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Les perceptions

 

Un interview de Jacques Baud fait penser (1).

En gros, il y a plusieurs sortes de guerres, et la 5ème génération est celle de la propagande pure, celle qui nous affecte et qui est le sujet de la présente: que se passe-t-il, et que nous arrive-t-il ? 

Le dégout

Comment le monde qui a été celui de ma vie, le libéralisme (au sens large) occidental, allié de l'Amérique triomphante peut il être aujourd'hui pour moi, et dans son ensemble, un lieu de corruption et de mensonges éhontés et pire, bien pire, une zone de déclin et de suicide, sans parler de la haine de soi redoublée, celle qui inspire avec le mépris pour cette haine généralisée là, la volonté de tout voir détruit tant la puissance néfaste de ce que nous sommes devenu inspire le dégout. 

Baud est un analyste en géopolitique, d'origine modeste, il n'est ni universitaire ni politique et répand dans la "réinformasphère" (une variante de la fachosphère consacrée à la Russie) des discours qui contredisent radicalement les doxas officielles médiatiques ET politiques unanimement associées en Europe. Au passage, il fait plus que ça, il établit analyse et décrit la structure d'un dispositif local à l'Occident qui le sépare du reste du monde, et qui rend cet unanimisme un objet critiquable rationnellement. Au point que, et là Baud agit en "maitre", on puisse juger ce monde-là comme on explore un tiers monde, ou plus exactement un asile: en entomologiste, en psychiatre.

Au-delà de l'expression colérique désordonnée qui ravage mes motivations et envies de vivre, on peut donc examiner ces choses comme un civilisé véritable face à la barbarie, en modélisateur et peut être en thérapeute, alors que l'on se voudrait barbare voire encore pire pour achever par le feu ces horribles perversions. Un point de vue "suisse" en quelque sorte, ce qu'est Baud d'ailleurs, bien que la Suisse, partie prenant du conflit, ou disons-le à demi partie prenante, car ses traditions font qu'on y trouve encore quelque uns qui ne se plient pas à l'impérium... Un parti pris martien disons, qui se caractérise assez subtilement, il faut le dire.

D'abord la critique de l'unanimisme: élaborer une position qui ne puisse être dans le fond ET dans la forme issue d'une attitude de choix à visée objective entre des points balancés décrits à égalité est interdit. Violé avec sadisme et en série par l'ennemi abhorré qui... (j'arrête là, me voilà qui viole aussi), l'interdit n'est donc pas respecté. Il viole la prudence et la bienséance et le fait est que je m'y efforce souvent (ou pas), ne serait que pour savoir précisément quoi haïr. 

Ensuite quelque chose de plus impalpable et qui tient à une notion plus subtile de l'"ailleurs" quant au point de vue émettant le jugement. Le point de vue partisan est positionné dans une confrontation, ses avis sont des coups portés à l'adversaire et participent du conflit. L'orientation, l'axiologique du discours est sa forme complète et suffit à le caractériser, les modalités de son contenu n'adressant que l'efficacité du coup porté.

Peut-on disposer d'un point de vue assez détaché pour mesurer l'efficacité des coups portés par les protagonistes, qu'ils soient physiques ou communicationnels ? Peut-on même aller jusqu'à considérer moralement neutres ces mêmes protagonistes, ceux-ci pouvant ajuster leurs coups à leur convenance, le seul critère moral étant celui de la paix globale, naturellement matinée de ses inconvénients, et il y en a toujours, à discuter ? 

Face à une situation d'emblée embarquée dans le déni moraliste à la parole jeté à la figure de l'évident ennemi, on peut bien sûr et comment faire autrement lancer la guerre évidente, mais cela contrevient à notre interdit. La première chose à faire et donc de caractériser comme déséquilibrée la position dominante. Le point est alors que la simple mention de l'interdit mentionné, donc, revient à se faire rejeter immédiatement dans le conflit en cours, et à être, donc, dit "propoutine", le nom commun "poutine" désignant le caca et se trouvant adjectiver le mal absolu, l'appellation définitive marquant pour toujours: "désigné voici un temps comme propoutine, le monsieur porte donc des avis à relativiser etc etc".   Là encore on se retrouve dans la position de la révolte violente contre cette horreur là et c'est reparti. 

