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Les décadences

On se complait dans la décadence. Comme Onfray depuis toujours (sa thèse portait sur Spengler). 

Spengler

 Avant de tenter de fourguer (encore) ma thèse des 3 pensées, je rappellerai la théorie des deux ordres de Spengler(macrocosme/microcosme)(0), et aussi de la binarité fondamentale, Kultur/Zivilisation. (1)

Spengler (le déclin de l'Occident) expose une vision de la décadence comme définitive et se traduisant d'abord par une maturation et donc "la civilisation", puis par la massification qui précède la destruction complète, le phénomène de civilisation ici interrompu, renaissant plus loin sans liens avec le précédent, sinon avec la même structuration historique inéluctable. Il n'y a plus de continuité, c'est sa thèse, dans les "progrès" humains. 

On retiendra l'essence de cette maturation la distinction entre les deux poésies, l'une primaire, sincère et directe, et la seconde, faite de réminiscences, d'imitations, de références et de sentimentalités. On a bien là les deux pôles de l'esthétique, la différence entre l'âge de l'honneur et de la foi d'une part et l'âge de l'argent et de la technique d'autre part. La culture de masse qui se substitue à tout cela finit de tout finir... 

Todd et la défaite de l'Occident

Revenons à nos occidents fous et à notre cher Emmanuel Todd, qui finit, le temps fait son oeuvre, de tout ramener aux éduqués supérieurs, les successeurs des clercs, les techniciens de l'intelligence, qui n'en finissent plus de détester,  mépriser et violenter les basses classes. Au début enthousiasmé par le Brexit et Trump (en 2016, il y a 7 ans, 7 ans de malheur) qui par un message du peuple pouvait évoquer une négociation anglo saxonne entre sommet et base, et qui, finalement, s'est traduit par l'inverse: le nihilisme woke en forme de suicide complet, dans l'apothéose ukrainienne, le ponpon étant la ruine des céréaliers européens décidée par l'entrée de l'Ukraine dans l'Union Européenne ! 

Tout commence donc en 1965 aux USA et prépare mai 68, mais aussi, pour les mêmes raisons, en Union Soviétique, qui s'effondre pour ces raisons là! 

A partir de 1990 et le début de la fin de l'histoire, on attend un peu et hop trente ans après dans un raccourci saisissant, on se retrouve avec un "Occident global" (Poutine dixit) qui a perdu le contrôle 1) de l'ordre mondial en 2001 2) de l'ordre économique en 2008 3) de l'ordre sanitaire en 2020 4) de l'initiative de la guerre en 2022. Une apothéose qui commence à ressembler à un feu d'artifice, les choses semblant se précipiter. 

On distinguera toutefois l'Europe des USA, l'inquiétude de tout le monde portant surtout (bizarrement) sur le référent thalassocratique qui semble mal au point, au point de susciter chez Todd un jugement sans appel: ils ne s'en sortiront pas.

A cette heure, le Texas est en train de refuser une décision de la cour suprême qui ordonne d'abaisser une barrière anti migrants, les Houtis se proposent d'infliger une défaite de plus aux USA après l'Afghanistan, et on permet à des garçons de s'habiller dans les vestiaires des filles... 

Les 3 pensées

On peut toujours souscrire à l'inéluctabilité des lois d'évolution des sociétés, mais on peut tenter d'en expliquer les mécanismes. Mes trois "pensées" (émotionnelle, rationnelle, spirituelle) pourraient en donner une clé, et mes prétentions sont sans limites.

La pensée spirituelle abrite la conscience, de soi, des autres et de Dieu, l'autre suprême invisible. Elle est le lieu de la personnalisation du monde. 

