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  • La chute de Rome

    Bon, Rome pillée en 410 a vu son trésor caché à Rennes le Château et tout part de là. 

    Sans rire, on a une histoire de barbares mal reconnus, les Wisigoths, disons les Thervingues, qui commence en traversant le Danube en 376 et finit par une défaite devant Tariq le borgne en 711, celui qui donna son nom à Gibraltar. Il faut aussi parler de leur défaite à Vouillé en 507, devant Clovis. 

    Les Thervingues furent arianisés par l'immonde Wulfila vers 340 (pas longtemps avant, donc).

    Valens laissa Fritigern passer au sud du Danube, soit disant pour mieux se protéger des huns. Une suite de mic macs conduisit à l'ignominieuse mort de Valens à Andrinople en 378. 

    A partir de là, c'est l'histoire d'Alaric... 

    Théodose 1er, mort en 395,  partage son empire. Espagnol, fils d'un grand général, nommé après la mort de Valens par Gratien en 379, ce fut lui qui imposa le christianisme nicéen avec l'Edit de Thessalonique en 380, et interdisit pour toujours les jeux olympiques. Il réunifia pour la dernière fois l'empire romain. 

    Hélas, il installa les wisigoths, contraint et forcé sans doute, au delà du danube. 

    Il charge le Vandale Stilicon de veiller sur deux enfants nommés en occident (Honorius) et en orient (Arcadius).

    Stilicon est semi barbare, mais valeureux et citoyen romain, il est à la fois barbare détesté par les vrais romains et dernier défenseur de l'empire.

    Allié des Wisigoths d'Alaric, il vainc avec Théodose le franc Arbogast et l'usurpateur Eugène à la bataille de Frigidus en 394. Mais les wisigoths se sont fait à l'occasion beaucoup tuer et en conçoivent du ressentiment...

    Après la mort de Théodose, Stilicon n'arrive pas à régner en Orient. Il est pourtant régent en 395 et fait même d'Honorius son gendre. 

    En 402 il bat Alaric à Pollentia et récupère du butin pris à Andrinople ! Il bat encore Alaric en 403, qui se retire d'Italie. Il défile à Rome dans le même char qu'Honorius et en 405, il est Consul; en 406 il écrase l'Ostrogoth Radagaise entré en Italie. Sauveur de Rome, on lui fait un arc de triomphe, et une statue en or. 

    Mais la contrainte barbare s'accentue: le 31 Décembre 406 une horde traverse le Rhin gelé et déferle sur la gaule, et puis un usurpateur, Constantin, depuis Trèves, prend la possession des gaules. Et puis Stilicon est victime d'intrigues: Olympus, un proche d'Honorius, parvient à le faire condamner. Il meurt dignement en Aout 408.

    Les réactions anti barbares sont ainsi  très fortes dans toute l'Italie, ceux ci s'enfuient et partent rejoindre Alaric. 

    Ainsi, le mal est fait: parvenu au sommet de l'administration et de l'armée, les non-romains ont fait venir les étrangers. Ceux ci leurs sont fidèles (les Francs par exemple, à peine romanisés, se battent admirablement contre les agresseurs Alains et Vandales) mais passent de l'autre coté quand confrontés au racisme décadent de la dernière heure, le chef semi-barbare est renvoyé. Stilicon était Vandale, mais Romain. Le dernier. 

    Dans un premier temps, le parti anti barbare est victorieux partout, en occident et aussi en orient.

    Mais dés la fin 408, Alaric entre en Italie, et Honorius et Olympus privé des hommes de Stilicon ne peuvent l'arrêter. Après force lamentables négociations, Alaric remet le siège devant Rome et la pille le 24 Aout 410. La dernière fois, c'était Brennus en -390... 

    Les vrais Vandales, les conquérants étaient alors déjà en Espagne. Ils s'installent en Afrique du nord en 430, et Saint Augustin meurt pendant le siège d'Hippone en 431.  

  • La Grâce

    Il y a dans cette histoire de grâce des siècles de débats, et des oppositions frontales entre des adversaires inexpiables, et il faut en parler. 

