Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Le Mal

La question du mal, avant que nous ne lancions dans des invocations variées à Lucifer, doit d'abord avoir lieu à propos de la gnose, première idéologie moderne à considérer un Dieu vraiment double, un créateur mauvais responsable de toutes les imperfections du monde, et un Dieu inconnu origine d'une lumière dont nous possédons des fragments, malgré tout... 

Car cette histoire d'ange déchu et de serpent, qui génère ces histoires de responsabilité individuelle, de péché personnalisé avec ses variantes pour enfants, pour femmes et pour vieillards sont très en deçà de ce qu'on attend du vrai mal, le gras, le gros, avec ses destructions aveugles et sa totale insensibilité aux destins individuels: le vrai mal s'abat sur tout le monde, et c'est bien de cela qu'il faut discuter. 

Le modèle du mal que produisent les gnoses sont bien sur les plus convaincantes (et les plus fascinantes). Elles furent décrites par Hans Jonas en 1928 d'une manière particulière, un peu dans mon genre: il s'agissait de trouver l'"esprit" ou l'"idée" de la gnose, plus que de décrire scrupuleusement en détails l'insensé fatras de ces ontologies démentes toutes plus tordues les unes que les autres... 

Jonas, fondateur (supposé, disons l'un d'entre eux) de la pensée écolo, passa de sa thèse qu'il fit sous la direction de H. lui même. Bien sur il mordit la main qui le nourrissait et entendit ainsi confondre H. comme nihiliste. Sioniste ultra, il débarque en palestine en 1935, se bat contre les nazis pendant la guerre, pour Israël en 48 et publie en 1979 le "principe responsabilité" qui le consacre. 

Heidegger et Nietzsche

D'abord clarifions les relations enter H. et N. (1). En gros, le nihilisme, décrit par N. comme celui des faibles (les chrétiens) et celui des forts (le surhomme) est considéré par H. comme du platonisme. "Nietzsche is der zügellozigste platoniker", c'est dire. Bien que méritoires, les efforts de N. pour rompre avec la métaphysique occidentale sont clairement insuffisants.

Seule une rupture avec le transcendant ET le transcendental vaut. H. ne pouvant rompre avec le transcendant, s'inflige donc le diable (le transcendant non créateur) et le conceptualise: voilà donc ce qu'il y a dans la clairière, le pur évènement, celui qui toujours nie, même le principe de non contradiction!  

Voilà donc la plus magnifique définition du mal qu'on puisse donner, et H. étant nazi cela accentue le coté sulfureux de la chose. 

Jonas

Mais il faut revenir à Jonas. Jonas considère H. comme un gnostique dégénéré et s'oppose à lui. C'est la première chose, mais il en garde bien des caractéristiques et c'est cela le rigolo du mal: il laisse des traces. Quel thésard de H. s'en est sorti indemne? 

On doit bien sur parler de Ernst Bloch, resté en Allemagne de l'Est jusqu'en 61, qui publia le "Principe Espérance". Post marxiste en diable (comme on dit), le philosophe, qui se disait "degoch" nous apprends donc l'inéluctable et cosmique nécessité du mal euh de la rédemption des pauvres, objet G, au coeur de la spiritualité de bien des "penseurs" et autre vieux cons électeurs des partis socialistes variés, la sinistrogyralité leur étant chevillé à la glande pinéale.

Je parle bien ici de tous ces vieux philosophes qui n'en finissent pas de mourir après avoir injecté dans trois générations d'abrutis mondains et suiveurs l'obligation à re-voter Mitterand... Mon dégout et mon mépris pour ces contempteurs du capitalisme, gnostiques de normale sup et honte de l'intelligence française, est infini; imaginez le niveau de mon respect pour les crétins (et les salopes) qu'ils ont séduit. 

Pour ce qui concerne Jonas, on a clairement le cran du dessus: il tente de poser "le vivant" comme principe de l'être, et veut fonder, c'est ce qui en fait le penseur écolo qu'on révère, une nouvelle ontologie avec ça. L'homme, sommet du vivant devient alors responsable de la création... Au passage on a bien la conception de la technique autonome devenue dangereuse, la main de H. dans la culotte du zouave. 

L'idée est parfaitement moderne et situe le monsieur après la 2ème guerre mondiale, il publia "le concept de Dieu après Auschwitz", en gros la récupération par l'homme du contrôle des opérations après le silence de Dieu pendant la Shoah. On dépasse donc le nihilisme suscité par la sécularisation, c'est ça l'idée... 

Le principe est bien sur une tentative, partiellement la tentative postmoderne, de nous réenfiler un objet G car il le faut bien. Comme si cela était inéluctable... Il faut noter que le transfert de "responsabilité" est bien à ce niveau, Dieu étant soit incapable (ou bien alors simplement d'éclairer), soit délibérément opposé à notre bien être, nous devons nous substituer à sa capacité pourtant considérée autrefois comme grande, d'aimer tout le vivant, y compris sans doute les poux, très utiles, comme chacun sait. 

En parlant des poux et de la polysémie que le mot suggère, on se livrera pieds et poings liés à la "tyrannie bienveillante" de Jonas, qui est bien ce que veut le petit monde écolo, que je conchie au passage. 

