc bien sur 3 sciences dérivées, grammaire, logique et réthorique et les 3 formes du raisonnement hypothèse, induction déduction. Pour finir, la linguistique c'est syntaxe, sémantique et pragmatique. 

En gros, la signification est une interaction entre les trois catégories, valable et active partout, et source de toutes les considérations. Les 3 catégories se divisent et au final tout signe peut être classé dans l'une des 10 classes fondamentales. 

Un signe c'est quelque chose qui tient lieu pour quelqu'un de quelque chose sous un certain rapport. 

La proposition

On va au cran d'après, au coeur des considérations Frege Russel: la proposition. D'abord, elle se compare au simple nom (et la chose est d'importance) en ce que sa référence, selon Frege, a une valeur de vérité alors que le simple nom a une référence objectivée. Cette distinction est un fondamental et classifie les philosophies de la signification.

Pour W., par contre, la signification d'une proposition est une image du réel et donc W. introduit et cela serait son apport fondamental, la dualité de la nature de la proposition porteuse de deux notions différentes: vérité et réalité.

On en vient à  son fameux slogan: "la signification c'est l'usage", c'est à dire que c'est l'activité, l'application des règles, l'interaction qui fait la signification. Le point intéressant, à rappeler encore et encore est qu'on a ici une approche "vérificationniste" de la signification, de ce qui fait sens: Popper lui affirmera encore et toujours qu'il n'y a de sens (scientifique) qu'à partir de l'exhibition des possible falsifications ! 

Par contre, W. refuse bien le platonisme des objets mathématiques abstraits, désignés et rendus signifiants en même temps par Frege: c'est par un calcul que 2+2 fait 4, nul besoin d'un objet. "Tout est algorithme, rien n'est signification". De ce point de vue il semblerait bien donc que W. soit bien un précurseur, avec sa distinction entre calcul logique (celui de Russel Frege) et calcul fonctionnel, de la notion de "déduction sous hypothèses"

Mieux, W. est un intuitionniste, en fait.

SOAP: Alors que bien sur le positivisme de Frege méprise le calcul et assimile signification et pointage, ce que dénonce le constructivisme pour qui il n'y a que construction, et donc calcul, l'objet indépendant garde un sens: il est le réel derrière la nécessité du calcul et c'est bien cette nécessité là qui prouve le réel. Car l'objet abstrait qu'il suffirait de nommer est un peu trop dans notre esprit déjà. Atteint par un calcul qui pourrait ne pas converger, et bien il se trouve en dehors, et ses propriétés se découvrent hors du langage... 

 

Linguistique

On entre alors dans la linguistique à proprement parler.

La classification des assertions propositionnelles entre jugement de vérité et jugements factuels est subtile et profonde. On peut l'introduire par les modalités qui sont caractéristiques des deux sortes de jugements: 

-"vraiment","effectivement", "en fait", "réellement" concerne la réalité.

-"être", "surement", "probablement", "sans doute" concerne la vérité.

Lacan et le symbolique

Lacan qui se voulait l'héritier et le ré interprétant de Freud, associe psychanalyse et sémiotique à partir du signifiant de Saussure qu'il met à toutes les sauces et en particulier dans l'inconscient en lui faisant organiser le symbolique. Les signifiant est le symbole, et le psychisme s'insère dans le symbolique. Le signifiant apparait comme très objectifié, il est un code, et le symbolique fonctionne comme un machine cybernétique.

La fameuse structure de Levi Strauss, squelette de l'ordre symbolique qui préside au phallus est bien là. Un signifiant suprême, un objet G? 

En passant, les expressions saillies de Lacan doivent être collectionnées: l'inconscient c'est le discours de l'autre, l'inconscient est structuré comme un langage, il n'y a pas de métalangage, le signifiant c'est ce qui représente le sujet pour un autre signifiant.  

J'y ajouterais une citation mille fois faite, et issue de son public, paradoxalement passionné: "mais bon sang de bon soir, qu'est ce qu'il veut dire? "

Les actes de langage

Et puis il y a aussi les "actes" de langage, qui donnent aux phrases des significations au delà de la simple assertions. On promet, on ordonne etc. Il n'y a pas que les assertions dans la vie...  

L'avenir

Au delà de ces remarques didactiques, il faut considérer Girard et ses projets tout à fait actuels de révolutionner la logique. Serait on à la limite d'un saut décisif dans un autre monde ? Le fait est que, et toutes ces lectures tournent autour de cela, que nous sommes bien dans le grand mystère dont parlait Wittgenstein: la négation et sa nature asymétrique.

"Il y a là un grand mystère. C’est le mystère de la négation : les choses ne se passent pas ainsi et pourtant nous pouvons dire comment les choses ne se passent pas". 

A ce propos, je me permettrais de rappeler que "aletheia", la vérité en Grec est un privatif ("a") du nécessaire oubli de la vérité éprouvé après un bain dans le léthé nécessaire pour revenir sur terre, l'oubli des vérités vraies étant nécessaire...  

La négation serait donc dans le langage et pas dans la réalité? 

Ce que je comprends à l'heure actuelle des hurlements girardiens est lié à la fameuse distinction usine/usage: on teste l'objet manufacturé sur quelques critères seulement, et on l'utilise pour tout et n'importe quoi en étant sur qu'il marche... Ce n'est pas pareil ne ne PAS échouer sur quelques points et de toujours réussir sur tout... 

 

Tarksi et la vérité

On vient de parler des hurlements de Girard, il faut dire qu'ils sont bien orientés en la défaveur du pauvre Tarski, qui se fait appeler Alfred avec régularité... On reproche à Tarski son obstination circulaire (en fait régressive à l'infini) à définir la vérité en fonction d'une autre vérité dans un soi disant métalangage bien sur, mais lui même indéfini ou plutôt trop facilement défini lui même, et de la même manière. 

Cette question de la sémantique est bien entendu primordiale et Girard, comme anti réaliste soit faire de la structure de la règle logique (sans doute la règle de déduction, immortelle invention de Gentzen) le seul support de la signification véritable des règles et constantes logiques. 

On peut donc se passer tout à fait de cette notion cul cul de vérité, voilà l'enjeu. 

 

(1) http://journals.openedition.org/germanica/2472

(2) https://www.cairn.info/revue-archives-de-philosophie-2003-3-page-481.htm

(3) https://www.erudit.org/fr/revues/philoso/2012-v39-n1-philoso0186/1011612ar/

(4) http://www.persee.fr/doc/lgge_0458-726x_1980_num_14_58_1844

(5) https://www.cairn.info/revue-cliniques-mediterraneennes-2003-2-page-131.htm

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