    Pélage et sa moitié

    On commencera par le semi-pélagianisme dont Benoit XVI accusa Vatican 2, et cette question du rôle du libre arbitre est fondamentale. Jean Jacques Rousseau lui même fut condamné pour pélagianisme.

    Pélage vivait à l'époque de la prise de Rome en 410... Augustin ne s'interessa à lui qu'après... 

    Successeurs de Pélage, et voulant arranger le coup d'une hérésie condamnée (celle de Pélage) qui niait péché originel et grâce, les moines de l'Erins avec Jean Cassien et d'autres, dont Vincent de l'Erins, rédacteur du Commonitorium sous le nom de Pérégrinus et condamné à Orange en 529. 

    Jean Cassien fut un moine célébré par l'orthodoxie et par la doctrine de la théosis, voie typiquement pélaginisante d'accéder à Dieu par ses propres efforts... Il fonda l'abbaye de Saint Victor à Marseille.

    Au passages, en 732, 500 moines furent massacrés dans l'île Saint Honorat, avec Saint Porcaire. On se demande par qui.

    En gros, la foi viendrait du libre arbitre, et ce serait la grâce qui la ferait se développer, la libre persévérance étant néanmoins nécessaire. On a ainsi liberté de l'"Initium fidei" et rôle divin dans l'"Augmentum fidei". La distinction est cruciale.

    Cette attitude, for stoïcienne, est celle des âmes d'élite, des aristocrates du spirituel, et des aristocrates tout court. 

    Augustin

    La doctrine de la grâce est complexe et infiniment astucieuse: elle consiste à concilier conceptuellement la puissance divine et la liberté humaine en résolvant le problème fondamental du religieux dans n'importe quel monde civilisé doté de réflexion: l'existence du mal, le rôle de la responsabilité humaine, la responsabilité de Dieu... 

    Augustin était au départ manichéen au sens strict: disciple de Mani, celui qui donne au mal un statut ontologique irréductible. Alors qu'on pourrait se croire enrôlé dans le camp du bien et donc conduit à se faire à 7 pour mieux combattre, la doctrine est en fait déresponsabilisante (ce n'est pas moi qui ait fait le mal). Augustin le converti théorise alors le mal autrement, comme défaillance, dans son cas, celle de la volonté, ce qui est platonicien, dans le cas de Plotin c'était l'ignorance. 

    Le péché originel, littéralement inventé par Augustin fait que l'homme auteur d'un acte libre, se trouve privé de la "justice originelle". Ici "justice" signifie "rectitude", c'est la question des théories de la "justification" que d'en parler. Pour en rajouter une couche, le terme "justice donnée par Dieu" dans Paul (Romain 1.17) s'associe à la foi, et à la grâce, en fait. ("justicia" est reçue comme "gratia").

    Alors vient la grâce, donc non pas du bien, mais de la possibilité de le faire. Dieu ne crée pas le mal, n'est pas concurrencé par le mal, mais donne le moyen de s'y soustraire: la grâce.

    La grâce de Dieu donne la foi, originellement, et donc la liberté complète de la poursuivre. Cela est le contraire du semi pélagisme, ce me semble. 

    Il faut noter que c'est la "théorie de la justification" qui sépare catholiques et protestants. Tout cela serait oublié, maintenant (2), mais bon. Disons que l'originalité chrétienne est d'attribuer la faute à un acte libre, commis dans un état de bonté naturelle, l'état initial. Dieu était rousseauiste en fait: l'homme original était parfaitement bon, et même après la chute, il lui reste un bon fond, qui le rend capable de redevenir égal aux dieux. Simplement, pour cela, il lui faut la grâce et c'est ça l'idée. 

    Saint Thomas introduisit la notion de "status" (état de la nature humaine), état historique qui a deux états, précisément: avant et après la chute... 

    Il faut voir que cette histoire de péché "originel" transmissible héréditairement est tout de même particulière, et largement discréditée. Peu pratiquée par les théoriciens juifs, elle n'est pas présente chez les pères avant Augustin, qui ne font tout simplement pas vraiment la liaison entre la faute d'Adam et la déchéance humaine, plutôt liée à la condition mortelle imparfaite... Pour Augustin donc et il innove, le péché se propage par la génération et DONC par le sexe (assez logique en fait...). 

