Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Le double renversement de la vengeance

    On ne réalisera jamais à quel point le woke est profond (1). 

    On commencera par l'ébahissement devant et pourtant la claire conscience du vrai dans l'accusation: raciste essentiel, je suis blanc et donc à la fois construit et identifié par la terrible haine du noir qui, c'est sûr, voudra, et en fait a raison de se venger maintenant, non seulement d'un soi-disant passé, mais aussi des sentiments que je puis avoir de lui à la fois justifiés, préexistants et effectifs, maintenant. 

    Où est la vengeance là-dedans, ne serait ce pas plutôt de la haine pure, immotivée et donc essentielle, c'est-à-dire le contraire même de la vengeance et d'une quelconque raison, recherchée désespérément de part et d'autre ? 

    L'idée de la présente est que malgré tous les efforts des uns et des autres, la chose est en fait symétrique et structurellement entrelacée: il n'y a pas de détestation justifiée, il n'y a que ce qui est le contraire de l'amour: la pure hostilité réciproque permanente et donc violente, la résolution de l'affaire ne pouvant être que l'issue de l'action violente, seule en charge de déterminer l'avenir de l'un des protagonistes, l'autre étant voué à la mort ou à l'abaissement temporaire, le temps en question pouvant être puis ou moins long. Le vaincu d'un jour peut-il ressortir de l'histoire longtemps après, pour "se venger" ? Certes pas ! Il ne voudra que refaire le match quitte à le reperdre et à revouloir le gagner un jour. 

    On se réfugiera donc la bondieuserie girardienne, qui avait élucidé la chose et qui faisait du religieux ce qui résolvait le problème par l'exhibition d'un être sacré unique effectivement sacrifié. La religion étant le récit mythique expliquant l'histoire de cet être ainsi "sacré". On a donc bien dans toute l'histoire un religieux avec comme Dieu l'être noir archétypal, victime suprême post christique. 

    L'article cité évoque la fausseté de cette religion dépourvue de Dieu. Justement: la construction woke vexe le christianisme comme "blanc" d'une part, mais aussi comme "cargo culte"  en exhibant une victime qui ressemble au christ mais pas tout à fait, un fac-similé en bambou, en quelque sorte. 

    D'abord parce que Jésus comme vecteur du Divin exagérément mis en avant efface bien le visage de Dieu, la trinité trop difficile à comprendre ayant été évacuée. Cela est assez bien copié. Ensuite parce qu'il tombe dans le travers du faux culte, soit de celui qui veut cacher quelque chose, soit la nécessité du culte de la victime: l'esclave noir fut d'abord vendu par sa famille et on comprend la frénésie woke à en détruire le principe sous les deux aspects: race et genre ces deux choses sont fausses et s'appuient l'une sur l'autre, leur intersection étant principale. 

    Le caché de cette religion là est donc précisément ce que décrit Girard: la réconciliation cachée de la honte familiale des religions primitives, l'être noir (mais qu'on peut facilement au barbare blanc équivalent) devant se racheter de la nécessité de son existence comme non métissable opprimé inaccessible à la civilisation, l'histoire de cette oppression étant en négatif, à la fois invisible et clairement exprimé, ce qui fait exister le complexe social woke, LA société, quoi, à la fois nécessaire, injustifiable, et surtout, adorée. 

    Il faut noter au final la présence de la 4ème composante woke, la "position", celle des universitaires théorisant, auteurs des textes sacrés et grand prêtres du culte qui se célèbre en rituels variés. Tout y est vous dis-je. 

    Que peux faire le christianisme de tout cela ? On se prend à se vouloir conquistador, arrivant peu nombreux dans le temple, en se bouchant le nez devant les peaux des victimes sacrifiées qui servent de pagne aux prêtres du culte maudit.

    Et à grand coup d'épées, consommant les dernières munitions des arquebuses, on les tuerait tous, avec du sang jusqu'aux chevilles, et on repartirait pour un tour, l'histoire n'est qu'un recommencement de toujours. 

     

    (1) https://decolonialisme.fr/la-victime-et-le-sacre-au-fondement-du-wokisme/

  • Les Etats de droit

    C'est bien sûr Antigone, la tragédie qui nous explique que l'"État de droit" est un problème, comme structure, comme choix et comme décision. 

    Car la structure, on commence par là, est à considérer sous ses deux aspects. 

