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  • Les Démocraties

    La question de la définition de la démocratie, de son état et de son futur est re-posée. Avec talent et vigueur, par un couple étrange de bordelais: Pébarthe et Stiegler (2) (3).

    Christophe Pébarthe est un helléniste de première catégorie (1) qui s'est toqué d'une point aveugle de l'historiographie grecque, la "démocratie", pratique ignorée par les grands anciens, plutôt intéressé par la politique, la culture ou l'esprit. Il en déduit des principes énoncés avec un ton très pré-revolutionnaire, et en cet âge troublé qui donne envie de foutre en l'air l'atroce corruption inefficace et ruineuse qui préside à notre déclin en forme d'effondrement, c'est précieux. 

    Les 10 000 personnes rassemblées sur la Pnyx (une colline d'Athènes) dirigeaient, formés en démocratie directe, avec un esprit de cette pratique particulier, décrits avec bonheur et enthousiaste par un Pébarthe enflammé et convaincant. 

    Quelques dates: Clisthène instaure la chose en 510 , Marathon c'est en 490 et de 431 à 404 (trente ans), c'est la guerre du Péloponèse qui met fin à l'aventure ou du moins à la puissance d'Athènes. La peste d'Athènes tue Péricles en 429.

    Trois concepts, Isagoria (égalité de prise de parole) Isonomia (égalité devant la loi) Parrheisia (liberté de tout dire au nom de tous) et on en oublie: il y a des principes fondamentaux qui ne ressortent pas de la "justice", mais de l'exercice de la démocratie, la vraie.

    La pareisia, assimilée par Pébarthe à la laïcité, se définit par l'acceptation essentielle que sa vérité propre ne l'est pas pour tous forcément et peut s'affirmer telle, à la fois particulière et non pas générale: l'intérêt général, le vrai pourrait donc sortir de cette confrontation entre libertés qui tolèrent leurs différences d'avec la décision finale, qui devient alors l'objectif d'un mode de gouvernement qui se veut pratique. Cette histoire de "laïcité" permet alors de comparer les universels: le sien, celui des autres, celui de tous... 

    La réflexion est profonde et commence par assimiler le politique à une confrontation avec le savoir, et surtout le savoir global qui justifie et rend possible l'agir, et surtout l'agir collectif. Local/global individuel/collectif, le fond du problème est là et peut-on savoir où on en est ? 

    Car l'aporie est de taille: mon opinion vient de chez moi, de ma personne. Comment puis je avoir accès à celle des autres, ennemies ou trop différentes, et qui plus est à une qui serait souhaitable au point de conduire à une action collective qui influerait sur tous ? Comment un intérêt particulier pourrait il permettre un intérêt de surplomb qui serait général? 

    La solution est alors exclusivement pratique, et résout le problème, apparemment personnel, en le transformant en méthode de gouvernement. Non pas méthode pour choisir des représentants, ou soumettre à une décision, mais pour élaborer la décision et ainsi, la faire respecter. 

    Pébarthe (et aussi Stiegler) veulent ainsi donner une épine dorsale aux rassemblements révolutionnaires à venir, au-delà des nuits debouts et autres discussions entre antifas: le débat en question suppose et exige de prendre en compte les anti nucléaires, voire (j'en ai des tremblements dans les poings) le "front national"... 

    Stiegler mène depuis le Covid une lutte féroce contre la chose qui fut mise en oeuvre à l'occasion et qui a séduit (tout comme la chose qui a géré les gilets jaunes) au point de permettre sa réélection. Le paradoxe, patent et qui moi m'ébranle, la stimule: elle veut continuer à agir au lieu de tirer l'échelle, comme la logique l'exigerait. Gloire à elle ! Elle est jeune et belle et je lui souhaite bien du plaisir. En tout cas, bien qu'issue de la gauche, elle met en oeuvre un ensemble de raisonnements et de "pratiques de discours" qui la rendent en apparence absolument pure (voire immune) de bien des véroles. 

    Pour l'exemple, sa réponse furieuse, comme femme philosophe branchée à la langue bien pendue, à la question du vote des femmes dans la démocratie athénienne: et alors ? Qui se soucie du vote des femmes pendant la "République" de 1871 à 1945 ? Le concept, pratique et théorique de la démocratie est indépendant du fait que les femmes votent ou non. Cette attitude philosophique maniant l'essence des choses est tellement décalée, tellement improbable à notre époque de débiles taraudés par la vérole égalitariste (la question puante posée d'un ton agressif par une greluche barrée que je conchie au passage se fait répondre avec une puissance magnifique porteuse de la vraie virilité ) ! 