Y a-t-il régression à l'infini des tentatives désespérées de réagir sainement à l'effroyable maladie ? Il se pourrait bien, la confrontation à "l'agression russe" ou à "l'invasion" pour faire plus court se traduisant par l'obligation de rituellement prononcer l'expression sous peine d'être conduit à l'enfer qu'on promet immédiatement à celui qui disant "je ne suis pas propoutine mais" se révèle d'emblée comme l'étant, et donc se condamne lui même, et on l'a vu, pour toujours. 

Le renversement du narratif se révèle donc épineux, mais nécessaire. "Que retiendra l'histoire? " pourrait être la bonne question sachant que l'exprimer prématurément (alors que l'histoire n'est pas passée) est bien sûr rejeté par les combattants, les mains encore pleines du sang de l'adversaire et engagés dans une lutte à mort. On pourrait donc ajouter, et cela n'est pas idiot que l'examen moral des actes de guerre n'a pas de sens pendant celle-ci, la balance, seulement réglable par la détermination du vainqueur, ne pouvant être faite. 

Sirius

C'est alors qu'arrive le point de vue d'un Sirius qui devient le seul possible et qui rentre alors dans l'histoire: l'Afrique et l'Inde (on ne parlera pas de la Chine) sont les spectateurs éberlués de la frénésie. Apparemment silencieux, mais en fait bavards (il n'est qu'à lire leurs journaux, une fois l'habitude prise, on s'abonne pour être bien informé sur tout) ils nous décrivent les évènements en respectant l'interdit, eux, et semblent trouver tout cela normal, finalement. Ils arrivent même à justifier par une consanguinité héritée de l'antique l'absolu la reprise verbatim de la propagande ukrainienne par les médias mainstream européens: qui se ressemble s'assemble et on ne partage pas impunément l'impérium hitlérien 4 ans sans que cela laisse des traces. Recyclés après avoir été innocentés, les kapos ukrainiens tueurs de juifs ont fait des enfants admirateurs de leurs pères, eux, et on ne peut trahir les bons souvenirs de l'Europe ancienne complètement unie contre le mal russe. Tout s'explique donc ainsi. Par ailleurs, la Russie etc.

L'explication est pourtant limpide et Jacques Baud la présente sur le ton de l'évidence. La constitution d'un bloc central eurasiatique réunissant Europe et Russie, comme ensemble culturel doté de toutes les matières premières nécessaires, unifié sous des formes évidentes de coopérations bien comprises, était au début des années 2000 une menace fondamentale pour l'hégémon thallassocratique constitué définitivement à la sortie de la 2ème guerre mondiale sur les ruines de l'Europe dévastée. Une fois celle-ci asservie, et émasculée de son militaire, il ne s'agissait pas qu'elle prenne langue avec une farouche puissance à grande profondeur stratégique. Pour son bien, on en fit une alliance, dirigée contre le seul moyen pour elle de retrouver son indépendance, du moins celle à l'égard du seul "bien" possible envisageable. 

En vingt ans, ceux de la gouvernance Poutine (Vladimir Vladimirovitch, pas "caca"), on s'acharna donc à ruiner la possibilité évoquée, et le fait est que l'année 2022 consacra le succès de l'entreprise. Sirius s'interroge donc sur le prix à payer de cet évitement, que ce soit par l'Europe elle même, ou pour la zone géographique à prétentions nationales, européenne et otanesque maintenant physiquement, démographiquement et entièrement détruite, je veux dire l'Ukraine. Poser la question est-il marque de "propoutinerie", s'en inquiéter est-il "propopov" ? 

Surtout que les conséquences de la rupture Europe-Russie se sont manifestées et la nature a horreur du vide. Faute d'avoir détruit la Russie (démembrement, démocratisation progressiste, neutralisation militaire) comme puissance "alternative", celle-ci s'allie maintenant ouvertement avec la Chine, pouvant donc continuer son indépendance adossée à un client fortuné avec qui les transactions sont menées dans un système financier indépendant. Une alternative  internationale au Dollar devient le Yuan et la bipolarité monétaire du monde est donc maintenant une réalité. Les deux faits, indubitables, inaugurent un monde qui n'existait pas avant la guerre, et qui ne semble pas souhaitable aux américains, ni aux occidentaux en général. Ils font partie du prix à payer pour la stratégie américaine à succès que Joe Biden semble avoir appliqué avec trop d'intransigence. Peut on se permettre de la critiquer sans être "caca" ? 

