Les concertos pour violon de Vivaldi
Antonio Vivaldi dit "il prete rosso", rouquin et prêtre donc, a composé comme il respire un nombre indéfini de concertos pour violon qu'il vendait à la pelle pour payer ses dettes. Certains font la fine bouche devant ces munificences, (un seul concerto infiniment long et chiant), d'autres, dont moi collectionnent leurs écoutes comme des papillons.
Certains d'entre eux sont à tomber par terre de surprise. On n'en finit pas de se faire prendre, éberlué, par des machins de derrière les fagots qu'on voudrait ne jamais oublier.
RV 128 en Ré minor:
Un Allegro con molto ahurissant: la répétition dans toutes les dissonances d'une langueur folle de tout le violon: une idée extraordinaire déclinée de toutes les manières possibles. On note des divergences étonnantes entre les interprétations: depuis l'ultra dynamique jusqu'au dissonant tordu. Le Largo est menaçant, tout simplement: ta da da da, et très bref. La fin est ultra brillante et ultra rapide, foldingue.
RV 267: le premier mouvement est complètement dingue, deux danses obstinées délirantes avec une grande période lente entre les deux; un andante rythmé tout sautillant en virtuosité absolue absolument saisissant qui vous emmène n'importe où, avec un clavecin qui se moque de vous derrière et qui se permet de conclure. Une totale merveille ! Le troisième mouvement, quelconque, recouvre le bijou derrière une étoffe un peu prétentieuse, avec une fin faussement vertuose...
RV 134: une entrée étonnée, et puis un martellement complexe doublé, triplé, arrêté, redémarré et le grand air qui revient, tchac, tchac. Quand le virtuose chantant multiplié par deux, devient ultra compliqué... L'andante avec le luth, tout délicat est une merveille absolue. Tchac, Tchac. Et c'est très court. On termine avec énergie, sans y toucher.
RV 281: la folie totale, le plus grand de tous, sans doute... Une intro musclée et l'explosion foldingue, tempérée deux fois. Le grand air, et on repart... Le solo est divin extrêmement pointu et puis le jeu du patron (c'est Carmignola qui régale). Le tambour encore et la folie revient. Puis encore Carmignola, le sujet romantique de l'âge baroque totalement libéré qui élabore. Tout se mélange à une hauteur démente, infaisable et la folie encore. Mais pour finir, tempérée et pour en revenir au début, mais cette fois pour conclure. Un point: la prise de son fait pour Carmignola rend particulièrement audible le caractère enchassé des sons de Vivaldi: le soliste est dans une chambre d'échos entouré par sa garde qui l'approuve par un contre souffle, comme un voile qui le recouvrirait.
Le Largo martelé, est à la hauteur, dans un souffle puissant, méditatif, de cette grandeur triste d'un Vivaldi qui se permet d'y inventer des nouvelles façons de l'être, triste. Et puis toujours, cette pudeur qui ramène le groupe pour interrompre l'individu ou le ramener de son voyage sur le grand lac. Le troisième est celui du groupe à la hauteur du premier, qui relance Carmignola en un truc quasi miraculeux incroyablement virtuose en écho avec l'orchestre, plusieurs fois. Toujours l'incroyable solitude pointue du soliste, et puis les tambours qui viennent le chercher. Ces fameux tambours sont bien sur des cordes, points de tam tam ici (à part la caisse des violes, mais est cela qui produit l'effet?) le plus extrême des aigus des lames aiguilles tranchantes accompagnant les soupirs profonds...
P.S. Des commentaires passionnés encore plus riches avec la classification en "opus" des oeuvres de tonio et des exemples: https://www.musicologie.org/publirem/rusquet_vivaldi.html
La Stravaganza c'est l'opus 4, les 4 saisons c'est l'opus 8, la Cetra l'opus 9.