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Les valeurs

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Le conflit avec la Russie serait-il un conflit de valeurs qui déchirerait à nouveau l'Occident mis au pied du mur devant un choix fondamental ? Aurions-nous commencé une guerre de religions, et instauré un grand schisme, sur la base d'une guerre de puissances, mais aussi sur une vraie détestation spirituelle des uns par les autres ? 

Matérialisé par des forces organisées, le conflit est  aussi  à l'intérieur du camp de ceux qui s'appellent eux-mêmes un peu vite les "occidentaux". D'où la sombre plainte qui monte: nous sommes bien malheureux de cette guerre et il n'est pas sûr qu'elle ne s'étende pas en guerre civile. Quant aux oligarques que tout le monde déteste tant, ne font-ils pas des fêtes obscènes qui ne cèdent rien aux pires orgies capitalistes que manifestent sans pudeur les richissimes du camp du bien ? La richesse extrême est obscène partout et présente partout. 

Car le camp du bien, libéral et occidental, est lui-même très corrompu. Plus qu'on ne le croit et cela empire. Pire: ceux qui utilisent les morales wokes, car il s'agit de ceux là sont précisément ceux qui sont le plus liés aux milieux libéraux financiarisés au pouvoir actuellement. Canada, USA, Europe: la morale qui s'exprime est boursière, crée de la monnaie à tour de bras et en profite à mort. 

La Russie représenterait donc la lutte contre la corruption des mœurs et des économies. Étonnant non ? 

De fait, il ne s'agit pas de cela. 

La pratique religieuse américaine s'est effondrée. Remarqué par Todd, c'est depuis 2010 que la chose s'inverse: l'athéisme devient majoritaire aux US, cinquante ans après l'Europe. Signe d'une demande ou d'un manque de valeurs explicites, les USA tenus à bout de bras par une "réaction" spirituelle qui palliait l'excessive liberté payante d'un monde très différent de la protectrice Europe, se retrouvent donc anomiques et la fuite dans le woke est bien un excès à l'américaine, qui cette fois ne sera contrebalancé par rien. L'unanimité (encore sensible) contre la Russie va peut-être évoluer mais aujourd'hui, alors qu'on est toujours en train de choisir ce que sera l'année prochaine, la gestion des perceptions est délirante et hors de contrôle de toute sagesse évidente. 

La première valeur est l'autorité, ce qui soumet par définition et par principe. Rebelle, elle aussi par définition, la personne humaine se définit par rapport à cette autorité et entretient à son égard un rapport particulier avec deux options radicalement opposées, et aussi dédoublées.

On aura d'abord la relation de considération qui matérialise la prise en considération de l'existence même de l'autorité bonne ou non. Dans chacune des deux directions on trouvera ce qui est considéré principal sous l'angle de la nécessité, la soumission ou non au succédané contraignant, ombre de ce qui existe ou n'existe pas c'est selon.

L'autorité existe ou non. Le cas de sa non existence, ou de la considération de sa non existence est évidemment le plus intéressant. L'individu se sent absolument libre au sens non contraint. Ce sentiment qui s'acquiert à l'adolescence lors de premiers grands émois sexuels ou sentimentaux particulièrement réussis où se matérialise la vraie indépendance, celle de son désir comblé ou manifeste est d'abord rupture prématurée, typiquement avec la famille, la religion ou l'école autoritaire. Elle marque la rupture avec l'ordre ancien généralisée en Occident depuis les années "jeunes" . On y associe la musique dite "moderne", qui généralisa cette fois auprès des jeunes, le jazz révolté de l'émancipation noire aux USA, et qui conquit définitivement l'Occident lors de l'instauration de la classe sociologique des "jeunes" consommateurs. 

De manière étonnante, les rythmes associés, issus des délires religieux des cérémonies évangéliques américaines, étaient bien de nature religieuse mais purent subsister avec et sans (de part et d'autre de l'atlantique) le maintien des croyances sur la même base musicale, l'ignorance de la langue et sans doute d'autres phénomènes à explorer permettant le maintien du hiatus religieux au sein de l'Occident. Bon cela est maintenant terminé, tout le monde parle Anglais, et tout le monde est athée, on peut passer à du religieux plus "hard", les fêtes à la Lady Gaga ou à la Beyoncé recouvrant tout derrière un paganisme cette fois sincère (fini Jesus) et faux cul (on passe aux têtes de morts et aux orgies à peine simulées). 

