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Les vérités

La question de la vérité est mise à mal par l'actualité concernant l'épidémie. Est-il vrai que l'hydroxychloroquine est efficace pour soigner le covid ? Est-il vrai que le vaccin est inefficace et ne permettra pas l'éradication du virus ? 

Pourquoi et comment est il possible d'affirmer en public le contraire et aussi le contraire du contraire, en référençant dans les deux cas une notion de "vérité" qui semble ainsi problématique ? 

Tout d'abord on aura lu l'excellent "à quoi bon la vérité" de Pascal Engel... 

Ensuite, on rira de 2003 et des armes  de destruction massive, parangon du mensonge d'État et du mensonge tout court, même si la chose "avait" été vraie, et que de toute façon, Saddam Hussein mentait aussi... 

Ce qu'on évoque est une discussion en Richard Rorty et Pascal Engel... Discussion philosophique qu'on peut résumer en la nécessité (ou non) de faire la distinction entre vérité en elle-même des choses et vérité comme simple  justification de ces choses. Disposer de la valeur est il nécessaire ? Non pour le pragmatiste Rorty. 

Plus qu'un déconstructeur, relativiste ou postmoderne, Rorty est ainsi un "pragmatiste". A la suite des lumières, qui établirent que la morale n'avait pas besoin de Dieu pour l'ordonner mais que la raison suffisait pour l'établir, il affirme que les discussions sur les valeurs sont vides de sens et peuvent être abandonnées. Cela en allant au delà de Kant: les discours de "distinction" deviennent inutiles, en fait. On a ainsi une mutation de l'analytique de "vide de sens" à "inutile", forme suprême de la déconstruction, identifiée donc au pragmatisme... 

Les seules valeurs sont ainsi "communautaires" et discutées dans les groupes humains, l'utilité sociale l'emporte sur la valeur indépendante de tout. Le mot ne désigne rien d'utile, et n'explique ni ne justifie rien. 

Engel propose bien au-delà de la classique (et partiellement ridicule) correspondance avec le réel, qui suppose l'explication déjà produite, la vérité comme "norme" de l'assertion et de la croyance, c’est-à-dire comme concept permettant de normaliser les deux activités, c’est-à-dire de les qualifier afin qu'elles soient possibles. Il y a une réalité derrière ce qui asserte ou croit et l'assertion et la croyance elles-mêmes peuvent en être qualifiées.  On a ainsi "croyance correcte en une assertion vraie".

Différencions les deux positions: la vérité est alors accord entre les membres d'une communauté, ou bien accord avec le réel. 

Engel critique fortement cette histoire de communauté, qui est après tout la position "poperienne" d'accord sur le vrai comme non réfuté, la chose restant "en soi" et donc kantiennement indéterminée vraiment. Même si, et là Kant laisse place à la croyance, le vrai reste pensé à défaut d'être connu. 

Le problème est que si une communauté a son cerveau lavé (l'Allemagne nazie, par exemple), les autres peuvent elles se contenter de voir une vérité "partielle" ? Non ! Les illusionnés "ont faux" et donc, la vérité existe indépendamment des communautés, car indépendamment d'une d'entre elles.... 

La question du discours communautaire ne peut garantir que les -intérêts- communautaires, et encore à condition d'être exprimés démocratiquement: le véritable est universel par définition et norme absolument tout, sinon il n'est pas, pas du tout...

La chose s'applique aux "dispositifs" de Foucault, sensés identifier la "vérité" à des systèmes historiques appliqués à son établissement. Cela ne prouve rien bien sur, le factuel local ne pouvant définir un concept qui se trouve à la fois ou à tour de rôle: norme du connaitre, but de l'enquête, et ainsi valeur conceptuelle essentielle. 

Par contre, et là ça tape fort, Rorty explique mieux l'utilité en question, dans le sens de "manifeste": pour lui, la croyance ou la considération du concept ne se traduit par rien: les maths ne sont pas améliorés et la société inchangée. La vérité ne sert à rien, et la philosophie ne doit s'intéresser qu'à ce qui en vaut la peine... 

On pourrait lui donner raison et trouver l'utile du concept: la volonté de s'y diriger, le concept de "norme" valant comme motivation l'humain ayant besoin de guides... C'est en gros la réponse de Engel; la question de l'éthique étant le but, et la vérité de la non pratique de la torture se devant d'être universelle, l'utilité pratique de cette considération apparaissant essentielle malgré la réalité de ses transgressions... 

J'avoue en rester à l'inconnaissable pensé, le refus du communautarisme relativiste étant pour moi essentiel: on ne peut pas définir la vérité autrement qu'en la rejetant hors du conceptuel, et la chose en soi demeure le seul succédané à l'objet G. 

On remarquera par contre l'opposition vérité absolue/affirmation communautaire en se référant au conflit Raoult/Etat, chaque camp prenant l'autre drapeau et s'échangeant les arguments. 

Vérité vue par Raoult dans sa communauté autiste face à la vérité "évidente" de l'inefficacité de ses drogues, qui conduit les politiques décidées par l'Etat. A moins que ce ne soit cette communauté de dirigeants corrompus qui ont choisi le "lavage de cerveau" face à l'affirmation évidente de la vérité  unique de la faible mortalité à l'IHU. 

Dans les deux cas, les tenants de la vérité absolue peuvent se référer à d'autres admirateurs de la lumière, que ce soit l'ensemble des pays du monde dans le premier cas, ou les nombreux praticiens qui de part le monde fournissent des traitements variés. Dans les deux cas aussi, les tenants du communautaires n'ont pas de doute: cela (ne) marche (pas).

Peut on dire alors que norme ou accord, la vérité n'existe pas, ou comme autre chose que comme une "décision" ? A moins qu'elle ne soit que "question", dont on ne pourra jamais se plaindre...  

 

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