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  • Les politiques girardiennes

    A l'occasion de relectures variées, un petit résumé de la politique telle que vue par René Girard, dont l'ombre qui fait sens continue de décrire le monde absurde dans lequel nous vivons. Mort en 2015 le vieux gourou avait tout décrit de la victimolâtrie déjà présente à son époque et qui ne se généralise vraiment dans sa terrifiante absurdité qu'aujourd'hui. 

    Le cantbreath et le woke ont pris les US et réussi à virer Trump, la seule réaction saine à l'affreuse vérole qui avait saisi l'Amérique d'Obama. Soit ils vont s'en dégouter en 4 ans, on peut toujours rêver, soit les US privés de leurs dernières défenses immunitaires vont vraiment plonger dans le fentanyl, la seule solution au terrible sentiment d'étrangeté qui survient devant une resucée d'une sorte de nazisto-communisto-islamisme qui recouvre progressivement le monde. 

    Allons droit à l'essentiel. 

    D'abord le souci des victimes au sens judiciaire est sociologiquement plutôt récent: les premières indemnisations systématiques dateraient des années 70. Les juifs expulsés des années 42 qui reviennent en 45 n'osent pas revenir chez eux et s'enferment dans un silence étrange...

    Ce n'est que dans les années 2000 que toutes les écoles de Paris se couvrent de plaques évoquant pour toujours les enfants arrachés à leur classe pour être assassinés et qu'on n'oubliera jamais. 

    La pointe de l'île de la cité est vérolée de noir pour le reste de l'histoire. Cela émeut ceux qui visitent, et vexe et navre les propriétaires des lieux, insultés à chacun de leur passage... 

    Auparavant, la justice ne s'intéressait qu'aux coupables.  Les victimes, elles, ne devaient pas se venger et on leur fournissait des raisons de ne  pas le faire. Car la première motivation d'une victime c'est bien sur la vengeance et la justice a pour première fonction d'interrompre le cycle des vendettas, et l'éternité des violences réciproques. 

    Cette fonction de l'Etat est fondamentale. Quand elle n'existe pas, les sociétés tribales qui n'ont pas d'Etat se structurent autour de vengeances éternelles et de conflits perpétuels institutionnalisés. Les mafias tchétchènes ou albanaises vivent comme cela, la Corse y est en plein bien sûr. 

    Girard

    On arrive à Girard, et sa structuration du social autour du sacrifice masqué puis, à l'époque moderne, du fait du rejet par le judéo-christianisme de cette injustice, autour d'autre chose, et qui explique magnifiquement la victimolâtrie qui nous recouvre de sa morve. 

    Les systèmes sociaux modernes bien qu'ayant aboli le sacrifice et en rejetant systématiquement tous les aspects, se révèlent en fait très résilients aux crises de violence généralisées qui faisaient si peur et qui ont inventé le sacrificiel pour s'en prémunir. Cette interrogation sur les aspects dégénérés du monde moderne et aussi sur son relatif pacifisme est celle de Girard, d'ailleurs. 

    Passons par l'exception à la pacification judéo-chrétienne de la civilisation moderne: une double tentative pour revenir à l'archaïque sacrificiel fut pourtant faite au XXème siècle par le nazisme et le communisme. A l'occasion, une saillie brillante: alors que le nazisme eut le juif comme victime, le communisme eut lui tout le peuple, perpétuellement opprimé et menacé dans son ensemble, le racisme prolétarien restant fictif et réduit à l'oligarchie qui domine le parti, comme en Chine, le pays des fils uniques à papa. 

    Nous voilà donc revenu à la crise mimétique moderne, mais qui nécessite des doses de victimes symboliques de plus en plus importante pour fonctionner: c'est maintenant la transformation en victimes de toute la planète, euh en fait l'inverse, la chose à sacrifier car coupable étant son dual, l'homme blanc. Cette oscillation entre les rôles tout en maintenant la validité de l'histoire, finit par devenir vertigineuse et c'est tout Girard, je dirais, qui branle un peu, tout en finalement se trouver justifié. 

    Un point focal, d'ailleurs à la hauteur des enjeux nazis et communistes, dont les rêves ne sont peut-être pas terminés: l'appel global, la globalisation est un appel à l'"universel" et donc un dépassement de ce qui ne l'est pas ou plus: le judéo-christianisme... 

    Peut-on dire que le sacrifice a déjà eu lieu, avec la colonisation, le nazisme et tout le modernisme et que la dénonciation de ce sacrifice devient le culte mondial maintenant établi et qui se doit de détruire et d'oublier ce qui y a présidé avec injustice ?

