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  • Les Patries et les Nations

    Élaborer sur la différence entre nation et patrie est très casse gueule mais on ne peut se retenir. 

    La patrie est innocente et pourtant très "coupable": elle désigne clairement et sans ambiguïté le côté familial de l'appartenance communautaire en l'assimilant à la terre de naissance, le pays du père, donc. À la fois territoriale et innocente de la race, et suffisamment liée à l'essentiel de ce qu'on est et aime naturellement, la patrie est d'autre part féminine, ce qui est habile, donc. Son amour est sacré et ne peut être remis en cause et de plus ne désigne pas une communauté mais ce que la communauté partage, la seule communauté ici ne pouvant être que celle des patriotes exclusivement, qui plus est... La patrie est ainsi objet d'amour, mais n'est pas ce qui aime, ni ce qui partage cet amour. 

    Le "patriotisme" est donc cet amour-là, sacré et honorable, et quasi involontaire: comme un devoir. Normal et dont on ne peut être responsable négativement tant il est une obligation pour toute dignité. Le patriotisme motive honorablement. 

    On en vient à la Nation. On se doit d'abord d'évoquer Fichte et son "discours à la Nation allemande" de 1807 fondateur d'une acception du mot qui l'a coloré pour toujours, ce qui n'existait pas à l'époque ou qui devait devenir apparaissant comme "allemand" à tous les sens du mot, dont ceux qui s'épanouirent au XXème siècle pour le malheur de beaucoup. 

    La Nation est d'abord, et cela clairement, "construite". Elle n'est pas "involontaire" et cela la caractérise. Invoquée à la Révolution et associée (le "vive la Nation" est crié à Valmy) à la levée en masse qui introduit dans l'histoire la puissance des États construits sur des Nations capables de faire d'un peuple une armée. La Nation se substitue au Royaume et fait du collectif une chose nouvelle, volontaire et mobilisable, la manifestation d'une volonté. 

    La Nation est donc, et cela est essentiel, une collectivité. Symbolique, et symbolisée, certes, mais un contenu une masse nombreuse, une Communauté. Communauté volontaire, non familiale, mais, et là on se distingue, raciale ou pas, c'est selon. L'ambiguïté est au coeur de l'utilisation du mot, de ses dérives et de ses mésusages. 

    Le mot aurait ainsi, et c'est la division France/Allemagne qui se manifeste, deux ensembles de co-notations: 

    1) électif, citoyen, civisme, Lumières, France

    2) ethnique, ancêtre, populisme, Romantisme, Allemagne

    Trop facile sans doute, et on voit bien que la Nation allemande part d'un patriotisme jugé insuffisant pour exister sur la base d'une puissance à construire. L'essentiel est donc la construction, et la Nation a aussi bien des aspects "charnels" dans toutes les acceptions du mot et c'est là où je veux en venir. 

    La Nation est ainsi le lieu du partage légal et de la "fraternité" au sens de l'assistance de droit, elle est la communauté à qui s'adresse l'aide due. Elle est le lieu de la frontière humaine, celle qui distingue celui à qui on doit non pas la charité due à tout homme, mais le manger et le couvert dus aux soldats de la même armée, aux miséreux qu'on préfère, à ceux qui sont de notre côté de la frontière. Ceux avec qui nous acceptons de partager notre impôt. 

    Le côté matériel de la Nation est essentiel: elle délimite la quantité de bien que nous acceptons de mettre en commun, elle délimite les hommes (et les femmes) avec qui nous partageons notre misère. Qu'importe ce qui motive l'appartenance, race ou choix ou histoire: dans la Nation, on partage et c'est le point. 

    À partir de ces évidences, on peut utiliser les mots et voir comment ils se situent dans l'histoire et dans les évènements.

    On parlera d'Israël, la première Nation, celle qui fit envie à tout le monde, car elle organise le peuple "élu", celui qui se fonde sur une alliance avec un Dieu et en tire une puissance invincible. La Nation sans Dieu reste ce qu'elle est. On notera que ce peuple partage entre ses membres nourriture miraculeuse et déportations, tout le bien et tout le mal du monde. La frontière de l'élection caractérise le concept et organise le partage, symbolisé par la chose mise en commun comme communauté. 

    On parlera alors de l'Europe telle que vue aujourd'hui par les "visionnaires" qui s'en sont emparés et dont l'objectif est la construction, encore  un rêve germanique, d'une nation nouvelle qui telle le vampire qui préside aux fantasmes du maudit continent et voudrait se nourrir de ce qui aurait causé ces fleuves de sang dans l'histoire: les nations, justement. 

    À peine construites, il y a peine cent ans pour la plupart, on veut donc les déconstruire, avec tout le reste de ce qui nous a mené jusque-là. 

    On glosera sur les deux inspirateurs du traité dit de Rome, (Monnet l'américain et Schuman l'allemand) comme si la pauvre Europe, qui n'ayant pu être celle de Charlemagne, Charles Quint, de Napoléon ou d'Hitler ne peut être qu'inspiré par les deux pires images de ce qu'elle a produit, carrément "chié" historiquement:  les deux génocidaires ensembles maudits par l'histoire que sont la thalassocratie anglo saxonne tueuse d'indiens et la germanique barbarie tueuse de juifs.

    Quelle Nation européenne peut surgir de ces horreurs, au pire accessoires, en tout cas non essentielles du fait de notre dégout ? Les Nations originaires devront donc rester. Point final.