La rupture avec l'autorité est donc oubli des symboles fondamentaux, perte de vision de ceux ci:  l'autorité n'est plus matérialisée, elle n'existe pas. Subsiste pourtant une contrainte sociétale évidente liée à l'argent, l'état des choses, le pouvoir, le climat, la planète. On peut considérer ce substitut à l'autorité (la barre qu'on subit, la castration en fait) comme considérable ou non.

La première attitude est le woke, responsable d'engagements variés, et sous lequel on rangera tous les idéaux modernes, depuis l'islamo gauchisme, l'indigénisme varié, l'écologie et la planète et en gros tout le progressisme. Religion barbare est bordélique, elle est gestion corrompue du chaos sur la base du mensonge et de la violence. 

La deuxième est le refus obstiné et méprisant, somme toute assez logique, et qui est un anarchisme "hippie" qui dévoile le progressisme comme hypocrite (à raison d'ailleurs) mais se réfugie dans un familial local ultra minoritaire et dénonciateur dont on ne sait pas s'il est retour à la ruralité ou simplement monachisme de la nouvelle manière, ferment d'un futur réveil d'après la fin du monde. Une sorte de survivalisme. 

Les tenants de l'autorité sont eux même divisés suivant qu'ils adoptent ou non le culte de la chose. Religieux et passionnés, les premiers épousent toutes les formes idéologiques du culte du chef et pratiquent en fait le culte de l'obéissance. Traditionnellement militaire cette obéissance a sa dignité, son sens de l'honneur et sa recherche d'efficacité et de fierté. Elle a aussi ses aveuglements et ses bêtises. 

Les seconds relativisent et constituent le peuple des libéraux à principes, reconnaissant la symbolique de l'autorité comme protectrice du libre arbitre indispensable à toute vie d'une part, tout en tolérant par principe aussi les offenses à ce qu'ils respectent. Ils sont les penseurs et les philosophes, ils sont la civilisation éternelle celle qu'on doit toujours écouter. 

Partout dans ce classement, la question des valeurs se pose avec ses subdivisions et ses hiérarchies, car il n'y a que des préférences et comme chacun sait, elles ne sont pas transitives... 

Le passage de l'Occident, en fait de l'Occident américain du libéralisme au wokisme le met en complet porte-à-faux avec les tenants de l'autorité symbolisée militarisée qui est celle du reste du monde, et aussi de toute civilisation organisée. Car on a vu que le woke suscite lui-même des haines terribles de la part de ses propres tenants: nul ne peut résister au désordre infini de la suppression du symbolique et de la disparition de l'autorité, qui ne peut être remplacée que par la corruption de principe, l'autorité erratique de Staline ou de Caligula. 

Car on classera le bolchevisme et tous les gauchismes dans l'orbe du woke. Hors la symbolique royale qui joue un sacre, le chef devient tyran et le contraire de la folie dans le langage nécessaire aux ordres organisés est le ... symbole. 

À la frontière du libéralisme tolérant se trouve, on l'a mentionné, l'affaiblissement immunitaire qui laisse passer certains virus et peut perturber gravement les systèmes de transmission sociaux. Entre parents et enfants peut se bloquer complètement le passage d'une culture, d'une religion et d'une fertilité. C'est ce qui arrive à l'Europe, qui est en train de plonger, inexorablement. 

Comme si elle n'avait jamais existé, l'autorité assumée et symbolisée est universellement rejetée en faveur de son fantôme, un moralisme de l'évidence à qui tous doivent se soumettre, y compris les gouvernants, les lois et la nature même du monde, soumis à l'inévitable. De cette manière, un autoritarisme diffus, impalpable et inexorable, s'abat sur toute la société. Sans image ni raison, sans volonté ni expression il n'est que règle indiscutable, moralisme permanent et surtout inexorablement, absolument non contestable obligation. 

Obligation de faire, de dire, de respecter. Ce qui fait que le symbole chéri, toujours présent qu'on s'obligeait à révérer, se trouve détruit et donc remplacé par rien, bien sûr, tant dis que des comportements de substitution infiniment plus contraignants et surtout absolument indiscutables se trouvent imposés, et cela dans tous les domaines de la vie. 

Toutes les images du chef, du religieux, du responsable, de l'homme providentiel ont été abattues pour être remplacées par celles du bien abstrait non représenté dont le négatif n'est que la sanction pour celui qu'on décrit comme mauvais (le mauvais citoyen, le mauvais chef, le mauvais responsable) comme excuse pour celui qu'on décrit comme la victime, le délinquant privé de raison qu'on enferme ou soumet et qui ne fait que grossir le bas de l'échelle au confort relatif qui ne s'améliore que par un hors social soumis à la barbarie, elle-même excusée et tolérée pour cette raison même.

