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  • Les droits internationaux

    Que l'on prenne l'Ukraine ou Gaza, les droits internationaux s'invoquent et servent de justification variés. Qu'en dire et que penser ? 

    En gros, on suivra la position "réaliste" (ou école, ou vision) en matière de relations internationales et de pensée de ses intérêts et aussi du monde. C'est le cas de Chauprade (1) et cela donne lieu à certaines réflexions et aussi à certaines critiques. 

    Tout d'abord, le constat de la disparition de ce qu'on a longtemps appelé le "droit international": initié lors de l'affaire yougoslave, la destruction des pays, des empires et aussi les manipulations de frontières par les plus forts militairement a ouvert la boite. Le passage à encore plus grand, avec polémiques à la clé dans le camp du bien, lors de l'affaire irakienne, a scellé l'affaire: le monde est rompu et chaque camp prétend à l'universalité. 

    L'un deux, nouveau, et d'une certaine manière issu des violations passées (russes en Afghanistan, américaines en Irak), est l'islam-isme qui prétend, c'est récent, que ses lois s'étendent partout. La chose est d'importance et cet universalisme là doit être apprécié et compris comme élément d'une confrontation: l'heure n'est plus à la gentille indulgence que l'on se doit d'avoir envers des pratiques exotiques localisées à des territoires barbares, ou même à des zones de non droit limitées, mais bien au combat direct. Vous me traitez comme un ennemi, vous êtes donc le mien et je vous détruirai ! 

    Voilà donc une première conséquence de ces considérations, avec la découverte d'un nouvel état du monde, bien moins connu qu'on ne croit, voire soigneusement occulté, en gros toute la position officielle généralement acceptée par les institutions et aussi par les opinions cela de l'extrême gauche à l'extrême droite (l'islam est considéré "compatible" avec la République par Marine Le Pen). Or l'islam n'a pas vocation à être pratiqué de manière laïque.  À moins que l'on ne l'y force avec la "violence" nécessaire. Ce point, à imposer, est aujourd'hui pratiquement délictuel, dans l'état actuel de la pensée du monde admise, et pourtant, on a bien des soi-disant citoyens français qui disent ouvertement qu'une loi divine a vocation à être respectée en tant que telle dans l'espace public, voire à être instaurée dans le futur, malgré son contenu que tout être humain normalement constitué ne peut que mépriser avec dégout et bien sûr refuser avec hauteur qu'on puisse même discuter de cette instauration. 

    Mais il y a d'autres conséquences et elle concernent les deux évènements en cours du moment: l'Ukraine et Gaza. 

    Pour ce qui concerne l'Ukraine, on notera la séparation en 3 camps du monde: USA, Europe, Russie. Le 4ème camp, le Chinois, rigole. En guerre contre l'Europe, les USA ont allumé le feu, accompli leur but de guerre et se retirent, laissant à la bêtise et surtout à la corruption de l'Europe le soin de finir de nettoyer le désastre. La Russie, fière mais isolée, regrette tout cela et se prépare à survivre un certain temps dans une position difficile qu'elle va pourtant tenter d'assumer quitte à entamer un voyage dans le futur dangereux.

    Le droit international là-dedans ne jouera aucun rôle. Inconséquent et défendu par l'indéfendable, il se déconsidère davantage à chacune de ses invocations, que ce soit le mépris affiché par les signataires de traités internationaux envers leur signature, la convocation d'un chef d'État membre du conseil de sécurité devant un tribunal futile, ou les applaudissements décernés à un ex-nazi dans l'enceinte d'un Parlement occidental, sans parler de la revente sur les marchés européens de céréales dont on déclare qu'elles vont manquer au tiers monde du fait de la Russie. 

    Pour ce qui concerne Gaza, la question est un peu différente et pourtant se pose là de la même manière. Revenons en arrière et parlons de la communication internationale au sujet de la chose, l'indignation d'ici ou de là faisant appel à une notion "internationale" de la justice et donc du droit. Unanime en Occident au sujet de l'agression "unprovoked" de l'Ukraine par la Russie, le sentiment global joue avec la possibilité nécessaire d'une guerre nucléaire mondiale et considère, avec presque la même unanimité, que le pogrome du 7 octobre, acte de résistance, était justifié à postériori par la violence injustifiable de la réaction en regard à qui on attribue sans preuve un nombre de morts civils à peine supérieur à celui qu'on a infligé à la ville de Mossoul, bombardée sans trêve 9 mois sans l'ombre d'une protestation, la totalité de la responsabilité étant attribuée à l'agressé finalement vaincu. 

