Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Les monnaies

zoom_histoire_12.png

Charles Ponzi

RIP

LA monnaie est un être particulier, et son étude a occupé bien des vies. Pourtant les bases sont assez simples, et méritent d'être rappelées. On donnera quitus à une manière d'expliquer très "bon sauvage" qui permet de revenir aux fondamentaux de toute compréhension: le fait que les choses soient logiques en fait (1).

Indispensable pour échanger simplement, la monnaie a trois rôles en fait, soit deux rôles en plus: servir à compter et aussi à garder. Point de monnaie sans ces trois fonctions: échanger, compter, conserver.

Elle est alors une abstraction de quelque chose d'essentiel et d'impalpable, la "valeur" forme générale de ce qui est plus que désirable, vital. Plus qu'un bien donc, et c'est toute la question: en effet contrairement au vin, on n'en a JAMAIS assez...

On ajoutera une raison importante, qu'il convient sans doute de poser au tout début: apparue avec les États, elle serait d'abord la marque du souverain, le bien pivot permettant de collecter la raison première de toute autorité centrale: l'impôt. Justification de son rôle social essentiel, cette considération planera toujours derrière toute analyse réfléchie de la chose, autant le dire tout de suite...

Ainsi donc, de base, la monnaie est DEUX choses: un truc qui "sert" et/ou un truc qui "fonde". Ce sont les deux interprétations de la monnaie: fonctionnaliste ou institutionnaliste. 

 

 

Certains vont même plus loin: il existe une théorie de la monnaie encore plus souverainiste, dite le "Chartalisme", formalisée par Knapp au début du XXème siècle, qui aurait inspiré Keynes, et qui inspire une "Théorie Monétaire Moderne" aujourd'hui, dite  "néo-chartaliste", et qui s'oppose aux politiques d'assouplissement quantitatifs actuelles. 

À part ça, dans l'analyse la plus basique qu'on puisse faire, et toutes choses étant égales par ailleurs, se pose par contre la question de sa quantité totale, celle nécessaire à ses usages.

On arrive alors tout de suite (1) à l'essentiel : il y a une relation entre la quantité de monnaie, le volume des transactions faites avec, et la quantité de monnaie conservée à ne rien faire... De là viennent deux théories similaires construites sur les mêmes bases dites "monétaires": le Monétarisme proprement dit et le Keynesianisme, les deux conceptions se distinguant par le social, justement: libérales toutes les deux, la première ne veut pas intervenir dans l'équilibre spontané qui doit s'établir hors le respect obligé de l'équation par la banque centrale robotisée, la deuxième se proposant de faire jouer à l'État un rôle actif pour compenser l'imbécile propension à épargner, mère de tous les chômages. En cela, Keynes fonde la "Macro économie". Tout est dit.

Pour préciser un peu, disons que quand la monnaie manque, les prix vont baisser, et l'inverse, ce qui montre bien que ce n'est pas un bien comme un autre. L'inverse, qui est la théorie de base de l'inflation nécessite d'être précisé, n'étant pas évident en soi. A priori, une quantité fixe de monnaie devrait suffire à des échanges équilibrés, sa quantité pouvant augmenter dans la mesure stricte d'une augmentation des échanges. La déflation, c'est le manque de monnaie, des échanges étant manqués, et des stocks d'invendus inutiles qui s'accumulent créant une pauvreté qui n'existe pas. A l'inverse l'introduction artificielle de monnaie supplémentaire, par exemple la prise de possession d'une mine d'or inconnue jusque-là va permettre à certains heureux de demander des produits désirables "en plus". Partant d'une production équilibrée, le fournisseur de ces produits va donc voir la demande qu'on lui adresse augmenter. Avant qu'il n'ait eu le temps de produire plus, il va lui falloir arbitrer entre ses clients et donc faire un concours: c'est qui qui paye le plus qui l'aura ma PS6. La voilà la "vraie" inflation. On notera le caractère systémique du processus, disons plutôt "dynamique" : des processus "avec retard" s'enclenchent, permettant toutes les non-linéarités, tous les affolements. 

Cette question de la relation entre quantité de monnaie et prix des choses intrigue depuis toujours. Prenons Cantillon (+1734): "La grande difficulté de cette recherche consiste à savoir par quelle voie et dans quelle proportion l’augmentation de l’argent hausse le prix des choses ".

