Les corans
Pardon pour le drapeau de l'Etat Islamique, mais il ne contient que du bétonné et n'est pas formellement hérétique. Et puis il référence les origines, y compris sa graphie, primitive et originelle (on est loin de la calligraphie ornementale bien connue): le dur, le pur.
Donc: Dieu et Dieu (allah il allah) comme introduction, et puis dans le sceau, muhammad razul allah, mahomet est le prophète d'Allah.
La proclamation basique et essentielle de l'islam donc. De quoi séduire.
On résumera ici un exposé sur le récemment publié "Coran des historiens" (1), expliqué de manière monumentale par de multiples historiens passionnés de "critique" et explicitement à l'oeuvre pour introduire dans un monde islamique pas encore tout à fait prêt (l'euphémisme est optimiste, toutefois) une réflexion sur l'histoire un peu moins sacralisée qu'elle n'est. La "critique" c'est ce qui permettra de faire que la braise sous la cendre, celle qui ne demande qu'a flamber de nouveau pour peu qu'on la remue, soit mieux maitrisée... D'où le titre.
L'immense mérite du propos est son objectivité calme de passionnés de l'histoire de l'antiquité tardive, rompu aux discussions avec les musulmans d'Europe, ceux qui vont bien finir un jour par évoluer un peu. Je ne parle pas de sécularisation et de disparition inéluctable, c'est bien sur ce que tout le monde souhaite, mais on a le droit d'être optimiste, au moins en principe.
L'idée est de faire de l'histoire, de la philologie, de l'analyse ligne à ligne, du suivi de corpus et j'en passe. Des gens d'origines variés, tous à prétention scientifique se sont mis à l'oeuvre. Une sorte de référence dont on attend qu'on la critique.
Brièvement et pour mettre les choses au point. Le Coran est un texte qui a manifestement plusieurs origines et qui fut élaboré collectivement au cours du 7 ème siècle puis son contenu standardisé au 3ème siècle (de l'Hégire). Les fragments connus du 7 ème siècle, même si ils ne diffèrent pas fondamentalement de la version officielle, bien plus tardive, ont deux caractéristiques TRES importantes: ce ne sont que des fragments assez partiels (un pourcentage à déterminer, et il y a 114 sourates en tout dans le coran actuel), et il ne contiennent aucune voyelle et pas de signes diacritiques, tous rajoutés plus tard, et pouvant orienter largement le sens à donner.
On a donc dans un premier temps aucune espèce d'origine unique, que ce soit de la part du "prophète" dont on parle dedans, ou même d'un Dieu qui l'aurait élaboré et ou dicté. Autant le dire: son existence visible rend la prétention invraisemblable, et proprement mythologique. Clair, net et précis. D'autant plus que la centralisation effectuée du texte fut fait de la part d'un empire constitué, déjà garant d'une religion d'Etat au contenu hautement politique.
Multiple et partiellement incohérent, le texte n'est d'autre part pas vraiment "juridique", ou alors très partiellement (seuls 10% du texte le serait effectivement). Il est incohérent pas les tons variés employés, qui traduisent des opinions diverses d'origines variées et dont on ne peut décider le contenu effectif, en fait.
D'un point de vue historique, trois mythes, d'ailleurs largement partagés par les musulmans eux mêmes, peuvent être soldés. D'abord l'historicité de l'Hégire de la Mecque et de Médine. Il n'y a pas de sources historiques autres que la reconstruction islamique impériale pour l'histoire effective de ce qui s'est passé, même si on s'accorde pour attribuer à 622 un évènement marquant.
Sinon, les incessantes guerres civiles des premiers siècles ont tout brouillé, depuis la personne de Mahomet, gentil ermite féministe ou terrorisant satrape chef de guerre polygame, jusqu'à ce qu'on lui fit effectivement à la Mecque et qui justifia sa prédication rebelle. La Sira, sa vie, date du 3ème siècle, et donc le Mahomet historique est perdu, définitivement et pour toujours: ses femmes, ses enfants, sa mort nous sont en fait inconnus.
Ensuite le paganisme Arabe à qui on aurait apporté le monothéisme. Même s'il y avait sans doute des sortes d'animistes dans les déserts arabes, l'Arabie de l'antiquité tardive est en fait un carrefour de toutes les religions de l'époque: les 3 christianismes (éthiopien, syriaque, grec et leur versions iraniennes), les judaïsmes eux même divers et bien sur le manichéisme et l'antique religion iranienne sont présents géographiquement, historiquement et aussi dans le Coran, dans lequel on peut tracer toutes ces origines qui s'y manifestent linguistiquement: un chaudron culturel multiple et au combien. Le Coran est issu de tout cela, bien sur, en tout cas d'une région où le monothéisme et connu et largement pratiqué sous toutes ses formes.
Et puis ensuite les conversions. Les musulmans qui s'appelèrent d'abord eux même "les croyants" avant d'être "l'islam", ne convertirent que petit à petit et la conquête impériale arabe n'imposa sa religion l'islam, qu'en plusieurs siècles. Cela demanda même beaucoup d'efforts. Les coptes ne devinrent minoritaires en Egypte qu'au XIVème siècle!
Un aspect encore du caractère second de l'islam, est la séparation stricte entre l'avant et l'après d'une prédication qui porte les traces d'un discours apocalyptique caractérisé, à la hauteur des terribles bouleversements de l'époque: un empire byzantin ramené à presque rien en quelques années, un empire Sassanide proprement détruit, plus une guerre civile de 3 siècles. Voilà qui a forgé les esprits de l'époque.
L'apocalypse fut maintenant, c'est le moins qu'on puisse dire. D'où mais ça c'est moi qui fait le rapprochement, l'apocalypse, idéologie de l'Etat Islamique alimenté à notre époque par les terribles représentations du temps des origines, qu'ils voulaient et veulent toujours "re" générer...