Petit à petit, toute la société glisse hors du symbolique pour sombrer dans le contraint, le chapeau d'une illusoire sécurité recouvrant toutes les motivations, et toutes les anticipations possibles. 

On décrira l'autorité symbolisée, militaire ou libérale comme un jeu de type hiérarchique ou nécessité faisant loi, on élit un tyran dictateur le temps d'une opération, le chef jouant le rôle de l'horloge à qui on se soumet avec joie, qu'elle se dérègle ou non, l'important étant de jouer dans un rythme respecté. Tout plutôt que le désordre de la discussion accessoire qui n'apparait que comme jalousie, ou conflictualité larvée. Le contraire est vrai aussi hélas et le maintien de la barre dans la mauvaise direction fixée sans qu'on puisse l'"améliorer" justifie toutes les critiques qui marquent à vie. C'est pour cela qu'on célèbre les héros morts pour avoir exécuté des ordres absurdes: il faut tant qu'on le peut mettre du baume aux coeurs déchirés par l'absurde, si cela est possible. 

L'échec de la re-symbolisation après les massacres de 14 et les retours honteux mais dégoutés (d'autant plus dégoutés qu'ils étaient honteux, vu la facilité qu'il y avait à se faire tuer dignement) sonna la fin de la glorieuse histoire française. Les petits exploits coloniaux qui suivirent ne furent que négatifs: sans intérêt et à la fois horribles ou trop faciles, ils ne célébrèrent que des compétences et ne servirent à rien, et puis on en a honte. 

Je serais injuste: on qualifia d'épopée la cavalcade de De Lattre en France et en Allemagne pendant les 9 mois où on tenta de rattraper l'humiliation de 40. Mais nous n'étions qu'une seule armée, avions bien trop d'indigènes pour que l'on en soit vraiment fier et puis ce coté là de la guerre mondiale ne fut en fait qu'accessoire, tout le boulot avait déjà été fait à l'Est. Les Russes rattrapèrent complètement leur lamentable trahison de 18, et au combien... 

Après le défilé de la victoire du 14 Juillet 1919, on passa pour la dernière fois sous l'arc de Triomphe et il ne se passa plus rien: on échoua complètement dés lors à assumer les valeurs d'une Nation déclinante qui s'effondra peu après pour, désolé de le dire, ne plus se relever depuis. Depuis, un drapeau étoilé flotte sous l'arc de triomphe, et on ne fait plus la guerre, à part contre la Russie et encore de loin, voilà maintenant notre destin. 

On l'avait expliqué ici, la Russie fait partie des 3 "puissances souverainetés" qui restent au monde et cela en fait apparamment une de trop pour la chose qui s'appelle l'Occident, dont la partie Européenne l'a longtemps voulue, mais en ordre dispersé, et qui est maintenant soumise à l'Amérique, qui par jalousie et  par haine mimétique féroce tente de l'abattre, c'est en ce moment. 

Les valeurs de la Russie restent et sont restées spontanément celles de l'Empire qu'on connait depuis le XVIème siècle. Recrée spontanément du néant par un prince moscovite face à des empires bien plus civilisés et puissants que lui, la volonté Russe s'inspira de son contraire hallucinée, ce qui l'avait maintenue vivante jusqu'à sa terrible disparition complète: Byzance. Une nouvelle Byzance, tout comme Clovis, mille ans avant, qui lui consul Romain, injecta le désir d'une nouvelle Rome à l'Europe barbare. Le retard historique fut comblé à pas de géant, quitte à écraser l'Europe 50 ans d'un rêve révolutionnaire funeste, pourtant conçu à l'extrême ouest par ce qui lui avait longtemps semblé le comble du chic: la France. 

Elles sont indubitablement celle d'un état reconstitué par une personne autoritaire et qui, contrairement à ce qu'on croit, ne veut pas restaurer l'empire Soviétique mais l'empire Russe, c'est à dire ce qui est l'expression étatique de la Nation Russe. On est très loin de l'idéologie et au coeur d'un sentiment national, autrement plus puissant, ancien et durable que les hurlements pro nazis des petits nationalistes Ukrainiens excités par Stepan Bandera... 

Un aspect de ces valeurs est l'alliance naturelle avec une religion, sur le modèle Byzantin, bien sur et qui se veut sa restauration, et peut être à Constantinople, la volonté d'occuper les détroits restant intacte, et qui stratégiquement empêchée toute la fin du XIXème siècle par l'empire Britannique, ne put aboutir. Sommes nous à nouveau à l'époque d'une guerre de Crimée ? 