On avait parlé d'une autorité: c'est elle qui fixe la quantité de monnaie, en s'efforçant, c'est son rôle, de faire en sorte que celle-ci soit compatible avec le volume des échanges, de manière à éviter hausses et baisses ruineuses des prix des biens. C'est la banque dite centrale, qui règne sur LES banques, autorisées à prêter plus d'argent que les particuliers ne leur en ont confié ce qui revient à créer de la monnaie "provisoirement" (en principe). Les compensations interbancaires dus aux échanges entre clients de banques différentes, faites dans une monnaie "spéciale", dite "monnaie banque centrale", est employée par un marché financier particulier, au combien important, le marché interbancaire. Les deux zones monétaires sont distinctes et les fameux "agents financiers non bancaires" sont dans la zone de consommation, utilisant la "vraie" monnaie, celle qui est crée ex-nihilo lors de la souscription d'un emprunt auprès d'une banque, celle ci n'ayant bien sur pas l'argent qu'elle vous prête, ou simplement une "réserve" déposée auprès de la banque centrale, en monnaie de la première zone... 

Cette monnaie spéciale fait partie du fameux aggrégat monétaire M0, la "base monétaire" qui inclut aussi (pour embrouiller l'affaire) les biftons et autres piécettes. En tout cas, c'est là qu'on trouve les réserves bancaires obligatoires et c'est là que tournèrent les "planches à billets" (qui n'en étaient pas, en fait) qui sauvèrent le monde de la crise du marché interbancaire de 2008. Car la planche à billet c'est le tabou ultime moderne: quand la banque centrale crédite le compte de l'Etat et donne directement le droit à l'Etat de payer qui il veut pour avoir ce qu'il veut. Cela est bien sur absolument interdit. 

Notons la notion d' "open market" qui permet aux banques centrales de racheter (c'est le marché secondaire) les obligations d'État que détiennent les agents, l'achat direct (marché primaire) étant interdit... Notons que ce rachat est tout de même une aide à l'Etat, dans la mesure où cela fait baisser les taux d'intérêt et donc facilite l'endettement. Cet aide est toutefois indirecte, créditer le compte de l'Etat auprès de la banque centrale restant interdit: l'Etat reste astreint à se financer en empruntant sur les marchés, c'est à dire en émettant des obligations. 

Notons que la banque centrale a en fait 3 options: créditer le compte de l'Etat, faire de l'open market, et acheter des devises. L'intervention d'une banque centrale sur le marché des changes se fait indépendamment du marché des changes lui-même et  n'a pas d'effets automatiques... 

Le marché des changes

Situé physiquement à Londres, le FOREX est le deuxième marché financier mondial. Londres, Sydney, New York.

 

 

 

On citera donc les autres aggrégats, qui s'empilent en s'incluant, les différences étant de liquidité: 

- M1 ajoute les comptes bancaires

- M2/M3  les prêts à court terme

- M4 les bons du trésor

Cette histoire de liquidité fut inventée par Keynes, encore lui.

Parlons alors de la politique monétaire, celle que mène les banques centrales... On a vu qu'il y a un rapport entre augmentation des prix et quantité de monnaie, c'est le postulat de base: en contrôlant la quantité de monnaie, on contrôle les prix. Au passage le dilemme fondamental: la "courbe de Phillips" fait baisser le chômage du fait de l'inflation, mais en tout état de cause, les banques centrales pilotent une basse inflation, cela en jouant sur le taux d'intérêt avec lequel elle "refinancent" les banques.

On évoquera alors une belle équation : la "règle de Taylor" qui fixe le taux directeur de la Banque centrale en fonction de la "cible d'inflation". Non officielle mais pas si mauvaise en fait, du fait des décisions finalement prises. En gros, la banque centrale pilote en fonction de l'inflation et du chômage. 

Bon "pilotaient". Car tout a changé depuis la crise de 2008. De fait, les banques centrales, et les politiques monétaires ont changé du tout au tout: d'un politique restrictive, obsédée par la renaissance de l'inflation, elles sont passées à des politiques expansionnistes qui vont quasiment à l'helicopter money... L'objectif (en tout cas celui de la FED US, est de mettre le chômage à zéro. Le "quantitative easing" consiste ainsi à augmenter la base monétaire en rachetant des obligations. 

Cette augmentation absolument énorme de la quantité de monnaie aurait dû d'après tout ce qu'on a expliqué plus haut, générer une inflation énorme des biens et services. Pas de chance, cela n'a pas eu lieu: désespérément basse, l'inflation est scandaleusement inférieure à 2%  qui était le taux minimal (taux maintenant objectif imposé) qu'on voulait...