    Dans la polémique avec les pélagiens, Augustin affirme donc que le statut de l'homme n'est pas imitation du péché d'Adam, mais celui de l'héritier d'une faute qui mérite condamnation, et qui nécessite d'être "sauvé". 

    De plus la grâce du baptême,  nécessaire donc, aux petits enfants forcément coupables (le thème fit l'objet d'une discussion explicite),  ne supprime pas la concupiscence (très sexuelle chez le bandard augustin), en fait les 3 libido (amandi, dominandi, sciendi) humaines.

    Un point intéressant au sujet des cités (de Dieu, des hommes): ce n'est qu'à l'eschaton que la fusion se fera, et donc, que malgré tous les ascétismes, le péché demeurera. L'argument vaut donc contre les pélagiens... 

     Molina

    On considéra que Luis de Molina suivait cette hérésie là (le semi pélagianisme): il était dénoncé par les jansénistes et il est cité abondamment dans les longues discussions des provinciales de Pascal. C'est la fameuse discussion sur le droit de tuer pour défendre son bien ou son honneur, même si l'adversaire est désarmé. Molina est accusé de justifier de tuer si c'est pour défendre sa vie, même si c'est pour un écu. 

    En fait Molina le jésuite, comme Escobar, Sanchez, Martinez, Lopez et tous les rigolos espingouins dénoncés avec verve par Pascal, était engagé dans la lutte trentenaire (tridentine) contre la prédestination protestante. Toute les doctrines jésuites visaient donc à concilier liberté et omniscience divine. Des trésors de philosophie furent dépensés à l'occasion et l'illustre Suarez alla jusqu'à avancer la simultanéité parfaite des décisions humaines et divines, gage de la liberté ! 

    Molina considérait que Dieu fixait les conditions et l'homme était libre de son salut, même si Dieu savait la décision à l'avance. Il élabora ainsi la "science moyenne"  celle des futurs conditionnels maitrisés par Dieu. 

    A l'aube de la modernité ces élaborations introduisent l'occident sur les voies de la liberté et de la science abstraite et cela pour des raisons bien prosaïques, vive la théologie ! 

    L'histoire du Jansénisme peut alors être rappelée, l'instrumentalisation étant reine en ces matières, et cela ne prouve rien, ni dans un sens ni dans l'autre... Disons aussi que Mazarin voulut se venger de quelque chose et que l'histoire dura longtemps, à moins qu'il n'y ait eu dans le mysticisme des tenants de l'absolu de bien belles conceptions, funestes mais bien intéressantes. 

    Jansenius

    Contemporain et concurrent de Molina, Jansenius, auteur de l'Augustinus, se réfère à Augustin. Issu de Louvain, là où on combattit Luther, il en rapproche son catholicisme. Hérétique, c'est ce qu'on a dit...

    D'abord il y a deux amours (héhé) celui de Dieu (de l'infini) et celui du monde (du fini), amours incompatibles, typique de l'état de chute, de nature déchue. Plongé dans la concupiscence, l'homme ne PEUTPAS vouloir le bien. Un point intéressant est que cette chute fut voulue librement dans le cadre de la liberté originelle. On en revient donc à un point intéressant: l'homme ne fut pas crée imparfait. 

    Les protestants

    Bien sur Luther et Calvin furent augustiniens en diable, surtout Calvin, la prédestination étant le fond de l'affaire et le sentiment pieux totalement expurgé de la considération des oeuvres. Sola Gratia.

    Le Donatisme

    Nous voilà alors dans un débat qui traverse les siècles, celui du mélange entre réel et idéel, entre pêcheurs et sauvés, et il nous faut parler du donatisme. 

    L'evêque Donat refusait le sacerdoce et l'autorité religieuse à ceux qui avaient abjuré leur foi lors de la persécution de Dioclétien au début du IVème siècle. L'hérésie, condamnée par Augustin dura longtemps puis fut balayée par l'histoire vandale. Elle est un puritanisme, une inflexibilité, un soutien aux martyrs. Religieusement, elle aurait voué une attention particulière à l'esprit saint. 