La technique 

La pensée de la technique comme "autonome" est sans doute l'une des pierres d'achoppement de notre époque. Le concept, issu bien sur de toutes les idées baroques des maitres en sociologie obsédés par le concept expliquant tout, par l'objet G que j'ai trouvé moi, le voilà, a un rapport avec les conceptions modernes de la vie (par exemple l'évolution) conçues comme des machines à information solitaires, et donc autonomes: ce qui arrive aux choses devrait arriver aux idées.  

Bien sur la notion de robots bientôt supérieurs à l'homme se déduit immédiatement du concept premier: le danger est là et on ne sait plus très bien qui est qui, entre des machines qui deviennent des hommes ou des hommes qui deviennent des machines, comme sous hommes ou sur hommes, on ne sait pas non plus. Au fait les machines ont aussi le problème: vont elles remplacer/imiter les crétins ou les génies? 

 La conservation

Dans cet univers menaçant, la responsabilité c'est conserver: l'image de l'homme (et de la femme?) doit être protégée, et toutes les précautions se valent: on aboutit à une sacralisation et Jonas ne s'en cache pas. Successeur de Dieu, l'homme se doit de respecter ce dont il a la charge. Et sa liberté est fragile, donc la voilà la belle éthique. Comme on est loin de la liberté totale de Dieu et de l'Homme que décrivait Scot ! 

Bon, il faut dire que Jonas considère la gnose comme la tentation qui nous ferait échapper à notre responsabilité, c'est sa thèse. La gnose s'identifie au dualisme comme le représentant et la manifestant. De manière générale, Jonas condamne non seulement l'existentialisme mais aussi Descartes et tout ce qui fait que le monde est privé de substance spirituelle. C'est cela qu'il faut réfuter selon lui. 

Ainsi les ressources sont limitées, et il faut les partager, voilà le fond de la nouvelle éthique.

La mort

Mais on peut aller encore plus loin: la vie animale sujette à la mort nous a fait développer une "ontologie de la mort" critiquable, moins en tout cas que chez végétaux, de ce point de vue bien plus proche de l'essence de la vie globalement. On en vient au végétarianisme, seul moyen de se nourrir, et donc de vivre, sans donner la mort. Comment en effet se reprocher de "tuer" une plante? Quoique. 

Certains pourraient dire que coupée de ses racines (...) le pauvre brin continuerait de vivre et sa transformation dans mon estomac n'en fera que changer la forme de bactérie à bactérie. Je serais alors par symétrie, transformé en plante de l'intérieur. Un peu contourné comme délire, et tout est bon pour m'innocenter.

De fait, et sans rire, on sait que les arbres et en fait tous les végétaux disposent de systèmes de communication globaux qui les maintiennent en équilibre dans leur environnement, voire entre eux (2). Toute ivresse solitaire face à une plante verte donne accès à son âme  (celle de la plante) et celle ci a une existence manifeste. Tuer cet être est un crime et il nous faut l'assumer, voilà mon point de vue. Et puis on peut tuer pour mieux que se nourrir, pour se protéger. Qui veut sauver la punaise de lit?

Ainsi le mal n'est pas absolu dans l'acte de destruction ou l'acte d'oubli de l'être: TOUT a un être et refuser le mal en ce sens, c'est mourir soi même, de faim ou de gratouillis infectieux. Inclus dans une hiérarchie d'êtres et de choix, le meurtre est principal est n'est PAS le mal en soi, car le refuser c'est se tuer soi même, impossible d'en sortir. Structurellement et logiquement enchâssé dans le choix moral,  le mal assumé comme oubli, mépris ou instrumentalisation de l'autre est une responsabilité et la destruction de la nature doit être assumée. 

Comment penser la régulation de ces destructions, de manière à éviter la destruction totale, ou l'égoïste extermination de ce que mon voisin de palier peut bien décider un jour qu'il est colère? 

On peut interdire le suicide ou en faire une grande cause nationale, mais est ce là l'objet de l'écologie? Car la volonté de condamner le monde suicidaire qui produit l'effet de serre, ou bien de considérer le monde comme fini et à distribuer chichement, c'est le considérer comme mauvais en fait: seuls les pneumatiques inspirés par le GIEC ou l'organisme central de la redistribution auraient droit de cité, et l'humble fourneau à charbon ou la vache qui pète ignobles créatures du démiurge maudit. Autrement dit l'éthique de l'écologie EST dualiste. En son tréfond.

Elle traduit une volonté désespérée de substituer un acteur central au désordre de la vie et à sa volonté anarchique de produire des effets à toute force. Car l'homme, l'acteur de l'anthropocène est un phénomène naturel, comme le nom de l'autocontradictoire expression le montre sans le dire: faut-il l'éradiquer lui, pour protéger le reste ? Il n'a pas de statut particulier dans le monde à moins que l'on ne le soit un peu, dualiste... 

Revenons à cette idée des plantes qui pensent (2): on pourrait juger la nature responsable, ou bien la défendre comme un bébé immature incapable de se protéger, ou bien imaginer que sa fièvre a pour objet de se soigner elle même: qui a dit que seul le réchauffement climatique pourra empêcher cette monstrueuse poussée démographique produite par le sous développement sur-aidé (les fameux "petits chinois" des années trente) et vraie cause globale de nos problèmes d'environnement actuels ? 

 

 

 

(1) H. et N. http://www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_1968_num_66_91_5445

(2) http://www.laviedesidees.fr/Les-arbres-et-les-signes.html#nh2

Les commentaires sont fermés.