Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Les consciences

undefined

On avait parlé de la théorie des 3 pensées, émotionnelle, rationnelle et spirituelle, qui donne (c'est ma vanité) une bonne explication des passions humaines, en particulier de la religieuse. L'athéisme, le machinisme et le modernisme peuvent ainsi expliquer le fameux "manque" avec lequel des générations de vieux cons se sont branlés avec désespoir: non, le monde spirituel n'est pas oublié ou méconnu par l'anthropologie post religieuse occidentale. Pour peu que celle-ci se débarrasse du woke, elle a tous les moyens de comprendre ce qu'il en est vraiment. 

C'est bien ça, l'anthropologie: le spirituel c'est la conscience, de soi, des autres, de Dieu: une perception, ou plutôt LA perception, celle du réel. Car le réel c'est le spirituel bien sûr: ce qui s'impose absolument et ce qui est vraiment à l'origine des décisions, bien plus que le simple émotionnel pur plaisir ou bien sûr le rationnel, l'après coup. L'intuition, l'Amour, la certitude ne vient que de l'au-delà, que celui-ci existe ou non, pour ma part, je considère que l'hypothèse de son existence ne sert strictement à rien, comme Laplace, je n'en ai pas besoin. Ça, c'est fait. 

Les 3 modes du spirituel s'entrelacent dans ce qui est maintenant le compliqué à débrouiller et prend bien des formes, des identités et des apparences. 

On évoquera tout d'abord le sacré, seule réalité selon Mircea Eliade, et qui est tout simplement le lieu, l'étendue habitée par l'esprit que l'on a perçu: il est le symbolique du spirituel, l'objet associé, le lieu où s'est passé la chose. Fontaine où on a vu la nymphe, arbre qui parle ou temple construit avant par quelqu'un, il est l'endroit ou l'instrument qui fait que se réactive la merveilleuse perception. Merveilleux ? Il n'est nécessaire que comme décoration, comme accessoire, l'essentiel est la force derrière qui le fait bouger, le réel de la chose. 

Et si le moteur de toute cette activité était le sacrifice, acte significatif et originaire de la projection symbolique, et par là même producteur du symbole et du langage ? C'est une thèse, et Girard a de quoi dire. Pourtant, j'ai toujours décelé chez le visionnaire obsédé par le sacrifice humain une tendance à mépriser le divin: à force de tout réduire au social cruel, il en vient à négliger ce qui a tout de même beaucoup intéressé directement les hommes: le divin extérieur. Celui-ci est une perception, j'en suis persuadé, mais Girard n'en dit rien. 

On sait Néanderthal spirituel: il enterrait ses morts et dessinait.  La fracture symbolique envisagée par Girard ne se produisit donc pas de manière unique, en un seul endroit et en un seul instant. Comme on devait s'y attendre, les choses se firent en plusieurs fois, et convergèrent, comme si l'humanité, multiple, avait évolué vers la seule chose possible. Bon, cela est une autre spéculation. 

Au passage, on doit considérer l'imitation, la mimesis étant anthropologiquement le moteur du système Girard, et source de tout le reste de l'émergeant qu'il décrit. Le concept a le mérite de construire un émergeant, justement, et aussi de faire apparaitre la conscience de l'autre comme puissance constructrice de la psyché. De quoi spéculer, le miroir. 

La conscience de l'autre, deuxième forme de la conscience, et génératrice du lien social organisé, ce que le rationnel, autre fonction mentale, mais active simultanément, organisa au nom de l'égalité, étendit donc le social des grands singes en le culturel propre à l'homme, ce qui spécialisa et différencia la conscience de l'autre absolu qui devint ce qui justifia l'histoire. Curieux renversement: on attribua au sommet perceptible de l'évolution biologique la création du monde, mais là encore, n'était-ce pas logique ? 

En attendant, fut soumise à la conscience l'organisation du social, avec ou sans ce qui devint le religieux et qui différencia définitivement l'humain de l'animal, très au-delà de la simple intelligence, voire du pur "rationnel", finalement logique évidente du réel, et qui ne fut jamais assez stupide pour se contredire lui-même où pour mésinterpréter des traces dans la boue... 

On s'est alors plongé dans une description intelligible(1) (enfin) du bon Plotin, sommet de la métaphysique grecque, à l'ère chrétienne et sans en être, soutien et inspirateur du monothéisme global, celui qui nous a fait. 

On note que son disciple, Porphyre de Tyr, fut l'auteur de l'Isagoge, traduit par Boece en Latin et à l'origine de la querelle des universaux. La promenade ressemble à une ascension qui vaut le détour. 

D'abord le bien. Principale idée principielle (ou catégorie) pour Aristote, il est l'optimum, le parfait (on pense au "bon chasseur") et se décline dans les deux domaines de la pensée, en vrai pour l'intelligible et en beau pour la sensibilité. 

La tripartition est donc hiérarchisée, mais on y trouve l'émotionnel et le rationnel et la supériorité de la raison, ou esprit conscient de lui-même, le "gnoti seauton" étant l'expression de cette connaissance, celle de soi, qui ainsi accède à l'Être.

Là, on est encore dans le classique. 

Plotin introduit alors l'UN, qui au delà de l'Être, devient, ce qui n'est plus vraiment grec, créateur. L'un est amour, perpétuelle création, amour "surabondant" sans limites ni manque donc sans désir, qui rend l'existence effective. L'un s'aime lui-même, se crée lui-même. Le maitre de Plotin à Alexandrie, Ammonios Saccas, fut celui d'Origène, et de Longin, fut-il chrétien? Le truc suprême, par contre, n'est pas une personne, ignore toute espèce d'individu et n'en est pas un lui-même: c'est le principe suprême, et picetou. 

Il est aussi non intelligible (là on monte d'un cran) et non rationnel, par définition, donc au delà de la conscience de soi, on est bien là dans la conscience d'un autre d'une autre nature. On plonge alors dans une mystique, recherche d'extase, Plotin l'aurait éprouvée une ou deux fois et décrite dans les détails communs au sujet. 

Plotin est donc un naufrageur de la philosophie, la philo de la sortie de la philo, mais en a fait en fait une philosophie, du fait de la description de la chose. C'est la notion de la descente progressive depuis l'Un, première hypostase, jusqu'à l'Être, seconde hypostase, puis l'Âme, elle, animée du désir de la connaissance. L'ensemble du monde se trouve donc non explicable et définitivement mystérieux car au-delà de l'intelligible, le mystère pouvant donc être éprouvé, mais pas compris, ce qui, effectivement, résout le problème. 

En plus, on résout la question du mal, issu du choix par l'Âme de son indépendance, et donc indépendant du monde qui n'y peut, mais, l'Âme libre et pas du tout prédestinée à la chose le faisant advenir. Plotin glose ici sur un Narcisse différend de celui d'Ovide, car faisant advenir par le reflet qui le fascine un spectre qui n'est pas lui et qu'il se met à adorer, retour au point de départ devant la mimésis, la chaconne est finie, et la ballade terminée. 

Au final Plotin reste un grec, amoureux de l'harmonie globale du monde, unie dans l'UN avec une notion de la beauté qui me va, célébrant par ses diversités la réconciliation finale dans l'unité essentielle (hmm). 

 

(1) https://jdarriulat.net/Auteurs/Plotin/PlotinIndex.html

Les commentaires sont fermés.