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  • Les controverses

    Les controverses, cela s'apprend, et à l'école des mines de Pa, et le prof s'appelle Bruno Latour (1). Y a TP, résumé, enquête et note. 

    A l'occasion d'un papier bien fait (2) (voir aussi (6)), qui fait le tour du sujet comme j'aurais rêvé de le faire, je vais me souhaiter pour 2018 mieux que la pire année de loose que fut 2017. On a eu le chemin des dames, la révolution d'octobre et Caporetto. On aura encore pire et la victoire n'arrivera pas en Novembre prochain. 

    Le vocabulaire doit être considéré et on va s'y promener. Au passage la passionnante lecture des souvenirs d'une époque y est aussi pour beaucoup (5).

    La sociologie des sciences

    On se doit de parler de Merton, Robert King , le père du prix Nobel d'économie Robert C. qui fut co-inventeur de la valorisation des options avec Black et Scholes et donc aussi de la crise de 2008. King inventa plein de choses, à un point qu'il est une référence de la modernité absolument incontournable: serendipité (en sociologie), prophétie auto réalisatrice, et bien sur fonctionnalisme, il est le théoricien des deux fonctions: la fonction manifeste voulue, et la fonction latente invisible, mais effective.  Mais il est bien sur le fondateur de la sociologie de la science, point d'entrée du post modernisme caricaturé ici avec haine et mépris du fait de ses conséquences. 

    Merton était cependant un modéré: il ne relativisait que le conditions d'exercice de la science, et pas ses résultats. C'est l'objet du "programme fort" (David Bloor) (9) de l'école d'Edimbourg en 1980 que de s'y attaquer et de faire véritablement, les STS (Science and Technology Studies) ultra modernes que l'on dénonce ici. Bruno Latour en est bien évidemment le héros français. 

    Le point essentiel, assez logique au demeurant, mais montrant le niveau: on explique l'avènement des théories scientifiques vraies avec les mêmes raisons que les théories fausses: par la cuisse. Mieux, science et religion sont équivalentes, tout simplement.  

    L'anti utilitarisme

    Alain Caillé, fondateur du MAUSS (Mouvement Anti utilitariste en science sociales), doit être cité: il défendit en 1989, le droit à l'excision, son interdiction étant ethnocentrique. Signataire du manifeste convivialiste en 2013, il est orienté politiquement, et c'est bien l'utilitarisme qu'il conspue et même la totalité d'icelui. 

    C'est d'ailleurs pour cela que l'excision est acceptée: marque d'une pratique qui identifie dignité de soi et reconnaissance sociale, cela par delà l'utilité, elle est compréhensible et donc (là je me permet de citer Manuel Valls, premier ministre) acceptable...   

    Le pragmatisme

    Et puis, il y a le pragmatisme, Pierce et Willam James, mort en 1910. Puis Dewey. En gros, il n'y a pas de "vérité" ou de "bien" mais des caractéristiques profitables et ou utiles pour les actions à mener. Le fameux pragmatisme américain. Un fonctionnalisme des idées. 

    CS Pierce: "Considérer quels sont les effets pratiques que nous pensons pouvoir être produits par l’objet de notre conception. La conception de tous ces effets est la conception complète de l’objet."

    Il faut toutefois savoir que Pierce lui même était un réaliste scientifique, attaché à l'indépendance d'un réel extérieur, mais pragmatique de sa classification. 

    Une telle attitude a des conséquences morales, en éducation, en politique; considérée en Europe comme une philosophie de commerçants ploucs, elle débouche sur la philosophie dite analytique, radicalement distincte de celle, dit continentale qui agite les européens et surtout la France, nouveau pays philosophique, quoique toute entier dévoué envers le nazi Heidegger, deutsche qualität oblige. Par ailleurs, elle ressemble furieusement à un relativisme, et la post modernité ne pouvait que s'en servir. 

    La sociologie pragmatique

    C'est donc le nom de l'école de sociologie actuelle (apparue en 1981) où sont TOUS les coucous. 

    Un mot au sujet du passage d'un mot entre domaines, ici entre philosophie et sociologie: bien sur il y a modification substantielle et on doit se méfier des assimilations, dénoncées par les uns et les autres d'ailleurs.  