    A moins que précisément ce ne soit l'inverse, et que la grande crise mimétique mondiale causée par la venue à l'existence d'une globalisation informationnelle qui amène tout le monde à se comparer et donc à se trouver à égalité, donc en rivalité, ne conduise à nouveau à activer les grands moyens, donc le sacrifice, cette fois-ci à une échelle vraiment grande ? 

    L'intuitition Girardienne est celle là: une dénonciation du sacrifice elle même sacrificielle nous menace, et ceci à la hauteur de la connaissance partielle du mécanisme. La dénonciation de l'injustice faite à la victime n'est pas réconciliation pacifique, mais au contraire formation d'une violence encore plus forte. La dose augmente pour que le mécanisme fonctionne car on ne peut être apaisé que par l'ignorance. 

    Revenons en arrière: les relations du politique et du religieux sont en cause. Pour Girard, il n'y a pas de politique et tout est subordonné à la rivalité donc au sacrificiel et donc au religieux, seul technique de sortie de crise, les institutions et ses rites étant exclusivement religieux en fait. Pour se rattraper, Girard exclu alors en fait le divin, le religieux étant sociologique et non pas théologique, car issu des interactions humaines: Girard est dans le camp de Durkheim. Contre Hobbes et toutes les formes de "contrat social": l'accord ne peut être libéré et les institutions ne peuvent fonctionner que dans la méconnaissance du sacrifice. 

    Ce clivage là est splendide et fondamental: on a bien clivage complet entre les camps de l'explicite d'une part et de l'implicite d'autre part, le sacré du légitime pouvoir reposant sur l'ignorance. 

    Il faut bien voir que ce culte de l'ignorance, ou de l'autorité, parangon de la réflexion "tradi" quant à la solution à nos problèmes, se trouve voir sa nécessité expliquée (et justifiée ) par Girard: c'est la nature du monde, et le "politique" lieu de l'expression de la nature humaine se trouve alors nié. Le contrat social est anthropologiquement impossible ! 

    Ce qu'on appelle le politique n'est alors que la volonté mimétique et pathologique de se soustraire à l'emprise du médiateur dans la rivalité mimétique, un élément lubrifiant le sacrificiel en marche, la fameuse lutte contre la "domination". Girard est ainsi directement opposé à Schmitt et refuse toute autonomie au politique, l'ami et l'ennemi n'étant que des rivaux enchevêtrés et le fameux conflit aurait toujours la même forme: révolutionnaire contre conservateur, foule contre pouvoir avec toutes les inversions que permet l'histoire.

    Au passage, une définition intelligente (Girard est très fort) des "crises", périodes brèves ou par un retournement de situation, ce n'est plus le conservateur ou le pouvoir qui dirige mais le révolutionnaire ou le peuple, avant que tout rentre dans l'ordre...  

    La violence devient inter-nationale, et la victime surtout les peuples engagés dans les guerres (le "sacrifice" des jeunes générations)

    A ce point, on voit l'enchainement et la confusion des deux thèmes: dénonciation de la domination médiatrice d'une part, dénonciation de l'injustice fait à la victime émissaire d'autre part et confusion des deux, pour plus d'excitation mimétique, ce qui est ce qu'on disait. 

    Le contre pied

    On pourrait prendre le contre pied, et vanter au contraire le contrat social comme une tentative "douce" de régler le problème institutionnel. Car après tout, le sacrifice comme meurtre public n'est pas le vrai but du système girardien, mais un symptôme. La véritable raison est l'instauration de la paix civile, organisée autour des rites, des interdits, des lois. S'il  y avait moyen d'obtenir tout ça proprement, sans meurtre, on aurait un politique "justifié" ! 

    Et puis, le vote est individuel: par l'obligation d'une décision propre soustraite à la foule (l'isoloir est le signe de l'exigence du choix non collectivement excité), on tente de supprimer le mimétisme basique et le mécanisme du lynchage. 

    On pourrait alors renverser Girard, et nier le sacrifice d'ailleurs contredit par les anthropologues, qui n'y voient qu'une pratique tardive, propre à l'apparition de l'agriculture. L'humain le fut avant le meurtre et les dieux des chasseurs cueilleurs étaient surtout des esprits, ceux que l'animisme prêtre aux animaux... 

    On aurait ainsi l'évolution de l'humanité; si P est l'identité entre physique humain et animal et A l'identité entre les âmes. 

    Non P , A est l'animisme originel et peut évoluer de deux manières: en changeant P, PA étant le totemisme australien, ou bien en changeant A, Non P Non A étant l'analogisme de la renaissance ou de la Chine, LE système sacrificiel par excellence qui communique avec une nature radicalement étrangère via les symbolismes, les astrologies etc. 

