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Les interprétations quantiques

On avait dans http://francoiscarmignola.hautetfort.com/archive/2019/01/04/les-ontologies-du-quantique-6118078.html évoqué des ontologies inutiles, on se doit aussi d'évoquer les interprétations, ce qui n'est pas la même chose, tout à fait, car après tout, cette histoire de "mesure" reste bien mystérieuse, voire carrément sèche: que se passe-t-il? 

Comme précisé, la mesure n'est pas "expliquée" par la décohérence, et une explication lumineuse est donnée en (1) de tout ça. Au passage est expliqué, cela est détaillé en (2), la théorie de Zwirn, le "solipsisme convivial". 

Zwirn a animé avec D'Espagnat un colloque "culte" décrivant les débats sur toutes les interprétations possibles de la chose. C'est le bouquin "Le monde quantique". Il est un pédagogue hors pair, et se trouve extrêmement sympathique et avenant, et d'une honnêteté intellectuelle indéniable. 

Son solipsisme qu'il veut situer dans la mouvance de Von Neumann et de Wigner est en fait une variante (à mon avis) des mondes multiples d'Everett: chacun voit lors de la mesure une possible valeur de l'état superposé, et s'accorde avec les autres observateurs (c'est le convivial) qui eux voient autre chose et sont contents car une "traduction" des "faux" acquiescements est effectué PAR la réduction de la fonction d'onde, en fait non pas une traduction, mais une "existence" simultanée de la vision des autres avec qui ils s'accordent... À l'objection que l'on ne voit pas pourquoi et comment cette traduction est faite, Zwirn ne répond pas grand chose, et le reconnait... 

Cette conception concerne le monde, qui refuserait de rester multivalent "à la quantique", et force les organismes à ne percevoir que les vecteurs supports d'un état et non pas cet état composite en lui même, et cela en plus cohérent avec chaque point de vue manifesté. Chapeau, le monde ! De plus, cela suppose qu'une conscience soit mise en jeu, la seule valeur sélectionnée n'étant qu'une illusion personnalisée. 

Et puis il y a Coleman

Sydney Coleman (5) a une autre conception de cette histoire de mesure, qui semble faire intervenir la conscience d'une autre manière. En gros, il prétend que seule l'équation d'évolution de Schrödinger suffit à décrire la mesure: un opérateur de mesure projetterait l'état global du système sur l'un des deux vecteurs propres disponibles de l'appareil, et pi c'est tout, c'est comme ça qu'on le voit. Il refuse absolument toute influence d'une "conscience" sur la réduction du paquet d'onde, qu'il semble nier par ailleurs. En gros le quantique est ce qu'il est parce que c'est comme ça. 

Coleman est ainsi porteur d'une interprétation dite "Zen" qui consiste à modifier son propre état mental pour comprendre l'incompréhensible, toutes les "interprétations" n'étant que des illusions bouddhiques... Ce retour à l'évidence. 

En écoutant Haroche

La conférence du prix Nobel français Haroche vaut le détour: avec une suave raideur le monsieur nous montre le réel microscopique expérimenté qu'il touche avec le doigt et illustre tout ce qui est nébuleux et "de pensée". Sa mention du mot "nature" pour désigner ce qui se manifeste sans vergogne dans toute la précision des descriptions élaborées avec exactitude il y cent ans a un retentissement extrême: "nature", "réel" : les voilà, les vrais. 

Derrière tout cela il y a la course à l'ordinateur quantique qui continue et le monsieur dont l'expérience a mis 15 ans à être réalisée, a de la ressource: il met en oeuvre les trucs de son maitre, prix Nobel aussi, et cela pour passer à la suite. 

En gros, Haroche (et son équipe) a créé un "chat de Schrödinger" sous la forme d'un ensemble de photons qui rebondissent dans une cavité super refroidie suffisamment longtemps pour être observés dans un état quantique complexe superposé. En envoyant des atomes spécialement hackés dessus, il mesure sans destruction le chat et c'est tout l'intérêt de la chose. 

On commence par l'état initial qui à basse température, l'apparition ou pas d'un photon du fait "de la nature" (la température). Le système a deux états 0 ou 1 photon et on a là l'intuition présentée par Haroche du caractère spontané et hasardeux du monde microscopique: l'état se projette sur le vecteur propre zéro photon avec une certaine probabilité. L'apparition contribue à l'état avec le hasard fondamental de la venue à l'existence. Derrière on a les modes quantifiés du champ électromagnétique dont l'énergie s'accumule et avec un "pop" réifie le quantum fondamental du monde quand un nombre entier de longueurs d'ondes s'accorde avec la distance entre deux parois métalliques limées à mort et à bon escient. 

La prétention mathématico physique va jusqu'à mesurer des états superposés entre les sous états nombre pair et impairs de photons (encore de l'apparition hasardeuse de photons). On mesure le réel et en le remesurant, on vérifie bien que l'état a été projeté sur son vecteur propre. Le chat est devenu "l'une des alternatives"... Comme prévu au demeurant. Problème de la mesure ? Ou évidence matérialisée que la méca-cul marche ? 

Haroche mesure alors la décohérence, ruine de l'état superposé, dont la vitesse croit avec le nombre de photons, hélas, et qui traduit la transformation des états superposés en mélange statistique du fait des interactions avec la complexité de l'environnement. Quoiqu'on en dise, il n'y a pas maintien de la superposition en termes réels et les élucubrations de Zwirn semblent absurdes. Ce qui montre que je n'ai rien compris à rien... 

Les interprétations, en résumé.

Faisons une petite liste des interprétations du "problème de la mesure": 

  • Copenhague : la première, la référence; c'est comme ça et puis c'est tout
  • Mentale (Von Neumann, Wigener) c'est la conscience qui réduit le paquet d'onde
  • Transactionnelle (John Cramer) 
  • Objective (GRW = Ghirardi, Rimini et Weber) une perturbation de l'équation de S. perturbe tout système
  • Relationnelle (Carlo Rovelli) tout dépend des interactions 
  • Bohm l'onde pilote de de Broglie, plus un hasard initial indispensable, mais hélas pas vraiment relativiste... 
  • Histoires consistantes (Roland Omnes,Murray Gell-Mann) seules les "histoires consistantes" ont un effet

 

(1) Hervé Zwirn sur le quantique https://youtu.be/XfxTATYprX0

(2) Zwirn et son solipsisme : https://youtu.be/OcFJMYjUE1U

(3) Zwirn encore expliquant encore https://youtu.be/OmdLt649mvk

(4) http://www.afscet.asso.fr/modelisation-quantique/2018-2019/Zwirn-solipsisme-convivial-08octobre2018.pdf

(5) la conference de Haroche https://culturesciencesphysique.ens-lyon.fr/video-html5/depphysique/2011/haroche/tests-fondamentaux-de-la-physique-quantique-dans-une-boite-a-photons#diapo03

 

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