Faire civilisation c'est l'objectif éperdu des Russes à l'Est de l'Europe, et à l'ouest de l'Asie. L'aigle à deux têtes (1), orient et occident, l'image même et le projet même de l'Empire, chevillé à la nation. 

On pourrait gloser sur ce qu'est une civilisation, mais au sens traditionnel du terme, tel qu'il continue de marquer les esprits de cette partie là de l'occident, et bien il semble que le sens reste précisément celui qui avait cours en Europe occidentale avant la catastrophe nazie, montée pour faire pièce à la catastrope communiste. Tout s'est passé dans les années 20 et il semblerait que ce soient les successeurs des bolcheviques, ceux qui subirent l'horreur de l'essai raté de faire la société et la religion parfaite qui reprennent le flambeau. 

Pour les raisons de transmission que nous avons indiqué, une civilisation peut cesser brusquement de vouloir transmettre, tout simplement, et la Russie n'est pas en reste, sa natalité restant Européenne et donc suicidaire à terme (1,5 enfants par femme, cela n'est pas assez). Cela reste une faiblesse Russe...

Par contre, désirer ou continuer à valoriser certaines représentations ordinaires du monde constitue aussi une forme de transmission. Les nouvelles représentations sexuelles ethniques et sociales qui se cherchent en Occident sont elles viables ? Elles ne sont pas partagées en Russie et cela consciemment et délibérément: critique du patriarcat, mariage homosexuel, revendications post coloniales, écologisme idéologique ne sont tout simplement pas autorisés dans le sociétal Russe, le maintenant à l'écart des dérives publiques occidentales. 

Vu l'ampleur de l'emprise qu'ont ces 4 thèmes sur les psychés et idéaux de la jeunesse occidentale, qui même si elle conserve une grande masse d'indifférents, ne se manifeste publiquement qu'à travers eux, on peut imaginer que l'imaginaire libertaro-rock qui semblait unifier la jeunesse du monde il y a une ou deux décennies est bien mort.  Le monde est clivé et les idéaux ont divergé.

On pourrait comparer avec le clivage de l'ère soviétique. On pourrait dire, et on le dira que l'équilibre était inversé: c'était bien le monde communiste qui voulait imposer à rebours du bon sens, des valeurs collectivistes, nationalistes, moralistes et surtout autoritaire au sens militariste du terme. L'Occident en désordre, se laissait aller tolérant à ses manies diverses et ne cultivait que la liberté. 

Ne serions nous pas dans l'inverse ? C'est bien l'Occident qui s'impose moralisme, militarisme et censure et surtout qui défie le bon sens. Car la question du mariage homosexuel reste ce qui ne convainc pas: cette expression de l'égalité qui parait si naturelle "à l'ouest" est tout simplement considéré hors nature partout ailleurs, y compris dans les mondes qui tolèrent à divers degré (cette tolérance partout présente à un degré ou un autre, caractérise tout social) l'homosexualité en général: nulle part l'alliance sociétale de famille et de sexualité qu'on associe au mariage ne lui est attribué aussi et cela sans nuances ni statut particulier. 

Cette lutte particulière contre l'exception caractérise l'hubris Occidentale manifestée finalement assez récemment avec la rupture sociétale produite par la victoire totale du "monde gay" en Occident. Non seulement y furent explosés les statuts particuliers qu'on accordait à la bizarrerie homosexuelle, sous toutes ses formes variées, non seulement y furent explosées les discrètes exceptions à la vie ordinaire qu'on accordait finalement assez largement, mais on proclama droit de l'homme les droits familiaux complets aux personnes de même sexe. 

Dés lors, plus d'exception, plus de signifiants hors le strict juridisme défaisant tout sociétisation du sexe et donc du dernier attribut différenciant la nature les personnes humaines. 

Marqueur donc de l'originalité occidentale comme défi à la nature et au social lui même, on a là une caractéristique essentielle du clivage, qui pourrait ne jamais être accepté ailleurs. Est un partage du monde définitif ou le début d'une reconquête qui se traduira par la destruction de ce qu'a transmis le monde libéral post colonial ? Peut il y avoir en Occident une (r)évolution qui rattraperait les choses ? 

Tout cela est à voir... 

 

 

(1) https://fr.wikipedia.org/wiki/Aigle_%C3%A0_deux_t%C3%AAtes

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