Les héritiers

Un autre aspect est la maturité des gouvernances. De ce point de vue Jacques Baud est un "critique de la manière" très sévère: nos gouvernants semblent ne pas avoir de vision ni même d'avis bien établis: privés de méthode, sans manifestement de technique de gestion de crise, incapable de définir des critères de victoire ou de critères de sortie, ils apparaissent profondément immatures, tout à fait incapables d'assumer la situation actuelle: ils se comportent comme des adolescents impulsifs et irréfléchis.

Cela s'applique à toute la génération de dirigeants actuellement au pouvoir en Europe, de l'ouest jusqu'à l'est: jeunes, tous pro-américains, ou du moins nourris des programmes US du type "new leaders", ils sont naturellement sensibles aux orientations stratégiques générales du monde dit libre, qu'on peut qualifier d'"atlantistes", c'est à dire qu'ils se comportent en géopolitique comme des agents de l'influence américaine. 

De fait on a ainsi une génération d'héritiers des drames historiques qui ont précédé la guerre froide et qui l'ont nourri: un antisoviétisme (celui qui fut victorieux lors de l'effondrement de l'union soviétique) qui s'est transformé en russophobie, voire en racisme explicite anti-russe lors de l'élaboration (si tant est qu'elle furent élaborées plutôt que dictées) des politiques que l'on voit aujourd'hui appliquées. Parmi les dirigeants américains, Blinken, Nuland, on a des gens familialement issus d'Europe orientale, et porteurs d'un ressentiment historique familial anti russe, nourri aux épouvantables souffrances du XXème siècles et à leur mémoire toujours active, manifestement. Structurellement et historiquement liées aux luttes du monde libre contre l'empire soviétique, ne serait ce que comme terre d'accueil de tous les transfuges des drames nazis et communistes, l'Amérique continue de vivre ce combat. 

Cette lutte aux composantes implicites non exprimées voire inconscientes est imposée à l'Europe, pourtant héritière de la refondation qui avait suivi la deuxième guerre mondiale et qui avait intériorisé la nécessité de la négociation et de la paix à tout prix plutôt que la guerre irraisonnée, au point d'être apparue longtemps comme une sorte de temple de la paix après avoir renoncé, qui à l'arme atomique, qui même à toute politique ruineuse d'armements. Et cela pour apparaitre avec les neutralités autrichienne, suédoise et finlandaise comme le lieux de toutes les négociations possibles. Seule l'Autriche sortira donc neutre du drame actuel, et cela est bien dommage pour l'histoire de l'Europe, qui se normalise au détriment de la paix dans le monde, il faut bien l'observer et le dire. 

C'est donc bien un défaut complet de considération pour l'histoire et la réalité des rapports pacifiés entre les nations que notre génération d'héritiers démontre et pratique, sans doute pour son malheur. Là encore, le fait accepté et explicite de la pratique malhonnête des accords d'intermédiation de Minsk en 2014, il y a tout de même 8 ans, démontre l'ancienneté de cette rupture avec la sincérité que se devaient de manifester les héritiers ainsi donc hypocrites assumés, de ceux qui présidèrent aux insensées destructions guerrières du XXème siècle, la France et l'Allemagne, rien que ça. L'oubli explicite de ces responsabilités là sonne comme une preuve de l'imprudence et de l'irréflexion que ce soit dans la pratique de cette trahison là et aussi de son aveu. Angela Merkel et François Hollande furent donc ce qu'ils seront désormais: les grotesques pantins d'une soumission ignoble, hypocrite et cynique de leurs intérêts nationaux à des stratégies qui n'étaient pas leurs. Scholz et Macron ne sont pas en reste, ils concrétisent, soulignent et assument l'abaissement. Mention spéciale à Scholz, violenté chez lui, contre sa prospérité, par son allié et qui en redemande. A vomir de dégout mais voilà que cela me reprend: le fait n'est il pas déjà en lui même suffisament tel pour qu'on n'ait point besoin d'en décrire les effets exacts? 

Les narratifs

Il faut aussi mentionner certaines réalités concernant l'organisation précise de la gestion des "narratifs" proposés aux publics occidentaux. Fournis par les organismes de propagande ukrainiens et travaillés soigneusement comme tels, ils sont donc repris "verbatim" par les agences européennes et transmis aux médias qui les diffusent sans sources, ni commentaires autre que d'excitées remarques moralistes condamnant les crimes russes commis dans toutes les circonstances des évènements qui les concernent: crimes contre les civils, les prisonniers, leurs propres soldats, leurs propres citoyens, voire même contre les centrales nucléaires qu'ils occupent, sans parler du corps même du président russe, martyrisé par les sinistres médecins qui le maintiennent en vie contre son gré. 