En fait, il y a une explication: la monnaie en excès n'est pas utilisée pour faire des transactions de consommation mais des transactions de placement: ce sont les indices boursiers et les prix de l'immobilier qui sont inflationnistes et à un point bien trop exagéré: les riches le sont de valeurs immatérielles ou fictives. Les banques centrales préfèrent cette tactique de la bulle immobilière, qu'elles corrigeront à l'éclatement par exactement la même politique d'injection massive de pognon dans l'économie. Cela sans risque : les pauvres, ceux qui vont décapiter les bourgeois sont gardés contents par un chômage moyen (aux US) ou grossièrement truqué par des assistances massives qui sont en fait les distributions d'argent de l'"helicopter money". 

Cela jusqu'au redémarrage de l'inflation, de la vraie. Inconnue de tous les bouquins récents qu'on trouve encore actuellement, la chose a démarré au début de l'année, avec le gaz, la guerre etc. Un nouveau monde se présente. 

Ça va péter. 

Quand ça pète, c'est qu'il y a crise. Les crises économiques sont causées par la création de monnaie, ça c'est Hayek.

Hayek

En gros, l'économie décrite par Hayek est hiérarchisée entre biens de production et biens de consommation. Quand il y a excès d'investissements, c'est-à-dire une bulle, ça pète. Cet excès d'investissement est lié à la trop grande quantité de monnaie qui produit l'inflation qui perturbe le signal du taux d'intérêt "naturel" devenu inopérant. À noter que cette conception monétariste est tout à fait en ligne avec l'idée de l'épargne vilain péché, poncif général qui s'exprime différemment. 

On notera le mal décrit ici comme une perturbation de l'investissement, plutôt que simplement l'inflation qui n'affecte finalement que le consommateur. C'est pour cela que Hayek parle autant des prix "relatifs", dont les changements étaient déjà remarqués par Cantillon. 

C'est la création de monnaies se faisant concurrence qui devrait permettre de disposer d'un taux d'intérêt efficace pour éviter le surinvestissement. Voilà la grande idée d'Hayek, faisant des cryptomonnaies à venir la porte de sortie pour que cela pète, mais dans la soie. 

Rueff

Jacques Rueff, le prof d'économie de De Gaulle, est un metalliste. Pour lui la monnaie est issue d'une créance, d'un droit. Ce droit peut vrai ou faux, et la création de "faux" est ce qui est à l'origine de l'inflation, issue donc des déficits sans pleurs inaugurés par la rupture avec l'étalon or...

C'est Ricardo le metalliste, partisan du billet gagé sur l'or. Ses idées ont conquis la Grande-Bretagne, aussi surement (disait Keynes) que l'inquisition avait conquis l'Espagne. Il fait rétablir l'étalon or après les guerres napoléoniennes. Pour lui, la monnaie est neutre et sa quantité à contrôler strictement. 

Le débat sur la bonne monnaie agita le mont pélerin, et Friedman, Hayek et Rueff y discutèrent. 

 

Law

John Law dont la faillite retentissante de 1720 vaccina définitivement les français contre le capitalisme, a lui une théorie dite de la "Banking School" qui consiste à associer quantité de monnaie à activité économique, les deux devant être maximisée. Il invente la stimulation par la baisse du taux d'intérêt et le billet de banque. 

Ce qui importe est donc non pas la quantité de monnaie, mais sa qualité, c'est à dire sa création pour le bon motif de la bonne activité économique. Paradoxal pour l'école de la spéculation et de la banqueroute ! 

Marx

Pour Marx, la monnaie est un lien social "sous forme solide". Mais tout change quand on produit des marchandises, c'est à dire des objets destinés au marché. L'argent devient donc une marchandise particulière qui se différencie suivant qu'il est ou non "capital", la marchandise n'étant que l'intermédiaire entre des échanges d'argent... 

(1) L'analogie du village isolé dont la monnaie est l'or, issu d'une mine épuisée et où les prix sont stables et le plein emploi règne...  "Monnaie Finance et Economie Réelle" Brender Pisani Gagna, La Découverte 2015

(2) Wiki book sur l'économie : https://boowiki.info/art/histoire-de-la-pensee-economique/surestaries-monnaie.html

(3) le Lanturlu sur l'économie : http://www.savoir-sans-frontieres.com/JPP/telechargeables/Francais/ECONOMICON.pdf

Les commentaires sont fermés.