    Ecole de scientologie pourrait on dire, tant ils dépassent les bornes.  Quand je dis "dépasser les bornes", c'est un euphémisme. On est là en fait dans le religieux pur, le surplombant à dix mille mètres: Heidegger lui même n'est qu'un petit rationateur formé par le grand discours légitimateur viking, c'est dire. Tout est dit là en fait,  la vérole gauchiste a trouvé bien mieux que le marxisme, bien mieux que la psychanalyse, bien mieux que tout ce qu'on peut imaginer: l'explication génésique de la totalité, le clouage de bec total, absolu, définitif et irréductible: le constructivisme relativiste postmoderne, aboutissement de toute parole, de toute théorie et en fait de tout, absolument tout. 

    On pourrait croire que le résultat connu de l'addition de deux et deux, en laquelle croyait Don Giovanni, et que 1984 avait, pour le malheur du communisme, mis en exergue habilement, allait nous faire résister encore une fois. Désolé: élaboré dans un laboratoire sous écoute, avec toutes les bandes dans l'ordi du monsieur, l'aspect construit de l'opération est patent et prouvé, et le résultat, issu d'un compromis pénible dans lequel le capitalisme libéral s'est une nouvelle fois signalé pour son fascisme, terminé. 

    Tout le dispositif technique occidental est en main: la techno science est sous contrôle, cernée par des comités "démocratiques" (les experts cléricaux sociologues seuls habilités à interpréter la parole du peuple, parole ici nommée "controverse") qui en décide les résultats, l'intérêt, et l'utilisation. 

    On aurait pu croire, après la "rumeur d'Orléans" d'Edgard Morin, que l'enquête sociologique avait pour rôle de débusquer les préjugés et signifier à la foule que ses fantasmes délirants n'avait pas d'objet et étaient construits par les mystérieux entrelas de la bêtise collective bien connue. Et bien c'est l'inverse maintenant: elle a pour objet au contraire de diriger la société, celle ci devant être soumise à la volonté absurde et erratique des fantasmes "populaires" gauchistes rassemblés en foule. Pourvu que des femmes blanches ne se mettent pas à disparaitre dans des boucheries hallal, il nous faudrait exterminer tous nos maghrébins. 

    Les Noms

    Il faut faire une liste noire et tracer des croix à la craie sur les portes, on ne sait jamais, le jour du sursaut, le travail des bourreaux en serait facilité: Boltansky, Lahire, Latour, Callon, Thévenot. 

    Il y a aussi Maffesoli (le nom parait incroyable, une vraie purge pour lui). Le chef d'une secte universellement décriée pour son obscurantisme, et sa promotion du n'importe quoi, depuis les astrologues jusqu'aux canulards post modernes les plus ridicules. 

    Les théories

    On passera sur l'habitus de Bourdieu, décrit par un commentaire en (4). Ca c'était avant, l'horreur absolue, en fait faiblarde, car trop classique. Il y a bien mieux. Tout revient cependant comme toujours à placer la description des actions dans un cocon, un écrin explicatif abdiquant liberté ou contingence d'une manière ou d'une autre. Car la sociologie est une science, et une science sans objet ou sans causes n'en aurait pas non plus, ce qui serait dommage pour ces messieurs dames. 

    D'abord le domaine global, les STS (Science and Technology Studies), branche dévouée aux sciences des Gender Studies. C'est là que ça se passe. 

    L'acteur réseau

    Dite aussi ANT (Actor Network Theory), la théorie dont le célèbre spéculateur John Law est un contributeur majeur avec Callon/Latour,  étudie ce qui se passe dans les laboratoires, et bien loin de le réduire aux jeux de pouvoir, le (ce qui s'y passe) y est réduit aux interactions entre des instances de l'abstraction qu'est l'"acteur réseau", entité formée d'un réseau et d'un acteur, évidemment complexe et que seul Latour et ses disciples sous contrôle, architecturés en acteur-réseau, peut décrire en détail demandez leur. De plus, ce qui ne gâche rien, à la fois microscopique et macroscopique, l'acteur réseau est typique de la sociologie vraiment moderne: un n'importe quoi incompréhensible et dénué de signification, et qui explique tout. 

