Le ton
Il y a dans l'appréciation des choses, dans le ton utilisé pour parler des choses, des caractéristiques qui dépendent du rôle que l'on occupe dans ce qu'il faut bien appeler le "système". Je voudrais parler ici des journalistes, des éditorialistes, bref de ceux qui expriment, sous l'angle de la neutralité journalistique, leur vision du monde.
Ces types de jugements sont importants car ils correspondent, au moins à titre de figure rhétorique, à ce que pourraient dire des représentants choisis au hasard parmi la population: à priori objectifs, ils réfléchissent, pèsent le pour et le contre, et décrivent la réalité telle qu'elle "est". Dans une démocratie, ce ton est important, car même si il existe des sensibilités différentes, elles sont portées par des gens ayant fait des études comparables, ayant lu les mêmes livres et les mêmes revues et donc étant susceptibles de prononcer des jugement comparables, construisant ainsi la volonté générale dans le débat entre pairs.
Ainsi, le discours de commentaire journalistique fait ainsi toujours "semblant" d'être naïf, utilisant le principe de la balance entre opposés pour réfléchir ou exprimer des opinions. Bien entendu, la neutralité n'est pas de ce monde, et toute expression favorise toujours, sinon un soutien, du moins une tropisme, comme on dit, en faveur de certaines opinions, le contrôle de la balance permettant d'en favoriser certaines à l'occasion, sans y toucher, mais pas plus.
Et bien il semble qu'en ces temps un peu perturbés, cet équilibre n'a plus lieu d'être. Une politique est menée, qui se trouve hors de l'équilibre. Enfoncé dans une position extrême, l'un des camps perd les pédales et exagère ce qu'il devrait modérer: une confiance se perd, on n'a plus à attendre une prise en compte mais à deviner le prochain coup. Le conflit est ouvert: il n'y a plus que la violence, dont l'intensité n'a d'objet que la destruction.
Il est possible que cela ait commencé du temps de Sarkozy: une expression gourmande de violence non retenue a allumé de la part des hypocrites la levée de la haine. Nous en payons les effets aujourd'hui et la venue de l'échec allume davantage le feu: il n'y a plus de retenue.
Surprenant de voir que cela suivit dix ans (1995-2005) d'une volonté caractérisée d'apaiser, au prix de tous les abandons. Apaiser car la déchirure était là et qu'il fallait réparer, réparer: l'inaction, la subvention, la dette et l'effondrement suivit. Encore dix ans de tensions, de yeux au ciel, et surtout d'échecs, de chômage et de désespérance, et nous y voilà. Une crise plus tard, en retard partout, nous sommes, nous le premier pays d'Europe, le premier aussi à lui avoir dit non, aujourd'hui en dessous de toutes les normalités: dépenses publiques, dépenses sociales, chômage, dette, croissance, industrie, le dernier de la classe...
Les chiffres accablants sont cités au journaliste de France Culture: il répond qu'après les attentats, l'autorité de François Hollande s'est affirmée... Argument contre argument, voilà la balance qu'elle est faite. A pleurer.
Car le chiasme est total: (...), il n'y a pas à discuter: les politiques mises en oeuvre sont les bonnes, évidemment. Comment faire plus libéral que Macron ? Comment inverser davantage la courbe du chômage dont la prévision vaut réalisation, la ministre parlant de de stabilisation en voie ? Comment faire mieux la guerre au terrorisme qu'en envoyant l'armée, Claude Bartolone président de l'assemblée nationale, en campagne électorale, parlant de réaction "au bon moment" ?
Une telle folie et une telle perte de la conscience des choses est très inquiétante: quand on augmente les impôts, on le fait massivement, quand on veut modifier la constitution, on instaure une ... on se demande quoi. Incompétent, sauteur mais surtout complètement taré, voilà le pouvoir en France.
Nous en sommes là: il n'y a plus de débat et les révoltés de gauche contre ces gens là doivent éprouver des sentiments voisins, qui ne pourront bientôt plus s'apaiser que par des moyens plus individualisés.
Car la souffrance d'innocents défoule certes, habituellement, mais là il va falloir que le défoulement soit mené plus énergiquement. Ce sera le prix à payer pour un délabrement qui s'accentue dangereusement.
P.S. Pardon d'avoir parlé des révoltés de la gauche mais un auditeur de Brice Couturier décida cette semaine de l'abandonner pour excès de libéralisme. Comme quoi on en a tous vraiment marre.