Les ploucs
À l'occasion de la sortie de Périphélia Métropolia, encore une description du basculement fondamental, selon Guilluy, des sociétés occidentales, basculement en gros décrit par Christopher Lasch dans "La sécession des élites".
On rappellera la distinction qui n'est pas entre urbain et rural, mais entre métropolitain et phériphérique, périphérique lui même urbain (le rural c'est bien moins que 10% de la société), mais isolé, et à l'écart du monde.
Le métropolitain c'est comme il y a 50 ans, 40% de la population, mais avec une sociologie radicalement changée: la bourgeoisie élitaire comme avant mais devenu bien plus libérale que conservatrice, et une petite bourgeoisie devenue d'extrême gauche et écologiste après avoir exclu et complètement remplacé le populo relégué en périphérie.
Au contact de la mondialisation et de la seule production qui vaille, la consommation, les métropoles règnent sur un espace périphérique qui ne lui sert à rien, désindustrialisation oblige: elle l'ostracise, le méprise et l'exploite, par exemple en transformant en résidences secondaires les littorals, en excluant là encore le populo désargenté.
Le reste de la population fait aussi sécession, en se fragmentant et abandonnant les représentations centrales avec les médias officiels, justifiant par son inculture ou ses cultures diversifiées sa rupture d'avec le centre qui s'en désintéresse et aussi l'ostracise. Deux mondes déconnectés constituent une société devenue globalement aveugle à elle-même.
La grande régionalisation de 2015 a coulé dans le bronze le phénomène en officialisant la métropolisation des centres de chaque grande région, structurée maintenant de cette manière-là, précisément et donc, volontairement.
Guilluy ne va pas tant que cela au-delà de cela, se contentant de critiquer l'archipélisation de Jérôme Fourquet car niant l'essentielle bipolarisation globale. On note que l'"élite" est elle-même fragmentée aussi, l'extrême gauche métropolitaine détestant sa macroniste élite ! En particulier, il est bien obligé de taire l'association naturelle que l'on fait entre France périphérique et Front National, la Trumpisation des esprits rimant avec Lepénisation. Au passage, la décision de la fin de ce mois est très attendue, et on ne voit pas ce qui va empêcher la loi de s'appliquer, Ferrand ? On va bien voir et c'est l'occasion d'une réaction violente, ou pas, la propagande de guerre menée actuellement étant bien en rapport avec une volonté de maintenir la fausse cohésion de l'ensemble pour encore un tour.
On rappelle que le "front républicain" a l'année dernière diabolisé le très dédiabolisé parti, maintenant ouvertement comparable au parti socialiste de la grande époque, pro retraite à 60 ans, attachés aux territoires, et acceptant l'islam voire ouvertement anti raciste.
A ce point on doit donc expliquer que la scission de la société est d'abord l'aventure socialiste des années 80 quand au nom d'une question sociale interprétée par la société de manière particulière, on se lança dans l'aventure européenne, et dans l'assistance généralisée que permettait la dette hors contrôle rendue possible par l'association avec l'industrieuse Allemagne. On put alors mettre fin au nom de l'égalité et de l'espoir populaire à la classe ouvrière ET au parti communiste en même temps qu'avec l'aventure industrielle de la France qui n'avait jamais vraiment pris.
Le refus ruralisé de la France des campagnes pour ce qui l'avait tant fait souffrir pendant tout le siècle des révolutions s'est donc enfin matérialisé et nous y sommes. Devenu inutile car ne servant à rien, le peuple qui refuse de se faire exploiter vit donc des prébendes de l'assistanat et peut donc penser et faire ce qu'il veut, on s'en moque. En même temps, toutes les représentations culturelles du progrès humain mis en rapport avec cette libération, enfin séparé comme l'eau et l'huile de la pensée de la domination finale du prolétariat, enfer sur terre maintenant universellement rejeté, purent se déployer dans le vrai progressisme, totalement libéré de toute tradition et de toute décence commune. Cultivée par les élites, la généralisation du couple du père bourgeois et du fils écolo au service du bien et de la grande consommation a fait son oeuvre et un nouveau peuple, capable de faire des études supérieures, a commencé à se reproduire isolément du reste dans un territoire qu'il a grand remplacé: la métropole.
Et pourtant, je parle pour moi, elle est bien sympa cette métropole: des petits villages sympas au milieu de la circulation, comme les bourgs paysans de l'ancien temps, et totalement protégé de l'enfer que sont devenues les campagnes, obligeant à la bagnole pour profiter des zones industrielles et des parkings d'hyper marchés. C'est bien le rejet de cette "ruralité" là qui m'a fait préférer Paris, bien plus comparable aux centres des villes moyennes d'antan, modèle préféré (et en fait idéal) de la véritable petite bourgeoisie française. C'est ainsi le gout d'une certaine "authenticité", par ailleurs abandonnée par les ploucs sur-urbanisés, qui fait qu'on s'est réfugié dans les vrais centres-villes que sont devenus les quartiers centraux des métropoles.
Ainsi donc, c'est bien la faute des pauvres, devenus socialistes, et refusant de vivre leur condition ouvrière exploitée au profit de smics ruineux pour les patrons détestés et de retraites somptuaires à des âges indus, et qui plus est devenus adeptes de la bagnole campagnarde au diesel gratuit des subventions européennes, si la société est ce qu'elle est. La métropolisation des élites de droite est la revanche de cet abandon du gout de l'effort: puisque c'est comme ça, nous irons chercher en Chine nos pauvres à exploiter dans les usines, et cela diminuera en plus le cout de l'assistance, le populo pouvant à pas cher se procurer télés et baskets à la mode fabriqués au loin.
Cette explication/justification un peu sommaire est à mon avis une grande partie de la vérité, et qui convient bien à la fameuse périphérie, qui étant majoritaire a pu exprimer ses souhaits de vie, et les vivant, ainsi donc. Le fait est que longtemps "pauvre" ou du moins se vivant ainsi, malgré l'étonnant décollage des débuts de siècle, hélas interrompus par des expériences malheureuses de courtes durées, 4 ans à chaque fois, mais d'autant plus douloureuses. La dernière, avec les rutabagas suivis par le cargo culte américain lessiva pour toujours l'ancien monde et le sentiment de devoir l'organiser seul, un collaborateur avec plus puissant que soi le fit deux fois, avec l'Allemagne nazie puis avec l'Allemagne anti nazie, au nom de l'Europe, on ne fait jamais que n'importe quoi, ce qui continue encore aujourd'hui.
Que reste-t-il alors du vieux peuple français ? Pas grand-chose sinon sa souche, qui reste malgré son dénuement au moins quelque chose de fondé sur l'histoire, le reste des inventions modernes qu'il soit le funeste woke ou l'affreux mixte islamo nègro gauchiste ne valant rien, cela est sûr. Cela suffira-t-il pour qu'il en sorte un petit rien une fois passée la période de vide d'au moins cinquante ans qui s'annonce ? On peut toujours l'espérer, cela fait quelque chose à faire...
(1) Roux Guilluy https://www.youtube.com/watch?v=65ZGxu5Kh4I