    La modernité est le changement de P: la science fait de nous des animaux, notre âme nous en distinguant... 

    Et puis on a les lumières. Smith décrit le contraire du mimétisme violent: la société se construit par la sympathie et l'accord amical dans l'intérêt de tous entre voisins, qui fonde le social. Girard et Tocqueville sont bien contre Smith et la concurrence est violente, mais la main est toujours invisible, par contre et cela est nécessaire: le monopole est une contradiction du libéralisme. 

    Tocqueville est Girardien en ce qu'il est un pessimiste de la démocratie: la passion de l'égalité est pathologique et mène à la ruine de la représentation politique. Néanmoins, il y a un rôle métaphysique à donner aux institutions et donc à la démocratie, rôle positif ou non. C'est celui du Katechon, l'énigmatique force qui retient et empêche la venue de l'antéchrit, nécessaire et préalable à la fin du monde. Cet Etat qu'on identifie à l'Empire, par exemple l'empire germanique, qui maintient en place malgré tout l'existant avec ses défauts, mais qui suspend la fin du monde qui ne peut que passer par la violence suprême. 

    C'est l'idée du politique "nécessaire", du gouvernement des élites, du "néo libéralisme" manipulateur qui évitant que Mélanchon ou LePen arrivent au pouvoir , sauve la civilisation... Le politique volontaire, volontier impérial.

    L'apocalyptique c'est précisément ce que promeut Girard avec son degré 2 du sacrificiel: après l'explosion ou avant, il faudrait selon lui abolir le politique, et se réconcilier vraiment les uns avec les autres. 

    Les institutions 

    Mais on doit considérer ce qui chapeaute tout ça: les institutions en général et donc, et là Girard se trouve encore clivé, considérer la différence entre institutions publiques et privées. Fondé sur l'entreprise privée, le libéralisme n'avait vu que sa petite taille. Devenue grande, l'entreprise fait alors appel au "management" tout comme l'institution étatique, finalement. 

    Se pose alors la question de la légitimation de tout cela. Dans un premier temps, l'Etat fut chargé de régler cette question de taille, la lutte contre les monopoles, marque de légitimité, réglant l'aporie fondamentale de l'entreprise privée qui devient de la taille d'un état, sa hiérarchie interne devenant institution autoritaire. Simplement alors que le monopole est commercial et donne trop de liberté aux grandes entreprises, sa rupture l'oblige à la concurrence et donc aux pressions sociétales qui pourraient la ruiner. 

    Alors que les plus grandes entreprises américaines instituent dans la gestion de leurs resources humaines les principe EDI (Equality, Diversity, Inclusion) imposant à leurs cadres, pour qu'ils le transmettent, la nécessité de se réformer intérieurement pour admettre le crime qu'il commirent en naissant blanc, de quel monopole parle-t-on ? La vie individuelle, elle-même devient objet d'adhésion libre aux nécessités commerciales de son employeur qui ne peut prendre le risque du boycott et donc devient, sans son intérêt soumise aux pressions extérieures. Qu'importe que la liberté collective soit contrainte, l'employé est libre de démissionner... Il ne peut manifester qu'un seul consentement, celui de continuer à percevoir son salaire. On notera la correspondance entre devoir vivre et devoir se soumettre, le grand classique du totalitaire, l'oppression non violente par excellence. 

    Légitimation

    La question est donc la légitimation. Hayek justifia le marché non par l'utilitarisme, mais à la baroque par les principes de l'école catholique autrichienne, c'est à dire l'Espagne du XVIème siècle et l'école de Salamanque. Vitoria, Molina, Suarez, morts au début du XVIIème, on décrit avant d'être conspués par Pascal, puis oubliés, la notion de commerce comme bon car favorisant l'échange entre les hommes, qui se connaissant mieux ne peuvent qu'être plus fraternels. A partir de là, la liberté du commerce s'en déduit, le droit de commercer partout dans le monde étant acquis, justifié donc par un droit de nature distingué du droit humain souverain. Plus que jamais se distingue en occident les droits de nature et de surnature (c'est à dire religieux). Belle définition du socialisme comme se voulant sur-naturel. 

    Mais Salamanque décrivit aussi la distinction entre doit national et international, interne et externe à  une souveraineté, le droit des gens (ius gentium) ayant ces deux faces là. Intéressant, comme quoi le proto libéralisme s'était par avance libéré des excès futurs du trop libre échange. Et  puis, on accepta l'intérêt au nom du raisonnement assez simple qui consiste à considérer l'argent comme une marchandise et donc soumise à l'échange libre et donc à la location.