Je verrais bien dans la notion d'"institution" une activité particulière de la pensée spirituelle qui dans son rapport au réel a besoin d'expliciter et de décrire ce qu'elle sent et attribue sa confiance à son propre éveil conscient. Sans discours, la perception intuitive n'a pas de sens et se réduit à la terreur (ou à l'extase, ce qui revient au même). C'est donc l'association de cette intuition et de cette symbolisation qui constitue la colonne vertébrale du mental partagée dans les collectivités et qui fait la "mentalité" des peuples et des cultures. Affaiblir la symbolisation ou la dévaloriser rend ce couplage fragile et donc susceptible de laisser la pensée spirituelle orpheline ou inexprimée et donc susceptible de dérives ou de captations non maitrisées. Voilà donc une modélisation du drame que constituent pour une civilisation les destructions des institutions quelles qu'elles soient. 

On retiendra ainsi que cette modélisation de l'institution en général permet de coupler psychisme essentiel et organisation sociale, et cela dans un domaine mal connu:  on doit considérer les ressemblances entre institutions sociales, politiques et religieuses du point de vue de leur rôle dans les équilibres psychologiques: elles commandent les relations des individus avec le réel. 

L'effondrement

On fera remarquer d'abord que dans l'effondrement, c'est le symbolique qui part en premier: les rites et les concepts des croyants, bref les habitudes. Ainsi la messe qu'on abandonne, ou bien la grâce: qui croit encore à cette indirection bizarre, centre de la conception du péché dans le christianisme ? Les fois résiduelles vaguement mystiques dans ce qui reste du corpus subsistent encore quelque peu un certain temps, c'est l'état "zombie" de Todd, puis tout disparait, du moins ce qui s'exprimait dans ce cadre général. 

Que devient alors l'activité mentale spirituelle ainsi désinvestie ? On pourrait dire qu'elle peut suivre deux chemins distincts vers le passé ou vers l'avenir, suivant qu'elle se radicalise en cherchant à revenir à l'origine de la compréhension abandonnée, vers un évangélisme basique ou premier, ou vers la pureté des bien guidés (salafisme); ou bien qu'elle se lance dans un avenir radieux en suivant ce qui a motivé les grandes découvertes intellectuelles du siècle et qui toutes dépassent le psychisme humain pour aller vers une surhumanité intellectuelle, un transhumanisme.

À part que la voie futuriste, passionnée d'innovation, n'a pas débouché sur grand-chose quant à l'autre absolu, ce qui entrainé les terribles dérives de la remise en cause anthropologique de ce qui pourtant semblait déjà théorisé (différence sexuelle, non différence raciale), dérives proprement religieuses car empreintes d'un sacré totalement irrationnel motivé par la morale. La présence qui se profile derrière tout cela ressemblant fort à un dieu encore inconnu et c'est sûr, absolument inconnaissable... 

Mais tout cela reste dans un état  "zombie" premier, car sans vraie assise, ni sans doute de postérité, car invivable et infondé. L'institué se construit pendant les siècles, comme civilisation progressive et ne peut être créé subitement à partir de rien, comme une startup, et reste une pichenette dans l'espace temps qui sera éventuellement récupérée et remâchée longtemps pour en faire quelque chose de très différent. Qui aurait dit que le christianisme de Jésus se terminerait au Vatican ou que le couple de Mahomet et de Khadija finirait avec Daech ? Les civilisations sont des projets collectifs qui ne se conceptualisent (et encore avec difficulté) qu'après coup. Les petites idées qu'on a évoqué ne sont rien. 

Par contre, et Spengler est dur à digérer, les effondrements sont bien définitifs et ne laissent que quelques vieux bijoux dans le sable, sans postérité que des souvenirs et des désintérêts. 

 

 

 

(0) https://philitt.fr/2023/09/29/la-genese-des-ordres-chez-spengler-une-metaphysique-de-lhumanite-superieure/

(1) https://philitt.fr/2019/04/07/david-engels-pour-spengler-il-ny-a-aucune-connotation-negative-a-parler-de-la-fin-dune-civilisation/

(2) un Cairn sur Onfray https://www.cairn.info/revue-du-crieur-2015-1-page-90.htm

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