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  • La Grande Théorie

    Ainsi donc certains se plaignent des présupposés sociologiques. Discipline universitaire, traversée par les doctrines, la science du social ne serait elle qu'un discours politisé motivé par une révélation d'un autre siècle et dont le contenu exact, à cheval entre philosophie et psychologie littéraire serait strictement nul ? 

    J'avoue caresser l'idée et vouloir refonder tout cela en un fantasme amateur de réduction absolue de tout ce fatras à un ensemble de points de vue individuels à collecter et à classer, la valeur explicative de tout cela ne se devant de buter que devant l'absolu individuel perçu par le même (l'individu). Le religieux redeviendrait l'explication du social, et le divin comme motivation, comme indéfinie variation des sentiments personnels des différentes sortes d'humain, l'horizon indépassable de toute motivation. 

    La théorie serait donc une analyse du langage face au divin, comme justification et "raison" du maintien du social, et cela dans tous les cas du social, à travers tous les peuples et toutes les histoires. Car le "social" est lui un concept bien établi: les organisations collectives existent bel et bien et se maintiennent pour des raisons qu'on a le droit d'interroger, mais dont on a pas le droit d'attribuer à des entités dormitives par définition agrégations de rien. 

    Le social est maintenu par l'adhésion rendue collective des individus à une relation personnelle complexe avec un extérieur variable à plusieurs dimensions. Le collectif n'existe pas comme chose extérieure dotée de propriétés et se trouve simplement agrégation pure, par imitation, des comportements individuels. Possiblement émergeant, bien sur, mais purement fictif, et en tout cas pas issu d'une volonté, d'un plan ou d'une rationalité autre que celle des phénomènes collectifs ramenés à des principes évidents d'utilité en contexte. 

    "utilité en contexte": pardon pour l'expression empoulée. La raison d'un phénomène ne peut se ramener à l'utilité pure du fait de sa contextualisation absolument nécessaire. Les mondes symboliques contraignent ce qui est utile et le prestige vaut la survie dans plein de cas. Ce qui fait émerger est le pratique acceptable, et cela se partage.  

    Cette divinisation est exclusive: seul peut être appelé "dieu" ce qu'en disent les gens, ce qui produit un seul être (fictif), celui qui manifestement influe: l'entité derrière le phénomène religieux, forcément existante, comme force sociale, et d'ailleurs la seule acceptable. Voilà la théorie: en gros deux principes fondamentaux: l'individuation de la raison ultime et la collectivisation des raisons par interaction. 

    L'origine physique et historique de l'individuation humaine face ou grâce au religieux est bien sur mystérieuse et se trouve le point "noir" de toute la construction. Notons que la question, scandaleusement sous traitée par toute l'histoire de la réflexion sociétale moderne, reste entière. Je pense que le phénomène religieux au sens large est partie prenante de l'hominisation, ce qui justifie mon approche: l'essentiel c'est l'originel, et le premier discours est celui là. 

    On pourrait parler des chasseurs cueilleurs originels, sans sacrifices et sans dieux, contre exemples systématiques de toute théorie du religieux essentiel. Allant jusqu'à la relativisation des attitudes mentales face à la nature, cela invalide-t-il toute construction individualiste ? Le débat est en cours bien sur, mais je dirais que non: il n'y a pas d'absolues visions du monde, mais des constructions globales en compétition et les humains ne sont pas distincts biologiquement. Voilà pour toi Descola, car on ne me fera pas croire que les animistes n'ont pas une certaine idée de la fiction que constitue cette histoire de plante qui pense...

    Pour être un peu humble, je me réfèrerai aux 3 théologies envisagées par Tilich:  zéro dieu, rien que dieu, et la relation sur base de péché... Zéro dieu, c'est le refus de mettre le religieux à la racine du social, un athéisme mal placé; rien que dieu c'est le déisme typique, trop content de mettre le grand tout au centre; la relation ou aliénation est une interaction avec son origine (on a été crée, bien sur). Pour tout dire, il me semble suivre Tilich: lui aussi pense que le religieux est constitutif de l'humain et de sa culture. Et pourquoi, pas? Il serait alors un sociologue génial en plus qu'un théologien génial. En tout cas, c'est bien à partir de lui que je me fais mes petites idées. Un théologien protestant multiculturaliste, génie fondateur de la nouvelle science du social ? Ah le beau rêve. 