    La prédestination

    Qu'on le veuille ou non, il y a bien chez Augustin cette histoire de prédestination, avec une grâce accordée à certains et pas à tous, c'est ce qui caractérise la doctrine. On peut bien sur durcir ou adoucir la chose et c'est tout l'objet des controverses des siècles qui suivirent, mais le mal était fait... 

    Scot

    Duns Scot a bien sur un avis sur la question de la grâce, qui pour lui est nécessaire même sans le péché. Typique du prodigieux génie du franciscain, l'idée fait que la grâce est d'abord ce qui est nécessaire au dessin de Dieu. Car évidemment, celui ci ne peut vouloir créer des pêcheurs pour mieux les sauver ensuite ! La grâce est donc ce qui est utile à sa volonté, qui est de se faire aimer par des êtres libres... 

    Hayek

    Ce débat est repris sous une forme différente, mais peut être pas tant que ça, dans la reprise de la distinction entre naturel et artificiel faite par Friedrich Von Hayek(1) pour qualifier l'ignoble constructivisme. Les institutions humaines sont issues de la nature, comme résultat de l'interaction sans dessin supérieur entre les hommes, et pourtant entièrement artificielles car conventionnelles. La critique d'Hayek est ainsi que les règles de la société ne doivent ni ne peuvent être conçues (dans les deux sens actif et passif) comme finalisées, ou orientées en vue d'une fin. 

    Cette critique, proprement épistémologique, va jusqu'à dévaloriser les notions quantitatives de relations entre des agrégats mesurables et donc condamne dans son ensemble la macro économie, disons plutôt Keynes.

    Quel rapport me direz vous? Et bien il s'agit de la liberté essentielle, qu'il s'agit de concevoir hors des prévisions divines sur la prédestination de tout. Car la fameuse grâce, même si elle permet de ne pas être la cause directe de l'action humaine, peut être refusée à certains, ce qui conditionne le mal qui est fait. Adam avait il était prévu?

    Seule une conception absolutiste de la liberté, à la Scot, permet de se sortir de l'ornière, l'astuce de l'équivalence des êtres humains et divins permettant de rendre égales, et donc absolues, les deux libertés. De fait, c'est bien Scot qu'on rend responsable de l'idée funeste du protestantisme, celle qui justement utilise l'idée de la prédestination pour justifier sa prise de liberté face à l'absolutisme catholique qu'on jugeait en plus ollé ollé. 

    Sans rire: Hayek c'est l'ordre spontané, qui lui aussi résoud le dilemne et le paradoxe de liberté: non pas mécanisme par exemple sur le modèle de la fameuse "main invisible" dénoncée à juste titre comme instrument de l'oppression, mais exploration libre des possibles (le fameux essais erreurs), guidée par les signaux non coordonnés de l'environnement. Car l'information reçue n'est pas elle même voulue ou planifiée, elle n'a pas de buts. L'intuition moyen âgeuse est là: Dieu n'aime que les êtres libres et donc a fait le monde comme cela...  L'arbitraire divin, image de l'élection non fondée et non justifiée est donc aussi l'image paradoxale de cette liberté là.  

     

    (1) https://www.nonfiction.fr/article-2253-hayek-itineraire-dun-intellectuel-gate.htm

    (2) http://www.vatican.va/roman_curia/pontifical_councils/chrstuni/documents/rc_pc_chrstuni_doc_31101999_cath-luth-joint-declaration_fr.html#_ftnref10

     

  • La Grande Théorie

    Ainsi donc certains se plaignent des présupposés sociologiques. Discipline universitaire, traversée par les doctrines, la science du social ne serait elle qu'un discours politisé motivé par une révélation d'un autre siècle et dont le contenu exact, à cheval entre philosophie et psychologie littéraire serait strictement nul ? 

    J'avoue caresser l'idée et vouloir refonder tout cela en un fantasme amateur de réduction absolue de tout ce fatras à un ensemble de points de vue individuels à collecter et à classer, la valeur explicative de tout cela ne se devant de buter que devant l'absolu individuel perçu par le même (l'individu). Le religieux redeviendrait l'explication du social, et le divin comme motivation, comme indéfinie variation des sentiments personnels des différentes sortes d'humain, l'horizon indépassable de toute motivation. 

