Les prophètes
On a lu "Prophète en son pays" de Gille Kepel, livre testament de la carrière qui s'achève d'un "orientaliste" prolifique que j'ai suivi 30 ans et à qui je n'avais rien compris...
D'abord l'homme viré de Sciences Po par Richard Descoings le drogué déjanté qui peupla la rue Saint Guillaume d'immigrés sélectionnés pour cela et de Normale Sup, (c'est la fin de sa carrière) par Frédéric Worms le fils du banquier de chez Rotschild spécialiste de Bergson et affidé au maoisme woke qui règne rue d'Ulm. Il fut bien sur l'ennemi d'Alain Gresh, du monde diplomatique, le frèriste connu, par ailleurs fils d'Henri Curien.
Il fut l'ennemi d'Olivier Roy dont il ne lasse pas de dire qu'il n'est pas arabisant (spécialiste de la guérilla afghane, Roy est surtout un baroudeur farsi) et s'oppose radicalement à la thèse funeste de l'"islamisation de la radicalité" promue par l'un des responsables d'un aveuglement français qui laissa prospérer de funestes propagandes, jusqu'au Bataclan (300 morts et blessés quand même). Bardé de millions européens, Roy récupéra des thésards de Kepel et finança des études de fréristes bien informés... De manière générale Kepel répète en boucle la nécessité absolue de parler arabe et l'illustre de toutes les manières possibles en se plaignant à de multiples reprises de l'ignorance organisée qui règne maintenant en France...
Kepel vota Hollande, note que celui-ci fut élu grâce au vote communautaire musulman (80%) soit 1,1 million de voix, lui fit un rapport de 500 pages après une mission dans 18 pays arabes, rapport mis au rebut, et les conseillers entendus décriront le djihad en Syrie comme "notre guerre d'Espagne" contre Assad. Et ce furent des islamistes anti Assad qu'on aida finalement et même s'ils furent ennemis de Daech, qui nous assassina, ce fut bien Assad et les Russes ses amis qui les combattirent le plus efficacement. De fait, Kepel ne fait pas la différence entre Daech et les autres islamistes, et même si il y eut bien des islamistes francophones, leurs méfaits en France restèrent mesurés, et leurs exploits surtout au moyen orient, tout à un rêve internationaliste caractérisé, assez différents de celui qui animait Al Qaida, bien plus mondialisé. Daech fut original et Kepel ne nous dit pas pourquoi.
En gros, l'islamisme divise le monde en deux, la partie soumise et la partie des mécréants avec qui on peut faire un contrat quand on ne lui fait pas la guerre. L'Occident est passé du contrat à la terre de soumission: les musulmans doivent maintenant y respecter la charia et les femmes doivent se voiler... La théorie était mal connue: on veut juste nous soumettre. C'est comme l'histoire du "de" et du "en" France des frères, qui passèrent du "en" au "de" pour les mêmes raisons. Cela commença lors de la fatwa de Kohmeiny en 89: une fatwa s'applique au monde entier, donc débarrassé des mécréants.
Kepel parla de "fréro chiisme" pour qualifier les deux islamismes sunnites et chiites et leurs points communs, voire leur complicité. A ce propos, Kepel évoque le fait que les frères furent chassés de Turquie (et presque du Qatar soutien historique des frères) sous la pression du golfe et que ceux-ci, subventionnés par l'Europe, y sont maintenant installés comme au paradis et inspirateurs de bien des universitaires, Kepel ajoute "au détriment de votre serviteur".
La sourate préférée de Qaradawi est bien 8:60, le verset de la terreur:
"Préparez, pour lutter contre eux, toutes les forces et la cavalerie que vous pouvez mobiliser, afin d'effrayer l'ennemi de Dieu et le vôtre". "Effrayer" c'est bien "terroriser", "terrifier". Le terme "terreur" est ainsi perçu positivement dans ces milieux.
C'est pendant l'ère Chirac que s'installèrent des tchéchènes, dont les familles de nos deux assassins de professeurs: la légende du tchéchène qui aiguise son grand couteau, racontée aux petits Russes, fut rappelée par Chirac le russophone, à l'époque. L'assassin de Dominique Bernard, encore enfant fut récupéré par les humanitaires sur le tarmac de l'expulsion.
L'origine des émeutes de 2005 ? Non pas la mort des deux jeunes, mais le gazage accidentel d'une mosquée.
D'autre part, il aida Macron, la théorie de la volonté des djihadistes de mettre l'extrême droite au pouvoir pour mieux motiver les brigadistes étant mentionnée avec Gilles Kepel comme référence lors du débat...
Kepel est porteur d'une compréhension littérale (il voyage et interroge partout, y compris dans des zones dangereuses, puis écrit un bouquin qui rapporte, ce qui est cause des jalousies universitaires dont il est victime, malgré son dévouement à réécrire les thèses en mauvais français de ses étudiants...): il enquête et informe, mais "froidement": c'est l'image que j'ai de lui, le glacial spécialiste qui ne prend jamais parti... Et puis il fréquente, en orientaliste distingué, les grands de ce monde, comme par exemple le prince saoudien MBS, surpris qu'un européen parle arabe et qui l'invite à voyager à sa guise dans le royaume, pour donner son avis sur une modernisation projetée, alors que l'orientaliste est condamné à mort dans son propre pays par de très délirants inspirés de l'hérésie saoudienne... Qui plus est, le visa saoudien, refusé des années par le cousin hostile de MBS fut accordé quelques jours avant l'éviction de celui-ci.
Et puis, il y a Israël, et la condamnation étrange de la provocation d'Ariel Sharon, à l'origine de la première intifada, qui osa monter sur l'esplanade des mosquées pour gagner une élection contre Ehud Bark, l'organisateur du sauvetage d'Entebe. Celui-ci voulait un peu trop faire la paix, sans doute...
Kepel qui n'est pas juif, mais cru tel par tout le monde, a en fait un tropisme arabe du fait de sa proximité linguistique: amoureux des blagues du petit peuple égyptien, passionné à tous les sens du mot par l'Orient compliqué, il est le témoin et le graphiste de 40 ans d'aveuglement français devant l'islam et ses évolutions. Il mentionne pourtant le noeud de l'affaire: les vieux blédards soit disant intégrés qui refusèrent par indépendantisme de faire de leurs enfants des français, qui furent mis au chômage par les arabes du golfe dont ils adoptèrent finalement l'hérésie religieuse bigote et radicale au point de mettre en danger un pays qu'ils haïssent et dont les habitants, contrairement à Kepel, les détestent aussi.
Kepel semble déchainé et sa froideur universitaire semble tempérée par la frénésie humoristique et déjantée du révolté: il dit qu'il s'en fout et qu'il va tout dire, depuis la déploration de l'arrêt de l'enseignement de l'arabe, jusqu'à l'incompétence et la bêtise des dirigeants politiques corrompus et ignorants. Une sorte de créature de Frankenstein se lève.
(1) Institut Diderot conférence https://youtu.be/aWsk1wlpCTQ