    C'est le fameux CSI (Centre de Sociologie de l'Innovation) qui porte la croix en question.

    Le modèle des cités

    Issu des travaux de Boltanski et Thevenot (1991), on est dans la théorie de la justification des énoncés des acteurs, c'est à dire dans l'étude de leurs arguments au sujet de tout et n'importe quoi du social. On classifie alors les "grammaires de signification" ou cités et on en trouve six, les six cités justes, pôles des justifications des discours et qui sont les "mondes" de la famille, de l'industrie, du commerce, de l'inspiration, du civisme et de l'opinion, respectivement dirigés par le père, l'expert, l'homme d'affaire, l'inventeur, l'élu et la vedette.

    Le "nouvel esprit du capitalisme" de Boltanski en rajoute en décrivant la récupération que fait le capitalisme de mai 68 en ajoutant la cité "des projets" à la liste, qui vise à l'abolition du salariat à terme. Il faudra en reparler, mais en tout cas, pour ces messieurs et c'est bien ce que la fameuse polémique récente (4) nous dit, le capitalisme c'est l'ennemi, comme toujours, et for ever. 

    Les Economies de la grandeur 

    C'est le courant sociologique, modèle général, en quelque sorte, qui englobe le modèle des cités décrit avant. Organisé par les mêmes, bien sur. Il s'agit de considérer les conventions comme grands principes déterminants. 

    L'action située

    Terme introduit par Lucy Suchman en 1987, la théoricienne des interactions homme-machine euh humain-machine.

    Elle parle aussi de cognition située, la chose (la cognition, l'action) ne pouvant exister que dans un environnement et donc s'y identifie... Après (ça y fait penser) l'interactionnisme fanatique de Goffman, on a donc association et (implicitement) réduction, de la relation à la présence de l'environnement dont l'individu n'est qu'un fantôme, un spectre vous dis je. Un véritable concept migrant, en quelque sorte. 

    Le mode 2

    Caractérisation de la production du savoir scientifique post (...) mode 1 (académie, discipline), où la "production de connaissance" s'insère dans le social. On y trouve la "co-évolution" entre science et société et la fameuse "co-construction" parangon de la démagogie politique moderne, Macron est mode 2, donc. On y trouve ainsi "un processus de contextualisation de la connaissance".  On a prise en compte de la "communauté des vivants", humains ou non humains (tiens, tiens). 

    Mieux le choix des concepts n'est plus rapporté aux normes disciplinaires ! La multidisciplinarité est de règle et le biologiste peut se faire sociologue et ,bien entendu, réciproquement.  

    Les forums hybrides

     C'est la théorisation par Michel Callon (du CSI) des espaces de discussion mettant en jeu les sciences et techniques, avec des participants de toutes origines, y compris les associations et les chercheurs et qui remettent en cause la démocratie "délégative". On y expérimente donc la démocratie "dialogique" (7). 

    Les rescapés

    Y aurait il des rescapés de cette manie, qui tout en se révélant "pragmatique", échapperaient au pouvoir sectaire des théoriciens holistes de la métaphysique réaliste du concept explicatif original fondateur d'école et de prébende ? 

    C'est que suis sous l'influence de Chateaureynaud l'auteur des "sombres précurseurs" (lanceurs d'alerte), qui décrit très bien le terrible sort de Bourdieu vers 1990, encore en lutte contre Boudon et Croziet, et aveugle à la montée en puissance  de concurrents bien plus vicieux que lui.

    Le vieux s'engagea dans la lutte armée et périt un couteau entres les dents . Il fut l'auteur, lui le crétin des pyrénées lycéen à Pau, d'une "théorie de la pratique", ça ne s'invente pas. 

    Je mentionnerais aussi Nathalie Heinich, qualifiée pourtant de pragmatiste, mais manifestement en conflit ouvert avec les coucous et engagée dans la polémique Bronner Géhin de novembre 2017 contre la sociologie "critique" (4).