Au point qu'il semble que ce soit en Ukraine même, pourtant maintenant dictature militaire avérée et revendiquée, ayant suspendu toute activité démocratique partisane ou parlementaire avec aussi toutes les libertés fondamentales dont la liberté religieuse, qu'on trouve des journaux qui évoquent des sujets considérés en France comme de la propagande russe, à savoir par exemple, que oui on décida sur les encouragements de Boris Johnson de refuser l'accord qu'on se préparait à signer avec les Russes au début de la guerre. 

Nous voilà donc dans la 5ème génération, qui situe presqu'entièrement la nature de la guerre en cours. L'exemple de l'interview de Volodymir Zelensky dans un train, qui évoque la défaite impossible de Bakhmut exclusivement sous la forme d'une enjeu communicationnel pur: poutine ayant pour objectif de l'exploiter à des fins de communication. D'un ton nasillard, Zelensky insista ainsi sur la "revente" de la victoire au monde ennemi de l'Occident... 

Comme si et c'est bien la thèse ultime à considérer ici: cette guerre serait donc la première guerre exclusivement mue par les enjeux virtuels propre au monde de la communication moderne qui constitue le domaine exclusif d'action que revendiquent les dirigeants "jeunes et dynamiques" dont le monde moderne s'est doté au nom du progrès; le jeune Zelensky en barboteuse vert olive (il y eut des directives lors des sommets pour que personne d'autre ne porte ces couleurs là) en étant, finalement le chef. La pression que le petit (et musclé) cocainomane corrompu (pardon je dérape) est infernale: à l'extérieur en exigeant des armes, à l'intérieur en se plaignant de n'en pas recevoir assez; la mendicité agressive tous azimuts, qui finalement se consume en l'incroyable sacrifice humain qui fait tuer par dizaines de milliers de pauvres appelés de force. Tout ça pour ça: la 5ème génération. 

Le mensonge

Pour finir, on doit évoquer un nerf sensible de cette guerre là: la question du mensonge, action délibérée menée pour le bon motif qui pourrait trouver ses limites, toute communication d'information laissant supposer qu'au moins une partie de ce qui est déclaré est vrai... Néanmoins l'ampleur de l'engagement occidental dans le conflit se signale non seulement par un soutien partisan déclaré sous la forme de condamnations moralistes variées mais aussi, dorénavant et de plus en plus, par un déni manifeste du réel. Car on ne se contente pas de condamner faussement, on décrit faussement: les russes seraient non seulement cruels voire inhumains et veules mais aussi absolument stupides: incapables et corrompus, les civils mais aussi les militaires du pays sont bêtes et incompétents en plus d'être méchants. Et puis, bien sûr, ils perdent sur le terrain: leur stupidité s'étend à leurs stratégies imbéciles et désastreuses qui leur cause des pertes matérielles et humaines effroyable dont ils n'ont cure. La seule limite à cette défaite militaire permanente, et à cet effondremment imminent qui amène les armées en Crimée de manière sure et imminente est bien sur l'abolue stabilité du front, exclusivement attribuée au provisoire, évidemment. 

Ainsi de fait et en permanence, les médias occidentaux et plus particulièrement les média français déversent en permanence et avec constance, des mensonges délibérés visibles. Ces mensonges sont aussi ceux des dirigeants, en particulier des dirigeants américains conduits à affirmer devant leur parlement des suites invraisemblables de mensonges caractérisés sur la situation en Ukraine et sur leur capacité à aider suffisamment leurs poulains ukrainiens à se défendre contre l"agression russe"... 

Cette pratique délibérée du mensonge là comme dans les drames enfantins ou criminels qui poussent le menteur à mentir au delà de tout, jusqu'à son effondrement final à venir vers lequel il se dirige avec la délectation suicidaire qui anime toute plongée vertigineuse vers le néant (là, je dérape): Hitler tue sa compagne et se suicide, son chauffeur et son assistante passent tous deux une vieillesse heureuse dans une Allemagne en paix.

 

(1) https://www.youtube.com/watch?v=k46OxZf6XgE

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