Athéisme intégral
On avait déjà évoqué la chose, mais trop brièvement. Dans notre époque de sécularisation, et de destruction de toute hétéronomie, nous avons oublié les philosophes et il faut bien le reconnaitre, toute l'activité philosophique, du haut en bas de l'échelle de la chose est polluée gravement par une démonologie qui va en s'augmentant: les complotismes sont légions, comme ces démons que Gilbert Bourdin passait ses nuits à tuer par millions (1)(2).
Bien sûr, le grand Satan qu'est le "néo libéralisme" n'est que le plus connu d'entre eux, et les "valeurs de la république", qu'on devrait représenter nues avec quelques voiles, ses servantes traitresses du moins pour certains... etc etc.
Partout la métaphore réalisante, auto féconde et reproductrice nous gonfle avec ses créatures, et la lente décadence du langage et de la culture qui nous navre est d'abord celle qui nourrit cette infernale invasion, bien pire que celle qui arrive du sud sans papiers et en bateau: les démons, les diables, des complots multiples qui conspire contre nous. Nous.
On va donc se faire aumiste et chasser ces cochonneries là. Le Christ lui-même l'avait bien fait (3).
De fait, cet athéisme-là qu'on doit qualifier d'"intégral" (le mot radical évoquant une racine et donc un complot, doit être évité) est source de féconde forfanterie et permet de se garder à priori et avant toute bêtise trop flagrante, de toute supposition préétablie: notre liberté est bien plus grande qu'on ne croit.
Le rejet et la chasse à, toute présupposition ontologique intentionnelle derrière les concepts utilisés dans ses élaborations se trouve être donc une sorte discipline et de tactique de discours, voire une métaphysique préalable à tout jugement: il n'y a point d'être bon ou méchant derrière les choses sans sujet qui nous agitent !
L'étude de la chosification des idées devrait être un programme digne de Derrida et moi aussi je veux en toge, suivi par des belles étudiantes (dénudées), me promener en devisant, espérant que les notes prises soient bien de mon intention de les laisser publier après ma mort glorieuse (certains attendent le retour de Bourdin).
Car qu'est ce qui a pris à ces gens de parler de "déconstruction" et en même temps, sans moufter ni hésiter, de laisser une telle force radioactive à la postérité sans jamais faire allusion au fait qu'il ne s'agissait que d'une idée en passant, dont la révélation comme idée et principe de penser ne pouvait en aucun cas avoir une signification présentielle quelconque, et cela d'autant plus qu'il s'agissait de foutre en l'air une "présence" qui était celle, justement, de la seule tentative réelle, grecque et occidentale, de s'en priver. Car la raison combattue pour l'occasion était précisément ce dont on voulait se passer de manière à revenir (ou en fait à aller tout droit) vers le plus loisible au gourou baiseur: son autorité propre, camouflée derrière un être doublement incompréhensible: il est pensé par moi, et quand j'ai un coup dans le nez, je peux élaborer vaporeusement, d'une part, et d'autre part, la chose étant réelle, il faut la caractériser "objectivement". Suivez mon regard. Tout cela étant, pardon madame, ce qu'on appelle une religion: l'alliance de la perception d'un être surnaturel extérieur au monde et d'un prêtre doué, seul habilité, privilège de l'antériorité oblige, à en parler d'un air dégagé.
Passons sur, ou plutôt restons quelques instants devant, Marx et ses épigones, inspirateur partiel du précédent et dont l'élaboration du "capitalisme" que l'on croyait perdue dans la merde et le sang gelé des goulags soviétiques et maoïstes, reste bien vivante et au combien. Même les wokes en ont encore après lui ! On aimerait d'ailleurs qu'on féminise son nom, pour accroitre les capacités d'identification des femelles bourgeoises modernes à LA lutte contre icelui (je me marre).
Bref, tout dans les langages, et les récits composés avec, bruisse de ces fautes ontologiques, décuplées par l'ignorance généralisée des fondamentaux, et qui font s'identifier naïvement, au sein même des raisonnements, les démons des croyances primitives, avec les prétentions à régenter ou réfléchir le monde...
Il faut d'abord justice de tout péché d'essentialisme: l'objet de mon ire n'est pas un démon, sinon l'image d'une croyance que je n'arrive pas à expurger de ma conscience, héritée d'une pensée profonde de mon grand-père: "la connerie humaine donne une idée de l'infini", définition double et (est-elle auto fondée et donc saine ? ) des deux grands mystères qui nous accablent et que hélas, je divinise "en même temps". Comment se libérer de cette oppression ? Et bien on verra plus tard, elle est du second ordre.
Sans vraiment changer de sujet, et puisqu'on a un pied dans les années 60, évoquons cette allusion de Marcel Gauchet (4) ) à la participation "aux bénéfices" quand l'assistance évoqua De Gaulle et sa lutte contre le désenchantement du monde condamné à l'économie. Le vieux dictateur n'élabora guère en faveur de la vraie culture et se laissa prendre les journaux et toute l'intelligence publique par de sinistres crétins communistes à qui il ne fit jamais de guerre culturelle... Méfiant des élaborations droitières, sans doute, qu'il jugeait au moins aussi dangereuses ? Il y a un mystère en tout cas, là, et son action politique, toute d'actions militaires, en fait, ne fut pas "inspirée". Un condottiere pur ou bien un véritable athée, il faudrait y penser.
(2) https://fr.wikipedia.org/wiki/Aumisme
(3) https://www.biblegateway.com/passage/?search=Marc+5:1-20&version=LSG
(4) Marcel Gauchet à la NAR https://www.youtube.com/watch?v=HsKP6tI4KcE