    Chateau. raconte que c'est lui qui en faisant son logiciel "prospero" de classification en langage naturel de corpus de textes, s'est mis à lire "théorie de l'enquête" de Dewey, fait du VRAI pragmatisme à l'écart des catégories pré établies qu'il conspue. Il fonde, au demeurant, l'école du "pragmatisme grammatical"... 

    Il est cité (et cite, d'ailleurs) aussi par Marcel Kuntz dans (6)

    Ma théorie à moi

    M'étant permis d'évoquer Macron, ce panorama de la sociologie, bien sur totalement caché aux lecteurs du point, illustre parfaitement les sous terrains gramsciens des prises de pouvoir politique récentes. 

    En gros, les modernes, comme les communistes, ont exagéré: engagés dans la lutte pro soviétique puis dans une haine du capitalisme qui a fini par porter atteinte à la rentabilité tout court, une refondation tente confusément de se faire de la part de leurs disciples intellectuels encore plus vérolés et encore plus corrompus, et qui veulent profiter de l'évolution de la mode pour balayer les vieux cons et se faire eux aussi leur beurre. Un changement de génération.

    Camouflé par leur modernisme afin de réduire au silence les vieux cons de l'autre bord, ils se lancent dans une prise de pouvoir totale, avec capture de tout, c'est à dire en incluant, comme à la grande époque, le langage et la science. On va en avoir pour pas mal de temps avant de s'en débarrasser. 

    En tout cas, cela illustre que comme partout, il n'y a pas de prise de parole publique qui ne soit assise sur des concepts déployés et étudiés au préalable, et partagés dans des communautés. On avait pas vu venir Macron, et pourtant c'est bien NKM qui a introduit le principe de précaution dans la constitution... 

    Car il y a plus: ce type de théories et de point de vues est, comme tout ce qu'apporte la gauche avec sa corruption morale et intellectuelle, fondamentalement destructeur. De l'attitude globale de la société vis à vis de la science et de la raison et plus généralement du lien social lui même. Au nom d'une révolution toujours revendiquée spectralement par l'immaturité intérieure de jeunes cons brillants, on alimente un déclin et une ruine qui se voit de plus en plus et cela est navrant au delà du possible. 

    La décision à venir sur Notre Dame des Landes illustrera bien mon propos.  

    (1) étudiez Latour : http://www.bruno-latour.fr/node/362

    (2) l'article qui dénonce: https://www.contrepoints.org/2015/08/29/219668-lideologie-postmoderne-contre-la-science

    (3) l'histoire du glyphosate : http://www.forumphyto.fr/2017/11/06/le-thriller-glyphosate-pour-les-nuls/

    (4) la polémique de 2017 sur la sociologie  : https://www.nonfiction.fr/article-9145-haro-sur-la-sociologie-critique.htm

    (5) les mémoire de Chateaureynauld: 

    https://zilsel.hypotheses.org/379, https://zilsel.hypotheses.org/418, http://zilsel.hypotheses.org/458.

    (6) Kuntz encore: http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article2124

    (7) https://www.cairn.info/revue-mouvements-2002-3-page-191.htm

     (8) Un article de Sokal sur le post modernisme... http://www.physics.nyu.edu/faculty/sokal/afterword_v1a/afterword_v1a_singlefile.html

     (9) Bloor et le programme fort http://www.persee.fr/doc/rfsoc_0035-2969_1985_num_26_3_3968

  • Bach et Vivaldi et Reich

    Bach a beaucoup pompé, ce sont ses femmes qui ont tout fait, parait il, mais aussi sur Vivaldi. 

    BWV1065=RV580 et 4 clavecins remplacèrent 4 violons. 

    On connait les 4 pianos avec Argericht:


     

    La frénésie du largo, qui arrive tout doucement après une introduction grandiloquante, et qui EST du Steve Reich, est absolument pharamineuse. Le 3ème mouvement en fait, ne lui cède en rien ou à peine.

    En fait c'est du Vivaldi, voilà l'original: 


    Le larghetto au moins aussi dément au violon, est en 4:30

    Il y a aussi un Bach très bien joué (ah le son...) :


     

    RV580 fait partie de l'Opus 3 (l'Estro Armonico). Il date de 1711. 

