Les Empires
À l'occasion d'un entretien avec Alexandre Douguine (1), on réalise mieux la nature des forces en présence pour expliquer et orienter le monde.
Douguine théorise les empires, les vrais, assis sur des valeurs traditionnelles mais aussi au-dessus des nations, car il le dit nommément, les nations ne peuvent disposer de la souveraineté. Unifié à l'extérieur mais divers intérieurement, les empires forment le monde multipolaire, et donc, non pas les nations.
L'ennemi est le monde globalisé, monopolaire, qui n'est pas décrit comme un empire mais comme une zone anarchique construite sur des valeurs à rejeter, en gros le libéralisme woke. Son contraire est l'idée de l'empire, multiple et allié de ses voisins tout en étant dominant de ses marges différenciées. L'empire est construit autour d'un pôle, toute fois, en Russie autour de la Russie et de son peuple, par exemple.
Poutine, le patron de son empire, qui a sauvé le peuple russe, à la manière d'un Moïse, est contre le globalisme ET le nationalisme, c'est le sens de son écrasement de l'Ukraine nazie/nationaliste. Le projet de Trump, qui se propose d'unifier sa zone géographique en prenant Canada et Groenland, ne fait que l'imiter, ou plutôt que partager le même point de vue. Trump est ainsi un "pro poutine", qui rompt, sans doute définitivement avec le monde globalisé auquel appartenait l'Amérique jusque-là.
Reste l'Europe, pauvre dernier soutien de la chimère, Macron se posant en anti-Trump, peut-être le futur chef de ce qui restera historiquement du globalisme finissant: l'Europe woke décadente, dont les élites ont décidé de lutter contre l'identité même de l'ensemble civilisationnel dont elles faisaient partie. Le suicide culturel de l'Europe fait ainsi pitié: lutter contre ses traditions, c'est mourir.
Douguine décrit les empires comme des nations "civilisationnelle", c'est-à-dire comme des extensions de groupes cohérents de valeurs. Il voit donc le monde musulman comme un futur califat organisé autour de l'islam, mais l'Inde comme la civilisation multi-religieuse du karma, commun à toutes ces religions. L'Amérique est le projet eschatologique protestant tandis que l'Europe reste l'alliance de Rome, Athènes et Jérusalem. La Chine plus subtilement organise ses valeurs autour de la fusion impériale entre le ciel et la terre...
On remarquera que l'Europe n'a pas de nation centre, et pour cause, toute l'histoire n'a été faite que des tentatives de chacune de ses nations à prendre la prééminence tour à tour, Pologne comprise... La théorie de Douguine tombe donc sur ce point et cela est radical: comme si l'Europe, de ce fait, était condamnée, suivez mon regard.
Douguine force le trait et exprime une belle rancune contre l'Ukraine instrumentalisée, tout comme le djihadisme, pour lutter contre la Russie: nationalisme et radicalisme religieux, c'est-à-dire la même chose, utilisés comme armes civilisationnelles.
Au final, le barbu russe parle de l'espérance orthodoxe, optimisme eschatologique soit une foi vivante en la victoire finale, quelque soit les épisodes tragiques à supporter: l'essence de la vieille force russe qui passa 300 ans sous les mongols, portée par la force obscure du peuple gardant toujours les fameuses valeurs, à la fois contenu et contenant, ce qui leur fait traverser l'histoire.
Revenons aux nations, et la nation russe en est une. Contrairement à Dougine, je crois qu'elle fut obligée, tout comme toutes les nations impériales à former son fameux empire, qui n'est qu'une organisation physique imposée par l'histoire des nations précisément, la forme empire étant la seule chance de régner au-delà de sa zone géographique d'origine. Que serait la Russie sans une organisation politique lui permettant d'empêcher la venue de l'étranger depuis la plaine infinie qui s'étend partout autour du Kremlin ? De là à essentialiser l'empire...
L'Europe pourtant est effectivement candidate à un empire, c'est le rêve réactionnaire d'un de Benoist et des rêveurs de Ego Non (2). Construite sur ce qui reste de Rome et des germains imaginatifs du centre Europe, elle se veut grecque ou indo européenne, ou même carrément barbare, en tout cas crypto fasciste et surtout non chrétienne et non nationale.
Désincarnée et ainsi bien plus proche de l'idée macronienne qu'on veuille bien le dire, je la décrirais comme "Mitterandienne", c'est à dire hypocritement associée à des nations préférées dont on préfère taire le nom.
Je suis radicalement contre cette monstruosité, comme Français et comme crypto chrétien: gallo romain et trinitaire, je hais la trahison germaine d'Alésia et reconnais l'échec de Charlemagne à civiliser les saxons qu'il n'a pas assez massacré, ce dont je m'excuse auprès de la Russie qui n'en a que trop subi les conséquences funestes. Comme par hasard, ces misérables inventèrent aussi le protestantisme, autre monstruosité et qui se déploya pour son malheur, aux Amériques.
Les nations, organisées autour de l'idée qui fonda notre civilisation avec le judaïsme ancien ne peuvent être dépassées et la souveraineté nationale peut et doit s'opposer aux empires, condamnés à les détruire avec cruauté, ou à se faire finalement dominer et piller par elles. Le plus petit échelon de l'agrégation historique ne peut qu'être essentiellement suffisant et ne disparaitra jamais.
Revenons à la Russie, en particulier soviétique, qui après avoir détruit l'Empire des tsars, tenta de constituer un nouvel empire tartare en s'étendant en europe occidentale. Dirigés par des fanatiques pas tous russes, ils voulurent instaurer administrativement une organisation pluri nationale étrange cimentée par leur idéologie débile, mais à portée universelle. Ils firent plus que l'Empire et cela échoua. Néanmoins, ils firent très peur à tout le monde et soulevèrent bien des enthousiasmes, pour le moins. L'Amérique protectionniste ancrée dans ses provinces ringardes sortit alors vraiment de ses gonds et imita. Au point de faire construire une Union Européenne complètement affidée, qui rendit service jusqu'au bout, au point d'aller tel le caniche en Irak (à part une petite rébellion qui fit tout ensuite pour se faire pardonner) et bien sûr en Ukraine, ou elle cherche à continuer seule l'oeuvre de son maitre, tel le canard décapité toujours actif.
Le monde monopolaire "fin de l'histoire" des USA, imitation donc de la domination soviétique ratée est donc maintenant en échec complet et va vivre ce que vivent les roses, sous le regard triste du popov vainqueur. Bien fait.
Que doit faire l'Europe, en plus de se débarrasser de Macron ? Et bien pour chacune de ses nations, s'allier avec ses voisins, et discuter d'égal à égal avec chacun d'entre eux en cherchant à ne pas trop se trahir, comme ils l'ont fait finalement pendant toute la période. De ce point de vue, l'exclusion éclatante d'Ursule Van Der Leyen des discussions des "coalisés" est riche d'un modèle de coopération finalement souhaitable ! Comme si la première pierre d'un futur débarrassé de l'institution supra nationale venait d'être posée.
C'était le projet Gaulliste avec les discussions franco allemande de 62 et 63: des discussions importantes sur la défense et la politique étrangère qui se font directement entre chefs d'Etat proches. Avec des accords ponctuels décidés sur le champ en fonction des intérêts communs. Est-on proche d'un accord évident sur l'abandon de l'Ukraine découpée en tranches à ses nazis et donc à la nécessaire cruauté russe? Cela serait l'évidence à suivre.
(1) Bercoff Douguine Tocsin https://youtu.be/gsKaBUZh2MI
(2) Ego Non et les civilisations https://www.youtube.com/@egonon5710