    Néanmoins, un certain nombre des points d'étapes qu'elle décrit sont plus ou moins faux et liés à son histoire personnelle (d'ailleurs paisiblement et honnêtement revendiquée) de gauche. On résumera les deux motivations du libéralisme ancien et néo à museler le peuple: d'abord sa misère abrutie manifeste dans les sociétés anciennes (les intellos du XVIII ème vivaient au milieu d'un tiers monde désespérant très en decà des bergeries de Marie Antoinette), puis il faut le dire sa tendance au moins aussi abrutie à se toquer de communisme ou de fascisme dans les années 30. Ajoutez à cela le fait que les classes moyennes pourtant dressées à coup de guerres mondiales perdues se soient encore toquées de socialisme à peine 40 ans plus tard et on a la totale: le peuple est complètement con, fait n'importe quoi et en voilà la preuve. 

    On peut y ajouter la conscience de l'actualité immédiate: soumis à ce que teste l'histoire, une pandémie suivie d'une guerre en europe, le peuple en question s'est soumis aux mensonges sans moufter, dominé et écrasé par plus fort que lui donc, et on ne voit pas pourquoi cela cesserait tellement ca se déroule sans accrocs. Le système est rodé et fonctionne, on n'en changera pas. 

    De fait, admiratif du dispositif, je ne peux que souhaiter son succès à part qu'objectivement, cette belle mécanique de domination pour des raisons mystérieuses ne sert à rien et accumule les décisions stupides à quoi rien ne peut s'opposer (c'est là le problème). Décisions qui vont précipiter sa ruine de manière imminente. Comme quoi. Ainsi donc, ce n'est pas le peuple qui gouverne, mais les évènements. Comme toujours dans l'histoire. 

     

    (1) la mort de de Romilly par Pebarthe https://blogs.mediapart.fr/christophe-pebarthe/blog/191210/les-deux-morts-de-lhelleniste-jacqueline-de-romilly?userid=448b35d6-949a-44b9-8c6d-f849b60ee7e0

    (2) Pebarthe Stiegler https://www.youtube.com/watch?v=0VTTxBJ2rJQ

    (3) Pebarthe Stiegler https://youtu.be/cpI4yBr4onY

    (4) 

  • Les interprétations quantiques

    On avait dans http://francoiscarmignola.hautetfort.com/archive/2019/01/04/les-ontologies-du-quantique-6118078.html évoqué des ontologies inutiles, on se doit aussi d'évoquer les interprétations, ce qui n'est pas la même chose, tout à fait, car après tout, cette histoire de "mesure" reste bien mystérieuse, voire carrément sèche: que se passe-t-il? 

    Comme précisé, la mesure n'est pas "expliquée" par la décohérence, et une explication lumineuse est donnée en (1) de tout ça. Au passage est expliqué, cela est détaillé en (2), la théorie de Zwirn, le "solipsisme convivial". 

    Zwirn a animé avec D'Espagnat un colloque "culte" décrivant les débats sur toutes les interprétations possibles de la chose. C'est le bouquin "Le monde quantique". Il est un pédagogue hors pair, et se trouve extrêmement sympathique et avenant, et d'une honnêteté intellectuelle indéniable. 

    Son solipsisme qu'il veut situer dans la mouvance de Von Neumann et de Wigner est en fait une variante (à mon avis) des mondes multiples d'Everett: chacun voit lors de la mesure une possible valeur de l'état superposé, et s'accorde avec les autres observateurs (c'est le convivial) qui eux voient autre chose et sont contents car une "traduction" des "faux" acquiescements est effectué PAR la réduction de la fonction d'onde, en fait non pas une traduction, mais une "existence" simultanée de la vision des autres avec qui ils s'accordent... À l'objection que l'on ne voit pas pourquoi et comment cette traduction est faite, Zwirn ne répond pas grand chose, et le reconnait... 

    Cette conception concerne le monde, qui refuserait de rester multivalent "à la quantique", et force les organismes à ne percevoir que les vecteurs supports d'un état et non pas cet état composite en lui même, et cela en plus cohérent avec chaque point de vue manifesté. Chapeau, le monde ! De plus, cela suppose qu'une conscience soit mise en jeu, la seule valeur sélectionnée n'étant qu'une illusion personnalisée. 

    Et puis il y a Coleman

    Sydney Coleman (5) a une autre conception de cette histoire de mesure, qui semble faire intervenir la conscience d'une autre manière. En gros, il prétend que seule l'équation d'évolution de Schrödinger suffit à décrire la mesure: un opérateur de mesure projetterait l'état global du système sur l'un des deux vecteurs propres disponibles de l'appareil, et pi c'est tout, c'est comme ça qu'on le voit. Il refuse absolument toute influence d'une "conscience" sur la réduction du paquet d'onde, qu'il semble nier par ailleurs. En gros le quantique est ce qu'il est parce que c'est comme ça. 