    En 1730 Bach doit alimenter la musique de Leipzig, très au delà de ses petites cantates, et il recycle, mais génialement, des transcriptions de quand il était jeune. On imagine les Bach (ses fils devaient être de la partie) en train de s'agiter sur leurs instruments... 

    L'ensemble est à travers le temps, l'espace et la musique la consécration d'un même plaisir, une seule chose en fait, mais qui ne se laisse pas aisément définir...

     

    On avait parlé de Steve Reich ? 


     

  • Les individus

    Alors que la question de l'individuation avait été tranchée, du moins pour les happy few, par l'haccéité de Duns Scot, la question est rebelotée au XXème siècle par le grand penseur de la technique, Gilbert Simondon. Par la même occasion, on dit que "Simondon est le philosophe de l'individu".

    Il est aussi, il faut le rappeler un penseur "positif" de la technique et explicitement, se déclare opposé à toute opposition entre technique et culture. Au siècle du techno pessimisme heidegerro ellulien et après une élection présidentielle marqué par un candidat qui voulait taxer les robots, un grand courant d'air frais. 

    Le thème, exceptionnellement riche, couvre l'individu, mais bien sur l'objet technique et aussi la nature de la vie. 

    On commencera par rappeler que la technique suprême, en l'occurrence l'informatique, qui s'évertue telle la fofolle à vouloir simuler l'intelligence, a grand tort: elle devrait commencer par la vie, et je ne parle pas des automates cellulaires à quoi ces fainéants de programmeurs se sont arrêtés: la vie avec sa transmission etc mériterait d'être plus que tripatouillée par les trafiquants de bébés. On en reparlera, mais le modèle de la machine parfaite n'est pas le cerveau, ça c'est l'ancien monde, mais bien l'animal et pour commencer la chtite fourmi, voire l'abeille. Heureusement, à l'écart du buzz, des gens travaillent, du moins il faut l'espérer. 

    L'influence des lectures de Bernard Stiegler est évidemment revendiquée, mais rien n'empêche d'aller à la source, tout en louant le sémillant repris de justice pour ses stimulantes vidéos et oui, malgré tout, pour son approche positive de la technique, qu'il en soit remercié et félicité.

    Schrodinger

    Tout d'abord, il faut parler des origines de ce type de considérations, le "What is life" de Schrödinger, précurseur par intelligence du rôle de l'ADN, qui décrit la vie comme rupture par rapport à l'entropie destructrice, comme bouffeuse de négentropie, et aussi basée sur un cristal forcément stable qui en assure la reproduction. En 1944, du génie pur.

    Au passage, S. décrit la conscience individuelle comme partie d'un grand tout spirituel, sort de ce corps maudit Averroës, tu ne crois pas à l'individu. Il faut savoir que la question est toujours d'importance: qu'est ce que le fameux "commun" dont se gargarisent les islamo-gauchistes, sinon la perspective d'un grand tout dans lequel nous pourrions jouir tous, enfin mélangés ? 

    Il faut évidemment évoquer cette histoire de néguentropie, qui a fait couler beaucoup d'encre. Il faut voir qu'identifiée à l'information elle fit fantasmer. Popper en personne s'éleva contre Brillouin et les conceptions coupables qui sembler vouloir subjectiver la néguentropie, avec Dieu pas loin. Car il faut comprendre que la connerie relativiste et idéaliste a en fait beaucoup sévi au XXème siècle, les trous de l'interprétation de la mécanique quantique et de la thermodynamique ayant été exploités pour y glisser des créatures vues comme indispensables à la marche du monde.

    L'affaire se finira bien, et on a aujourd'hui une conception de l'information comme partie intégrante de la physique, sans aucun sujet nécessaire (ouf), le démon de maxwell compensant l'entropie qu'il détruit par ouverture de la trappe à particule qui va dans le bon sens en faisant tourner un programme qui doit effacer ses registres et DONC créer de l'entropie. Landauer et Bennet vont même jusqu'à réduire (au sens de réductionnisme) le "software", qui n'existerait pas ("l'information c'est la physique"). La cybernétique c'est donc la science de la réduction localisée et temporaire de l'entropie, on en vient donc à ce qui fut dit plus haut. 