    La théorie serait donc une analyse du langage face au divin, comme justification et "raison" du maintien du social, et cela dans tous les cas du social, à travers tous les peuples et toutes les histoires. Car le "social" est lui un concept bien établi: les organisations collectives existent bel et bien et se maintiennent pour des raisons qu'on a le droit d'interroger, mais dont on a pas le droit d'attribuer à des entités dormitives par définition agrégations de rien. 

    Le social est maintenu par l'adhésion rendue collective des individus à une relation personnelle complexe avec un extérieur variable à plusieurs dimensions. Le collectif n'existe pas comme chose extérieure dotée de propriétés et se trouve simplement agrégation pure, par imitation, des comportements individuels. Possiblement émergeant, bien sur, mais purement fictif, et en tout cas pas issu d'une volonté, d'un plan ou d'une rationalité autre que celle des phénomènes collectifs ramenés à des principes évidents d'utilité en contexte. 

    "utilité en contexte": pardon pour l'expression empoulée. La raison d'un phénomène ne peut se ramener à l'utilité pure du fait de sa contextualisation absolument nécessaire. Les mondes symboliques contraignent ce qui est utile et le prestige vaut la survie dans plein de cas. Ce qui fait émerger est le pratique acceptable, et cela se partage.  

    Cette divinisation est exclusive: seul peut être appelé "dieu" ce qu'en disent les gens, ce qui produit un seul être (fictif), celui qui manifestement influe: l'entité derrière le phénomène religieux, forcément existante, comme force sociale, et d'ailleurs la seule acceptable. Voilà la théorie: en gros deux principes fondamentaux: l'individuation de la raison ultime et la collectivisation des raisons par interaction. 

    L'origine physique et historique de l'individuation humaine face ou grâce au religieux est bien sur mystérieuse et se trouve le point "noir" de toute la construction. Notons que la question, scandaleusement sous traitée par toute l'histoire de la réflexion sociétale moderne, reste entière. Je pense que le phénomène religieux au sens large est partie prenante de l'hominisation, ce qui justifie mon approche: l'essentiel c'est l'originel, et le premier discours est celui là. 

    On pourrait parler des chasseurs cueilleurs originels, sans sacrifices et sans dieux, contre exemples systématiques de toute théorie du religieux essentiel. Allant jusqu'à la relativisation des attitudes mentales face à la nature, cela invalide-t-il toute construction individualiste ? Le débat est en cours bien sur, mais je dirais que non: il n'y a pas d'absolues visions du monde, mais des constructions globales en compétition et les humains ne sont pas distincts biologiquement. Voilà pour toi Descola, car on ne me fera pas croire que les animistes n'ont pas une certaine idée de la fiction que constitue cette histoire de plante qui pense...

    Pour être un peu humble, je me réfèrerai aux 3 théologies envisagées par Tilich:  zéro dieu, rien que dieu, et la relation sur base de péché... Zéro dieu, c'est le refus de mettre le religieux à la racine du social, un athéisme mal placé; rien que dieu c'est le déisme typique, trop content de mettre le grand tout au centre; la relation ou aliénation est une interaction avec son origine (on a été crée, bien sur). Pour tout dire, il me semble suivre Tilich: lui aussi pense que le religieux est constitutif de l'humain et de sa culture. Et pourquoi, pas? Il serait alors un sociologue génial en plus qu'un théologien génial. En tout cas, c'est bien à partir de lui que je me fais mes petites idées. Un théologien protestant multiculturaliste, génie fondateur de la nouvelle science du social ? Ah le beau rêve. 

    Tillich sera donc l'inspirateur et il faudra continuer de le lire. En parlant des 3 théologies, on en fera la base des 3 sociologies équivalentes, la vraie étant le seul type de représentation acceptable qui tienne et qui ce qui se passe dans la volition partagée des individus: une interaction avec l'invisible qui nous fait humains et depuis longtemps, et aussi le refus que j'assume de toute espèce de chose conceptuelle qui nous pousserait dans le dos, ou qui serait le nom arbitraire que l'on donne à ce qui nous est commun. Seul "dieu" par définition a droit à ce titre, et il est de l'autre coté de la barrière. 

