Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Les droits

Les théories du droit occupent une place importante et méconnue dans la civilisation. Science ET aussi pratique elles divisent les hommes et les savoirs. Un juriste regarde toujours le monde d'un air amusé et cynique : ce n'est pas ce que vous croyez semble-t-il toujours dire...

 

On a lu Villey (1) et aussi Troper(2) et on va la faire vite: 

Il y a le droit "positif", le droit, quoi. Celui écrit par les hommes et imposé par les états. 

Il y a aussi 2 théories du droit, deux écoles: la positiviste et la jusnaturaliste, qui se divisent à propos du "droit naturel" selon qu'elles considèrent qu'il existe ou non. L'école positiviste le nie absolument. 

Qu'est-ce que le droit naturel ? C'est toute la question. Anciennement droit antique du cosmos, il est le droit d'Aristote, de nature, à découvrir par le droit qui se trouve ainsi "science" chargée de trouver dans la nature ce qui est juste pour les hommes. 

Ce droit naturel devient à l'époque moderne "droits de l'homme" et là se produit la transmutation confusionnante qui fait tout le désordre actuel. Selon Villey, il y a rupture avec le jusnaturalisme et la confusion faite entre morale et droits de l'homme conduit à instaurer un juridisme positif qui finit par nier le droit naturel en le considérant comme une morale injectée dans le droit positif, le forçant à rompre avec ce qui lui était pourtant essentiel: sa distinction première d'avec la morale, justement. Les "droits de l'homme" abolissent le droit, tout simplement... On a là peu ou prou ce que nous dit Leo Strauss (Droit naturel et histoire) avec des différences: 

Cette théorie très réactionnaire est en gros la principale fondation intellectuelle de la dénonciation du progressisme, vecteur et porteur de cette terrible insanité qu'est la confusion morale/justice, marque de toutes les barbaries. 

Néanmoins l'histoire est en fait bien plus complexe et tient à tout un ensemble de dualités qui concernent les conceptions du droit et de la justice. Ces dualités expriment de manière infiniment complexes le thème graphique de la balance, et non pas celui de la racaille qui dénonce son complice pour prendre moins cher... 

 

L'histoire du droit naturel

Le funeste droit vient de loin, d'Aristote qui l'inventa et du catholicisme qui en fait le droit divin, de la nature, conçue comme porteuse du projet divin envers l'homme. 

Le justnaturalisme est très critiqué. Par les positivistes bien sur, qui contestent le réalisme des valeurs: on ne peut connaitre, selon Hume que ce qui "est" et non pas ce qui "devrait être". Ainsi, le juste serait "décidé" et non "découvert".

Un point important: pour le positiviste, le droit naturel n'existe pas. Aussi simple que cela. 

Il faut néanmoins distinguer 3 positivismes non exclusifs, et c'est Babbio qui le dit: une théorie du droit, une conception de la science du droit, une idéologie. 

Il y a d'abord la conception d'une science du droit possible, distincte du droit lui-même, conçu lui comme un "objet": le droit "positif", distinct et exclusif de la morale et du droit naturel. Cette science du droit est formée de propositions, et non de normes (le droit seul est fait de normes). Mieux: suivant la loi dite de Hume, on ne peut dériver de prescriptions depuis des propositions. Ce qui est ne peut pas commander ce qui doit être... 

Puis, il y a théorie du droit qui affirme en premier la distinction morale/droit: le droit ne peut être édicté que par autorité, et donc le caractère juridique, ce qui est du droit, ne peut pas être moral en soi. C'est la "théorie pure du droit" de Kelsen. 

Ce qui est bon ne l'est qu'en vertu de la norme qui l'ordonne... 

Ensuite, il y a l'idéologie positiviste qui commande l'obéissance au droit. En cela, il s'agit d'une attitude quasiment jusnaturaliste: le droit s'impose comme tel... On lui reprochera ici bien évidemment l'obligation d'obéir à la Gestapo. 

Les duels

On l'a dit, les dualismes sont multiples

L'opposition jusnaturalisme/positivisme se décline de multiples manières mais est bien le duel principal. Il y en a d'autres. On fera de Hans Kelsen le héros du positivisme, bien sur. 

Tout d'abord quelle est la différence entre voleur et percepteur et le slogan "la bourse ou la vie" est-il une norme ? 

Kelsen répond clairement: une norme supérieure impose d'obéir au percepteur. La bourse ou la vie est une contrainte, pas une norme... Cette relativité des normes entre elles fait le système de Kelsen et répond à l'aporie droit naturel/droit positif obligatoire. 

Et puis il y a la "philosophie du droit", opposée à la "théorie générale du droit". La philosophie du droit se décline entre celle des philosophes et celle des juristes, le nom de Norberto Babbio en étant la référence. 