    Scot et Simondon 

    Faisons tout de suite justice de la pensée de l'individu, Simondon pompe Scot (2), la nature commune qui avec l'haccéité fait l'individu étant devenue la "pré-individualité". 

    Et puis il y a l'hacceité de Scot, l'écceité de Simondon et l'héceité de Deleuze... Serait ce le "dasein" de H. ? (Etre là). Au fait pour Simondon, "ecce" c'est "voici", alors que pour Scot c'est "haec" "cette chose".

    Il faut réaliser que nous sommes là au coeur de la solution scottiste au problème des universaux: réalisme du commun et nominalisme de l'universel. La nature commune est le réel, moins que l'unité, c'est la nature humaine, ou l'"intellect général" (le célèbre concept marxiste de savoir commun exploitable) , individuable mais non prédicable; le concept, l'universel est prédicable, mais non individuable. Les notions d'identité et d'unité ne s'appliquent qu'à l'individu, pas à la nature commune ! Et puis, bien sur, l'individu garde le pré-individuel à disposition et donc le commun qui permet la trans-individualité: le collectif se trouve alors rendre possible une forme supplémentaire d'individuation, et ça c'est Simondon qui le dit. 

    Simondon critique les deux classiques types d'individuation: par l'hylémorphisme et par la substance. Il reprend en gros la critique de Scot, quoi, en se faisant Spinoza au passage. Simplement il critique explicitement l'antériorité de l'individualité dans ces systèmes et veut l'individuation, le processus d'accès à l'individu comme premier, c'est la "transduction", concept de l'opération d'individuation. (le mot est bien sur choisi pour qu'il ne soit ni "induction", ni "déduction"). Le terme serait repris des pédagogues des années trente, l'évolution de l'enfant se faisant bien sur de manière "spéciale". 

    L'image de la formation d'un cristal est utilisée: un milieu amorphe méta stable, une impureté et la croissance, la transduction du cristal qui devient ce qu'il est... Et c'est parti pour considérer l'apparition de la vie, on vous l'avait dit. On se retrouve donc dans le domaine de l'élimination du concept de création du monde et même de celui du rapport cause effet: l'être est fondamentalement métastable et l'effet, l'individu en est une rupture d'équilibre.

    La nature ainsi n'est pas ce qui existe, mais le principe de l'existence, le "transcendantal" (parfaite application de la signification du mot) de tout individu. Ca c'est de la philo. 

    En parlant de philo, le pré-individuel se rattache à l'apeiron d'Anaximandre, le philosophe ionien, successeur de Thales à Millet (extrême ouest de la Turquie, en face de l'île de Chios, en pointe de l'actualité). Il fut lui même suivi par Anaximène, partisan de l'air comme substance première.

    Le technique

    Une extraordinaire image de S. utilisant le statoreactor de Leduc: l'individu technique peut n'exister que comme antéléchie (chose qui ne tient sa perfection que d'être en acte): le statoreactor a besoin de vitesse pour fonctionner. 

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    On a ainsi une magnifique définition de l'industrie: quand énergie et information ne passent plus par le même canal et se séparent: le souffle du verrier est artisanal. Et puis malgré tout, l'électronique et les télécommunications modernes (c'est S. qui le dit, il est mort en 1989) se font dans une sorte d'atelier laboratoire; et bien cela est strictement vrai. 

    Mais il y a mieux ! S. se flatte de critiquer l'objet technique en le situant en rapport avec la mentalité technique. Le paquebot de croisière lourd et disgracieux n'est pas un "navire". 