    Non pas que je sois tombé mystique, mais tant qu'à faire, autant donner une définition "active": la chose est CEQUI agit comme tel dans les psychées humaines, il n'y a qu'à demander. Non pas une chose qui serait plongée dans un science, un concept quelconque, mais une chose "existante" et c'est la seule qui existe comme cela. Inutile d'en théoriser la scientificité ou la matérialité: elle se trouve indépendante, régulièrement décrite comme non matérielle et donc en quelque sorte objective. Plutôt que de prêter à je ne sais quel opium la vertu explicative, ce qui n'est jamais qu'une mythologie de plus, osons le dire: c'est bien au nom du dieu des communistes qu'on part pour le goulag et la raison profonde qui oriente les idéaux est bien l'ailleurs de l'homme, la chose qui fait de lui celui qui peut justifier l'invisible. 

    Notons que cette volonté de rattacher la "sociologie" à quelque chose d'autre que l'insupportable et incompréhensible pseudo science prétentieuse que l'on connait, ne date pas d'hier. Activité infondée, sinon sur les prétentions d'écrivains français talentueux spectateurs de l'avènement de l'immonde bourgeoisie, pourtant souhaitée ardemment un siècle entier par leur parents. Balzac se voyait en "docteur en sciences sociales", Flaubert autant et Zola pratiquait, en plus de la photo et de la bigamie, la "vraie science". Auguste Compte la prétention injustifiée faite homme inventa la mot et on se retrouva donc, c'est la thèse de Wolf Lepenies (1) (après Snow 1959, qui dénonçait la culture littéraire dévoyée dans le nazisme par ignorance des sciences), dans le mixe de deux cultures: on mixa socio (du latin) et logie (du grec) dans un mot insoutenable qui ne désigne rien...

    Et bien, moi, je remplace la littérature par la théologie: car ce n'est que fadaise que la littérature, crée par Molière pour mieux moquer les bourgeois qui voulaient se faire gentilhommes, et cela du point de la royauté (c'est à dire au delà de l'aristocratie) et dévoyée par les contempteurs de la bourgeoise, finalement surtout révoltés par les cocufiages dont ils sont victimes en permanence... La seule exception, Proust,  s'explique autrement, on en reparlera. 

    On peut parler de Bourdieu, brièvement: tout pour le plouc palois, crétin des pyrénées à accent, est à mettre dans la légitimation. Comme si on se préoccupait de la légitimité de Dieu...  

    On en rajoutera avec le célèbre "Les Héritiers" (Bourdieu,Passeron) fondateur de la génération de salopards qui ont détruit l'enseignement scolaire et universitaire en France: obsédé de bourgeoisies et d'inégalités mal placées, les pédagogistes formés aux meilleures sciences ont baissé le niveau jusqu'à mettre les petits africains non francophones à égalité du peuple d'un pays moderne, progressivement sous développé donc et ce n'est pas fini.

    Est il encore temps de foutre en l'air cette science là? Sans doute pas: le renouveau ne viendra qu'après la catastrophe. 

    La méditation sur la nature de la chose est de toutes façons à faire, et il faut attendre le grand âge des criminels pour qu'ils songent avec amertume à leurs crimes (2). Quoique: l'homme se finit avec Marx... Au passage les évocations bienvenues de Certeau (le peuple qui, comme moi, braconne et glane les scories informationnelles que les vrais intellos laissent trainer) , et même de Bourdieu, qui éperdu de sa politique de gauche ne peut que répondre au "que faire" qu'une sans doute future incubée: le clinamen... 

    Quand aux souvenirs des bigots de la bourdieuserie, (3), ils font pitié et ne peuvent être que source de railleries et de détestation. En gros, on consacre ici le mépris pour la philosophie, victime de déclassement face à l'alliance de la psychologie et de la sociologie "vers 1900", et aussi la sainte alliance de la triple vocation pour la "science" sociale, la théorie générale de tout et le nouvel humanisme, incroyable prétention absurde des posts communistes délirants qui croient dominer le monde. Foutre en l'air tout ça? Pas sans les battre de verges d'abord. 

    (1) https://www.exergue.com/h/2017-06/tt/lepenies-trois-cultures.html 

    (2) Passeron se confie: http://journals.openedition.org/traces/3983

    (3) http://zilsel.hypotheses.org/2954#comment-11561