 

La distinction principe/norme, les principes étant découverts, et relevant de la morale est évidemment violemment contestée par les positivistes, qui considèrent les "principes" comme des normes à part entière à part un peu vagues... On passe évidemment sur la distinction droit/morale, fondamentale.

L'Etat 

Qu'est ce que 'Etat?  D'abord ce n'est pas l'état de nature, seul à se confronter avec la "société civile"... L'Etat est un système juridique (4) qui assume le monopole de la contrainte physique légitime dans une société pourvue de constitution. Légitime  veut dire non pas "juste", mais exercé en fonction de règles préalables. L'Etat est d'abord un Etat par le droit, de droit. Pour Kelsen, l'Etat est la même chose que le droit... Naturellement il s'agit du droit hiérarchisé décrit ici. 

Un point au sujet de la liberté: elle est la soumission au droit connu applicable au moment de la décision. Cette dépendance à la règle, et non à la volonté d'un homme est l'essence du juridisme et de sa nécessaire hiérarchie. 

Un point au sujet de la souveraineté: celle-ci est ce pouvoir qui n'a pas de limitations. Le peuple reste souverain, et quoiqu'on en dise, mais cela est-il discutable, il reste en capacité d'interrompre le droit "Européen" qui semble paralyser la société. 

Toutes ces discussions sur le droit en sont la raison et la motivation. 

La norme suprême, la constitution.

C'est le débat Schmitt/Kelsen.

Schmitt donne au chef de l'Etat l'arbitrage et Kelsen à une cour constitutionnelle. Le débat est vif, nous sommes en 1925 et la République de Weimar va s'illustrer. Matrice des constitutions modernes dont celle de la Vème république française, elle est la référence... On a là l'opposition légitimité(Schmitt)/ légalité (Kelsen). Pour Schmitt, la constitution n'est pas contrairement à ce qu'affirme Kelsen, la somme des lois constitutionnelles, mais la décision sur la forme que prend l'unité décisionnelle du peuple. Elle traite de la légitimité. À ce titre, juger de l'application de la constitution, c'est l'interpréter: on a bien là le pouvoir des juges et la paralysie actuelle. Kelsen s'élève violemment contre l'avis de Schmitt: le danger est bien selon lui le pouvoir du gouvernement et non pas comme pour Schmitt (ou De Gaulle) celui du parlement: il faut une cour distincte, nouvel organe, sur le modèle de la cour constitutionnelle Américaine. Les USA sont décrit par Schmitt comme un état "juridictionnel" organisé autour de la loi protectrice des communautés contre l'administration et le pouvoir fédéral. L'Etat Schmittien est organique, expression de la volonté du peuple. 

En fait la polémique Schmitt/Kelsen portait sur la théorie du droit. Tout en affirmant que le judiciaire était distinct du politique, Kelsen affirmait qu'il était loisible  à un juge d'interpréter la constitution dans un cadre juridique, tout comme il interprète n'importe quelle norme: l'affirmation de Schmitt visant à distinguer politique et juridictionnel sur ce plan est donc fausse. Par contre, Kelsen le reconnait: la constitution doit être une norme bien faite et non pas un ensemble de principes vagues qui effectivement déplacerait le pouvoir politique vers le judiciaire, si le juge avait à juger la politique. 

L'ajout du "Liberté Égalité Fraternité" qui conduisit les frères ennemis Fabius et Jospin à entériner la valeur de la "fraternité" pour accueillir davantage de migrants était bien dans ce cas... 

Finalement 

Oui, mais quand est il des tribus pygmées, des arabes sans nations et des aborigènes perdus dans leurs rêves ? Plus que jamais, l'occidental théoricien, tel Montaigne se doit de contempler les indiens et d'en déduire quelque chose. 

On doit reconnaitre là l'essence de l'altérité ou de la contemplation de l'altérité, le droit "naturel" ne pouvant décemment pas s'anéantir exclusivement dans un gouvernement civil pourvu de lois dans tous les cas. 

Il faut donc au-delà des états de nature une liberté qui soit nationale, c’est-à-dire distincte de l'idée même de nation, que l'on peut bien se réserver, ou pas, pour soi-même comme "blanc" ou pas. Cette liberté supérieure serait alors celle de la vrai loi au-delà de la "nature", la loi en vigueur dans un royaume qui ne serait pas de ce monde, du tout du tout. 

(1) Au sujet de Michel Villey http://www.droitphilosophie.com/article/lecture/michel-villey-et-les-formes-contemporaines-du-droit-naturel-190

(2) La philosophie du droit Michel Troper (Que sais-je?) 

(3) la polémique Schmitt Kelsen https://www.persee.fr/doc/aijc_0995-3817_1991_num_5_1989_1083

(4) Tropper et l'Etat https://twitter.com/i/status/1404561855327186946

 

Les commentaires sont fermés.