    Deleuze

    Il faut savoir que Deleuze, venu après Simondon, a une conception de la singularité différente, mais aussi similaire dans le sens de "pompée sur". Par contre, désolé, Deleuze m'est totalement impénétrable. Il y a bien cette histoire de "rizhome"(4), et les multiples citations que des gens pénétrés (de part en part) en font, mais cela ne change rien à l'affaire: Deleuze ne me dit rien, absolument rien, du moins pour l'instant. Par exemple, l'"intensité involutive"  comme "concept antiextensionnel du multiple", sensée exprimer la "différence", est pour moi un charabia absolu dénué de signification, sinon l'entrelas tordu de pensées vagues qu'un vieux salopard agite afin de me dominer. C'est pas ça, tas pas compris etc. En plus pour des raisons obscures, il considère que la transduction ne peut s'appliquer qu'à la vie, d'où son concept d'"intensité"... N'importe quoi.

    Car il est possible (mais pas certain, je suspends mon jugement) que Deleuze ne soit rien, sinon un gros baba infatué, supra intelligent, capable de driver une salle de bistrot entière pendant des heures dans l'opacité des fumées variées de son époque, mais rien de plus: ce n'était que du baratin ambigu et contradictoire abscon.

    Simondon, longtemps exclusivement connu à travers les citations que Deleuze pouvait en faire, est maintenant abordé en direct. Allons y.

    Revenons au cristal: et la vie alors ? Et bien se pose la question de la relation entre le gène et l'organisme et du processus de construction de l'organisme, pas entièrement contenu dans le gène, bien sur. La vie suppose alors une transduction allagmatique (qu'est ce qu'on se marre) c'est à dire avec des trucs en plus, penserait-on là l'épigénétique?  La chose décrit aussi l'apparition par émergence de la vision binoculaire; en tout cas l'individu de par la transduction est fait de tout son passé aussi et aussi de son histoire et de tout ce qu'il n'est pas. La nature saute: Natura fecit saltus. Simondon pense donc l'histoire de toute la vie, de l'individu qui n'est jamais mort etc, bref l'évidence (en tout cas pour certains) de l'ancrage du vivant et de ses inventions successives dans tout le vivant. 

    Au fait, le coup de la vision binoculaire introduit le concept de "disparation", différence entre ce que voient les deux rétines et qui fait émerger une belle image en relief issue de la tension entre deux.

    Une pensée holiste qui doit séduire les bobos ou bien un anti scientisme fanatique ? La preuve scientifique de l'existence de l'habitus ou la justification des théorie racistes ? Chacun peut bien manger ce qu'il trouve sur la carcasse, moi j'y voit un intelligible convaincant. 

    En tout cas les processus d'individuation de Simondon s'applique à des objets variés, pas seulement la vie, mais aussi les normes et les objets physiques et techniques.  

    Cyborg

    On ne peut pas ne pas évoquer un élément fondamental de l'individuation, en l'occurrence le cyborg, introduit par Donna Haraway dans sa géniale métaphore de l'indistinction des sexes et donc de l'égalité des humains, avec la machine comme médiateur: c'est bien ce que décrit Simondon avec sa transindividualité technique. Il y a fusion des séparés c'est ça l'idée... 

    On en vient alors à la nature des relations entre individus, communications entre les pré-individuels, et donc principes d'exposition à ce qui peut continuer à s'individuer (vaste programme). Par contre, Simondon ne théorise pas le collectif comme individu. Pour lui, ce sont les régimes d'individuation eux mêmes, permanents et étendus à tout qui sont premiers: ouf. 

    Au passage, on glosera sur le fait que le "singulier", marque indice déclancheur dans le pré individuel (un caillou qui glisse) se distingue de l'individuel, constitué et autonome. Par contre, chaque individu est singulier, bien sur... 

    Il y a aussi la relation avec l'objet technique lui même, qu'il soit qu'abstrait (des règles, des programmes) ou concret (des machines) peut accéder au rang d'individu, et alors devenir l'allié de l'humain. Cette cohabitation entre individus humains et machines les uns issus des autres, hors des fantasmes de la robotisation de l'humain, et aussi de l'humanisation des robots, et bien c'est pensable, la preuve. 

    Serait ce pour cela que Simondon est aussi un penseur de la "différence" ? Ainsi, à rebours de la position "holiste" pensant l'individu comme un tout inséparable, la pensée technique conçoit la machine comme "maintenable": on peut lui changer son bloc moteur... A l'époque de l'obsolescence programmée, qu'on veut interdire, la chose est savoureuse.