    Coleman est ainsi porteur d'une interprétation dite "Zen" qui consiste à modifier son propre état mental pour comprendre l'incompréhensible, toutes les "interprétations" n'étant que des illusions bouddhiques... Ce retour à l'évidence. 

    En écoutant Haroche

    La conférence du prix Nobel français Haroche vaut le détour: avec une suave raideur le monsieur nous montre le réel microscopique expérimenté qu'il touche avec le doigt et illustre tout ce qui est nébuleux et "de pensée". Sa mention du mot "nature" pour désigner ce qui se manifeste sans vergogne dans toute la précision des descriptions élaborées avec exactitude il y cent ans a un retentissement extrême: "nature", "réel" : les voilà, les vrais. 

    Derrière tout cela il y a la course à l'ordinateur quantique qui continue et le monsieur dont l'expérience a mis 15 ans à être réalisée, a de la ressource: il met en oeuvre les trucs de son maitre, prix Nobel aussi, et cela pour passer à la suite. 

    En gros, Haroche (et son équipe) a créé un "chat de Schrödinger" sous la forme d'un ensemble de photons qui rebondissent dans une cavité super refroidie suffisamment longtemps pour être observés dans un état quantique complexe superposé. En envoyant des atomes spécialement hackés dessus, il mesure sans destruction le chat et c'est tout l'intérêt de la chose. 

    On commence par l'état initial qui à basse température, l'apparition ou pas d'un photon du fait "de la nature" (la température). Le système a deux états 0 ou 1 photon et on a là l'intuition présentée par Haroche du caractère spontané et hasardeux du monde microscopique: l'état se projette sur le vecteur propre zéro photon avec une certaine probabilité. L'apparition contribue à l'état avec le hasard fondamental de la venue à l'existence. Derrière on a les modes quantifiés du champ électromagnétique dont l'énergie s'accumule et avec un "pop" réifie le quantum fondamental du monde quand un nombre entier de longueurs d'ondes s'accorde avec la distance entre deux parois métalliques limées à mort et à bon escient. 

    La prétention mathématico physique va jusqu'à mesurer des états superposés entre les sous états nombre pair et impairs de photons (encore de l'apparition hasardeuse de photons). On mesure le réel et en le remesurant, on vérifie bien que l'état a été projeté sur son vecteur propre. Le chat est devenu "l'une des alternatives"... Comme prévu au demeurant. Problème de la mesure ? Ou évidence matérialisée que la méca-cul marche ? 

    Haroche mesure alors la décohérence, ruine de l'état superposé, dont la vitesse croit avec le nombre de photons, hélas, et qui traduit la transformation des états superposés en mélange statistique du fait des interactions avec la complexité de l'environnement. Quoiqu'on en dise, il n'y a pas maintien de la superposition en termes réels et les élucubrations de Zwirn semblent absurdes. Ce qui montre que je n'ai rien compris à rien... 

    Les interprétations, en résumé.

    Faisons une petite liste des interprétations du "problème de la mesure": 

    • Copenhague : la première, la référence; c'est comme ça et puis c'est tout
    • Mentale (Von Neumann, Wigener) c'est la conscience qui réduit le paquet d'onde
    • Transactionnelle (John Cramer) 
    • Objective (GRW = Ghirardi, Rimini et Weber) une perturbation de l'équation de S. perturbe tout système
    • Relationnelle (Carlo Rovelli) tout dépend des interactions 
    • Bohm l'onde pilote de de Broglie, plus un hasard initial indispensable, mais hélas pas vraiment relativiste... 
    • Histoires consistantes (Roland Omnes,Murray Gell-Mann) seules les "histoires consistantes" ont un effet

     

    (1) Hervé Zwirn sur le quantique https://youtu.be/XfxTATYprX0

    (2) Zwirn et son solipsisme : https://youtu.be/OcFJMYjUE1U

    (3) Zwirn encore expliquant encore https://youtu.be/OmdLt649mvk

    (4) http://www.afscet.asso.fr/modelisation-quantique/2018-2019/Zwirn-solipsisme-convivial-08octobre2018.pdf

    (5) la conference de Haroche https://culturesciencesphysique.ens-lyon.fr/video-html5/depphysique/2011/haroche/tests-fondamentaux-de-la-physique-quantique-dans-une-boite-a-photons#diapo03