    Antigone qui veut (et pense devoir) enterrer Polynice son frère en application de lois qui pour n'être que naturelles, n'en sont pas moins positives au sens strict, la décision de laisser le cadavre pourrir violant à la fois le respect familial et la pure hygiène au nom d'une douteuse convention édictée par je ne sais qui, un comité théodule quelconque, ou l'exemplarité en voie d'affirmation d'un pervers agissant au nom d'une idéologie en établissement. Antigone représente ici l'État de droit qui se doit en toutes circonstances exiger de procéder au devoir au nom de l'éternité de conventions nécessaires protégeant contre l'arbitraire. L'Exécution est évidente: on doit enterrer les morts. 

    Créon n'est donc qu'un militant énervé d'une lutte à mort épisodique qui a négocié avec le diable une torture originale pour fonder un ordre sacrificiel nouveau d'autant plus affirmé qu'il viole le sens commun. 

    MAIS, il est aussi celui qui affirme une souveraineté propre aux circonstances : la lutte des deux frères avait pour objet la ruine de la cité, et le cadavre du comploteur vaincu s'était mis plus qu'hors la loi, hors du bon sens de la famille et de la patrie. Il ne ressort plus du commun et doit être plus que banni: bouffé par les charognards. Affirmer cette décision, c'est prononcer au nom de l'État pur, de l'autorité nécessaire à la sauvegarde quoiqu'il arrive de la Patrie, la nécessaire exclusion du pire crime qui soit: vouloir piller Thèbes défendue par Etéocle son propre frère, lui garant de la prospérité de la ville. Le bon souverain mort en héros mérite tous les honneurs, et son assassin puni toutes les hontes. Cela est nécessaire à la nouvelle autorité, qui s'établit finalement sur la nécessaire destruction de la famille maudite (toute la fratrie est issue de l'inceste d'Oedipe).  

    L'exception aux lois naturelles ou positives, qu'importe est imposée par le nouveau pouvoir à construire pour Thèbes. Créon s'impose. Le doit-il ? Pas de par la loi, mais de part le nécessaire historique, à défaut du nécessaire moral, qui est celui du futur de la Patrie. 

    Créon représente ici l'absolue nécessité de la violation de la loi et du refus de l'État de droit, qu'invoque une folle hystérique en fait surtout passionnée par ses viscères, ceux qu'elle a reçu et qu'elle ne réfléchit pas, préférant s'abimer dans un respect conventionnel d'on se demande quoi; née d'inceste, on ne voit pas ce qu'elle a à respecter. 

    Pourtant Antigone est traditionnellement présentée comme la résistance individuelle à la loi "positive" édictée par l'État qui ne prendrait ses décisions donc que via des lois à contester au nom d'une liberté et d'un respect d'une morale personnelle qui aurait donc le droit de s'y opposer. C'est donc Antigone la souveraineté "démocratique", attachée à la défense du "droit naturel" et traditionnel d'enterrer les morts. Droit "naturel" ? Droit quand même, supérieur à l'injustice du droit décidé nominal. Le débat se transforme donc, le droit traditionnel, ancestral à respecter étant celui de la nation ancienne qui refuse la domination du nouveau conventionnel qui se croit tout permis au nom de je ne sais quoi. La souveraineté est celle du primitif, de l'ancestral, et la vraie Patrie est celle du Paternel... 

    On notera que le mystère de l'ancêtre maudit incestueux fondamental ruine cette prétention et c'est l'indication de la justesse de MON interprétation: Antigone a TORT. La loi a tort en elle-même, et n'est qu'un instrument aux mains des politiques souveraines, fasse le ciel que de temps en temps le souverain soit juste et avisé pour rattraper les bêtises des autres dont celles causées par l'application imbécile des lois quand elles se toquent par malheur de vouloir diriger. 

    On en revient donc à l'opposition de philolosophie du droit, entre démocratie et justice. La Justice et le droit doivent ils garder la démocratie contre elle-même ou bien doit on laisser la démocratie, c'est-à-dire le peuple, faire la loi ou plus exactement faire agir l'exécutif selon son vouloir, au lieu de simplement appliquer la loi, celle-ci étant sensée contenir toute l'information nécessaire pour faire la politique ? 

    Kelsen contre Schmitt, et le débat est important, il conduit la vraie différence entre droite et gauche, l'exigence de justice de la fameuse question sociale se traduisant par le vérolage des lois, la conduite de l'Etat étant confiée à des rêveurs qui le ruinent par moralité, rinçant la terre entière au nom des "droits de l'homme".