    Tillich sera donc l'inspirateur et il faudra continuer de le lire. En parlant des 3 théologies, on en fera la base des 3 sociologies équivalentes, la vraie étant le seul type de représentation acceptable qui tienne et qui ce qui se passe dans la volition partagée des individus: une interaction avec l'invisible qui nous fait humains et depuis longtemps, et aussi le refus que j'assume de toute espèce de chose conceptuelle qui nous pousserait dans le dos, ou qui serait le nom arbitraire que l'on donne à ce qui nous est commun. Seul "dieu" par définition a droit à ce titre, et il est de l'autre coté de la barrière. 

    Non pas que je sois tombé mystique, mais tant qu'à faire, autant donner une définition "active": la chose est CEQUI agit comme tel dans les psychées humaines, il n'y a qu'à demander. Non pas une chose qui serait plongée dans un science, un concept quelconque, mais une chose "existante" et c'est la seule qui existe comme cela. Inutile d'en théoriser la scientificité ou la matérialité: elle se trouve indépendante, régulièrement décrite comme non matérielle et donc en quelque sorte objective. Plutôt que de prêter à je ne sais quel opium la vertu explicative, ce qui n'est jamais qu'une mythologie de plus, osons le dire: c'est bien au nom du dieu des communistes qu'on part pour le goulag et la raison profonde qui oriente les idéaux est bien l'ailleurs de l'homme, la chose qui fait de lui celui qui peut justifier l'invisible. 

    Notons que cette volonté de rattacher la "sociologie" à quelque chose d'autre que l'insupportable et incompréhensible pseudo science prétentieuse que l'on connait, ne date pas d'hier. Activité infondée, sinon sur les prétentions d'écrivains français talentueux spectateurs de l'avènement de l'immonde bourgeoisie, pourtant souhaitée ardemment un siècle entier par leur parents. Balzac se voyait en "docteur en sciences sociales", Flaubert autant et Zola pratiquait, en plus de la photo et de la bigamie, la "vraie science". Auguste Compte la prétention injustifiée faite homme inventa la mot et on se retrouva donc, c'est la thèse de Wolf Lepenies (1) (après Snow 1959, qui dénonçait la culture littéraire dévoyée dans le nazisme par ignorance des sciences), dans le mixe de deux cultures: on mixa socio (du latin) et logie (du grec) dans un mot insoutenable qui ne désigne rien...

    Et bien, moi, je remplace la littérature par la théologie: car ce n'est que fadaise que la littérature, crée par Molière pour mieux moquer les bourgeois qui voulaient se faire gentilhommes, et cela du point de la royauté (c'est à dire au delà de l'aristocratie) et dévoyée par les contempteurs de la bourgeoise, finalement surtout révoltés par les cocufiages dont ils sont victimes en permanence... La seule exception, Proust,  s'explique autrement, on en reparlera. 

    On peut parler de Bourdieu, brièvement: tout pour le plouc palois, crétin des pyrénées à accent, est à mettre dans la légitimation. Comme si on se préoccupait de la légitimité de Dieu...  

    On en rajoutera avec le célèbre "Les Héritiers" (Bourdieu,Passeron) fondateur de la génération de salopards qui ont détruit l'enseignement scolaire et universitaire en France: obsédé de bourgeoisies et d'inégalités mal placées, les pédagogistes formés aux meilleures sciences ont baissé le niveau jusqu'à mettre les petits africains non francophones à égalité du peuple d'un pays moderne, progressivement sous développé donc et ce n'est pas fini.

    Est il encore temps de foutre en l'air cette science là? Sans doute pas: le renouveau ne viendra qu'après la catastrophe. 

    La méditation sur la nature de la chose est de toutes façons à faire, et il faut attendre le grand âge des criminels pour qu'ils songent avec amertume à leurs crimes (2). Quoique: l'homme se finit avec Marx... Au passage les évocations bienvenues de Certeau (le peuple qui, comme moi, braconne et glane les scories informationnelles que les vrais intellos laissent trainer) , et même de Bourdieu, qui éperdu de sa politique de gauche ne peut que répondre au "que faire" qu'une sans doute future incubée: le clinamen... 

    Quand aux souvenirs des bigots de la bourdieuserie, (3), ils font pitié et ne peuvent être que source de railleries et de détestation. En gros, on consacre ici le mépris pour la philosophie, victime de déclassement face à l'alliance de la psychologie et de la sociologie "vers 1900", et aussi la sainte alliance de la triple vocation pour la "science" sociale, la théorie générale de tout et le nouvel humanisme, incroyable prétention absurde des posts communistes délirants qui croient dominer le monde. Foutre en l'air tout ça? Pas sans les battre de verges d'abord. 

    (1) https://www.exergue.com/h/2017-06/tt/lepenies-trois-cultures.html 

    (2) Passeron se confie: http://journals.openedition.org/traces/3983

    (3) http://zilsel.hypotheses.org/2954#comment-11561