Communiquer sur la Shoah
La question de la communication au sujet de la Shoah mérite d'être reposée.
Alors que des polémiques, propres à notre époque, réactivent le thème, il semblerait que l'imaginaire commun doive être réactivé à ce sujet : comment communiquer au delà de la simple information sur une situation historique dont la perception est une composante importante du lien social ?
Tout d'abord y a t il un problème ? Et bien oui, et de trois natures:
- esthétique: au début il y avait le film de Resnais, "nuit et brouillard" diffusé dans les cinés-clubs des lycées, il faut le reconnaitre, après vingt ans il ennuyait mortellement. Comment susciter à nouveau une émotion sur ce thème? Une réponse fut la "liste de Schindler". Est elle suffisante, ou acceptable ?
- ethnique: beaucoup d'écoles sont maintenant peuplées d'élèves qui ne sont pas liés familialement au drame historique; il s'en sentent détachés. Comment faire passer le message sur l'importance de la chose?
- historique: quelle est l'ampleur exacte du drame du point de vue de l'histoire? Quelle est l'histoire des réactions à l'évènement ? Comment et pourquoi situer relativement les autres génocides, communistes, africains, asiatiques ? Pourquoi et comment certains les nient (communistes, révisionnistes, turcs) ?
Ce qu'il faut adresser par dessus tout c'est le souci de la vérité telle qu'elle peut être perçue par un citoyen raisonnable, et surtout, et ce sera ma recommandation, de considérer les choses du point de vue de l'histoire, comme réflexion raisonnable sur le passé.
L'esthétique sur des choses pareilles ne peut qu'être raté. Pire, dans un monde qui vit l'éclatement des styles et des esthétiques, vouloir séduire ou impressionner de cette manière ne peut conduire hélas qu'aux extrêmes et donc d'une manière ou d'une autre à une forme de pornographie insupportable. C'est le problème de Claude Lanzmann : peut on faire une fiction, un spectacle, même édifiant avec de tels évènements ?
L'ethnique deviendra de plus en plus dangereux. Nous nous acheminons vers un système communautariste qui va marquer les messages suivant leur origine. Tout ce qui signe l'appartenance dévalorise globalement et ce d'autant plus que la seule bouée, la neutralité laïque, sera invoquée systématiquement (si elle n'est pas contestée mais c'est une autre histoire). La sensibilité familiale pouvait marcher quand le sentiment de culpabilité tel qu'il était vécu par la première génération de témoins impuissants et leur enfants, j'en fait partie; elle est inopérante au cran d'après.
Revenons à l'histoire. Oui les chambres à gaz ont existé, elle furent niées pour des raisons qui ne tiennent pas historiquement, au nom d'intérêts historiques et géographiques caractérisés. Le "Protocole des sages de sion" et "Mein Kampf" font partie de l'histoire et eurent un rôle important, connu et explicable. Considérer ces faits historiques comme sacrés, non discutables, voire interdit de communication parce que dangereux est une erreur.
Il faut ainsi rompre avec une attitude générale datée essentiellement défendu par une génération qui s'en va peu à peu. Le débat est ouvert en tout cas. L'approche qu'il convient d'adopter est évidemment celle là qui est raisonnable: l'histoire.
Ainsi donc l'histoire, rien que l'histoire, avec les polémiques qui l'accompagnent et l'exercice de la raison. Pas le mémoriel, esthétique ou ethnique, qui ne conduit qu'à l'émotif violent.