    Politique

    Il y a bien des interprétations politiques de tout ça, et on comprendra bien la chappe de plomb scellée de la main gauche qui recouvre Gilbert. Serait il le penseur de l'horrible libéral ? 

    D'abord, l'individu émergeant et tout s'auto organise jusqu'aux relations. Même si l'individu roi et le contrat léonin sont soumis aux processus, ceux ci restent autonomes. Et puis les contrats sont basés sur l'"accord". Quelle plus belle définition du sentiment moral de confiance qui bien sur préside à tout contrat ? 

    D'autre part le collectif est formé d'individus qui ne sont pas les membres spécialisés d'un corps mais des êtres homogènes en interaction permanente. Naturellement c'est l'information échangée qui constitue les liens de ces relations. Et l'internet alors, il faut le "réguler"? La disparation est nécessaire au collectif, bien plus que le consensus: S. est favorable à la tension, bien plus créative. Non au centrisme ! 

    Au passage, une très belle distinction entre autonomie et indépendance: l'autonomie est antérieure, et capable, par filtrage de l'information de conduire à l'indépendance. On ne saurait mieux dire... 

    Au sujet du travail, et bien on le remplace par l'"activité", dirigé par l'individu à l'écart de l'aliénation, du bricolage de loisir et bien sur de l'oeuvre de l'artiste ou de l'intellectuel: le hacker, programmeur solitaire a donc son statut. Mieux ! Les travailleurs cognitifs pourrait être comparé aux anges de Scot: individualisés mais sans action directe, sans corps, ils participent d'un concert collectif ! 

    Reprenons l'intellect général de Marx: il est présenté dans un texte périphérique (les Grundrisse) comme ce qui rend caduque la valeur travail et la valeur d'échange, en contradiction d'ailleurs avec le reste du marxisme, et dont la généralisation provoquera l'avènement du ... communisme !!!! On avait donc raison de s'en prendre à Richard Stallman ! 

    Il y a aussi l'émotion, qui permet à l'affect d'individualiser le collectif. La passion est donc active ici et non pas comme dans la tradition passive, et c'est là que S. conçoit le spirituel: là où apparait une réalité soustraite à l'intentionnalité. C'est là qu'il attire d'ailleurs une certaine hostilité: cela prouve-t-il Dieu? Non en fait, par contre, cette histoire d'intentionnalité semble plutôt montrer un gout pour l'individualisme explicatif...

    Au fait, rappelons ce qu'est le spirituel pour Foucault: une pratique qui suppose que le sujet n'a pas la vérité, mais peut être sauvé quand même. Il faut bien un extérieur mais ici, pas de collectif... 

    Mieux, Simondon explique l'évolution de la pensée, à l'écart de la philosophie, qui au moment des grecs, H. nous l'a assez dit, n'était pas technique: le magique se serait dédoublé, en religion et en technique, d'où la suite. On a donc ici la fusion entre les deux thèmes de S., ce héros: l'individu et la technique, et par dessus tout, l'humain.  

    _______________

    (1) Un numéro consacré à Simondon http://journals.openedition.org/appareil/1738

    (2) Scot et Simondon les anges et les travailleurs cognitifs https://www.cairn.info/revue-multitudes-2004-4-page-33.htm

    (3) https://www.academia.edu/31894400/Differences_in_Becoming._Gilbert_Simondon_and_Gilles_Deleuze_on_Individuation

    (4) La pensée relationnelle : https://www.cairn.info/revue-multitudes-2004-4-page-15.htm

    (5) Simondon et Star Wars http://revel.unice.fr/alliage/?id=3487

    (6) S. lui même https://www.cairn.info/revue-philosophique-2006-3-page-343.htm

    (7) Multitudes https://www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=MULT_007_0103

    (8) L'intellect général http://www.alterinfo.net/LE-MARX-DU-GENERAL-INTELLECT_a50908.html

    (9) le rhizome, c'est pas le réseau, dont les branches sont issues de noeuds. Les branches en partent de n'importe où. La différence, importante est une compréhension profonde: Deleuze est géniaaaaal!