    Cette question de la communication clive le camp des géopoliticiens pro russes, tous anti-israéliens ou du moins fasciné par la "défaite" communicationnelle d'Israël, pourtant lui-même toujours tétanisé par les meurtres, les viols et la centaine d'otages innocents. Cette tétanie, en forme d'indifférence totale pour le peuple de barbares qui dansa le jour de l'attaque, illustre pourtant ce que reconnait Chauprade à son avantage: réalistement, un conflit "à mort" est en cours, et le droit international, déjà déconsidéré ne peut pas s'appliquer, les signataires de tout accord sur la question ne pouvant que se tirer mutuellement des balles dans la tête le jour convenu de la paix. Sauf à vouloir faire des compromis, mais exclusivement dans le camp des spectateurs engagés dans des débats enfiévrés à des milliers de kilomètres, comme si  seuls comptaient dans l'histoire leurs petits émois d'informés par les réseaux sociaux.

    Il nous faut donc associer cette histoire de "droit international" à ce qu'elle évoque en fait: l'élément communication de l'aspect "hybride" de toute guerre au sens plein, l'attribution de la "raison" (au sens de la "justification") aux tenants du conflit, qui se disputent d'abord la faveur du bien, étant nécessaire; on comprend mieux pourquoi seuls les rois sacrés tenant leur victoire future du Dieu de leur camp, peuvent diriger les armées qui vont s'affronter. 

    La guerre hybride, sortant l'argument tant qu'on y est, est portée par le "cyber", et aussi à travers l'intelligence artificielle que cela implique, par les drones, éléments nouveaux de la guerre moderne, maintenant manifestement omniprésents, nous avons changé d'ère. Étonnant aussi de remarquer cette ressortie d'un terme considéré ringard avant par les tenants de l'internet, de l'informatique et des ordinateurs. Le "cyber" c'est aussi le "management" tiré des feed backs organisationnels et des "process" connus exclusivement comme organisationnel, précisément, le sens purement informatique du mot étant occulté... 

    Que la guerre se situe aussi là est donc à la fois évident et troublant, comme si la pensée elle-même du conflit et donc sa perception en tant que conflit, était déjà le conflit lui-même, et cela avant même que la violence se déchaine. 

    On évoquera alors la fameuse légende du "politique par d'autres moyens" pour définir la guerre, alors qu'on assiste au contraire, soit une coalition occidentale contre une agression "injuste" d'une part et d'autre part contre la réaction violente à une agression "injuste mais". Comme si, du fait de cette satanée (le mot est juste) communication, la politique (morale, forcément morale) était juste suscitée et rendue incontournable par un "inacceptable" acte de violence, dans le deuxième cas d'ailleurs conçu pour avoir cela (la coalition indignée contre la réaction en retour) comme but. Dans cette affaire, c'est bien Poutine qui fut un classique, n'ayant tenté (et manqué de peu) qu'un accord de paix imposé par une brutalité minimale et qui depuis mène une classique guerre de spoliation territoriale à la demande des habitants concernés. 

    Par contre, on peut le dire, et là Clausewitz a raison, dans les deux cas, on eut bien la fameuse "montée aux extrêmes" enchainements de délirants appels à la violence avec en retour les morts par centaines de milliers. 

    Mais revenons à la guerre hybride: cette guerre a ses constantes, ses armes et ses méthodes. La première d'entre elles est la fameuse "stratégie du chaos" , qui induit chez l'adversaire (adversaire qui peut être chez soi, un partisan de l'ennemi) des sentiments contradictoires au sens plein. Le meilleur exemple est Poutine image de la gauche communiste toujours à la manoeuvre pour la victoire du prolétariat d'une part et aussi représentant de la victoire de l'extrême droite orthodoxe qui restaure l'empire byzantin d'autre part. Sans parler du cosmisme: Poutine est un transhumaniste caché, qui va lancer la Russie dans les étoiles au nom d'une spiritualité angélique. Tout cela en même temps, dans des publics différents, partisans et ennemis du narratif tous ligués pour s'opposer et délirer tous ensemble... 

     

     

    (1) Aymeric Chauprade à Omerta https://www.youtube.com/watch?v=GxOh7HZGyas